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Document 52020AE4226

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur un nouveau pacte sur la migration et l’asile [COM(2020) 609 final]

EESC 2020/04226

JO C 123 du 9.4.2021, p. 15–21 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

9.4.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 123/15


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur un nouveau pacte sur la migration et l’asile

[COM(2020) 609 final]

(2021/C 123/04)

Rapporteur:

José Antonio MORENO DÍAZ

Corapporteur:

Cristian PÎRVULESCU

Consultation

Commission européenne, 11.11.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

17.12.2020

Adoption en session plénière

27.1.2021

Session plénière no

557

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

203/0/19

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

L’Union européenne doit trouver le juste équilibre entre une gestion des migrations efficace et réaliste qui soit humaine et durable, tout en garantissant la sécurité et le contrôle de ses frontières extérieures. En outre, l’Union doit envoyer un message clair aux Européens pour leur signifier que la migration peut être mieux gérée lorsqu’elle l’est collectivement.

1.2.

Le CESE prend acte de la présentation du nouveau pacte sur la migration et l’asile, qui détaille les plans de travail quinquennaux élaborés par la Commission en matière de gestion commune de l’immigration et de l’asile. En ce sens, il s’agit davantage d’un programme de travail de la Commission que d’un pacte. Les propositions qui accompagnent le pacte sont importantes mais insuffisantes pour l’élaboration d’un cadre européen commun pour la gestion des migrations qui serait à la fois efficace et conforme aux valeurs et aux objectifs de l’Union. Le CESE regrette que ce nouveau pacte consacre la plupart de ses propositions à la gestion des frontières extérieures et au retour, sans accorder l’attention qui s’impose aux voies régulières d’immigration, aux voies d’accès sûres pour l’asile ou à l’inclusion et à l’intégration des ressortissants de pays tiers dans l’Union.

1.3.

Le CESE regrette que le pacte sur la migration et l’asile ne fasse pas référence au pacte mondial des Nations unies pour des migrations sûres, ordonnées et régulières (2018), qui constitue un précédent, au niveau multilatéral, de proposition de gestion des migrations internationales. Nous soutenons le renforcement d’un système multilatéral mondial fondé sur des règles (1), y compris dans le domaine de la mobilité et des migrations, et encourageons la Commission à coordonner le nouveau programme avec les politiques et instruments mondiaux (2). En outre, nous encourageons les institutions de l’Union et les États membres à inscrire la migration et la mobilité dans le cadre plus large des objectifs de développement durable des Nations unies.

1.4.

Le pacte souligne à juste titre les incohérences entre les régimes d’asile et de retour des différents États membres et insiste sur la nécessité de renforcer la solidarité. Toutefois, il n’est pas certain que le principe de solidarité volontaire et ciblée contribuera à relever les principaux défis qui se posent en matière de coordination. Il n’est pas fait mention des incitations pour les États membres à participer à ce mécanisme, en particulier à la suite du refus de certains d’entre eux de participer au programme de relocalisation précédent. S’ils sont incités à participer, ce n’est pas dans le domaine de la relocalisation — la question la plus urgente, la plus difficile et la plus coûteuse — mais dans celui du renforcement des capacités et du retour.

1.5.

Le CESE estime que le système prévu de filtrage préalable à l’entrée et de procédures aux frontières est inadéquat. Premièrement, le système de filtrage ne fournit pas suffisamment de garanties procédurales pour le respect des droits fondamentaux par les personnes qui y accèdent. En l’état actuel des choses, il exerce une pression accrue sur les pays pour qu’ils prennent rapidement une décision et ne tiennent donc pas dûment compte des droits individuels inscrits dans la convention de Genève de 1951, en particulier le non-refoulement. Deuxièmement, comme dans le cas de l’approche dite des «centres d’accueil et d’enregistrement» (hotspots), les conditions d’accueil des migrants comme des demandeurs d’asile constituent une grave préoccupation qui doit être pleinement prise en compte (3).

1.6.

Le CESE attend avec intérêt de recevoir la stratégie de l’Union sur les retours volontaires et la réintégration. Il escompte que ce document promouvra de manière significative des mesures de réintégration fortes et, en cela, qu’il s’éloignera des approches axées principalement sur une logique de contrôle policier. Le retour devrait impliquer divers acteurs sociaux, économiques et politiques susceptibles de créer un environnement plus complet et plus humain.

1.7.

Le Comité se félicite des initiatives de sauvetage en mer qui visent véritablement à sauver des vies. Pour le CESE, le secours et le sauvetage en mer sont une obligation juridique internationale que les États membres doivent respecter, en prévoyant des mécanismes publics efficaces et adéquats à cette fin. Sur ce point, le CESE estime que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour empêcher la criminalisation des acteurs humanitaires qui mènent des opérations de recherche et de sauvetage au plus haut point nécessaires.

1.8.

Le CESE accueille favorablement les initiatives visant à améliorer la responsabilité partagée et la gouvernance des flux migratoires avec les pays tiers. Il s’inquiète cependant du recours à des mécanismes de coopération qui pourraient conduire à l’externalisation de la gestion des migrations par l’Union ou faire de cette gestion un dispositif d’incitation négative pour les pays tiers concernés, ainsi que de la tentation de subordonner l’aide au développement et la coopération à l’élaboration de politiques de contrôle des migrations et/ou de réadmission.

1.9.

Le CESE se félicite de la proposition de développer des voies sûres et légales d’accès au territoire européen, notamment avec des programmes de réinstallation et de parrainage communautaire. Toutefois, il estime que ces voies ne s’adressent qu’à un profil spécifique de personnes et ne permettent pas de répondre de manière globale, efficace et sûre au besoin de canaux d’immigration réguliers vers l’Union. Le CESE regrette que les mesures visant à progresser sur le chapitre des voies d’entrée régulières se limitent à attirer les talents ou à réviser les directives relatives, respectivement, aux travailleurs hautement qualifiés («carte bleue européenne») et aux étudiants et aux chercheurs. Une vision globale de la mobilité est indispensable pour offrir des solutions de remplacement allant au-delà du contrôle aux frontières et du retour.

1.10.

Le CESE souhaite attirer l’attention sur les conditions de vie et de travail de nombreux ressortissants de pays tiers, en particulier ceux qui travaillent dans le secteur agricole. Les États membres et leurs organismes spécialisés devraient traiter les cas d’abus et d’exploitation, et les organisations de la société civile et les syndicats devraient être incités à dialoguer avec les ressortissants de pays tiers, quel que soit leur niveau d’emploi et de rémunération.

1.11.

Le CESE est préoccupé par le risque que la lutte contre les réseaux débouche sur une violation des droits des personnes victimes de la traite et du trafic de migrants, et redoute en particulier la participation au dispositif de pays tiers dans lesquels les droits fondamentaux de ces personnes ne sont pas respectés, ou qui ne leur assurent pas des conditions de vie décentes. Nous avons également vu comment la lutte contre la traite des êtres humains est utilisée pour tenter de criminaliser l’action humanitaire.

1.12.

Le CESE estime que la lutte contre les réseaux de passeurs et de trafiquants doit se poursuivre et reconnaît pleinement la nécessité d’accroître l’efficacité de la directive sur les sanctions à l’encontre des employeurs qui emploient illégalement des personnes.

1.13.

Le CESE attend avec intérêt le développement du plan d’action en faveur de l’intégration et de l’inclusion pour la période 2021-2027 (4) présenté récemment. Le CESE regrette que cette question, qui est essentielle à la coexistence dans nos sociétés, fasse l’objet de si peu d’attention dans le pacte sur la migration et l’asile. La communication n’indique ni l’ampleur ni la structure du soutien aux mesures d’intégration. Le CESE dispose d’une vaste expérience des questions d’intégration et il estime que, malheureusement, le pacte dans sa formule actuelle manque d’ambition et de clarté quant aux instruments et incitations proposés aux différentes parties prenantes.

2.   Contexte

2.1.

Le 23 septembre 2020, la Commission européenne a présenté le nouveau programme de travail relatif à l’immigration et à l’asile, sous l’intitulé «Un nouveau pacte sur la migration et l’asile». Ce document s’inscrit dans la continuité des programmes de travail élaborés en la matière depuis 1999, soit, par ordre chronologique, les programmes de Tampere (1999), La Haye (2004) et Stockholm (2009), et l’agenda européen en matière de migration (2015).

2.2.

Le nouveau pacte sur la migration et l’asile entend fournir un nouveau cadre d’action visant à garantir la libre circulation dans l’espace Schengen, la sauvegarde des droits fondamentaux et la mise en place d’une politique migratoire efficace. Le pacte a été élaboré à partir de décembre 2019, avec deux cycles complets de consultations associant tous les États membres, le Parlement européen, les parlements nationaux, la société civile ainsi que les partenaires sociaux et les entreprises, dans le but d’intégrer la pluralité des perspectives. Le pacte sur la migration et l’asile sera présenté sous peu au Parlement et au Conseil.

2.3.

Il est entendu que l’agenda européen en matière de migration de 2015 apportait une réponse immédiate à la situation de crise en Méditerranée, tandis que le pacte sur la migration et l’asile cherche à fournir un nouveau cadre européen durable pour relever les différents défis auxquels sont confrontés les États membres, tant dans des situations normales que dans des situations d’urgence ou de crise, ce toujours dans le respect des valeurs européennes.

2.4.

La Commission rappelle dans le pacte sur la migration et l’asile que 20,9 millions de ressortissants de pays tiers résidaient sur le territoire européen en 2019 (soit 4,7 % de la population totale) et que, cette même année, quelque 3 millions de premiers titres de séjour ont été délivrés dans les États membres. Les pays de l’Union européenne ont accueilli 2,6 millions de réfugiés en 2019 (soit 0,6 % de sa population totale), année où 698 000 nouvelles demandes d’asile ont été introduites. La Commission rappelle également qu’en 2019, 142 000 personnes ont tenté d’entrer irrégulièrement sur le territoire de l’Union européenne et qu’un tiers seulement des retours qui devaient avoir lieu ont effectivement été effectués.

2.5.

Pour répondre à ce nouveau contexte, très différent de la période 2015-2016, le pacte sur la migration et l’asile cherche à mieux partager les responsabilités entre les États membres et à renforcer la solidarité entre eux, en progressant de manière plus efficace en matière de gestion de la migration, de l’asile et des frontières, en améliorant la gouvernance et en comblant les lacunes existantes.

2.6.

Le pacte s’articule autour de trois axes principaux: 1) améliorer la coopération avec les pays tiers d’origine et de transit afin d’améliorer la gestion des migrations; 2) améliorer la gestion des frontières extérieures, intensifier la coopération technique et les mécanismes d’identification, et corriger et moderniser les procédures afin d’assurer une plus grande clarté dans la répartition des responsabilités; et 3) mettre en place un nouveau mécanisme de solidarité constante.

2.7.

Plus précisément, le nouveau pacte sur la migration et l’asile entend favoriser: une gestion rigoureuse et équitable des frontières extérieures, y compris des contrôles d’identité, sanitaires et de sécurité; des règles équitables et efficaces en matière d’asile, la rationalisation des procédures d’asile et de retour; un nouveau mécanisme de solidarité pour les situations de recherche et de sauvetage, de pression et de crise; un renforcement de la prospective, de la préparation et de la réaction aux crises; une politique efficace en matière de retour et une approche des retours coordonnée au niveau de l’Union; une gouvernance globale au niveau de l’Union pour une meilleure gestion et une meilleure mise en œuvre des politiques en matière d’asile et de migration; des partenariats mutuellement bénéfiques avec les principaux pays tiers d’origine et de transit; la mise en place de voies d’accès légales et durables pour les personnes ayant besoin d’une protection et pour attirer les talents dans l’Union; et des mesures en faveur de politiques d’intégration efficaces.

2.8.

La présentation du pacte sur la migration et l’asile est accompagnée d’autres nouveaux documents, qui nécessitent un examen plus approfondi étant donné qu’ils exposent plus en détail le programme de travail qui y est proposé. La Commission: 1) propose un règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration, comprenant un nouveau mécanisme de solidarité; propose une nouvelle législation visant à mettre en place une procédure de filtrage aux frontières extérieures; 2) modifie la proposition de nouveau règlement sur les procédures d’asile afin d’y inclure une nouvelle procédure à la frontière et de rendre les procédures d’asile plus efficaces; 3) modifie la proposition de règlement Eurodac afin de couvrir les données nécessaires au nouveau cadre pour la gestion de l’asile et de la migration dans l’Union; 4) définit une nouvelle stratégie sur les retours volontaires et la réintégration; 5) adopte une recommandation sur la coopération entre les États membres en ce qui concerne les activités de sauvetage menées par des entités privées; 6) présente la recommandation sur les voies légales d’accès à la protection dans l’Union, dont la réinstallation; 7) propose une législation visant à faire face aux situations de crise et aux cas de force majeure et abrogeant la directive relative à la protection temporaire; et 8) présente un nouveau plan de préparation et de gestion de crise en matière de migration.

3.   Observations sur le nouveau pacte sur la migration et l’asile

3.1.

Le CESE prend acte de la présentation du nouveau pacte sur la migration et l’asile, qui détaille les plans de travail quinquennaux élaborés par la Commission en matière de gestion commune de l’immigration et de l’asile. Les propositions qui accompagnent le pacte sont importantes mais insuffisantes pour l’élaboration d’un cadre européen commun pour la gestion des migrations. Elles doivent être à la fois efficaces et conformes aux valeurs et aux objectifs de l’Union, ce pourquoi le CESE estime essentiel de les examiner de manière plus approfondie.

a)

Un cadre européen commun pour la gestion de la migration et de l’asile

3.2.

Le pacte souligne à juste titre les incohérences entre les régimes d’asile et de retour des différents États membres et souligne la nécessité de renforcer la solidarité interne de l’Union en surmontant les problèmes de mise en œuvre, ainsi que d’améliorer et de renforcer la coopération avec les pays tiers. Toutefois, il n’est pas certain que le principe de solidarité volontaire et ciblée contribuera à relever les principaux défis qui se sont posés en matière de coordination au cours de la dernière décennie.

3.3.

Le pacte vise à améliorer les procédures d’entrée en Europe, en facilitant l’identification rapide des personnes demandant un refuge et en encourageant les processus de retour des personnes qui tentent d’atteindre le territoire européen de manière irrégulière. La proposition relative à de nouvelles procédures de contrôle préalable à l’entrée vise à faciliter un filtrage rapide, en permettant les retours vers des pays tiers sûrs ou d’origine, tout en veillant à ce que les demandes soient examinées au cas par cas.

3.4.

Le CESE estime que les mécanismes de filtrage préalable à l’entrée constituent un apport novateur digne d’attention, mais s’interroge sur la faisabilité de leur mise en œuvre. Le délai de cinq jours prévu pour effectuer le filtrage, outre qu’il ne semble pas devoir faciliter la tâche des pays qui accueillent le plus grand nombre de personnes arrivant illégalement par voie maritime, semble au contraire susceptible de les soumettre à davantage de pression s’agissant d’opérer une distinction rapide, et rend particulièrement difficile de s’acquitter de cette tâche de manière sûre et conforme aux principes de sécurité et de protection des droits dans le cadre du régime d’asile international, c’est-à-dire dans le respect des droits individuels consacrés par la convention de Genève de 1951. Les modalités suivant lesquelles les procédures de retour seront améliorées ne sont pas claires non plus, alors que la plupart d’entre elles n’ont jusque-là pas fonctionné correctement, comme la Commission le reconnaît elle-même dans le texte du pacte, en raison non seulement du manque de capacités techniques des pays de l’Union, mais aussi du manque de réactivité des pays de destination.

3.5.

Selon la proposition, les demandes d’asile présentées aux frontières extérieures de l’Union doivent être examinées dans le cadre des procédures d’asile de l’Union et ne confèrent pas un droit automatique d’entrer sur son territoire. Il est probable que ces procédures créeront d’importants problèmes sur les sites de filtrage préalable à l’entrée, qui doivent être prêts à accueillir un nombre important de personnes, ce qui constitue une incitation supplémentaire à accélérer les retours. Une procédure à la frontière fait courir le risque de réduire les garanties et d’augmenter le nombre de cas de détention ou de situations assimilables à une détention. L’utilisation des concepts d’«information sur le pays d’origine» et de «pays sûr» en rapport avec l’organisation du filtrage préalable à l’entrée est particulièrement problématique, car elle va à l’encontre de l’examen individualisé de chaque cas (5). L’octroi d’une protection internationale ne devrait pas dépendre de la nationalité du demandeur, mais des menaces et des risques auxquels il est exposé.

3.6.

Le CESE se félicite que des solutions alternatives concernant la détermination de l’État responsable de l’examen d’une demande de protection internationale soient recherchées à la lumière des difficultés recensées jusqu’à présent. Toutefois, le CESE se demande quelles seront ces autres solutions et en quoi consisteront les modifications qui seront apportées, alors que la proposition de nouveau règlement sur les procédures de protection internationale visant à inclure une nouvelle procédure à la frontière et à rendre les procédures d’asile plus efficaces reprend la même logique que l’actuel règlement de Dublin.

3.7.

Le nouveau mécanisme de solidarité permet aux États membres de participer à la relocalisation ou au parrainage en matière de retour des personnes en situation irrégulière. Le CESE émet des doutes quant à la faisabilité de ce mécanisme, d’autant plus qu’il repose sur une hypothétique solidarité fondée sur le volontariat. Le texte ne mentionne pas les mesures prévues pour inciter les États membres à participer à ce mécanisme, lesquelles seraient nécessaires compte tenu en particulier du refus de certains d’entre eux de participer au précédent programme de relocalisation (6) et de l’absence d’obligation expresse: il faudrait mentionner qu’en outre, ce mécanisme de «solidarité» peut avoir un effet contraire, à savoir que si le retour effectif n’est pas effectué dans un délai de huit mois, cette personne sera relocalisée sur le territoire de l’État membre d’origine. Cela pourrait entraîner des lacunes en matière de responsabilité en ce qui concerne les droits des personnes rapatriées. En outre, dans le cadre du nouveau mécanisme de solidarité proposé, les États membres sont encouragés à ne pas participer à la relocalisation, qui est la problématique la plus urgente, la plus difficile et la plus coûteuse, et ils peuvent choisir plutôt de participer au retour (7).

3.8.

Le CESE se félicite du raccourcissement de cinq à trois ans du temps de séjour nécessaire à l’obtention du statut de résident de longue durée pour les personnes bénéficiant d’une protection internationale lorsqu’elles décident de rester dans l’État membre qui la leur a accordée. Il est clair que cette disposition vise à faciliter l’intégration dans les communautés locales, bien qu’elle puisse être comprise comme limitant la mobilité au sein de l’Union.

3.9.

Le CESE accueille favorablement les mesures visant à améliorer la coordination entre les stratégies nationales en matière d’asile et de retour, mais regrette que davantage de propositions aient été avancées en matière de coordination des instruments de retour que dans le domaine des procédures d’asile et d’accueil des réfugiés.

3.10.

Le CESE se félicite également du projet de création de l’Agence de l’Union européenne pour l’asile, qui constitue une avancée nécessaire pour parvenir à une plus grande convergence et à une meilleure mise en œuvre des normes communes en matière d’asile.

3.11.

Le CESE estime qu’il est indispensable de faire des progrès sur la protection et l’assistance pour les groupes les plus vulnérables, tels que les enfants migrants, en particulier lorsqu’ils voyagent sans famille (8). Le réseau européen en matière de tutelle devrait jouer un rôle plus important dans la protection de ces personnes et améliorer leur intégration et leur inclusion dans les pays de l’Union en leur offrant une assistance juridique, un logement, un accès à l’éducation, etc.

3.12.

Le CESE encourage la Commission et les États membres à se montrer plus proactifs dans l’identification et la protection des femmes et des filles victimes de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle ou d’autres formes de violence fondée sur le genre.

3.13.

Le CESE prend note des difficultés des pays de l’Union à procéder effectivement à des retours et de la volonté de la Commission de progresser vers un système européen de retour efficace et commun. La proposition est fondée sur l’amélioration du soutien opérationnel au retour et introduit une fonction de coordinateur chargé des retours au niveau national. Le CESE regrette que les problèmes rencontrés dans le fonctionnement des programmes de retour ne soient pas correctement recensés (9), ce qui fait que ce nouveau poste — considéré comme stratégique — dépendra de la volonté de collaborer des pays tiers, qu’ils soient d’origine ou de transit.

3.14.

Le CESE attend avec intérêt de recevoir la stratégie de l’Union sur les retours volontaires et la réintégration. Il escompte que ce document promouvra de manière significative des mesures de réintégration fortes et, en cela, qu’il s’éloignera des approches axées principalement sur une logique de contrôle policier. Si Frontex étend son mandat pour contribuer à rendre les procédures de retour plus efficaces, le risque est que cette agence n’associe pas à ses activités les différents acteurs sociaux, économiques et politiques qui pourraient faire en sorte que ces processus se déroulent dans un environnement plus inclusif et humain.

3.15.

Le CESE estime qu’il est essentiel d’améliorer les mécanismes de responsabilisation des actions de FRONTEX, de surveiller les activités de celle-ci et de veiller à ce qu’elles protègent et garantissent les droits fondamentaux des personnes.

3.16.

Le CESE rappelle qu’il est important de protéger les données à caractère personnel enregistrées dans Eurodac et que la nécessité et la proportionnalité des mesures prises doivent être justifiées compte tenu du caractère sensible des données concernées, en particulier en ce qui concerne les demandeurs de protection internationale et la confidentialité de la procédure (10).

b)

Un système robuste de préparation et de réaction aux crises migratoires

3.17.

Le CESE se félicite des progrès accomplis dans l’amélioration de la prévention et de la gestion des crises migratoires et des mesures qui seront éventuellement adoptées pour assurer la solidarité entre les États membres et la protection des droits fondamentaux des personnes susceptibles d’être affectées par de tels événements. Toutefois, le CESE regrette que les dispositions soient articulées selon l’approche des centres d’accueil et d’enregistrement, lesquels se sont avérés être des espaces de violation des droits des personnes demandant une protection internationale dans l’Union.

3.18.

Le CESE comprend la nécessité d’améliorer les mécanismes de gestion des situations de crise, mais doute qu’il soit nécessaire de revoir, par exemple, la directive sur la protection temporaire, alors qu’elle n’a pas été correctement mise en œuvre ces dernières années. Comme exposé plus haut, le CESE invite instamment la Commission et les autres institutions de l’Union à ne restreindre en aucune manière l’accès à la protection internationale ni à en limiter le contenu.

c)

Un système de gestion intégrée des frontières

3.19.

La gestion des frontières extérieures relève de la responsabilité partagée de l’Union et de ses États membres, et il est essentiel et nécessaire d’évaluer les instruments de sa mise en œuvre. Le CESE rappelle que l’utilisation de ressources humaines ou technologiques doit toujours être proportionnée à la réalité du phénomène et doit, sans exception, respecter les libertés et droits fondamentaux des personnes.

3.20.

La pleine interopérabilité des systèmes informatiques est une étape nécessaire vers l’élaboration d’une politique cohérente et efficace au niveau de l’Union. Une interopérabilité totale devrait être réalisée rapidement et dans le respect de la protection des données à caractère personnel et des droits fondamentaux.

3.21.

À cet égard, le CESE salue les initiatives de sauvetage en mer qui visent effectivement à sauver des vies, mais se déclare préoccupé par le fait que des entreprises privées y participent sans que leurs actions fassent l’objet d’un contrôle strict, non plus que leur respect du cadre des droits de l’homme. Pour le CESE, le secours et le sauvetage en mer sont une obligation juridique internationale que les États doivent respecter, en prévoyant des mécanismes publics efficaces et adéquats à cette fin.

3.22.

Sur ce point, le CESE estime que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour empêcher la criminalisation des acteurs humanitaires qui mènent des opérations de recherche et de sauvetage au plus haut point nécessaires.

3.23.

Le CESE se déclare préoccupé, compte tenu de la passivité dont font preuve certains États membres, par le risque de voir des navires privés se transformer en centres de rétention pour demandeurs d’asile.

3.24.

Le CESE se félicite des efforts déployés pour assurer la normalisation de la libre circulation dans l’espace Schengen et attend avec intérêt de recevoir prochainement de plus amples informations sur les mécanismes d’évaluation de Schengen. Le CESE attend également avec intérêt la stratégie qui est prévue sur l’avenir de Schengen et espère qu’elle conduira à la consolidation de cet espace.

d)

Renforcer la lutte contre le trafic de migrants

3.25.

Le CESE estime qu’il est nécessaire de poursuivre la lutte contre les réseaux de passeurs et de trafiquants d’êtres humains et se félicite de la reconnaissance de la nécessité d’améliorer l’efficacité de la directive sur les sanctions à l’encontre des employeurs qui emploient des personnes de manière illégale. Dans cet esprit, le CESE juge utile de mettre en place des mécanismes visant à encourager le signalement des personnes ou des entreprises qui tirent parti des victimes de la traite des êtres humains, des victimes du trafic de migrants et des personnes dépourvues de permis de travail (11).

3.26.

Le CESE est préoccupé par le risque que la lutte contre les réseaux débouche sur une violation des droits des personnes victimes de la traite et du trafic de migrants, et redoute en particulier la participation au dispositif de pays tiers dans lesquels les droits fondamentaux de ces personnes ne sont pas respectés, ou qui ne leur assurent pas des conditions de vie décentes. Nous avons également vu comment la lutte contre la traite des êtres humains est utilisée pour tenter de criminaliser l’action humanitaire.

e)

Collaborer avec nos partenaires internationaux

3.27.

Le CESE accueille favorablement les initiatives visant à améliorer la responsabilité partagée et la gouvernance des flux migratoires avec les pays tiers. Il s’inquiète cependant du recours à des mécanismes de coopération qui pourraient conduire à l’externalisation de la gestion des migrations par l’Union ou faire de cette gestion un dispositif d’incitation négative pour les pays tiers concernés, ainsi que de la tentation de subordonner l’aide au développement et la coopération à l’élaboration de politiques de contrôle des migrations et/ou de réadmission. Il est important de rappeler que la politique migratoire, la politique de coopération et d’aide au développement et la politique commerciale doivent être différenciées dans l’action extérieure de l’Union, chacune dans la perspective du respect absolu des droits de l’homme.

3.28.

De même, le CESE estime qu’il est nécessaire de renforcer la coopération avec les pays qui accueillent un nombre considérable de réfugiés, pour autant que cela ne signifie pas que leur accès au territoire européen soit restreint et pour autant que l’Union s’intéresse de manière proactive aux conditions de vie de ces personnes, y compris la protection de leurs droits dans les pays tiers d’accueil.

3.29.

Le CESE se félicite de toute initiative commune visant à progresser dans la construction de sociétés cohésives dans les pays tiers, à y réduire la pauvreté et les inégalités, à y promouvoir la démocratie, la paix et la sécurité, mais il estime que ces questions ne devraient pas être liées à la coopération en matière de contrôle des flux migratoires par les pays partenaires. Contribuer au renforcement des capacités de gestion migratoire des pays tiers est un élément positif, mais qui ne devrait pas être lié à leur rôle dans le contrôle des flux de sortie ou aux accords de réadmission.

3.30.

Le CESE note que le pacte attache une grande importance à la coopération avec les pays tiers sur les questions de réadmission. Il devrait toutefois tenir compte également des risques de violation des droits auxquels les personnes faisant l’objet d’une décision de retour peuvent être soumises, ainsi que des incitations que ces pays peuvent demander afin d’accepter de coopérer avec l’Union.

3.31.

Le CESE se félicite de la proposition de développer des voies sûres et légales d’accès au territoire européen, notamment avec des programmes de réinstallation et de parrainage communautaire. Toutefois, il estime que ces voies ne s’adressent qu’à un profil spécifique de personnes (celles qui demandent une protection internationale) et ne permettent pas de répondre de manière globale, efficace et sûre au besoin de canaux d’immigration réguliers vers l’Union.

f)

Attirer les talents et les compétences vers l’Union

3.32.

Les partenariats visant à attirer les talents sont une initiative à valeur ajoutée offrant une voie légale d’accès, et le CESE se félicite de cette initiative (12), bien qu’elle ait des conséquences négatives pour les pays d’origine, notamment en ce qui concerne leur capacité à mettre en œuvre un développement durable. Le CESE regrette que les mesures visant à améliorer les voies d’entrée légale se limitent à attirer les talents et à réviser les directives «carte bleue» et «études et recherche», étant donné que leur champ d’application est limité. Une vision globale de la mobilité est indispensable pour offrir des solutions de remplacement allant au-delà du contrôle aux frontières et du retour.

3.33.

Le CESE souhaite participer aux consultations publiques sur les moyens d’attirer les compétences et les talents dans l’Union, mais rappelle la nécessité générale de s’occuper aussi des marchés du travail qui ne se limitent pas à ces domaines.

3.34.

Le CESE souhaite attirer l’attention sur les conditions de vie et de travail de nombreux ressortissants de pays tiers, en particulier ceux qui travaillent dans le secteur agricole. Les États membres et leurs organismes spécialisés devraient traiter les cas d’abus et d’exploitation, et les organisations de la société civile et les syndicats devraient être encouragés et incités à dialoguer avec les ressortissants de pays tiers, quel que soit leur niveau d’emploi et de rémunération.

g)

Soutenir l’intégration pour construire des sociétés plus inclusives

3.35.

Le CESE estime que l’inclusion et l’intégration des ressortissants de pays tiers sont essentielles pour garantir la cohésion sociale dans l’Union et attend avec intérêt d’analyser le plan d’action en faveur de l’intégration et de l’inclusion pour la période 2021-2027. Le CESE regrette que cette question, qui est essentielle à la coexistence dans nos sociétés, fasse l’objet de si peu d’attention dans le pacte sur la migration et l’asile.

3.36.

La communication n’indique ni l’ampleur ni la structure du soutien aux mesures d’intégration. Le CESE attend du nouveau plan d’action sur l’intégration et l’inclusion pour 2021-2027 qu’il comble cette lacune dans le pacte sur la migration et l’asile. Le CESE dispose d’une vaste expérience des questions d’intégration et il estime que, malheureusement, la proposition dans sa formule actuelle manque d’ambition et de clarté quant aux instruments et incitations proposés aux différentes parties prenantes.

Bruxelles, le 27 janvier 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 14 du 15.1.2020, p. 24.

(2)  Le programme de travail de la Commission pour 2021 prévoit l’adoption d’une communication conjointe sur le renforcement de la contribution de l’Union au multilatéralisme fondé sur des règles au cours du deuxième trimestre de 2021.

(3)  Le CESE s’est employé à visiter des centres d’accueil et d’enregistrement et a noué un dialogue avec les acteurs de la société civile impliqués dans toutes les dimensions de la migration et de l’intégration.

(4)  Voir COM(2020) 758 final.

(5)  Voir JO C 71 du 24.2.2016, p. 82.

(6)  Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne dans les affaires jointes C-715/17, C-718/17 et C-719/17, Commission/Pologne, Hongrie et République tchèque.

(7)  Malheureusement, il n’existe pas de garde-fous contre les situations dans lesquelles certains gouvernements décideraient de devenir des acteurs clés du retour dans le cadre d’une stratégie de mobilisation populiste contre les migrants et les réfugiés.

(8)  Voir JO C 429 du 11.12.2020, p. 24.

(9)  Communication COM(2017) 200 final.

(10)  JO C 34 du 2.2.2017, p. 144.

(11)  Par exemple, la législation espagnole comprend la notion d’«enracinement professionnel», selon laquelle, dans certaines conditions, si un travailleur étranger en situation irrégulière dénonce son employeur irrégulier, il obtient des documents en bonne et due forme. De même, le Portugal dispose d’un processus permanent de régularisation au cas par cas pour des situations spécifiques.

(12)  JO C 341 du 21.11.2013, p. 50, et JO C 458 du 19.12.2014, p. 7.


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