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Document 62011CJ0403

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 4 octobre 2012.
Commission européenne contre Royaume d'Espagne.
Manquement d’État – Directive 2000/60/CE – Plans de gestion de district hydrographique – Publication et notification à la Commission – Information et consultation du public – Absence.
Affaire C‑403/11.

Recueil de jurisprudence 2012 -00000

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2012:612

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

4 octobre 2012 (*)

«Manquement d’État – Directive 2000/60/CE – Plans de gestion de district hydrographique – Publication et notification à la Commission – Information et consultation du public – Absence»

Dans l’affaire C‑403/11,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 27 juillet 2011,

Commission européenne, représentée initialement par MM. I. Hadjiyannis et G. Valero Jordana, puis par ce dernier et M. B. Simon, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume d’Espagne, représenté par M. A. Rubio González, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. U. Lõhmus, président de chambre, MM. A. Ó Caoimh et C. G. Fernlund (rapporteur), juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en n’ayant pas adopté ni notifié à la Commission et aux autres États membres concernés les plans de gestion de district hydrographique et en n’ayant pas pris certaines mesures d’information et de consultation du public, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu:

–        de l’article 13, paragraphes 1 à 3 et 6, de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (JO L 327, p. 1), telle que modifiée par la directive 2008/32/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2008 (JO L 81, p. 60, ci-après la «directive 2000/60»), sauf dans le cas du district du bassin hydrographique de la Catalogne,

–        de l’article 14, paragraphe 1, sous c), de cette directive, sauf en ce qui concerne les plans de gestion de bassin hydrographique de la Catalogne, des îles Baléares, de Ténériffe, du Guadiana, du Guadalquivir, du bassin méditerranéen andalou, du Tinto-Odiel-Piedras, du Guadalete-Barbate, de la côte de Galice, du Miño-Sil, du Douro, de la Cantabrique occidentale et de la Cantabrique orientale, et

–        de l’article 15, paragraphe 1, de la même directive, sauf dans le cas du district du bassin hydrographique de la Catalogne.

 Le cadre juridique

2        L’article 13, paragraphes 1 à 4 et 6, de la directive 2000/60, intitulé «Plans de gestion de district hydrographique», est libellé comme suit:

«1.      Les États membres veillent à ce qu’un plan de gestion de district hydrographique soit élaboré pour chaque district hydrographique entièrement situé sur leur territoire.

2.      Dans le cas d’un district hydrographique international situé entièrement sur le territoire de la Communauté, les États membres en assurent la coordination en vue de produire un seul plan de gestion de district hydrographique international. En l’absence d’un tel plan, les États membres produisent un plan de gestion de district hydrographique couvrant au moins les parties du district hydrographique international situées sur leur territoire en vue de réaliser les objectifs de la présente directive.

3.      Dans le cas d’un district hydrographique international s’étendant au-delà des limites de la Communauté, les États membres s’efforcent de produire un seul plan de gestion de district hydrographique et, s’ils ne peuvent le faire, le plan couvrira au moins la portion du district hydrographique international située sur le territoire de l’État membre concerné.

4.      Le plan de gestion de district hydrographique comporte les informations détaillées visées à l’annexe VII.

[...]

6.      Les plans de gestion de district hydrographique sont publiés au plus tard neuf ans après la date d’entrée en vigueur de la présente directive.»

3        L’article 14 de ladite directive, intitulé «Information et consultation du public», prévoit à son paragraphe 1:

«Les États membres encouragent la participation active de toutes les parties concernées à la mise en œuvre de la présente directive, notamment à la production, à la révision et à la mise à jour des plans de gestion de district hydrographique. Les États membres veillent à ce que, pour chaque district hydrographique, soient publiés et soumis aux observations du public, y compris des utilisateurs:

[...]

c)      un projet de plan de gestion de district hydrographique, un an au moins avant le début de la période de référence du plan.

[...]»

4        L’article 15 de la même directive, intitulé «Notification», dispose à son paragraphe 1:

«Les États membres communiquent des copies des plans de gestion de district hydrographique et de toutes les mises à jour subséquentes à la Commission et aux autres États membres concernés dans les trois mois qui suivent leur publication:

a)      pour les districts hydrographiques entièrement situés sur le territoire d’un État membre, tous les plans de gestion couvrant ce territoire national et publiés conformément à l’article 13;

b)      dans le cas des districts hydrographiques internationaux, au moins la partie du plan de gestion intéressant le territoire de l’État membre.»

 La procédure précontentieuse

5        Le 4 juin 2010, la Commission a adressé une lettre de mise en demeure au Royaume d’Espagne, dans laquelle elle indiquait que ce dernier n’avait pas satisfait aux obligations lui incombant en vertu des articles 13, paragraphes 1, 2 et 6, 14, paragraphe 1, sous c), sauf en ce qui concerne la Catalogne et les îles Baléares, et 15, paragraphe 1, de la directive 2000/60.

6        Le Royaume d’Espagne a répondu à cette lettre de mise en demeure par lettres des 6 et 24 août ainsi que du 30 septembre 2010.

7        L’analyse de ces réponses a conduit la Commission à adresser au Royaume d’Espagne une lettre de mise en demeure complémentaire le 29 octobre 2010 portant sur l’article 13, paragraphe 3, de la directive 2000/60.

8        Le Royaume d’Espagne a répondu à la lettre de mise en demeure complémentaire par lettre en date du 21 décembre 2010.

9        Considérant que ladite réponse constituait une preuve de la non-exécution des dispositions en cause de la directive 2000/60, la Commission a, le 28 janvier 2011, adressé un avis motivé au Royaume d’Espagne, en invitant ce dernier à se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci. Cet État membre y a répondu par lettre du 4 avril 2011.

10      La Commission, considérant que les réponses fournies par le Royaume d’Espagne dans ledit délai de deux mois n’étaient pas satisfaisantes, a décidé d’introduire le présent recours.

 Sur le recours

 Argumentation des parties

11      La Commission fait valoir que, à la date du 22 décembre 2009 fixée par la directive 2000/60, à l’exception du plan de gestion de district du bassin hydrographique de la Catalogne, le Royaume d’Espagne n’avait pas adopté ni publié les plans de gestion de district hydrographique requis par l’article 13, paragraphes 1 à 3 et 6, de cette directive, de sorte que cet État membre a enfreint ces dispositions.

12      La Commission soutient également que, sauf en ce qui concerne les plans de gestion de district du bassin hydrographique de la Catalogne, des îles Baléares, de Ténériffe, du Guadiana, du Guadalquivir, du bassin méditerranéen andalou, du Tinto-Odiel-Piedras, du Guadalete-Barbate, de la côte de Galice, du Miño-Sil, du Douro, de la Cantabrique occidentale et de la Cantabrique orientale, le processus d’information et de consultation du public, en ce qui concerne les projets de plans de gestion des districts hydrographiques, n’a pas commencé en Espagne et que ledit État membre ne s’est donc pas conformé à l’article 14, paragraphe 1, sous c), de la même directive.

13      En outre, la Commission fait valoir que, à l’exception du plan de gestion de district du bassin hydrographique de la Catalogne, elle n’a pas non plus reçu de copies des plans de gestion à la date du 22 mars 2010, fixée par la directive 2000/60. Elle estime par conséquent que le Royaume d’Espagne a également enfreint l’article 15, paragraphe 1, de cette directive.

14      Le Royaume d’Espagne ne nie pas que des retards ont été pris pour l’adoption et la publication des plans de gestion des districts hydrographiques concernés par le manquement reproché ainsi que pour l’information du public et la notification à la Commission et aux autres États membres concernés exigées par les articles 13, paragraphes 1 à 3 et 6, 14, paragraphe 1, sous c), et 15, paragraphe 1, de ladite directive, mais il fait valoir, en premier lieu, que la complexité du système juridique et institutionnel en Espagne, notamment la répartition des compétences entre l’État et les Communautés autonomes, explique ces retards.

15      Le Royaume d’Espagne invoque par ailleurs les progrès accomplis dans l’adoption des plans de gestion des districts hydrographiques en cause ainsi que le calendrier des prochaines mesures envisagées.

16      Le Royaume d’Espagne fait valoir, en second lieu, que, en tout état de cause, il existe en Espagne des plans de gestion en vigueur pour tous les bassins hydrographiques, tant pour ceux relevant de la compétence de l’État que pour ceux relevant de la compétence des Communautés autonomes, dont les objectifs sont analogues à ceux fixés par la directive 2000/60, même s’ils ont été approuvés avant l’adoption de celle-ci. Par conséquent, la protection des eaux en Espagne ne contiendrait aucune lacune. Cet État membre estime qu’il incombait à la Commission d’apporter la preuve que ces plans ne correspondent pas aux objectifs de cette directive, ce qu’elle s’est abstenue de faire. Il en résulterait que la Commission n’a pas démontré l’existence du manquement allégué.

 Appréciation de la Cour

17      Dans le cadre d’une procédure en manquement, il incombe à la Commission, en vertu de l’article 258 TFUE, d’établir l’existence du manquement allégué. C’est elle qui doit apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle‑ci de l’existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque (voir, notamment, arrêts du 25 mai 1982, Commission/Pays‑Bas, 96/81, Rec. p. 1791, point 6, et du 12 septembre 2000, Commission/Pays‑Bas, C‑408/97, Rec. p. I‑6417, point 15).

18      Toutefois, les États membres sont tenus, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE, de faciliter à la Commission l’accomplissement de sa mission, consistant notamment, selon l’article 17, paragraphe 1, TUE, à veiller à l’application des dispositions des traités ainsi que des dispositions prises par les institutions en vertu de ceux-ci (arrêts précités du 25 mai 1982, Commission/Pays‑Bas, point 7, et du 12 septembre 2000, Commission/Pays‑Bas, point 16).

19      Dans cette perspective, il convient de tenir compte du fait que, s’agissant de vérifier l’application correcte en pratique des dispositions nationales destinées à assurer la mise en œuvre effective de la directive 2000/60, la Commission, qui ne dispose pas dans cette matière, de pouvoirs propres d’investigation, est largement tributaire des éléments fournis par d’éventuels plaignants ainsi que par l’État membre concerné (voir, par analogie, arrêt du 12 septembre 2000, Commission/Pays‑Bas, précité, point 17).

20      Il s’ensuit notamment que, lorsque la Commission a fourni suffisamment d’éléments faisant apparaître certains faits situés sur le territoire de l’État membre défendeur, il incombe à celui‑ci de contester de manière substantielle et détaillée les données ainsi présentées et les conséquences qui en découlent (voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 1999, Commission/Italie, dit «San Rocco», C‑365/97, Rec. p. I‑7773, points 84 et 86).

21      En l’espèce, la Commission fait valoir que le Royaume d’Espagne n’avait pas adopté ni publié tous les plans de gestion de district hydrographique requis par l’article 13, paragraphes 1 à 3 et 6, de la directive 2000/60 et qu’il ne s’était pas non plus conformé aux obligations de consultation du public et de notification à la Commission et aux autres États membres concernés prévues respectivement aux articles 14, paragraphe 1, sous c), et 15, paragraphe 1, de cette directive. Tout en reconnaissant qu’il avait pris du retard dans la transposition de ces dispositions dans son ordre juridique interne, le Royaume d’Espagne soutient que les objectifs des plans de gestion de district hydrographique existants correspondent aux objectifs de ladite directive.

22      Il convient de constater que la directive 2000/60 énonce, d’une part, des objectifs généraux et prévoit, d’autre part, des obligations précises en ce qui concerne l’adoption et le contenu des plans de gestion de district hydrographique, en particulier à l’article 13, paragraphes 1 à 4 et 6, de cette directive, lu conjointement avec l’annexe VII de celle-ci, visant à mettre en œuvre lesdits objectifs.

23      Or, le Royaume d’Espagne s’est borné à fournir, au stade de la duplique, une liste des plans de gestion en vigueur dans cet État membre, sans apporter, ni à ce stade ni dans son mémoire en défense, de précisions quant au contenu de tels plans. À cet égard, il n’a pas cherché à démontrer que ces plans contenaient les informations détaillées visées à l’annexe VII de la directive 2000/60.

24      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, en se contentant d’affirmer que les plans de gestion de district hydrographique actuellement en vigueur contiennent des éléments qui correspondent au contenu minimal fixé dans ladite directive et qu’ils visent des objectifs analogues à ceux poursuivis par cette dernière, le Royaume d’Espagne n’a pas contesté de manière substantielle et détaillée les griefs de la Commission relatifs à l’adoption des plans de gestion. Il convient donc de rejeter le premier moyen de défense invoqué par le Royaume d’Espagne.

25      S’agissant en outre des arguments invoqués par le Royaume d’Espagne pour justifier les retards pris dans la mise en œuvre des dispositions de la directive 2000/60 ayant donné lieu au recours en manquement et tenant à la complexité du système juridique et institutionnel espagnol, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un État membre ne saurait exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre juridique interne pour justifier l’inobservation des obligations et délais prescrits par une directive (voir, notamment, arrêt du 13 juillet 2006, Commission/Portugal, C‑61/05, Rec. p. I‑6779, point 31 et jurisprudence citée).

26      À cet égard, il convient également de rappeler que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêts du 26 avril 2007, Commission/Italie, C‑135/05, Rec. p. I‑3475, point 36, et du 25 mars 2010, Commission/Grèce, C‑169/09, point 11).

27      Or, il est constant, ainsi qu’il ressort du point 14 du présent arrêt, que le Royaume d’Espagne ne conteste pas que toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux articles 13, paragraphes 1 à 3 et 6, 14, paragraphe 1, sous c), et 15, paragraphe 1, de la directive 2000/60 n’ont pas été prises dans les délais prescrits et que cet État membre a reconnu que celles-ci sont en cours d’adoption.

28      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer le recours introduit par la Commission comme fondé.

29      Par conséquent, il convient de constater que le Royaume d’Espagne:

–        en n’ayant pas adopté, pour le 22 décembre 2009, les plans de gestion de district hydrographique, sauf dans le cas du district du bassin hydrographique de la Catalogne, et en n’ayant pas notifié à la Commission et aux autres États membres concernés, pour le 22 mars 2010, une copie de ces plans, conformément aux articles 13, paragraphes 1 à 3 et 6, ainsi que 15, paragraphe 1, de la directive 2000/60, et

–        en n’ayant pas engagé, pour le 22 décembre 2008 au plus tard, sauf en ce qui concerne les districts de bassin hydrographique de la Catalogne, des îles Baléares, de Ténériffe, du Guadiana, du Guadalquivir, du bassin méditerranéen andalou, du Tinto-Odiel-Piedras, du Guadalete-Barbate, de la côte de Galice, du Miño-Sil, du Douro, de la Cantabrique occidentale et de la Cantabrique orientale, la procédure d’information et de consultation du public concernant les projets des plans de gestion de district hydrographique, conformément à l’article 14, paragraphe 1, sous c), de cette directive,

a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu desdites dispositions.

 Sur les dépens

30      Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume d’Espagne et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête:

1)      Le Royaume d’Espagne:

–        en n’ayant pas adopté, pour le 22 décembre 2009, les plans de gestion de district hydrographique, sauf dans le cas du district du bassin hydrographique de la Catalogne, et en n’ayant pas notifié à la Commission européenne et aux autres États membres concernés, pour le 22 mars 2010, une copie de ces plans, conformément aux articles 13, paragraphes 1 à 3 et 6, ainsi que 15, paragraphe 1, de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, telle que modifiée par la directive 2008/32/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2008, et

–        en n’ayant pas engagé, pour le 22 décembre 2008 au plus tard, sauf en ce qui concerne les districts de bassin hydrographique de la Catalogne, des îles Baléares, de Ténériffe, du Guadiana, du Guadalquivir, du bassin méditerranéen andalou, du Tinto-Odiel-Piedras, du Guadalete-Barbate, de la côte de Galice, du Miño-Sil, du Douro, de la Cantabrique occidentale et de la Cantabrique orientale, la procédure d’information et de consultation du public concernant les projets des plans de gestion de district hydrographique, conformément à l’article 14, paragraphe 1, sous c), de cette directive,

a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu desdites dispositions.

2)      Le Royaume d’Espagne est condamné aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’espagnol.

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