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Document 52010DC0779

RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS Application de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle

/* COM/2010/0779 final */

52010DC0779

/* COM/2010/0779 final */ RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS Application de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle


[pic] | COMMISSION EUROPÉENNE |

Bruxelles, le 22.12.2010

COM(2010) 779 final

RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS

Application de la directive 2004/48/CEdu Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004relative au respect des droits de propriété intellectuelle

SEC(2010) 1589 final

RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS

Application de la directive 2004/48/CEdu Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle

SYNTHÈSE

Il est fondamental, pour promouvoir l'innovation et la créativité, de se doter de moyens efficaces pour faire respecter les droits de propriété intellectuelle. La directive 2004/48/CE relative au respect des droits de propriété intellectuelle harmonise les moyens dont doivent au minimum disposer les titulaires de droits et les pouvoirs publics pour lutter contre les atteintes aux droits de propriété intellectuelle. Elle établit également un cadre général permettant l'échange d'informations et la coopération administrative entre les administrations nationales et avec la Commission.

Une première évaluation de l'impact de la directive montre que des progrès remarquables ont été accomplis depuis son adoption et sa mise en œuvre dans les États membres. La directive a établi des normes juridiques européennes de haut niveau pour faire respecter les différents types de droits qui sont protégés par des régimes juridiques distincts (tels que le droit d'auteur, les brevets, les marques, les dessins et modèles, mais aussi les indications géographiques et les obtentions végétales).

Et pourtant, malgré une amélioration globale des procédures destinées à faire respecter ces droits, le volume et la valeur financière des infractions aux droits de propriété intellectuelle sont alarmants. L'une des raisons en est l'augmentation sans précédent des possibilités d'infractions ouvertes par l'internet. Cet aspect n'entrait pas en compte lors de l'élaboration de la directive.

D'autres questions pourraient nécessiter une attention particulière: l'utilisation des mesures provisoires et conservatoires telles que les injonctions, les procédures visant à rassembler et conserver des preuves (notamment la relation entre le droit d'information et la protection de la vie privée), la clarification de la signification de différentes mesures correctives, y compris les coûts de destruction, et le calcul des dommages-intérêts.

TABLE DES MATIÈRES

SYNTHÈSE 2

1. Introduction 3

2. Objectifs de la directive relative au respect des droits de propriété intellectuelle 5

3. Clarifications éventuellement requises pour assurer une protection plus efficace des droits de propriété intellectuelle et un meilleur fonctionnement du marché intérieur 5

3.1. Défis spécifiques de l'environnement numérique 6

3.2. Le champ d’application de la directive 6

3.3. La notion d'intermédiaires et l'applicabilité des injonctions 6

3.4. Le juste équilibre entre le droit d'information et la législation sur la protection de la vie privée 6

3.5. L'effet compensatoire et dissuasif des dommages-intérêts 6

3.6. Mesures correctives 6

3.7. Autres points 6

4. Conclusion 6

INTRODUCTION

Il est fondamental, pour promouvoir l'innovation et la créativité, de définir des moyens efficaces pour faire respecter les droits de propriété intellectuelle. Le présent rapport fournit la première évaluation de la mise en œuvre et de l'incidence de la directive 2004/48/CE relative au respect des droits de propriété intellectuelle[1] (ci-après «la directive»). Cette évaluation est prévue par l'article 18 de la directive. Elle repose à la fois sur l'appréciation, par la Commission, des progrès réalisés, et sur les retours d'information communiqués par les États membres au moyen des rapports nationaux et reflétant les points de vue exprimés par l'industrie, les praticiens de la justice, les groupements de défense des consommateurs ainsi que d'autres parties intéressées.

Les informations reçues amènent à conclure que la directive a eu des incidences positives considérables pour la protection des droits de propriété intellectuelle au titre du droit civil en Europe. La directive a instauré un cadre simple visant à faire respecter les droits de propriété intellectuelle et assurant, de manière générale, une protection comparable au-delà des frontières nationales. Plus particulièrement, la présomption de la qualité d'auteur ou de titulaire du droit (article 5), la possibilité de présenter un «échantillon» lorsqu'il s'agit de collecter des éléments de preuve (article 6), les mesures provisoires pour la conservation des preuves (article 7) et la possibilité de demander des injonctions à l'encontre des intermédiaires (articles 9 et 11) ont permis de faire appliquer plus efficacement les droits de propriété intellectuelle dans l'UE.

Ceci étant, la transposition de la directive a tardé dans de nombreux États membres (elle ne s'est achevée qu'en 2009)[2] de sorte que son application n'a encore apporté qu'une expérience réduite et que le nombre d'affaires portées devant les tribunaux est limité. La Commission n'a donc pas eu la possibilité de mener une analyse économique critique de l'incidence de la directive sur l'innovation et sur le développement de la société de l'information, comme prévu à l'article 18 de la directive.

Ce point mis à part, cette première évaluation de l'efficacité de la directive vient à point nommé. Plusieurs études réalisées par des organisations internationales et des entreprises du secteur ont montré que les atteintes aux droits de propriété intellectuelle ont pris une ampleur importante, et qu'un certain nombre des produits concernés présente un danger pour la santé et la sécurité des consommateurs[3]. La Commission a réagi en adoptant deux communications[4] au cours des deux dernières années. La deuxième porte notamment sur la création d'un Observatoire européen de la contrefaçon et du piratage en vue de mieux comprendre les infractions aux droits d'auteur et de créer une plate-forme permettant aux représentants des administrations nationales et des parties intéressées d'échanger idées et expérience en matière de bonnes pratiques, de mettre au point des stratégies conjointes en matière d'application des droits et de formuler des recommandations à l'intention des décideurs. Ces communications ont été suivies par deux résolutions du Conseil[5] appuyant la politique préconisée par la Commission. Le rapport adopté par le Parlement européen était également favorable à un renforcement de la politique, au moyen notamment d'un cadre juridique solide visant à lutter contre la contrefaçon et le piratage[6]. Les atteintes aux droits de propriété intellectuelle commises en dehors de l'UE sont aussi très préoccupantes. La Commission s'attaque à ce problème de diverses manières, par exemple en incluant d'ambitieux chapitres sur les droits de propriété intellectuelle dans les accords commerciaux bilatéraux et en prenant part à des initiatives internationales, telles que la négociation actuelle sur l'accord commercial anticontrefaçon (ACAC)[7].

L'analyse montre que certaines dispositions de la directive, et notamment le lien avec d'autres directives, sont comprises différemment selon les États membres et ont donné lieu à des interprétations divergentes et des applications différentes dans la pratique . Ces dispositions gagneraient à être précisées aux fins d'assurer la pleine efficacité de la directive.

L' internet et les technologies numériques ont ajouté une dimension supplémentaire qui rend plus difficile l'application des droits de propriété intellectuelle. D'une part, l'internet a permis aux créateurs, aux inventeurs et à leurs partenaires commerciaux de trouver de nouvelles manières de commercialiser leurs produits. D'autre part, il a également ouvert la voie à de nouvelles formes de violations, dont certaines se sont avérées difficiles à empêcher.

Le présent rapport expose une série de points concrets susceptibles de nécessiter une clarification, en vue notamment d'adapter la directive aux nouveaux défis inhérents à une société numérique moderne. Il est accompagné d'un document de travail des services de la Commission qui complète les informations et le contexte dont découlent les conclusions du rapport.

OBJECTIFS DE LA DIRECTIVE RELATIVE AU RESPECT DES DROITS DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

Les disparités entre les systèmes appliqués par les États membres pour faire respecter les droits de propriété intellectuelle sapent le bon fonctionnement du marché intérieur et affaiblissent l'application du droit matériel dans ce domaine. Il en découle des entraves aux activités transnationales, une perte de confiance sur le marché intérieur et une baisse des investissements dans l'innovation et la création. La directive rapproche les systèmes législatifs nationaux afin de donner aux titulaires de droits d'auteurs et aux autorités des États membres un ensemble minimal mais homogène d'outils pour lutter contre les atteintes aux droits de propriété intellectuelle.

La directive intègre dans le cadre juridique de l'UE des mesures de droit civil en vertu de l'accord TRIPS[8]. Elle va au-delà des dispositions minimales fixées dans cet accord puisqu'elle traite également, par exemple, des dommages-intérêts, des mesures correctives et des preuves. Par ailleurs, la directive est basée sur les pratiques inscrites dans la législation des États membres qui se sont avérées les plus efficaces antérieurement à son adoption (approche fondée sur les bonnes pratiques). Les États membres peuvent également ajouter des sanctions et des réparations plus favorables aux titulaires de droits d'auteurs[9]. La directive fournit donc un cadre juridique minimal mais flexible pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle.

CLARIFICATIONS ÉVENTUELLEMENT REQUISES POUR ASSURER UNE PROTECTION PLUS EFFICACE DES DROITS DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE ET UN MEILLEUR FONCTIONNEMENT DU MARCHÉ INTÉRIEUR

L'analyse de la mise en œuvre de la directive dans les États membres fait apparaître qu'elle jette des bases solides pour l'application des droits de propriété intellectuelle sur le marché intérieur, mais qu'il pourrait être nécessaire de clarifier certains points afin de prévenir toute ambiguïté et d'adapter la directive aux nouveaux défis qu'entraîne plus particulièrement l'environnement numérique d'aujourd'hui.

Défis spécifiques de l'environnement numérique

Le caractère universel de l'internet permet de commettre aisément toute une série d'infractions aux droits de propriété intellectuelle. Des produits portant atteinte à ces droits sont offerts à la vente sur l'internet. Les moteurs de recherche permettent souvent aux fraudeurs d'attirer les internautes pour leur proposer d'acheter ou de télécharger les produits qu'ils offrent de manière illégale. Le partage de fichiers dont le contenu est protégé par des droits d'auteur s'est généralisé, en partie parce que l'offre légale de contenus numériques n'a pas pu se développer au même rythme que la demande, notamment au niveau transnational, de sorte que bon nombre de citoyens respectueux des lois ont massivement enfreint le droit d'auteur et les droits voisins en téléchargeant de manière illégale et en diffusant des contenus protégés par le droit d'auteur. De nombreux sites hébergent des œuvres protégées ou facilitent leur diffusion en ligne, sans le consentement des titulaires des droits. Il pourrait être nécessaire, dans ce contexte, d'évaluer clairement les limitations du cadre juridique en vigueur.

Le champ d’application de la directive

La directive s'applique à toute atteinte aux droits de propriété intellectuelle protégés au titre de la législation européenne ou nationale et ne contient aucune définition des droits de propriété intellectuelle qu'elle couvre. Bien que cette approche souple offre plusieurs avantages, des interprétations divergentes de la notion de «droit de propriété intellectuelle» ont amené les États membres à demander à la Commission de publier une liste minimale des droits de propriété intellectuelle qu'elle considère comme couverts par la directive[10].

Même après la publication de cette clarification, il subsiste des hésitations quant à savoir si certains droits protégés en vertu de la législation nationale sont couverts ou non par la directive. Ces incertitudes portent principalement sur les noms de domaine, les droits nationaux concernant des éléments tels que les secrets de fabrication (notamment le savoir-faire) et sur certains actes qui relèvent souvent du droit interne en matière de concurrence déloyale, tels que les copies parasites et d'autres formes de «concurrence à la limite de la loi». Ces formes de mauvaise conduite commerciale semblent également être en augmentation. Elles ont souvent des effets préjudiciables sur les titulaires des droits d'auteurs, sapent l'innovation et n'apportent que des avantages à court terme aux consommateurs. Il pourrait être utile d'approfondir l'évaluation de ce phénomène négatif et d'examiner la nécessité d'inclure, dans la directive, une liste minimale des droits de propriété intellectuelle couverts.

La notion d'intermédiaires et l'applicabilité des injonctions

La directive interprète de manière très large la notion d'«intermédiaires», pour inclure tous les intermédiaires «dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle». Cela implique que même les intermédiaires qui n'ont aucun lien contractuel ni aucune relation avec le contrevenant sont soumis aux dispositions prévues par la directive.

Or, le niveau de preuves qu'exigent les tribunaux dans les États membres est en général relativement élevé. Il subsiste en outre des incertitudes en ce qui concerne les intermédiaires et les mesures spécifiques dont ils relèvent lorsqu'ils contribuent ou facilitent une infraction, indépendamment de leur responsabilité.

Les intermédiaires qui transportent des marchandises soupçonnées d'enfreindre les droits de propriété intellectuelle (tels que les transporteurs, les transitaires ou les agents maritimes) peuvent jouer un rôle crucial dans le contrôle de la diffusion de marchandises portant atteinte aux droits de propriété intellectuelle. Les plates-formes internet telles que les marchés en ligne ou les moteurs de recherche peuvent aussi jouer un rôle essentiel dans la réduction du nombre d'infractions, par le biais notamment de mesures de prévention et de politiques de «notification et retrait».

Les fournisseurs de services internet influencent également de manière fondamentale la manière dont fonctionne l'environnement en ligne. Ils fournissent l'accès à l'internet et relient entre eux les réseaux, hébergent les sites web et les serveurs. En tant qu'intermédiaires entre tous les utilisateurs de l'internet et les titulaires de droits d'auteurs, ils se retrouvent souvent dans une situation compromettante en raison des actes illégaux commis par leurs clients. C'est pourquoi la législation de l'UE contient déjà des dispositions spécifiques limitant la responsabilité des fournisseurs de services internet dont les services sont utilisés pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle[11].

Les mesures à prendre contre les intermédiaires concernent, notamment, le droit d'information, les mesures provisoires et conservatoires (par exemple les ordonnances de référé) ou les injonctions permanentes.

La directive laisse aux États membres la faculté de déterminer le moment et la manière d'émettre une injonction à l'encontre d'un intermédiaire. Pour que ce système soit efficace, il pourrait être utile de préciser que les injonctions ne devraient pas dépendre du fait que la responsabilité de l'intermédiaire ait été mise en cause. En outre, les résultats présentés dans le document de travail des services de la Commission accompagnant le présent rapport indiquent que les instruments législatifs et non législatifs actuellement disponibles ne sont pas suffisamment forts pour permettre de lutter de manière efficace contre les atteintes en ligne aux droits de propriété intellectuelle. La Commission pourrait examiner comment impliquer plus étroitement les intermédiaires, compte tenu de leur position favorable pour contribuer à prévenir les infractions en ligne et à y mettre fin.

Le juste équilibre entre le droit d'information et la législation sur la protection de la vie privée

Le droit d'information oblige le contrevenant ou une autre personne à fournir au titulaire de droits des informations sur l'origine et les réseaux de distribution des marchandises portant atteinte aux droits de propriété intellectuelle. La difficulté majeure concernant ce droit d'information est la nécessité de respecter la législation sur la protection de la vie privée et la protection des données à caractère personnel.

Dans certains États membres, le droit d'information prévu par la directive semble être accordé de manière très restrictive, en raison principalement des législations nationales sur la protection et la conservation des données à caractère personnel[12]. Cette question pourrait mériter une attention particulière. Les législations nationales doivent également permettre aux tribunaux d'appliquer la législation de l'UE sur le respect des droits de propriété intellectuelle. Selon la Cour de justice de l'Union européenne, il faut parvenir à un juste équilibre entre les différents droits en jeu (tels que le droit à la protection des données et le droit de propriété, qui comprend les droits de propriété intellectuelle)[13] étant donné que la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne[14] reconnaît à la fois la protection des données et de la vie privée et la protection de la propriété intellectuelle comme des droits fondamentaux.

Le cadre juridique européen sur la protection des données à caractère personnel[15], d'une part, et le respect des droits de propriété intellectuelle, d'autre part, sont sur un pied d'égalité, en ce sens qu'aucune règle ne prévoit que le droit à la protection de la vie privée devrait généralement primer sur le droit de propriété ou vice versa. Les législations nationales mettant les différentes directives en œuvre doivent être donc conçues de manière à trouver dans chaque cas un équilibre entre ces droits, afin de garantir que les dispositions relatives au droit d'information puissent protéger efficacement les titulaires de droits sans compromettre les droits liés à la protection des données à caractère personnel. Il pourrait être nécessaire de continuer à évaluer dans quelle mesure les législations des États membres et leurs modalités d'application sont conformes à ces exigences. Le cas échéant, on pourrait étudier des moyens de remédier à la situation et de parvenir à un équilibre adéquat entre les différents droits en jeu.

L'effet compensatoire et dissuasif des dommages-intérêts

Les mesures, procédures et réparations prévues par la directive doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. À l'heure actuelle, les dommages-intérêts octroyés dans les affaires de droits de propriété intellectuelle restent comparativement faibles. Seuls quelques États membres ont signalé une augmentation des dommages-intérêts octroyés suite à la mise en œuvre de la directive.

Selon les informations communiquées par des titulaires de droits, l'octroi de dommages-intérêts ne semble pas réellement dissuader les contrevenants potentiels d'entreprendre des activités illicites. Ceci est particulièrement vrai lorsque les dommages-intérêts accordés par les tribunaux sont inférieurs au bénéfice engrangé par les contrevenants.

L'octroi de dommages-intérêts vise principalement à placer les titulaires de droits dans la même situation que s'il n'y avait pas eu violation de leurs droits. Or de nos jours, les bénéfices des contrevenants (enrichissement indu) semblent souvent sensiblement plus élevés que le préjudice réellement subi par le titulaire des droits. En pareil cas, on pourrait examiner si les tribunaux devraient être habilités à accorder des dommages-intérêts proportionnels à l'enrichissement indu des contrevenants, même s'ils sont supérieurs au préjudice réel subi par le titulaire des droits. De manière analogue, il pourrait être justifié de recourir davantage à la possibilité d'accorder des dommages-intérêts pour d'autres conséquences économiques et pour le préjudice moral subi.

Dans les cas où le contrevenant est une personne morale et que le titulaire des droits n'obtient pas des dommages-intérêts parce que le contrevenant ne possède pas d'actifs, a été mis en liquidation ou est insolvable pour tout autre motif, il pourrait y avoir lieu d'évaluer si le titulaire des droits peut réclamer des dommages-intérêts au directeur général de la société en vertu du droit interne, et dans quelles conditions le cas échéant.

Mesures correctives

Comme l'indique de manière plus détaillée le document de travail des services de la Commission, il pourrait être nécessaire de clarifier davantage la définition des «mesures correctives». Plus particulièrement, la plupart des législations nationales ne font pas de distinction claire entre le «rappel» et «la mise à l'écart définitive» des marchandises dont on a constaté qu'elles portent atteinte à un droit de propriété intellectuelle, pour les retirer des circuits commerciaux. Il conviendrait aussi de préciser comment appliquer ces mesures si les marchandises ne sont plus en possession du contrevenant.

Enfin, pour ce qui est des coûts liés à la destruction des marchandises portant atteinte aux droits de propriété intellectuelle, on pourrait examiner comment veiller à ce que le tribunal puisse directement imposer ces coûts à la partie qui succombe

Autres points

L'analyse de la mise en œuvre de la directive par les États membres fait ressortir un certain nombre d'autres questions qui pourraient mériter un examen plus approfondi au niveau de l'UE.

Premièrement, il semble que les États membres ont rarement repris les dispositions facultatives de la directive (concernant les descriptions par exemple, prévoyant qu'un greffier se rende sur les lieux du contrevenant présumé et examine la situation. Dans certains États membres, cette disposition facultative de la directive n'a pas été mise en œuvre pour les procédures civiles et ce type de mesure est donc uniquement applicable dans le cadre d'une procédure pénale). Plus rares encore sont les cas où les États membres, conformément à l'article 2, paragraphe 1, ont adopté des réglementations qui sont plus favorables aux titulaires de droits que les dispositions prévues par la directive. Les raisons pourraient en être étudiées plus en détail. Le lien qui existe dans les réglementations des États membres entre l'exigence prévoyant que l'atteinte doit être commise à «l'échelle commerciale» (c'est-à-dire que l'infraction doit être commise dans le but d'obtenir un avantage économique ou commercial direct ou indirect) et le droit d'information nécessiterait également une étude plus approfondie.

Deuxièmement, il pourrait y avoir lieu d'évaluer les options disponibles pour résoudre les problèmes liés à la collecte de preuves dans les affaires transnationales, de même que la nécessité de définir plus précisément dans quelle situation on peut considérer que des informations sont «sous le contrôle» d'une partie dans une procédure judiciaire (article 6, paragraphe 1). Il pourrait aussi valoir la peine d'examiner plus attentivement si les règles actuelles en matière de collecte de preuves dans des cas impliquant des renseignements confidentiels créent des problèmes dans la pratique, notamment dans le cadre de mesures provisoires et dans les cas où la notion de confidentialité diffère entre pays.

Enfin, il pourrait y avoir lieu d'étudier l'intérêt d'harmoniser l'utilisation secondaire des marchandises portant atteinte aux droits de propriété intellectuelle, ainsi que les éventuels problèmes liés à cette harmonisation.

CONCLUSION

Les atteintes aux droits de propriété intellectuelle entraînent un vaste préjudice économique. De très nombreux produits portant atteinte aux droits de propriété intellectuelle présentent actuellement une menace réelle pour la santé et la sécurité des consommateurs. Il est fondamental de protéger correctement les droits de propriété intellectuelle pour promouvoir l'innovation et la culture dans une économie de la connaissance concurrentielle et génératrice de richesse. Il convient d'équilibrer soigneusement différents intérêts. À cet effet, la Commission poursuivra activement son engagement avec toutes les parties concernées.

La conclusion principale de cette première évaluation de la directive est que celle-ci a eu des incidences positives considérables pour la protection des droits de propriété intellectuelle au titre du droit civil en Europe. Ceci étant, il s'est avéré que le défi posé par l'internet par rapport à l'application des droits de propriété intellectuelle n'était pas entré en ligne de compte lors de l'élaboration de la directive. De plus, un certain nombre de questions pourraient mériter un examen plus approfondi. Citons notamment l'utilisation des mesures provisoires et conservatoires telles que les injonctions, les procédures visant à rassembler et conserver des preuves (y compris en ce qui concerne la relation entre le droit d'information et la protection de la vie privée), la clarification de la signification de différentes mesures correctives, y compris les coûts de destruction, et le calcul des dommages-intérêts.

Pour éclairer ses décisions concernant d'éventuelles mesures à envisager et pour alimenter l'évaluation approfondie des incidences qu'elle entame au sujet des questions abordées par le présent rapport, la Commission invite le Parlement européen, le Conseil de ministres, les États membres, le Comité économique et social européen et toutes les autres parties intéressées à lui transmettre leurs observations sur le présent rapport pour le 31 mars 2011 au plus tard.

[1] JO L 157 du 30.4.2004, p. 16.

[2] La date limite de mise en œuvre de la directive, pour les 25 États membres d'alors, était fixée au 29 avril 2006. Les détails relatifs au processus de transposition figurent à l'annexe 1 du document de travail des services de la Commission, qui accompagne le présent rapport.

[3] Voir par exemple http://www.iccwbo.org/uploadedFiles/BASCAP/Pages/OECD-FullReport.pdf; http://www.iccwbo.org/uploadedFiles/BASCAP/Pages/Building%20a%20Digital%20Economy%20-%20TERA(1).pdf.

[4] Communication de la Commission du 16 juillet 2006 intitulée «Une stratégie dans le domaine des droits de propriété industrielle pour l’Europe» [COM(2008)465 final]; communication de la Commission intitulée «Renforcer l'application des droits de propriété intellectuelle sur le marché intérieur» [COM (2009) final 467].

[5] Résolution du Conseil du 25 septembre 2008 sur un plan européen global de lutte contre la contrefaçon et le piratage (JO C 253 du 4.10.2008, p. 1); résolution du Conseil du 1er mars 2010 relative au respect des droits de propriété intellectuelle sur le marché intérieur (JO C 56 du 6.3.2010, p. 1).

[6] Résolution du Parlement européen du 22 septembre 2010 sur l'application des droits de propriété intellectuelle sur le marché intérieur (2009/2178 (INI)), A7-0175/2010.

[7] Voir les détails à l'adresse http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2005:129:0003:0016:FR:PDF.

[8] Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle touchant au commerce («accord TRIPs»); Décision 94/800/CE du Conseil du 22 décembre 1994 relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l'Uruguay (1986-1994), JO L 336 du 23.12.1994, p. 1.

[9] Voir l'article 2, point 1), de la directive 2004/48/CE

[10] Déclaration de la Commission concernant l'article 2 de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil relative au respect des droits de propriété intellectuelle (2005/295/CE), JO L94 du 13.4.2005, p. 37.

[11] Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (directive sur le commerce électronique), JO L 178 du 17.7.2000, p. 1.

[12] L'Autriche et l'Espagne par exemple, selon l'étude de 2009 sur la protection des données et le respect des droits d'auteur en ligne dans une sélection d’États membres, rédigée par Hunton & Williams, Bruxelles, (http://ec.europa.eu/internal_market/iprenforcement/docs/study-online-enforcement_en.pdf).

[13] Arrêt du 29 janvier 2008 dans l'affaire C-275/06 Productores de Música de España (Promusicae) contre Telefónica de España SAU; arrêt du 19 février 2009 dans l'affaire C-557/07 lsg-Gesellschaft zur Wahrnehmung von Leistungschutzrechten GMBH contre Tele2 Telecommunication GMBH.

[14] Article 7, article 8 et article 17, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (2000/C 364/01), JO C364 du 18.12.2000, p. 1.

[15] Notamment la directive 95/46/CE relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JO L 281 du 23.11.1995, p. 31) et la directive 2002/58/CE concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (JO L 201 du 31.7.2002, p. 37).

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