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Document 52011AE1866

Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Commerce, croissance et affaires mondiales — La politique commerciale au cœur de la stratégie Europe 2020» COM(2010) 612 final

JO C 43 du 15.2.2012, p. 73–78 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

15.2.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 43/73


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Commerce, croissance et affaires mondiales — La politique commerciale au cœur de la stratégie Europe 2020»

COM(2010) 612 final

2012/C 43/17

Rapporteure: Mme PICHENOT

Le 9 novembre 2010, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur

«Commerce, croissance et affaires mondiales — la politique commerciale au cœur de la stratégie Europe 2020»

COM(2010) 612 final.

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 22 novembre 2011.

Lors de sa 476e session plénière des 7 et 8 décembre 2011 (séance du 7 décembre 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 185 voix pour, 1 voix contre et 5 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   En fin d'année 2010, la Commission européenne a publié une nouvelle communication au moment où le commerce international connaît de profondes modifications qui distinguent le processus actuel de la phase précédente de mondialisation. Volet externe de la stratégie UE 2020 (1),une politique commerciale de l'UE consisterait à s’assurer que les échanges contribuent bien -à une croissance soutenue qui manque actuellement à une sortie de crise -tout en garantissant la pérennité de l’économie sociale de marché et en appuyant une transition vers une économie sobre en carbone.

1.2   Le Comité relève avec intérêt que cette «politique commerciale révisée» présentée dans la communication «Commerce, croissance et affaires mondiales» (2) constitue une étape et apporte des éclaircissements utiles sur les priorités commerciales suivantes en lien avec la Stratégie UE2020 de l'Union:

l'ouverture commerciale adaptée au déplacement de la géographie des échanges vers l'Asie,

le lien crucial avec la sécurité des approvisionnements en matières premières et en énergie,

l'importance majeure des obstacles au commerce et à l'investissement (non tarifaires ou réglementaires) y compris dans l'accès aux marchés publics,

l'exigence de réciprocité dans les négociations multilatérales et bilatérales avec les partenaires économiques stratégiques de l'Union, y compris dans les aspects relatifs à la propriété intellectuelle,

le recours aux mécanismes de défense commerciale.

1.3   Sur quelques sujets, le Comité considère qu'il faut clarifier le droit existant, en particulier en matière de subventions et d’aides d’État, et faire valoir ses valeurs et ses normes en recourant au besoin aux mécanismes de l'Organe de règlement des différends de l'OMC (ORD) afin d’alimenter une jurisprudence plus conforme à sa vision de la juste concurrence, notamment face aux pays émergents.

1.4   La multiplication et la difficulté des négociations bilatérales ne doivent pas conduire l'UE à amoindrir ses exigences en matière sociale et environnementale. Ces deux volets doivent être largement pris en compte au même titre que le volet économique des négociations. A ce titre, le Comité accorde une vigilance particulière au contenu et au suivi du chapitre développement durable. Il souligne que la préparation de ce chapitre est étroitement liée à la qualité des études d'impact et à la pertinence des mesures d'accompagnement.

1.5   Le CESE recommande que l'ONU élabore une charte mondiale fixant un minimum de droits en lien avec le socle de protection sociale de l'OIT qui pourrait être annexée à la revue des Objectifs du Millénaire pour le Développement, prévue pour 2015. Cette charte constituerait ainsi une référence cohérente avec les engagements en matière de commerce et de développement. En priorité, l'OIT doit être reconnue comme observateur auprès de l'OMC et progressivement associée à son Mécanisme d'examen des politiques commerciales.

1.6   Le CESE demande qu'une plus grande attention soit accordée au thème de la coopération au développement, à la solidarité mondiale et au débat sur les objectifs du millénaire pour le développement. Il propose de dédier 2015 au «développement et à la coopération» (intitulé provisoire). Puisque l'UE et ses États membres ont également résolu d'atteindre ces objectifs d'ici 2015, le Comité propose de profiter de cette année européenne pour encourager, chez chaque citoyen, dans la société civile et aux échelons national et européen, une sensibilisation et un sentiment de responsabilité partagée vis-à-vis de la réalisation des objectifs fixés et de ceux, nouveaux, qui le seront après 2015."

1.7   Le commerce international est un élément du problème et un élément de la solution aux questions de sécurité alimentaire au niveau mondial. Les règles du commerce international doivent favoriser la sécurité alimentaire, en particulier des pays les moins avancés, et assurer à ceux-ci un accès libre de droits aux marchés des pays développés mais aussi des pays émergents, en conformité avec le principe de traitement spécial et différencié.

1.8   Pour développer une économie verte dans un contexte concurrentiel mondialisé et conserver son leadership en la matière, l’Europe devrait dans son propre intérêt et celui du climat, conserver une haute ambition en matière de réduction d'émissions de gaz à effet de serre. Le Comité propose de développer des analyses d’impact (compétitivité, emploi, environnement) et d'organiser des débats publics pour anticiper les transitions entre 2020 et 2050 et stabiliser les projections des acteurs économiques et des citoyens.

1.9   À long terme, l'Union devrait contribuer à une réforme de l'OMC conçue comme une gouvernance multilatérale de la mondialisation dans le sens du projet d’origine de l'Organisation Internationale du Commerce (OIC) telle que définie en 1948 par la Charte de la Havane, et donc intégrer explicitement les questions d'emploi et d'investissement.

1.10   Le Comité souligne l'importance croissante de l'implication de la société civile dans la mise en œuvre et le suivi des accords commerciaux de l'UE en particulier sur les chapitres développement durable, comme dans l'accord récent de libre-échange avec la Corée du sud. Le CESE est disposé à contribuer activement à l'application des dispositions contenues dans cet accord ainsi que dans les prochains accords commerciaux. Il propose de contribuer au mécanisme de suivi par la collecte des observations de la société civile européenne élargie à toutes les parties prenantes pour le rapport annuel. Il propose également d'y contribuer comme facilitateur des travaux conjoints avec la société civile du pays partenaire pour favoriser une prise en compte des conséquences concrètes de ces accords. Pour le CESE, une mise en route rapide des mécanismes de suivi des premiers accords apporterait beaucoup de crédit à l'évolution de la politique commerciale révisée. Cela contribuerait à établir un climat de confiance entre pays partenaires et faciliterait ainsi l'engagement de la société civile dans les négociations commerciales en cours.

2.   Anticiper les grandes transformations de la mondialisation

2.1   Un commerce international juste et ouvert est un bien public mondial à préserver et à renforcer. Il s'agit pour chaque pays ou union de pays de contribuer à la régulation durable de ce bien, fondée sur la réciprocité des avantages en proportion des concessions de chacun. Tel est le fondement de l'engagement de l'UE pour la libéralisation des échanges dans un cadre multilatéral, porté aujourd'hui par l'OMC. Dans cet esprit, le CESE soutient depuis 2006 la politique commerciale de l'Union (3).

2.2   Fin 2010 la Commission européenne publie une nouvelle communication au moment où le commerce international connaît des modifications profondes qui distinguent le processus actuel de la phase précédente de mondialisation. L’enjeu, pour la politique commerciale de l'UE comme volet de la stratégie UE 2020, consiste à s’assurer que le commerce peut contribuer à une croissance soutenue et à la pérennité de l’économie sociale de marché, tout en appuyant une transition vers une économie sobre en carbone.

2.3   Pour analyser les transformations actuelles de la mondialisation, le Comité met l’accent sur cinq grandes tendances de la décennie qui devraient orienter les débats au sein du forum de la société civile tant à l’OMC qu’au sein du forum de la société civile de la DG Commerce, et viseraient à donner un caractère plus stratégique, et de plus long terme, à la politique commerciale de l'UE:

Une extension du domaine de la concurrence. Les nouvelles technologies – depuis celles affectant l'information ou les transports, jusqu'aux prochaines technologies vertes – modifient les modalités de production de la richesse, la distribution de la valeur ajoutée et accentuent la concurrence entre pays. Elles accroissent la mobilité des biens, des services et des facteurs de production, en particulier du capital (4), et donc augmentent le nombre de secteurs économiques et sociaux ouverts à la concurrence internationale.

La connaissance et l'innovation restent les moteurs de la croissance, mais elles bouleversent aujourd'hui la conception, héritée des théories classiques, de l'échange international. Les pays n'échangent plus du vin contre du lin comme au temps de Ricardo. Depuis une décennie environ, les pays se spécialisent, au niveau des travailleurs, dans des tâches où ceux-ci disposent d'avantages comparatifs sur leurs concurrents, au prix parfois d'un dumping social et fiscal. Le «commerce des tâches» se superpose progressivement au commerce des biens industriels, qui reste prédominant. La part des services dans les échanges (20 %) prend une importance croissante, plus en rapport avec celle occupée dans la richesse nationale des pays (70 % du PIB européen).

La mise en concurrence d'un nombre accru de métiers et d'acteurs économiques a pour effet de stimuler l’innovation, d'accroître les opportunités économiques et donc l'efficacité globale. Cependant, elle concourt à augmenter les inégalités à l'intérieur des pays. Inégalités d'opportunités et de rémunération entre travailleurs mobiles et immobiles, qualifiés et non qualifiés, entre détenteurs de capital et détenteurs de leur seule force de travail, entre employés du secteur des biens et services échangeables et ceux des autres secteurs.

Le commerce international, en déplaçant les activités et les ressources au gré des coûts et des prix, agit comme une loupe: il magnifie les qualités d'un pays; il souligne dans le même temps ses faiblesses. La politique commerciale ne peut donc être conçue indépendamment des autres politiques de l'Union - politiques de transition et d'ajustement sur le marché du travail, politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre et politique de cohésion sociale et territoriale, politique du marché unique notamment, et la politique de développement et de coopération.

Dans un monde qui redécouvre la rareté, l'enjeu de la sécurité de l'approvisionnement  (5) s’ajoute à celui plus traditionnel de la stabilité de l'accès aux marchés extérieurs. La pression continue sur les ressources énergétiques et alimentaires et la concurrence accrue pour l’accès aux ressources naturelles deviennent des éléments déterminants des politiques commerciales et de sécurité.

3.   Jalons pour refonder un système commercial ouvert et compatible avec une transition juste

3.1   Peser sur une future réforme de l’OMC

3.1.1   Les grandes transformations liées à la mondialisation et leurs conséquences pour l'Union ne sont pas l'objet réservé de la politique commerciale, mais des enjeux pour l'Union toute entière. En conséquence, l’Union devrait susciter des travaux de prospective et ouvrir un débat public sur les conditions d’une transition juste. À ce titre, le CESE reconnaît l’apport du groupe de réflexion au Conseil européen sur l'avenir de l'UE à l'horizon 2030 (6), définissant et révisant le «concept stratégique» et les priorités de l'action extérieure de l'Union à long terme.

3.1.2   L'Europe doit concevoir sa politique commerciale comme un levier dans la future réforme de l’OMC. Le CESE soutient la proposition de la Commission visant à créer «un groupe de personnes éminentes issues des pays développés et en développement qui formuleront des recommandations indépendantes pour aider à façonner la vision européenne de l'agenda et du fonctionnement futurs de l'OMC de l'après-Doha». Le Comité souhaite s'y impliquer et sollicite un avis exploratoire sur le sujet.

3.1.3   Selon le CESE, l'Union doit se donner comme perspective à long terme de contribuer à façonner un autre visage à l'OMC, et de repenser le multilatéralisme dans le sens de son projet d'origine. L'Organisation Internationale du Commerce (OIC) telle que définie en 1948 par la Charte de la Havane, devait être une organisation multilatérale touchant à tous les aspects relatifs au commerce international sans exception, comprenant donc les questions d'emploi et d'investissement.

3.1.4   L'impasse du cycle de Doha et les retards pris dans la négociation des Accords de Partenariats Économiques (APE) obligent l'Europe à repenser les liens entre développement et commerce. Le CESE attire l'attention sur le bilan de l'initiative «Tout sauf les armes» et des APE, pour refonder notre stratégie en matière de commerce et de développement. La politique commerciale se conçoit dans un ensemble et le Comité se félicite des travaux complémentaires menés dans le cadre de l'actuelle Communication sur la réforme du SPG et d'une future Communication sur commerce et développement.

3.2   Donner une priorité à la sécurité alimentaire

3.2.1   Le Comité, dans divers avis (7) a apporté des éléments de réponse pour la construction d’une vision plus stratégique de la politique commerciale. En outre, à l'issue d'une conférence sur la sécurité alimentaire organisée en mai 2011, le CESE a présenté ses recommandations pour nourrir les travaux du G20. Il considère que le commerce international constitue un des facteurs décisifs pour garantir la sécurité alimentaire et assurer l'application du droit à l'alimentation. Les conclusions de cette conférence (8) précisent l'impact du commerce sur la sécurité alimentaire et le développement:

3.2.2   Garantir que les règles du commerce international favorisent la sécurité alimentaire

3.2.3   Veiller à ce que dans les réformes ayant trait au commerce et dans les négociations commerciales, l'on tienne convenablement compte de la nécessité de contribuer à la réduction de l'insécurité alimentaire et nutritionnelle dans les populations les plus vulnérables des pays en développement.

3.2.4   Réduire dans une mesure substantielle les aides nationales qui provoquent des distorsions commerciales, et faire disparaître les subventions à l'exportation:

Mieux définir quand et comment il serait possible d'avoir recours à des mesures de restriction des exportations, et simultanément renforcer les processus de consultation et de notification. Évaluer en particulier les répercussions négatives de telles mesures sur la sécurité alimentaire d'autres pays.

Éliminer les obstacles aux exportations, au transport et à l'importation d'aide alimentaire à caractère humanitaire dans les pays bénéficiaires et les pays avoisinants.

3.2.5   Faire en sorte que les pays en développement retirent davantage de bénéfices des réglementations commerciales:

Autoriser et encourager les pays en développement à utiliser suffisamment les dispositions relatives à un traitement spécial et différencié pour les aider à protéger leurs marchés alimentaires. Il est particulièrement nécessaire, dans des cadres multilatéraux, régionaux et bilatéraux, de leur faciliter le recours à des mesures de sauvegarde leur permettant d'agir en cas d'augmentation importante des importations susceptibles de mettre en péril la production locale des denrées alimentaires.

Garantir aux produits agricoles en provenance de pays en développement un meilleur accès aux marchés des pays développés. Les autres pays développés devraient suivre l'exemple de l'Union européenne en adoptant un système semblable à l'initiative «Tout sauf les Armes», et il conviendrait de réduire dans une mesure substantielle les tarifs douaniers applicables aux produits transformés en provenance de pays en développement, de manière à favoriser la mise en place d'infrastructures locales de transformation.

Faire en sorte que des ressources supplémentaires soient disponibles pour l'initiative «Aid for Trade» (aide pour le commerce), afin de renforcer la capacité des pays en développement à participer au commerce international des denrées alimentaires et à en retirer les bénéfices. Il conviendrait aussi de renforcer l'assistance technique pour aider les pays en développement à se conformer aux réglementations et aux normes existantes en matière agricole et alimentaire.

Encourager l'intégration régionale, ainsi que le commerce et la coopération Sud-Sud par la promotion des regroupements économiques régionaux. La communauté internationale ainsi que l'UE, avec la précieuse expérience dont dispose cette dernière, devraient appuyer ce processus.

3.2.6   Le Comité souhaite que ces propositions soient prises en compte par la Commission dans la préparation de la Communication sur le Commerce et le développement.

3.2.7   Pour mettre en relief ces préconisations et assurer une attention accrue à la thématique de la coopération au développement, à la solidarité mondiale et au débat sur les objectifs du millénaire pour le développement, le Comité propose de dédier l'année 2015 au «développement et à la coopération» (intitulé provisoire). Puisque l'UE et ses États membres ont également résolu d'atteindre ces objectifs d'ici 2015, le Comité propose de profiter de cette année européenne pour encourager, chez chaque citoyen, dans la société civile et aux échelons national et européen, une sensibilisation et un sentiment de responsabilité partagée vis-à-vis de la réalisation des objectifs fixés et de ceux, nouveaux, qui le seront après 2015."

4.   Créer les instruments efficaces d’une concurrence plus loyale

4.1   En matière de concurrence, la gouvernance mondiale souffre de sérieuses lacunes. La concurrence demeure l’objet d'un traitement partiel et insatisfaisant à l'OMC. En particulier les problèmes de monopole privé, d'abus de position dominante et d'obstacles non tarifaires relevant d'initiatives privées (normes et standards) n'entrent pas dans son domaine de compétence. Le droit commercial en matière de dumping, subvention et aides d’État reste sujet à interprétation au gré des jurisprudences de l’Organe de règlement des différends.

4.2   Faute de pouvoir combler seule les insuffisances de la gouvernance mondiale, l'Union doit s'employer à clarifier le droit existant et faire valoir ses valeurs et ses normes dans les instruments qui protègent et assurent une concurrence loyale:

en travaillant avec le secrétariat de l'OMC, à la consolidation de l’évaluation des conditions de la concurrence à l’exportation dans le cadre du Mécanisme d'examen des politiques commerciales (MEPC),

en encourageant la démarche du rapport annuel sur les obstacles au commerce et à l'investissement,

en soutenant les différentes initiatives visant à inclure les sujets dits de Singapour (investissement, marché public, concurrence) et persister dans la facilitation des échanges dans un nouvel agenda multilatéral. En particulier, la nécessité d'un accord multilatéral sur les marchés publics doit être réaffirmée, soutenue au besoin par une politique de «carotte» (par exemple transferts technologiques) ou de «bâton» (restriction à l'accès aux marchés publics communautaires),

en limitant les distorsions de concurrence entre pays membres européens dans la conquête de marchés extérieurs par leurs entreprises nationales respectives, grâce à l'harmonisation des politiques et mesures de promotion, d'assurance et de crédit à l'exportation, et l'intégration progressive des chambres de commerce et de leurs représentations dans les pays tiers. Renforcer et développer des centres européens de soutien aux PME dans les pays tiers («European Business Centre» (9)) et rendre pleinement opérationnelles les équipes d'accès aux marchés (Market access teams) (10) permettrait à cet égard de doter l'UE d'outils efficaces,

en veillant au respect de la propriété intellectuelle dans le cadre de l'accord sur la propriété intellectuelle de l'OMC (ADPIC), de l'accord anticontrefaçon (ACTA), et des accords bilatéraux,

en recourant aux mécanismes de l'Organe de règlement des différends de l'OMC (ORD) dès que nécessaire afin de contribuer au renforcement d'une jurisprudence conforme à la vision et aux valeurs de l'Union.

5.   Rendre effectif l’appui du commerce à une stratégie inclusive et promouvoir la dimension sociale dans les échanges

5.1   La dimension sociale de la mondialisation demeure une question incontournable et à terme devra recevoir une solution négociée au sein des enceintes multilatérales et en particulier à l'OMC. Dans l'immédiat, octroyer un statut d'observateur à l'OIT auprès de l'OMC constitue un impératif que l'UE doit poursuivre en persuadant les pays qui persistent à s'y opposer. En outre, l'OIT pourrait être progressivement associée aux travaux du Mécanisme d'examen des politiques commerciales des membres de l'OMC en apportant des contributions sur les politiques sociales des pays concernés.

5.2   Le CESE affirme que l'Europe apporte une expérience constructive de prise en compte de la dimension sociale dans les échanges qui peut servir de référence concrète au plan international sans prêter le flanc à la critique d'un protectionnisme déguisé. Ainsi le Comité a-t-il le souci constant de valoriser l'introduction du volet Développement durable incluant la dimension sociale dans tout accord commercial, la prise en compte des conventions fondamentales de l'OIT dans le chapitre social, l'expérience de la conditionnalité dans le mécanisme du «SPG», et l'existence d'un fonds européen d'ajustement à la mondialisation.

5.3   S'ajoute à cette dynamique récente, le recours à des études d'impact qui avec une méthodologie révisée permettraient de mieux anticiper les conséquences sur l'emploi et mieux préparer les mesures d'accompagnement (11). Le CESE accorde une attention particulière à la mise en place des comités de suivi prévus dans les accords commerciaux signés par l'UE, qui assureront une surveillance de la dimension sociale et environnementale de ceux-ci.

5.4   L'Union et les États membres devraient poursuivre leur engagement financier pour la promotion et la mise en œuvre des 8 conventions fondamentales de l'OIT, tout en restant lucides sur le fait que ce dispositif n'a pas vocation à effacer immédiatement les problèmes de compétitivité et d'emploi en Europe. En outre, suivre avec attention l'initiative prise par l'OIT d'établir un socle de protection sociale et soutenir les programmes en faveur du travail décent offre de nouvelles opportunités pour lier commerce et emploi. Le CESE attend que le G20 se penche, en lien avec le FMI et la Banque mondiale, sur les modes de financement envisageables du socle de protection sociale universelle.

5.5   L'Union doit valoriser dans les études d’impact les dialogues sociaux sectoriels pour la définition des mesures d'ajustement aux effets de ses choix commerciaux. Il lui faut également traduire les conséquences de la clause sociale horizontale (12) du traité de Lisbonne dans sa politique commerciale de manière explicite. Lors des négociations sur les prochaines perspectives financières, le Fonds social européen doit être préservé et orienté vers les questions de reconversions industrielles liées aux transitions et aux restructurations. Les conditions d'accès au Fonds européen d'ajustement à la mondialisation doivent être assouplies pour permettre l'éligibilité du plus large nombre d'actifs victimes des évolutions dans l'industrie mais aussi dans le secteur agricole. Ce fonds pourrait également favoriser l'expérimentation sociale.

5.6   Le CESE préconise d'intégrer dans le chapitre développement durable des accords la dimension droits de l'Homme et d'articuler les mesures d'accompagnement de l'accord avec l'Instrument européen pour la démocratie et les droits de l'Homme (IEDDH). Une meilleure application des principes directeurs des Nations Unies contribuera à la réalisation des objectifs de l'Union relatifs aux questions spécifiques afférentes aux droits de l'homme. En accord avec la communication sur la Responsabilité sociale des entreprises (octobre 2011) (13), ces principes constituent un enjeu essentiel du commerce et du développement.

6.   Concrétiser les engagements environnementaux dans la politique commerciale

6.1   Les négociations sur les biens et services environnementaux dans le cadre de Doha peuvent contribuer aux objectifs de l’Union d’améliorer l’accès aux biens et technologies respectueux de l’environnement. Néanmoins, pour une large gamme de produits, et tel est le cas en particulier des énergies renouvelables, les barrières tarifaires sont faibles ou modérées, tandis que les barrières non tarifaires restent un obstacle sérieux à leur diffusion. Sécuriser un accord précoce et isolé en matière d’échange de biens et services environnementaux à l’OMC intégrant les aspects tarifaires et non tarifaires des protections constitue une nouvelle proposition de la Commission que soutient le CESE.

6.2   Pour développer une économie verte dans un contexte concurrentiel mondialisé et conserver son leadership en la matière, l’Europe devrait dans son propre intérêt et celui du climat, conserver l'ambition de réduire de 80 % les émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050, avec par exemple un objectif intermédiaire de 40 % entre 2020 et 2030. Le Comité propose de développer des analyses d’impact (compétitivité, emploi, environnement) et d'organiser des débats publics pour anticiper les transitions entre 2020 et 2050 et stabiliser les projections des acteurs économiques et des citoyens.

6.3   La fixation de cet objectif intermédiaire doit être assortie de mesures règlementaires et fiscales favorisant un surcroît d’investissement dans la recherche et le développement de technologies propres. Le recours à des mesures d’ «ajustement carbone» aux frontières doit être strictement limité aux quelques cas de perte de compétitivité et de fuite de carbone avérées, et dans le respect des règles de l’OMC, conformément à l’analyse de la Commission (14).

6.4   Au vu de la maturation lente et incertaine des projets de création d'un marché d’échange de quotas d’émission de CO2 dans le monde, les pays membres de l’UE seront pendant quelques années encore parmi les rares pays à fixer un prix au CO2. Face au risque à venir de «fuite» de carbone de quelques secteurs européens soumis au Système communautaire d’échange de quotas d’émissions (SCEQE), le Comité recommande, en complément des actuelles allocations gratuites de quotas d'émission mises en place par la Commission, d’accroître significativement les investissements de long terme dédiés à la décarbonisation de l’économie, et de créer un cadre incitatif prévisible et stable favorisant l’innovation, la recherche et le développement dans le domaine des technologies propres non encore commercialisables.

6.5   En matière de transport, le CESE soutient l’adoption d’objectifs mondiaux fixés par la Convention Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de moins de 10 % d’émissions pour le transport aérien et de moins de 20 % pour le transport maritime. La décision de partager les efforts de réduction vise également le secteur du transport puisque l’aviation sera progressivement intégrée dans le SCEQE à partir de 2012. Une initiative européenne visant à établir des objectifs d’efficacité énergétique dans le transport de haute mer contribuerait à cet effort.

6.6   En matière d’études d’impact de développement durable (EID), le CESE réitère ses recommandations de révision du dispositif actuel, telles qu’énoncées dans un précédent avis (15). Il convient en particulier d'améliorer l'information sur l'impact environnemental des politiques commerciales en mobilisant plus étroitement les secrétariats des Accords Multilatéraux sur l'Environnement.

6.7   Si une initiative sur les normes et l’étiquetage «environnemental» ou «développement durable» doit rester privée et décentralisée à l’intérieur de l’UE, un cadre commun de mesure et d’évaluation est indispensable et serait du ressort de la Commission ou d’une agence dédiée.

Bruxelles, le 7 décembre 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Cf 3.3 Mobiliser nos instruments de politique extérieure dans EUROPE 2020, Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive, COM(2010) 2020 du 3.3.2010.

(2)  Croissance, commerce et affaires mondiales COM(2010) 612.

(3)  Avis CESE: JO C 211 du 19/08/2008, p. 82; JO C 318 du 29/10/2011. p. 150; JO C 255 du 22/09/2010, p. 1.

(4)  JO C 318 du 29/10/2011, p. 150.

(5)  JO C 132 du 3/05/2011, p. 15; JO C 54 du 19/02/2011, p. 20.

(6)  Projet pour l'Europe à l'horizon 2030, les défis à relever et les chances à saisir, rapport remis à Herman Van Rompuy le 9 mai 2011: http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cmsUpload/fr_web.pdf.

(7)  JO C 318 du 29/10/2011, p. 150; JO C 248 du 25/08/2011, p. 55; JO C 218 du 23/07/2011, p. 25; JO C 21 du 21/01/2011, p. 15; JO C 255 du 22/09/2010, p. 1; JO C 128 du 18/05/2010, p. 41; JO C 211 du 19/08/2008, p. 82.

(8)  http://www.eesc.europa.eu/resources/docs/food-for-everyone-conclusions-en.pdf.

(9)  En Chine, en Thaïlande, en Inde et au Vietnam.

(10)  JO C 218 du 23/07/2011, p. 25.

(11)  JO C 218 du 23/07/2011, p. 19.

(12)  Avis CESE: Renforcer la cohésion et la coordination de l'UE dans le domaine social (non encore publié au JO).

(13)  COM(2011) 681 final. Communication de la commission sur la responsabilité sociale des entreprises: une nouvelle stratégie de l'UE pour 2011-2014.

(14)  Le commerce comme vecteur de prospérité (seulement disponible en anglais) SEC(2010)269. http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2010/november/tradoc_146940.pdf.

(15)  JO C 218 du 23/07/2011, p. 19.


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