EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62020CJ0125

Judgment of the Court (Sixth Chamber) of 22 December 2022.
European Commission v Kingdom of Spain.
Case C-125/20.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:1025

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

22 décembre 2022 (*)

« Manquement d’État – Environnement – Directive 2008/50/CE – Qualité de l’air ambiant – Article 13, paragraphe 1 – Annexe XI – Dépassement systématique et persistant des valeurs limites fixées pour le dioxyde d’azote (NO2) dans certaines zones et agglomérations d’Espagne – Article 23, paragraphe 1 – Annexe XV – Période de dépassement “la plus courte possible” – Mesures appropriées »

Dans l’affaire C‑125/20,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 4 mars 2020,

Commission européenne, représentée initialement par Mmes A. C. Becker, M. Jauregui Gómez et M. M. Noll-Ehlers, puis par Mme M. Jauregui Gómez et M. M. Noll-Ehlers, et enfin par M. M. Noll-Ehlers et Mme E. Sanfrutos Cano, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Royaume d’Espagne, représenté initialement par M. S. Jiménez García et Mme M. J. Ruiz Sánchez, puis par Mme M. J. Ruiz Sánchez, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. P. G. Xuereb, président de chambre, M. A. Kumin (rapporteur) et Mme I. Ziemele, juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : Mme L. Carrasco Marco, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 février 2022,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que le Royaume d’Espagne :

–        dans la mesure où, depuis l’année 2010, d’une part, la valeur limite annuelle fixée pour le dioxyde d’azote (NO2) dans les zones ES 0901 Àrea de Barcelona, ES 0902 Vallès – Baix Llobregat et ES 1301 Madrid ainsi que, d’autre part, la valeur limite horaire fixée pour le NO2 dans la zone ES 1301 Madrid ont été dépassées de manière systématique et persistante, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées de l’article 13, paragraphe 1, et de l’annexe XI de la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008, concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe (JO 2008, L 152, p. 1), et,

–        en n’ayant pas pris, à compter du 11 juin 2010, les mesures appropriées pour que la période de dépassement des valeurs limites fixées pour le NO2 dans les zones ES 0901 Àrea de Barcelona, ES 0902 Vallès – Baix Llobregat, et ES 1301 Madrid soit la plus courte possible, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 23, paragraphe 1, de cette directive, lu en combinaison avec l’annexe XV de celle-ci, et, en particulier, à l’obligation, prévue à l’article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa, de ladite directive, de veiller à ce que la période de dépassement soit la plus courte possible.

 Le cadre juridique

 La directive 96/62/CE

2        L’article 8 de la directive 96/62/CE du Conseil, du 27 septembre 1996, concernant l’évaluation et la gestion de la qualité de l’air ambiant (JO 1996, L 296, p. 55), intitulé « Mesures applicables dans les zones où les niveaux dépassent la valeur limite », prévoyait, à ses paragraphes 1, 3 et 4 :

« 1.      Les États membres établissent la liste des zones et des agglomérations où les niveaux d’un ou de plusieurs polluants dépassent la valeur limite augmentée de la marge de dépassement.

[...]

3.      Dans les zones et les agglomérations visées au paragraphe 1, les États membres prennent des mesures pour assurer l’élaboration ou la mise en œuvre d’un plan ou programme permettant d’atteindre la valeur limite dans le délai fixé.

Ledit plan ou programme, auquel la population doit avoir accès, contient au moins les informations énumérées à l’annexe IV.

4.      Dans les zones et les agglomérations visées au paragraphe 1, où le niveau de plus d’un polluant est supérieur aux valeurs limites, les États membres fournissent un plan intégré englobant tous les polluants en cause. »

 La directive 1999/30/CE

3        L’article 4 de la directive 1999/30/CE du Conseil, du 22 avril 1999, relative à la fixation de valeurs limites pour l’anhydride sulfureux, le dioxyde d’azote et les oxydes d’azote, les particules et le plomb dans l’air ambiant (JO 1999, L 163, p. 41), intitulé « Dioxyde d’azote et oxydes d’azote », disposait :

« 1.      Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les concentrations de dioxyde d’azote et, le cas échéant, d’oxydes d’azote, dans l’air ambiant, évaluées conformément à l’article 7, ne dépassent pas les valeurs limites indiquées au point I de l’annexe II, à partir des dates y spécifiées.

Les marges de dépassement indiquées au point I de l’annexe II s’appliquent conformément à l’article 8 de la directive 96/62/CE.

2.      Le seuil d’alerte de concentration de dioxyde d’azote dans l’air ambiant est fixé au point II de l’annexe II. »

4        L’annexe II, point I, de la directive 1999/30 fixait au 1er janvier 2010 la date à partir de laquelle les valeurs limites horaire et annuelle fixées pour le NO2 devaient être respectées.

5        En vertu de l’article 12 de cette directive, les États membres devaient mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à celle-ci au plus tard le 19 juillet 2001.

 La directive 2008/50

6        Ainsi qu’il ressort de l’article 31 de la directive 2008/50, celle-ci, qui est entrée en vigueur le 11 juin 2008, a notamment abrogé et remplacé, à partir du 11 juin 2010, les directives 96/62 et 1999/30.

7        Les considérants 17 et 18 de la directive 2008/50 énoncent :

« (17)      Toutes les institutions concernées devraient étudier prioritairement les mesures à adopter au plan communautaire pour réduire les émissions à la source, et notamment pour améliorer l’efficacité de la législation communautaire relative aux émissions industrielles, limiter les émissions d’échappement des moteurs équipant les véhicules utilitaires lourds, réduire davantage, dans les États membres, le niveau autorisé d’émissions des principaux polluants et des émissions liées à l’approvisionnement des véhicules à essence dans les stations service, ainsi que pour contrôler la teneur en soufre des combustibles, y compris les combustibles marins.

(18)      Des plans relatifs à la qualité de l’air devraient être établis pour les zones et agglomérations dans lesquelles les concentrations de polluants dans l’air ambiant dépassent les valeurs cibles ou valeurs limites de qualité de l’air applicables, augmentées, le cas échéant, des marges de dépassement temporaire applicables. Les polluants atmosphériques sont produits par de multiples sources et activités. Pour assurer la cohérence entre les différentes politiques, ces plans relatifs à la qualité de l’air devraient si possible être cohérents et coordonnés avec les plans et programmes établis en application de la directive 2001/80/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2001 relative à la limitation des émissions de certains polluants dans l’atmosphère en provenance des grandes installations de combustion [(JO 2001, L 309, p. 1)], de la directive 2001/81/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2001, fixant des plafonds d’émission nationaux pour certains polluants atmosphériques (JO 2001, L 309, p. 22),] et de la directive 2002/49/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 juin 2002 relative à l’évaluation et à la gestion du bruit dans l’environnement [(JO 2002, L 189, p. 12)]. Il convient également de prendre dûment en considération les objectifs de qualité de l’air ambiant prévus par la présente directive, lorsque des autorisations sont accordées à des activités industrielles conformément à la directive 2008/1/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 janvier 2008 relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution [(JO 2008, L 24, p. 8)]. »

8        L’article 1er de la directive 2008/50, intitulé « Objet », dispose, à ses points 1 à 3 :

« La présente directive établit des mesures visant :

1)      à définir et à fixer des objectifs concernant la qualité de l’air ambiant, afin d’éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs pour la santé humaine et pour l’environnement dans son ensemble ;

2)      à évaluer la qualité de l’air ambiant dans les États membres sur la base de méthodes et de critères communs ;

3)      à obtenir des informations sur la qualité de l’air ambiant afin de contribuer à lutter contre la pollution de l’air et les nuisances et de surveiller les tendances à long terme et les améliorations obtenues grâce aux mesures nationales et communautaires ».

9        L’article 2 de cette directive, intitulé « Définitions », prévoit, à ses points 5, 8, 16 à 18 et 24 :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

5)      “valeur limite” : un niveau fixé sur la base des connaissances scientifiques, dans le but d’éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs sur la santé humaine et/ou l’environnement dans son ensemble, à atteindre dans un délai donné et à ne pas dépasser une fois atteint ;

[...]

8)      “plans relatifs à la qualité de l’air” : les plans énonçant des mesures visant à atteindre les valeurs limites ou valeurs cibles ;

[...]

16)      “zone” : une partie du territoire d’un État membre délimitée par lui aux fins de l’évaluation et de la gestion de la qualité de l’air ;

17)      “agglomération” : une zone qui constitue une conurbation caractérisée par une population supérieure à 250 000 habitants ou, lorsque la population est inférieure ou égale à 250 000 habitants, par une densité d’habitants au kilomètre carré à établir par les États membres ;

18)      “PM10” : les particules passant dans un orifice d’entrée calibré tel que défini dans la méthode de référence pour l’échantillonnage et la mesure du PM10, norme EN 12 341, avec un rendement de séparation de 50 % pour un diamètre aérodynamique de 10 μm ;

[...]

24)      “oxydes d’azote” : la somme du rapport de mélange en volume (ppbv) de monoxyde d’azote (oxyde nitrique) et de dioxyde d’azote, exprimé en unités de concentration massique de dioxyde d’azote (μg/m3) ».

10      L’article 13 de ladite directive, intitulé « Valeurs limites et seuils d’alerte pour la protection de la santé humaine », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les États membres veillent à ce que, dans l’ensemble de leurs zones et agglomérations, les niveaux d’anhydride sulfureux, de PM10, de plomb et de monoxyde de carbone dans l’air ambiant ne dépassent pas les valeurs limites fixées à l’annexe XI.

En ce qui concerne le dioxyde d’azote et le benzène, les valeurs limites indiquées à l’annexe XI ne peuvent pas être dépassées à partir des dates indiquées à ladite annexe.

Le respect de ces exigences est évalué conformément à l’annexe III.

Les marges de dépassement indiquées à l’annexe XI s’appliquent conformément à l’article 22, paragraphe 3, et à l’article 23, paragraphe 1. »

11      L’article 20 de la même directive, intitulé « Contribution des sources naturelles », prévoit :

« 1.      Les États membres transmettent à la Commission, pour une année donnée, les listes des zones et des agglomérations dans lesquelles les dépassements des valeurs limites pour un polluant déterminé sont imputables aux contributions des sources naturelles. Les États membres transmettent des informations sur les concentrations et les sources, ainsi que des éléments prouvant que les dépassements sont imputables à des sources naturelles.

2.      Lorsque la Commission a été informée d’un dépassement imputable à des sources naturelles conformément au paragraphe 1, ce dépassement n’est pas considéré comme un dépassement aux fins de la présente directive.

[...] »

12      L’article 22 de la directive 2008/50, intitulé « Report des délais fixés pour atteindre certaines valeurs limites et exemption de l’obligation d’appliquer celles-ci », est ainsi libellé :

« 1.      Lorsque, dans une zone ou agglomération donnée, les valeurs limites fixées pour le dioxyde d’azote ou le benzène ne peuvent pas être respectées dans les délais indiqués à l’annexe XI, un État membre peut reporter ces délais de cinq ans au maximum pour la zone ou agglomération en cause, à condition qu’un plan relatif à la qualité de l’air soit établi conformément à l’article 23 pour la zone ou l’agglomération à laquelle le report de délai s’appliquerait. Ce plan est complété par les informations énumérées à l’annexe XV, section B, relatives aux polluants concernés et démontre comment les valeurs limites seront respectées avant la nouvelle échéance.

[...]

4.      Les États membres notifient à la Commission les zones ou agglomérations dans lesquelles ils estiment que les paragraphes 1 ou 2 sont applicables et transmettent le plan relatif à la qualité de l’air visé au paragraphe 1, avec tous les renseignements nécessaires pour permettre à la Commission d’évaluer si les conditions pertinentes sont remplies. Dans son évaluation, la Commission prend en considération les effets estimés, actuellement et dans le futur, sur la qualité de l’air ambiant dans les États membres, des mesures qui ont été prises par les États membres, ainsi que les effets estimés, sur la qualité de l’air ambiant, des mesures communautaires actuelles et des mesures prévues, que doit proposer la Commission.

En l’absence d’objection de la part de la Commission dans les neuf mois qui suivent la réception de la notification, les conditions pertinentes pour l’application du paragraphe 1 ou du paragraphe 2 sont réputées remplies.

En cas d’objection, la Commission peut demander aux États membres d’adapter les plans relatifs à la qualité de l’air ou d’en fournir de nouveaux. »

13      L’article 23 de cette directive, intitulé « Plans relatifs à la qualité de l’air », énonce, à son paragraphe 1 :

« Lorsque, dans une zone ou agglomération donnée, les niveaux de polluants dans l’air ambiant dépassent toute valeur limite ou toute valeur cible, majorée dans chaque cas de toute marge de dépassement, les États membres veillent à ce que des plans relatifs à la qualité de l’air soient établis pour cette zone ou agglomération afin d’atteindre la valeur limite ou la valeur cible correspondante indiquée aux annexes XI et XIV.

En cas de dépassement de ces valeurs limites après le délai prévu pour leur application, les plans relatifs à la qualité de l’air prévoient des mesures appropriées pour que la période de dépassement soit la plus courte possible. Ils peuvent comporter des mesures additionnelles spécifiques pour protéger les catégories de population sensibles, notamment les enfants.

Ces plans relatifs à la qualité de l’air contiennent au moins les informations énumérées à l’annexe XV, section A, et peuvent aussi inclure les mesures visées à l’article 24. Ils sont transmis à la Commission sans délai, et au plus tard deux ans après la fin de l’année au cours de laquelle le premier dépassement a été constaté.

Lorsque des plans relatifs à la qualité de l’air doivent être élaborés ou mis en œuvre pour plusieurs polluants, les États membres élaborent et mettent en œuvre, s’il y a lieu, des plans intégrés relatifs à la qualité de l’air couvrant tous les polluants concernés. »

14      L’article 27 de ladite directive, intitulé « Transmission des informations et des rapports », prévoit :

« 1.      Les États membres veillent à ce que les informations sur la qualité de l’air ambiant soient mises à la disposition de la Commission dans les délais prévus par les mesures d’exécution visées à l’article 28, paragraphe 2.

2.      En tout état de cause, afin d’évaluer spécifiquement le respect des valeurs limites et des niveaux critiques ainsi que la réalisation des valeurs cibles, ces informations sont communiquées à la Commission, au plus tard neuf mois après la fin de chaque année, et comprennent :

[...]

b)      la liste des zones et des agglomérations dans lesquelles les niveaux d’un ou de plusieurs polluants sont supérieurs aux valeurs limites majorées de la marge de tolérance, s’il y a lieu, ou supérieurs aux valeurs cibles ou aux niveaux critiques ; et, pour ces zones et agglomérations :

i)      les niveaux évalués et, le cas échéant, les dates et périodes auxquelles ces niveaux ont été observés ;

ii)      s’il y a lieu, une évaluation de la part imputable aux sources naturelles et à la remise en suspension de particules provoquée par le sablage ou salage hivernal des routes dans les niveaux observés, déclarés à la Commission conformément aux articles 20 et 21.

3.      Les dispositions des paragraphes 1 et 2 s’appliquent aux informations réunies à partir du début de la deuxième année civile suivant l’entrée en vigueur des mesures d’exécution visées à l’article 28, paragraphe 2. »

15      L’article 33 de la même directive, intitulé « Transposition », dispose :

« 1.      Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive avant le 11 juin 2010. Ils transmettent immédiatement à la Commission le texte de ces dispositions.

Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.

[...]

3.      Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions essentielles de droit interne qu’ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive. »

16      L’annexe XI de la directive 2008/50, intitulée « Valeurs limites pour la protection de la santé humaine », fixe, à sa section B, les valeurs limites suivantes pour le NO2 :

« Période de calcul de la moyenne  

Valeur limite

Marge de dépassement

Date à laquelle la valeur limite doit être respectée

[...]




Une heure

200 μg/m3, à ne pas dépasser plus de 18 fois par année civile

[...] 0 % au 1er janvier

2010

1er janvier 2010

Année civile

40 μg/m3

[...] 0 % au 1er janvier 2010

1er janvier 2010 »


17      Au nombre des informations devant figurer dans les plans relatifs à la qualité de l’air, au sens de l’article 23 de cette directive, l’annexe XV, section A, de celle-ci précise, à ses points 2 et 8 :

« 2.      Informations générales

[...]

c)      données climatiques utiles ;

d)      données topographiques utiles ;

[...]

8.      Informations concernant les mesures ou projets visant à réduire la pollution adoptés à la suite de l’entrée en vigueur de la présente directive

a)      énumération et description de toutes les mesures prévues dans le projet ;

b)      calendrier de mise en œuvre ;

c)      estimation de l’amélioration de la qualité de l’air escomptée et du délai prévu pour la réalisation de ces objectifs. »

 La procédure précontentieuse

18      Il ressort des valeurs moyennes annuelles de NO2 pour les années 2010 à 2018 figurant dans les rapports annuels, qui, conformément à l’article 27 de la directive 2008/50, ont été communiqués par le Royaume d’Espagne à la Commission, que la valeur limite annuelle de 40 μg/m3 a été dépassée, chacune de ces années, dans les zones ES 0901 Àrea de Barcelona et ES 1301 Madrid, ainsi que, pour la période allant de l’année 2010 à l’année 2017, dans la zone ES 0902 Vallès – Baix Llobregat.

19      Les autorités espagnoles ont également communiqué à la Commission des plans relatifs à la qualité de l’air pour lesdites zones.

20      Par lettre enregistrée le 23 mai 2012, le Royaume d’Espagne a, en application de l’article 22 de la directive 2008/50, demandé à la Commission, une prorogation du délai pour se conformer aux valeurs limites annuelle et horaire fixées pour le NO2 dans la zone ES 1301 Madrid.

21      Par décision du 16 mai 2013, la Commission a, sur le fondement de l’article 22, paragraphe 4, de cette directive, émis des objections à cette demande.

22      Au cours de l’année 2014, la Commission a ouvert une enquête sur des infractions potentielles à la directive 2008/50 commises par le Royaume d’Espagne dans les trois zones faisant l’objet du présent recours. En réponse à des demandes de renseignements de la Commission à cet égard, le Royaume d’Espagne a présenté trois communications successives aux mois d’août et d’octobre de l’année 2014.

23      Le 19 juin 2015, la Commission a adressé à cet État membre une lettre de mise en demeure pour infraction à l’article 13 et à l’annexe XI de la directive 2008/50, au motif que, au cours de la période comprise entre les années 2010 et 2013, avaient été dépassées, dans les trois zones mentionnées au point 1 du présent arrêt, de manière persistante, la valeur limite annuelle fixée pour le NO2 de même que la valeur limite horaire de NO2 dans l’une de ces trois zones. Pour parvenir à cette conclusion, la Commission s’est fondée sur les rapports annuels portant sur les années 2010 à 2013, transmis par ledit État membre.

24      La Commission a également fait grief au Royaume d’Espagne de ne pas avoir pris de mesures suffisantes pour garantir le respect des valeurs limites fixées pour le NO2 dans le délai le plus court possible dans lesdites zones, en violation des obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/50.

25      Par lettre du 8 octobre 2015, le Royaume d’Espagne a répondu à la lettre de mise en demeure visée au point 23 du présent arrêt en précisant les mesures prises par les différentes administrations territoriales compétentes, sans nier l’existence des dépassements des valeurs limites allégués.

26      Compte tenu de la persistance de ces dépassements, la Commission a émis, le 16 février 2017, un avis motivé, dans lequel elle a réitéré les reproches contenus dans cette lettre de mise en demeure en prenant également en considération les données figurant dans les rapports annuels relatifs à la qualité de l’air concernant les années 2014 et 2015, qui avaient été officiellement validés au mois de septembre de l’année 2016. La Commission a fixé un délai de deux mois, expirant le 16 avril 2017, pour que le Royaume d’Espagne adopte les mesures nécessaires pour se conformer aux obligations prévues par la directive 2008/50.

27      Par lettre du 23 mai 2017, le Royaume d’Espagne a répondu à cet avis motivé.

28      Après cette date, divers échanges d’informations entre cet État membre et la Commission ont eu lieu, dans le cadre desquels les autorités espagnoles ont communiqué le plan national relatif à la qualité de l’air II (ci-après le « plan AIRE II »), adopté au mois de décembre 2017 et applicable sur l’ensemble du territoire dudit État membre, ainsi que le plan relatif à la qualité de l’air de la ville de Madrid et au changement climatique (plan A) (ci-après le « plan A »), adopté le 21 septembre 2017 et applicable à la zone ES 1301 Madrid.

29      À la suite d’une réunion bilatérale qui s’est tenue à Madrid (Espagne) les 23 et 24 novembre 2017, le Royaume d’Espagne a, par une lettre du 16 janvier 2018, communiqué à la Commission des informations sur les mesures prises et sur leurs effets escomptés. Selon ces informations, les dépassements des valeurs limites annuelle et horaire en cause se poursuivraient au moins jusqu’à l’année 2020.

30      Le 30 janvier 2018, la Commission a tenu un sommet sur la qualité de l’air à Bruxelles, auquel elle a invité le Royaume d’Espagne et huit autres États membres contre lesquels des procédures d’infraction avaient été ouvertes en raison d’une pollution de l’air excessive. À cette occasion, la Commission a invité ces États membres à présenter des engagements contraignants supplémentaires en vue de la mise en œuvre de mesures imminentes, efficaces et crédibles pour remédier à la situation de dépassement grave des valeurs limites fixées par la directive 2008/50.

31      Sur le fondement du rapport relatif à la qualité de l’air pour l’année 2017, validé au mois de septembre 2018, la Commission a toutefois constaté une évolution négative de la situation de la qualité de l’air en Espagne dans les trois zones visées au point 1 du présent arrêt. Concernant l’année 2018, malgré une amélioration par rapport à l’année 2017 pour deux de ces zones (ES 0901 Àrea de Barcelona et ES 1301 Madrid), la Commission a observé une détérioration des données par rapport à celles des années 2014 ou 2016.

32      Pour ces motifs, la Commission a considéré que le Royaume d’Espagne avait manqué aux obligations lui incombant en vertu de la directive 2008/50 et a introduit le présent recours.

 Sur le recours

 Sur le premier grief, tiré d’une violation systématique et persistante des dispositions combinées de l’article 13, paragraphe 1, et de l’annexe XI de la directive 2008/50

 Argumentation des parties

33      Par son premier grief, la Commission soutient que, depuis l’année 2010, le Royaume d’Espagne a, de manière systématique et persistante, violé l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/50, lu en combinaison avec l’annexe XI de celle-ci, au motif que, comme il ressort des données contenues dans les rapports annuels sur la qualité de l’air présentés par cet État membre conformément à l’article 27 de cette directive, d’une part, la valeur limite annuelle fixée pour le NO2 dans trois zones, à savoir les zones ES 0901 Àrea de Barcelona, ES 0902 Vallès – Baix Llobregat et ES 1301 Madrid, ainsi que, d’autre part, la valeur limite horaire fixée pour le NO2 dans cette dernière zone avaient été dépassées de l’année 2010 à l’année 2018. Ces données n’auraient pas été contestées par le Royaume d’Espagne.

34      Aucune de ces zones n’aurait bénéficié d’un report de délai pour atteindre ces valeurs limites au titre de l’article 22 de ladite directive.

35      À cet égard, la Commission fait valoir que la procédure prévue à l’article 258 TFUE repose sur la constatation objective du non-respect par un État membre des obligations que lui imposent le traité FUE ou un acte de droit dérivé. Elle souligne que le dépassement desdites valeurs limites suffit ainsi en lui-même pour constater un manquement à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/50, lu en combinaison avec l’annexe XI de celle-ci, et que la simple approbation d’un plan relatif à la qualité de l’air ne suffit pas, à elle seule, pour constater le plein respect des obligations incombant à un État membre en vertu de ces dispositions.

36      La Commission observe que seules les données relatives à la qualité de l’air pour les années 2010 à 2015 étaient visées pendant la phase précontentieuse. Toutefois, les données relatives aux années 2016 à 2018 qui n’étaient pas disponibles au terme du délai fixé dans l’avis motivé du 16 février 2017 devraient également être prises en considération, dès lors qu’elles auraient été validées entre-temps.

37      À cet égard, la Commission indique que la Cour a considéré que l’objet d’un recours en manquement peut s’étendre à des faits postérieurs à l’avis motivé pour autant qu’ils soient de même nature et constitutifs d’un même comportement que les faits visés par cet avis. Or, les données relatives à la qualité de l’air pour les années 2016 à 2018 constitueraient des faits de même nature que ceux visés par l’avis motivé du 16 février 2017 et constitutifs du même comportement de la part du Royaume d’Espagne.

38      De même, la Cour aurait admis que, dans le cadre d’un recours en manquement, la Commission peut présenter, au stade de la procédure contentieuse, des éléments de preuve supplémentaires démontrant le caractère général et la cohérence du manquement allégué.

39      Dans ce contexte, la Commission considère que le fait que les données relatives à l’année 2018 montrent que, s’agissant de la zone ES 0902 Vallès – Baix Llobregat, la valeur constatée coïncidait, en ce qui concerne cette année, avec la valeur limite annuelle fixée pour le NO2 par la directive 2008/50 ne remet pas en cause le manquement faisant l’objet du présent recours, puisqu’il constitue un élément isolé dans un contexte de manquement répété et persistant. En outre, il n’y aurait pas de données disponibles pour les années postérieures à l’année 2018 qui permettraient de conclure à la cessation de ce manquement. Il ressortirait d’ailleurs de la jurisprudence que la Cour considère également un tel manquement comme étant de nature persistante, quand bien même le dépassement des valeurs ne se serait pas produit de manière ininterrompue, puisqu’il suffirait qu’il ait été « très régulier ».

40      Dans son mémoire en défense, le Royaume d’Espagne fait valoir, à titre liminaire, que la Commission n’a pas établi le manquement allégué, puisqu’elle n’a pas correctement analysé les valeurs réellement représentatives de la qualité de l’air et leur évolution dans les zones concernées. Le Royaume d’Espagne soutient que les valeurs moyennes relatives à chacune de ces zones sont proches des limites prévues par la directive 2008/50, que les dépassements de ces dernières sont ponctuels et anecdotiques, et que l’évolution de ces valeurs traduit une tendance claire à l’amélioration de la qualité de l’air dans lesdites zones.

41      Cela serait corroboré par les données de l’année 2019 et par des données provisoires pour les premiers mois de l’année 2020 fournies par l’Agence européenne pour l’environnement, qui confirmeraient une tendance à la baisse des niveaux de NO2.

42      Le Royaume d’Espagne conteste également le caractère persistant et systématique du manquement invoqué et fait valoir que l’analyse effectuée par la Cour dans sa jurisprudence pertinente s’est fondée sur des rapports sur la qualité de l’air ambiant faisant apparaître un manquement systématique et persistant aux valeurs limites fixées par la directive 2008/50 sur l’ensemble du territoire de l’État membre concerné soit dans toutes les zones désignées, soit dans la majorité de ces zones.

43      La Cour fonderait l’analyse du respect de ces valeurs limites sur deux paramètres, à savoir, d’une part, la durée du dépassement et, d’autre part, le nombre de zones concernées. Le nombre de zones et d’agglomérations concernées par rapport au nombre de celles qui ont été désignées sur l’ensemble du territoire de l’État membre permettrait de déterminer si un dépassement est systématique et le nombre d’années pendant lesquelles ce dépassement est constaté permettrait de considérer que le manquement est persistant.

44      Partant, selon le Royaume d’Espagne, le manquement doit être considéré comme étant systématique lorsqu’il concerne toutes les zones délimitées par l’État membre concerné ou la plupart d’entre elles, ou un pourcentage significatif des zones désignées. Or, le présent recours ne concernerait que 3 des 146 zones et agglomérations désignées par le Royaume d’Espagne. En outre, s’agissant de la zone ES 0902 Vallès – Baix Llobregat, la Commission aurait admis que, selon les dernières données en sa possession, concernant l’année 2018, il n’y aurait plus de dépassement dans cette zone.

45      Le Royaume d’Espagne en conclut qu’il n’existe pas de manquement systématique en l’espèce. Par ailleurs, cet État membre relève que, selon les données relatives aux années 2018 et 2019 ainsi que les données provisoires pour l’année 2020, le manquement ne concerne que l’une des quinze zones désignées sur le territoire de la Catalogne et l’une des sept zones désignées dans la communauté de Madrid.

46      Concernant, en premier lieu, la Catalogne, le Royaume d’Espagne précise que, sur la base d’une analyse de la qualité de l’air des zones ES 0901 Àrea de Barcelona et ES 0902 Vallès – Baix Llobregat reposant sur les valeurs moyennes de l’ensemble constitué par ces zones, une tendance claire à la baisse ainsi que des valeurs moyennes annuelles inférieures aux valeurs limites imposées par la directive 2008/50 peuvent être constatées à partir de l’année 2010. Cette constatation ne pourrait pas être remise en question par les données afférentes aux années 2014 et 2016, dès lors que celles-ci ne font que refléter le fait qu’il s’agit de deux années très favorables du point de vue météorologique.

47      Dans ce contexte, le Royaume d’Espagne fait valoir qu’il résulte des données concernant les zones ES 0901 Àrea de Barcelona et ES 0902 Vallès – Baix Llobregat que le nombre de points de prélèvement enregistrant des dépassements a diminué de manière continue au fil des années. Ainsi, à partir de l’année 2018, dans la première de ces zones, deux points de prélèvement seulement auraient présenté des dépassements, tandis que, dans la seconde desdites zones, aucun point de prélèvement n’en aurait présenté.

48      À cet égard, le Royaume d’Espagne relève que, s’il est vrai que, selon la jurisprudence de la Cour, pour constater le dépassement d’une valeur limite fixée à l’annexe XI de la directive 2008/50, il suffit qu’un niveau de pollution supérieur à une valeur limite soit mesuré à un point de prélèvement isolé [arrêts du 26 juin 2019, Craeynest e.a., C‑723/17, EU:C:2019:533, points 60, 66 et 68, ainsi que du 24 octobre 2019, Commission/France (Dépassement des valeurs limites pour le dioxyde d’azote), C‑636/18, EU:C:2019:900, point 44], cette juridiction est parvenue à cette conclusion après avoir affirmé que les points de prélèvement fournissent des données représentatives pour des endroits d’une zone ou d’une agglomération caractérisés par un certain niveau de pollution. La Cour aurait estimé que le législateur de l’Union européenne, en exigeant ce caractère représentatif, aurait cherché à permettre aux autorités compétentes non seulement de connaître le niveau de pollution de l’air à l’endroit représenté par un point de prélèvement, mais également d’en déduire le niveau de pollution à d’autres endroits similaires.

49      Dans ce contexte, le Royaume d’Espagne remet en cause la représentativité des données recueillies, qui dépendrait largement de l’endroit où sont situées les points de prélèvement. Or, les points de prélèvement pour lesquels des dépassements des valeurs limites fixées par la directive 2008/50 ont été constatés seraient situés aux endroits où l’impact de la circulation est le plus fort. En tout état de cause, le territoire concerné par ces dépassements serait très réduit (concernant la zone ES 0901, 11 % de la superficie totale de celle-ci, et, s’agissant de la zone ES 0902, 5 % de sa superficie totale) et ne serait en aucun cas représentatif des zones de qualité de l’air dans leur ensemble.

50      Selon le Royaume d’Espagne, les données disponibles pour l’année 2019 confirment la tendance à l’amélioration mentionnée au point 40 du présent arrêt. Ainsi, dans la zone ES 0901 Àrea de Barcelona, seuls deux points de prélèvement présenteraient encore des dépassements et les valeurs prélevées continueraient à baisser, tandis que, dans la zone ES 0902 Vallès – Baix Llobregat, l’absence de dépassement se poursuivrait, ce qui permettrait ainsi d’écarter la spéculation inexacte, énoncée par la Commission dans sa requête, selon laquelle les données positives afférentes à l’année 2018 constituaient un élément « isolé » et que, pour les années postérieures à l’année 2018, il n’existait pas de données disponibles permettant de conclure à la cessation du manquement systématique et persistant allégué. En outre, cette tendance se maintiendrait pour l’année 2020, comme le montrerait l’évolution de la moyenne relative à la période comprise entre le 1er janvier et le 12 mars 2020, comparée à celle relative aux mêmes périodes des trois années précédentes pour les deux seuls points de prélèvement de la zone ES 0901 Àrea de Barcelona pour lesquels des dépassements ont encore été enregistrés en 2019.

51      Enfin, les données relatives à l’année 2018 dans la zone ES 0902 Vallès – Baix Llobregat ne seraient pas un élément isolé dans un contexte de manquement répété et persistant, mais constitueraient, au contraire, le résultat d’une évolution favorable due aux mesures contenues dans les plans adoptés. Les chiffres définitifs de l’année 2019 et les chiffres provisoires de l’année 2020 confirmeraient que la situation de conformité existant depuis 2018 se maintient.

52      En ce qui concerne, en second lieu, la zone ES 1301 Madrid, le Royaume d’Espagne affirme qu’une analyse de la qualité de l’air de cette zone sur la base des valeurs moyennes de l’ensemble des points de prélèvement de celle-ci montre également, à partir de l’année 2010, une tendance claire à la baisse ainsi que des valeurs moyennes annuelles inférieures aux valeurs limites imposées par la directive 2008/50. Par ailleurs, le nombre des points de prélèvement où des dépassements ont été constatés aurait diminué de manière continue au fil des années, de telle sorte que, à partir de l’année 2012, moins de la moitié de ces points présentait des dépassements et que cette tendance à la baisse a abouti, en 2019, à une situation dans laquelle seuls deux desdits points présentaient des valeurs moyennes supérieures à ces valeurs limites.

53      À cet égard, le Royaume d’Espagne soutient que, en tout état de cause, la majeure partie de la superficie de ladite zone se situe sous la barre desdites valeurs limites et que, dès lors, le territoire concerné par des dépassements de celles-ci est très réduit et n’est absolument pas représentatif.

54      Aussi, pour la zone ES 1301 Madrid, les chiffres disponibles pour les années 2019 et 2020 confirmeraient les tendances à l’amélioration déjà soulignées et corroboreraient la réduction des valeurs moyennes dans l’ensemble de cette zone. Ces chiffres feraient apparaître que seuls deux des 24 points de prélèvement ont enregistré des dépassements au cours de l’année 2019 et qu’aucun dépassement n’a été enregistré durant l’année 2020.

55      Enfin, en ce qui concerne la valeur limite horaire de 200 µg/m³, prévue à l’annexe XI, section B, de la directive 2008/50, le Royaume d’Espagne fait valoir que, dans ladite zone, le nombre de points de prélèvement pour lesquels cette valeur limite horaire a été dépassée a diminué de manière continue depuis l’année 2010 et représente, presque tous les ans, moins du tiers des 24 points de prélèvement composant le réseau. Les chiffres afférents à l’année 2019 confirmeraient cette évolution dans la mesure où seul un de ces 24 points a enregistré un dépassement de ladite valeur limite horaire. Partant, les chiffres invoqués par la Commission concernant la zone ES 1301 Madrid ne refléteraient pas la tendance claire à la baisse des niveaux de NO2 au cours de la période allant de l’année 2010 à l’année 2019 ni l’amélioration manifeste en matière de dépassement de la valeur limite horaire fixée par de la directive 2008/50.

56      Dans sa réplique, la Commission rejette l’interprétation donnée par le Royaume d’Espagne des points 39 et 40 de l’arrêt du 24 octobre 2019, Commission/France (Dépassement des valeurs limites pour le dioxyde d’azote) (C‑636/18, EU:C:2019:900), selon laquelle la Cour établit un lien entre le caractère systématique du manquement et le nombre de zones concernées par rapport au nombre total de zones dans un État membre. La Commission soutient à cet égard que le dépassement d’une valeur limite est systématique lorsqu’il se produit de manière répétée et sans exception dans une zone donnée. Partant, le nombre de zones concernées sur l’ensemble du territoire d’un État membre serait dénué de pertinence aux fins d’établir l’existence d’un manquement à l’obligation prévue à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/50, comme le confirmeraient les points 74 et 75 de l’arrêt du 30 avril 2020, Commission/Roumanie (Dépassement des valeurs limites pour les PM10) (C‑638/18, EU:C:2020:334).

57      La Commission s’oppose également aux arguments avancés par le Royaume d’Espagne selon lesquels le nombre de points de prélèvement pour lesquels des dépassements des valeurs limites fixées par la directive 2008/50 ont été constatés ne cesserait de diminuer et la moyenne des valeurs mesurées aux points de prélèvement dans chacune des zones en cause serait inférieure à ces valeurs limites. Selon elle, ces arguments ont déjà été invoqués dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 juin 2019, Craeynest e.a. (C 723/17, EU:C:2019:533), dans lequel la Cour les aurait rejetés.

58      Enfin, s’agissant de l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel les données indiquent une tendance favorable, la Commission souligne que cette tendance doit être examinée dans le cadre de l’obligation prévue à l’article 23 de la directive 2008/50. Selon elle, l’article 13 de cette directive énonce une obligation directe et objective, en vertu de laquelle les États membres sont tenus de veiller à ce que, dans l’ensemble de leurs zones et agglomérations, les niveaux de NO2 ne dépassent pas les valeurs limites fixées à l’annexe XI de ladite directive. Si ces valeurs limites sont dépassées, il y aurait automatiquement manquement à cette obligation. La Commission fait valoir à cet égard que, par son arrêt du 30 avril 2020, Commission/Roumanie (Dépassement des valeurs limites pour les PM10) (C‑638/18, EU:C:2020:334), la Cour a déjà jugé qu’un manquement peut demeurer systématique et persistant en dépit d’une éventuelle tendance partielle à la baisse mise en évidence par les données recueillies.

59      Dans sa duplique, le Royaume d’Espagne rappelle que, dans la zone ES 1301 Madrid, le nombre de points de prélèvement ayant enregistré des dépassements de la valeur limite horaire fixée pour le NO2 par le directive 2008/50 est en baisse constante depuis l’année 2010 et représentait, presque tous les ans, environ un tiers des 24 points de prélèvement composant le réseau, jusqu’à ce que, en 2019, seul un de ces 24 points présente des dépassements de cette valeur limite horaire. En 2020, aucun point de prélèvement n’aurait enregistré un dépassement de cette dernière.

60      Par ailleurs, le Royaume d’Espagne relève que la Commission insiste sur le manquement continu lié aux dépassements de la valeur limite annuelle dans la zone ES 0902 Vallès – Baix Llobregat, alors même que les données fournies par cette institution au titre de l’année 2018, celles relatives à l’année 2019 et celles du premier semestre de l’année 2020 attestent que, depuis l’année 2017, un « manquement durable » fait défaut.

 Appréciation de la Cour

61      Par son premier grief, la Commission reproche, ainsi qu’elle l’a précisé dans sa réplique, au Royaume d’Espagne d’avoir, depuis l’année 2010 jusqu’à l’année 2018 incluse, manqué, de manière systématique et persistante, aux obligations lui incombant en vertu des dispositions combinées de l’article 13, paragraphe 1, et de l’annexe XI de la directive 2008/50 dans les zones ES 0901 Àrea de Barcelona, ES 0902 Vallès – Baix Llobregat et ES 1301 Madrid, s’agissant de la valeur limite annuelle fixée pour le NO2 par cette directive, et dans cette dernière zone, en ce qui concerne la valeur limite horaire fixée pour le NO2 par ladite directive.

62      Afin d’étayer le caractère général et continu du manquement reproché dans ces zones, la Commission s’appuie, dans sa requête, sur les données relatives à la qualité de l’air pour la période allant de l’année 2010 à l’année 2018. Si les données concernant les années 2016 à 2018 constituent ainsi des faits intervenus postérieurement à la date d’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, à savoir le 16 avril 2017, il n’en reste pas moins qu’ils sont de même nature et constitutifs du même comportement que les faits exposés dans cet avis, de telle sorte que l’objet du présent recours peut s’étendre à ces faits intervenus postérieurement [voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2022, Commission/Italie (Valeurs limites – NO2), C‑573/19, non publié, ECLI:EU:C:2022:380, point 71 et jurisprudence citée].

63      Or, les données relatives à l’année 2018 montrent que, dans la zone ES 0902 Vallès – Baix Llobregat, la valeur limite annuelle de 40 μg/m3 n’a pas été dépassée. Bien que la Commission admette ce fait dans sa requête, elle est d’avis que celui-ci ne remet pas en cause le manquement faisant l’objet du présent recours, puisqu’il constitue un élément isolé dans un contexte de manquement répété et persistant. Toutefois, lors de l’audience, la Commission a reconnu que la violation systématique et persistante de l’article 13 de la directive 2008/50 a cessé, s’agissant de cette zone, à partir de l’année 2018.

64      Dans ces conditions, le premier grief doit, en tout état de cause, à l’égard de la zone ES 0902 Vallès – Baix Llobregat, être considéré comme étant non fondé, en ce qu’il vise l’année 2018.

65      S’agissant de l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel les données relatives à l’année 2019, figurant dans le rapport sur la qualité de l’air ambiant concernant cette année, c’est-à-dire à une période postérieure à la date d’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, à savoir le 16 avril 2017, auraient dû être prises en considération par la Commission afin d’apprécier la tendance à la baisse des dépassements des valeurs limites en cause, il suffit de relever que ces données ne sont pas pertinentes pour déterminer si le premier grief est fondé, ce grief ne visant, ainsi qu’il ressort du point 61 du présent arrêt, que la période allant de l’année 2010 jusqu’à l’année 2018 incluse.

66      Il en va de même s’agissant des données relatives aux mois de janvier et de février 2020 ainsi qu’aux deux premières semaines du mois de mars 2020, qui, selon le Royaume d’Espagne, devraient également être prises en considération.

67      Ces précisions liminaires étant faites, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 1er, point 1, de la directive 2008/50, celle-ci « établit des mesures visant à définir et à fixer des objectifs concernant la qualité de l’air ambiant, afin d’éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs pour la santé humaine et pour l’environnement dans son ensemble ». Dans ce cadre, l’article 13, paragraphe 1, de cette directive prévoit que les États membres veillent à ce que, dans l’ensemble de leurs zones et de leurs agglomérations, les niveaux, notamment, de NO2 dans l’air ambiant ne dépassent pas les valeurs limites fixées à l’annexe XI de ladite directive à partir des dates indiquées à cette annexe [voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2022, Commission/Italie (Valeurs limites – NO2), C‑573/19, non publié, EU:C:2022:380, point 73].

68      Il convient de rappeler que le grief tiré d’une violation de cet article 13 doit être apprécié en tenant compte de la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle la procédure prévue à l’article 258 TFUE repose sur la constatation objective du non-respect par un État membre des obligations que lui imposent le traité FUE ou un acte de droit dérivé [arrêt du 12 mai 2022, Commission/Italie (Valeurs limites – NO2), C‑573/19, non publié, ECLI:EU:C:2022:380, point 74 et jurisprudence citée].

69      La Cour a, déjà à maintes reprises, souligné que le fait de dépasser les valeurs limites fixées par la directive 2008/50 pour les polluants dans l’air ambiant suffit en lui-même pour pouvoir constater un manquement aux dispositions combinées de l’article 13, paragraphe 1, et de l’annexe XI de de cette directive [arrêt du 12 mai 2022, Commission/Italie (Valeurs limites – NO2), C‑573/19, non publié, ECLI:EU:C:2022:380, point 75 et jurisprudence citée].

70      Or, en l’espèce, les données résultant des rapports annuels relatifs à la qualité de l’air, communiquées par le Royaume d’Espagne à la Commission au titre de l’article 27 de cette directive, montrent que, à partir de l’année 2010, la valeur limite annuelle de 40 μg/m3 fixée pour le NO2 a été régulièrement dépassée dans les trois zones visées par le présent recours.

71      Dans les zones ES 0901 Àrea de Barcelona et ES 1301 Madrid, des dépassements de cette valeur limite ont été constatés à partir de l’année 2010 jusqu’à l’année 2018 incluse. Dans la zone ES 0902 Vallès – Baix Llobregat, ces dépassements ont été constatés pour la période allant de l’année 2010 à l’année 2017 incluse.

72      L’ampleur desdits dépassements s’est élevée, s’agissant de la période en cause, dans la zone ES 0901 Àrea de Barcelona à des pourcentages de la valeur limite annuelle compris entre 65 %, pour l’année 2011, et 30 %, pour l’année 2016, dans la zone ES 0902 Vallès – Baix Llobregat, entre 38 %, pour l’année 2010, et 8 %, pour l’année 2016, ainsi que, dans la zone ES 1301 Madrid, entre 70 %, pour l’année 2010, et 33 %, pour l’année 2014.

73      S’agissant de la valeur limite horaire de 200 μg/m3 fixée pour le NO2, qui, conformément aux dispositions combinées de l’article 13, paragraphe 1, et de l’annexe XI de la directive 2008/50, ne peut être dépassée plus de 18 fois par année civile, les données montrent que, pour la zone ES 1301 Madrid, cette valeur limite a été dépassée entre 33 et 103 fois par année, ce qui équivaut à un pourcentage compris entre 472 %, pour les années 2011 et 2012, et 83 %, pour l’année 2018.

74      Il résulte de ces données que les dépassements des valeurs limites annuelle et horaire ainsi constatés doivent être considérés comme étant systématiques et persistants, sans que la Commission soit tenue d’apporter des preuves supplémentaires à cet égard [voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2022, Commission/Italie (Valeurs limites – NO2), C‑573/19, non publié, ECLI:EU:C:2022:380, point 92 et jurisprudence citée].

75      De même, contrairement à ce que le Royaume d’Espagne allègue, il convient de rappeler qu’un manquement peut, selon la jurisprudence constante de la Cour, demeurer systématique et persistant en dépit d’une éventuelle tendance partielle à la baisse mise en évidence par les données recueillies, qui n’aboutit toutefois pas à ce que l’État membre concerné se conforme aux valeurs limites au respect desquelles il est tenu [arrêt du 12 mai 2022, Commission/Italie (Valeurs limites – NO2), C‑573/19, non publié, ECLI:EU:C:2022:380, point 93 et jurisprudence citée]. Or, tel est le cas en l’espèce.

76      Certes le Royaume d’Espagne fait valoir que, d’une part, la Commission n’a pas correctement analysé les données réellement représentatives de la qualité de l’air et leur évolution dans les zones concernées, dès lors que les valeurs moyennes relatives à chacune de ces zones sont proches des valeurs limites prévues par la directive 2008/50, et, d’autre part, le nombre de points de prélèvement pour lesquels des dépassements ont été constatés n’a cessé à diminuer depuis l’année 2010.

77      À cet égard, il convient toutefois de rappeler que, ainsi qu’il a été mentionné au point 69 du présent arrêt, selon une jurisprudence constante, le fait de dépasser les valeurs limites fixées par la directive 2008/50 pour les polluants dans l’air ambiant suffit en lui-même pour pouvoir constater un manquement aux dispositions combinées de l’article 13, paragraphe 1, et de l’annexe XI de cette directive.

78      En outre, la violation de ces dispositions est examinée dans ce contexte au niveau des zones et des agglomérations, le dépassement des valeurs limites devant être analysé pour chaque zone ou agglomération sur la base des relevés effectués par chaque point de prélèvement [arrêt du 3 juin 2021, Commission/Allemagne (Valeurs limites – NO2), C‑635/18, non publié, EU:C:2021:437 point 86 et jurisprudence citée]. La Cour a jugé, à cet égard, que la détermination de la moyenne des valeurs mesurées à tous les points de prélèvement d’une zone ou d’une agglomération ne fournit pas d’indication utile sur l’exposition de la population à des polluants. En particulier, une telle moyenne ne permet pas de déterminer le niveau d’exposition de la population en général, dès lors que celui-ci est évalué au moyen de points de prélèvement installés spécifiquement à cette fin, conformément à l’annexe III, section B, point 1, sous a), second tiret, de la directive 2008/50 (arrêt du 26 juin 2019, Craeynest e.a., C‑723/17, EU:C:2019:533, point 63).

79      Dans ce contexte, la Cour a également jugé qu’il ressort de cette annexe III, section B, point 1, sous a), que les points de prélèvement visant à assurer la protection de la santé humaine doivent être implantés de manière à fournir des renseignements sur la qualité de l’air, d’une part, aux endroits des zones et des agglomérations où s’observent les plus fortes concentrations des polluants en cause auxquelles la population est susceptible d’être directement ou indirectement exposée pendant une période significative par rapport à la période considérée pour le calcul de la moyenne de la ou des valeurs limites et, d’autre part, aux autres endroits à l’intérieur de zones ou d’agglomérations qui sont représentatifs de l’exposition de la population en général (arrêt du 26 juin 2019, Craeynest e.a., C‑723/17, EU:C:2019:533, point 38).

80      Dès lors, l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/50 doit être interprété en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dans laquelle cette disposition s’inscrit, en ce sens que, pour constater le dépassement d’une valeur limite fixée à l’annexe XI de cette directive, il suffit qu’un niveau de pollution supérieur à cette valeur soit mesuré à un point de prélèvement isolé [voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2022, Commission/Bulgarie (Valeurs limites – SO2), C‑730/19, non publié, EU:C:2022:382, point 72 et jurisprudence citée].

81      Par conséquent, il s’impose de rejeter également l’argument avancé par le Royaume d’Espagne selon lequel le caractère systématique du manquement invoqué n’est pas établi, au motif que l’analyse effectuée par la Cour dans sa jurisprudence pertinente serait fondée sur un manquement systématique et persistant aux valeurs limites sur l’ensemble du territoire de l’État membre concerné soit dans toutes les zones désignées, soit dans la majorité de ces zones, alors que, en l’espèce, les dépassements en cause ne concerneraient que 3 des 146 zones désignées en Espagne.

82      À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi que la Cour l’a relevé au point 74 de son arrêt du 30 avril 2020, Commission/Roumanie (Dépassement des valeurs limites pour les PM10) (C‑638/18, non publié, EU:C:2020:334), il n’existe pas de seuil « de minimis » en ce qui concerne le nombre de zones dans lesquelles un dépassement des valeurs limites fixées par la directive 2008/50 peut être constaté ou le nombre de points de prélèvements d’une zone donnée pour lesquelles de tels dépassements sont enregistrés. Par ailleurs, ainsi que la Commission l’a relevé dans sa réplique, dans cet arrêt, la Cour a constaté un manquement de l’État membre concerné aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 13, paragraphe 1, de cette directive, lu en combinaison avec l’annexe XI de celle-ci, en raison du non-respect systématique et persistant de ces valeurs limites dans une seule zone.

83      Partant, ne saurait non plus prospérer, d’une part, l’interprétation donnée par le Royaume d’Espagne, dans ce contexte, de l’arrêt du 24 octobre 2019, Commission/France (Dépassement des valeurs limites pour le dioxyde d’azote) (C‑636/18, EU:C:2019:900), selon laquelle la Cour établirait un lien entre le caractère systématique du manquement et le nombre de zones concernées par rapport au nombre total de zones existant dans un État membre, et, d’autre part, l’argument tiré par le Royaume d’Espagne du fait que le territoire concerné par des dépassements desdites valeurs limites serait très réduit.

84      En tout état de cause, il convient de mentionner que, selon les informations fournies par la Commission, non contestées par le Royaume d’Espagne, les zones ES 1301 Madrid, ES 0901 Àrea de Barcelona et ES 0902 Vallès – Baix Llobregat comptent respectivement plus de 3,1, 2,8 et 1,4 millions d’habitants. Ignorer ce fait, étant donné que les points de prélèvement sont, comme il ressort de la jurisprudence mentionnée au point 79 du présent arrêt, installés notamment aux points représentatifs, reviendrait à méconnaître les objectifs poursuivis par la directive 2008/50, notamment celui de protection de la santé humaine ainsi que de l’environnement dans son ensemble [voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2020, Commission/Roumanie (Dépassement des valeurs limites pour les PM10), C‑638/18, non publié, EU:C:2020:334, point 74].

85      Enfin, s’agissant de l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel la représentativité des données recueillies ne serait pas garantie, étant donné que les points de prélèvement seraient situés aux endroits où l’impact de la circulation est le plus fort, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé au point 79 du présent arrêt, il ressort précisément des dispositions pertinentes de cette directive que les points de prélèvement doivent être situés aux endroits des zones et des agglomérations où s’observent les plus fortes concentrations des polluants en cause auxquelles la population est susceptible d’être directement ou indirectement exposée.

86      Il résulte de ce qui précède que le premier grief doit être accueilli dans la mesure où il vise, premièrement, des dépassements de la valeur limite annuelle fixée pour le NO2 par la directive 2008/50, durant la période allant de l’année 2010 à l’année 2018 incluse, dans les zones ES 0901 Àrea de Barcelona et ES 1301 Madrid, deuxièmement, des dépassements de cette valeur, durant la période allant de l’année 2010 à l’année 2017 incluse, dans la zone ES 0902 Vallès – Baix Llobregat et, troisièmement, des dépassements de la valeur limite horaire fixée pour le NO2 par cette directive, durant la période allant de l’année 2010 à l’année 2018 incluse, dans la zone ES 1301 Madrid. Pour le surplus, il y a lieu de rejeter ce grief.

 Sur le second grief, tiré d’une violation de l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/50, lu en combinaison avec l’annexe XV de celle-ci

 Argumentation des parties

87      Par son second grief, la Commission soutient que le Royaume d’Espagne a manqué, depuis le 11 juin 2010, aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/50, lu en combinaison avec l’annexe XV de celle-ci, et notamment à l’obligation, prévue à cet article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa, en ce qu’il n’a pas adopté les mesures appropriées pour que la période de dépassement des valeurs limites fixées pour le NO2 dans les zones ES 0901 Àrea de Barcelona, ES 0902 Vallès – Baix Llobregat et ES 1301 Madrid soit la plus courte possible.

88      À cet égard, la Commission rappelle que, selon la Cour, l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/50 instaure un lien direct entre, d’une part, le dépassement des valeurs limites fixées pour le NO2, telles que prévues par les dispositions combinées de l’article 13, paragraphe 1, et de l’annexe XI de cette directive et, d’autre part, l’établissement de plans relatifs à la qualité de l’air, dans la mesure où le dépassement de ces valeurs limites détermine l’obligation pour les États membres de prendre toutes les mesures appropriées pour que la période de dépassement desdites valeurs soit la plus courte possible.

89      Elle souligne également que le fait qu’un État membre dépasse les valeurs limites fixées par la directive 2008/50 ne suffit pas, à lui seul, pour considérer que cet État membre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 23, paragraphe 1, de cette directive. Il conviendrait aussi de vérifier si les plans relatifs à la qualité de l’air prévoient des mesures appropriées pour que la période de dépassement de ces valeurs limites soit aussi courte que possible.

90      Selon la Commission, pour procéder à cette vérification, il y a lieu, à la lumière de la jurisprudence de la Cour en la matière, d’examiner, premièrement, la durée, la tendance et l’ampleur du dépassement desdites valeurs limites ainsi que, deuxièmement, l’adéquation des plans relatifs à la qualité de l’air adoptés.

91      En premier lieu, la durée de la période de dépassement des valeurs limites constituerait un indice clé de l’inadéquation des mesures prises, une durée de dépassement plus longue indiquant une plus grande inefficacité des mesures adoptées. Lors de l’évaluation de l’efficacité de ces mesures, les États membres devraient aussi prendre en considération les mesures défaillantes éventuellement adoptées avant l’année 2010, ce qui pourrait justifier l’adoption de mesures plus efficaces après le 11 juin 2010, dans la mesure où les valeurs limites de NO2 étaient déjà fixées par la directive 99/30, qui prévoyait un cadre temporaire pour la suppression progressive des taux de dépassement des valeurs limites et fixait comme date butoir le 1er janvier 2010. Il appartiendrait donc à l’État membre concerné de contester l’indice que constitue le dépassement persistant des valeurs limites. Pour cela, il devrait notamment démontrer que ses plans relatifs à la qualité de l’air remplissent les exigences résultant de l’article 23, paragraphe 1, et de l’annexe XV, section A, de la directive 2008/50.

92      À cet égard, la Cour aurait jugé que le dépassement des valeurs limites applicables aux concentrations de NO2 sur une période de sept années consécutives devait être qualifiée de « systématique et continue » et qu’une telle situation démontre par elle-même, sans qu’il soit besoin d’examiner de manière plus détaillée le contenu des plans relatifs à la qualité de l’air établis par l’État membre concerné, que ce dernier n’a pas mis à exécution des mesures appropriées et efficaces pour que la période de dépassement de ces valeurs limites soit « la plus courte possible », au sens de cet article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa.

93      La Commission ajoute que plus les dépassements des valeurs limites se prolongent dans le temps, plus leurs effets sont graves et, partant, plus strictes et ambitieuses doivent être les mesures prises par les États membres.

94      Enfin, la Commission souligne que le manquement à l’obligation d’adopter de telles mesures, lorsque la période de dépassement est déjà excessive, ne tolère aucune excuse, des difficultés structurelles, tenant à l’enjeu socio-économique et budgétaire d’investissements d’envergure à réaliser, ne revêtant pas un caractère exceptionnel et n’étant pas de nature à exclure que des délais moins longs auraient pu être fixés.

95      S’agissant de la tendance des dépassements des valeurs limites, la Commission fait valoir que l’évolution de l’ampleur de ces dépassements au fil des années peut également être révélatrice de l’insuffisance des mesures contenues dans les plans relatifs à la qualité de l’air, puisqu’elle met en évidence le fait que les mesures contenues dans ces plans ne sont pas suffisamment ambitieuses pour remédier à un dépassement particulièrement marqué.

96      En second lieu, l’adéquation des plans relatifs à la qualité de l’air se référerait aussi bien au contenu formel de ceux-ci qu’à leur contenu matériel. Selon la Commission, pour ce qui est du contenu formel, conformément à l’article 23, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2008/50, ces plans doivent contenir au moins les informations énumérées à l’annexe XV, section A, de cette directive et peuvent aussi inclure les mesures visées à article 24 de celle-ci. Concernant le contenu matériel, les mesures prévues par lesdits plans devraient être appropriées pour que la période de dépassement des valeurs limites soit la plus courte possible. Si les États membres disposent d’une certaine marge de manœuvre pour la détermination des mesures à adopter, celles-ci devraient, en tout état de cause, permettre que la période de dépassement des valeurs limites soit la plus courte possible. Les mesures prévues devraient donc être appropriées aux fins de corriger le plus rapidement possible le dépassement des valeurs limites.

97      L’auteur d’un plan relatif à la qualité de l’air devrait donc tenir compte de toutes les mesures de nature à remédier efficacement et rapidement aux principales causes du dépassement des valeurs limites. Ces causes devraient, à leur tour, être identifiées dans les plans relatifs à la qualité de l’air, ainsi que l’exige l’annexe XV, section A, point 6, de la directive 2008/50.

98      Selon la Commission, en l’occurrence, le Royaume d’Espagne n’a pas pris, au moyen des différents plans en cause, les mesures appropriées, adéquates et suffisantes pour que la période de dépassement des valeurs limites soit la plus courte possible.

99      Plus particulièrement, s’agissant de la durée des dépassements en cause en l’espèce, la Commission soutient, notamment, que, chaque année depuis le 1er janvier 2010, les valeurs limites fixées pour le NO2 par la directive 2008/50 ont été dépassées de manière systématique et persistante dans les zones visées par le présent recours et qu’aucun des plans relatifs à la qualité de l’air adoptés par cet État membre ne prévoit le respect de ces valeurs limites avant l’année 2020.

100    En ce qui concerne la tendance de ces dépassements, la Commission fait valoir que, contrairement à ce que le Royaume d’Espagne affirme, celle-ci n’est ni stable ni positive et qu’elle ne serait pas suffisante pour assurer le respect desdites valeurs limites dans un avenir proche. En effet, au regard de la totalité de la période de dépassement, les concentrations moyennes annuelles de NO2 afficheraient une tendance à la stagnation plutôt qu’à la baisse, surtout depuis l’année 2014. Cette conclusion ressortirait également de l’ampleur desdits dépassements.

101    Concernant l’examen de l’adéquation des plans relatifs à la qualité de l’air, la Commission observe que, bien que l’existence d’un manquement doive être appréciée en fonction de la situation de l’État membre concerné à la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, soit, en l’espèce, le 16 avril 2017, elle a également pris en compte les plans relatifs à la qualité de l’air adoptés par le Royaume d’Espagne tant avant qu’après cette date.

102    À l’échelle nationale, les autorités espagnoles auraient adopté un plan national relatif à la qualité de l’air (Plan AIRE I, 2013-2016) (ci-après le « plan AIRE I »), qui n’aurait toutefois plus été applicable au mois d’avril 2017.

103    Les autorités espagnoles auraient en outre adopté, au mois de décembre 2017, le plan AIRE II, dont l’annexe II contenait une liste des mesures déjà proposées par le plan AIRE I et des informations concernant le degré de mise en œuvre de ces mesures.

104    Identifiant la circulation routière comme étant l’une des principales sources d’émission d’oxyde d’azote (NOx), qui représente la somme de NO2 et de monoxyde de nitrogène, et les mesures prévues pour réduire les émissions provenant de cette source, le plan AIRE II prévoirait, notamment, d’instituer un groupe de travail chargé d’étudier les différentes possibilités existant en matière de fiscalité environnementale dans les secteurs des transports et de l’énergie ainsi que dans les domaines de la pollution et de l’exploitation des ressources. Cependant, à la date à laquelle la Commission a introduit le présent recours, cette mesure aurait toujours été en cours de préparation.

105    Dans ces conditions, la Commission considère que tant l’absence d’un plan relatif à la qualité de l’air au niveau national à la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé que le manque d’ambition des mesures programmées après cette date conduisent à considérer ces mesures comme étant insuffisantes pour que la période de dépassement des valeurs limites de NO2 soit aussi courte que possible.

106    S’agissant plus particulièrement de la zone ES 1301 Madrid, la Commission fait valoir que, au mois d’avril 2017, il n’existait aucun plan relatif à la qualité de l’air pour cette zone, le plan relatif à la qualité de l’air de la ville de Madrid (2011-2015) n’étant plus d’application à ladite date. En outre, ladite zone serait la seule zone qui, de manière persistante, systématique et ininterrompue, n’aurait pas respecté la valeur limite horaire de 200 μg/m³ fixée pour le NO2 par la directive 2008/50.

107    La Commission rappelle que ce n’est que le 21 septembre 2017, c’est-à-dire après la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, que le plan A, qui prévoyait, parmi les mesures prévues par ce plan pour réduire les dépassements des valeurs limites fixées par la directive 2008/50, la création d’une zone à faibles émissions, dénommée « Madrid Central », a été adopté. Cette institution souligne toutefois que cette mesure est d’une efficacité limitée, étant donné qu’elle ne porte que sur une superficie de 4,72 km2, alors que la superficie totale de la zone ES 1301 Madrid serait de 604,45 km². Par ailleurs, ledit plan prévoirait une interdiction de circulation des véhicules diesel de plus de 19 ans au plus tôt en 2025, le remplacement de la flotte de bus publics par des véhicules à faibles émissions (au gaz naturel, hybrides ou électriques) en 2020 ou l’adoption future d’un protocole sur les pics de pollution.

108    Concernant les mesures adoptées pour les zones ES 0901 Àrea de Barcelona et ES 0902 Vallès – Baix Llobregat, la Commission relève que celles-ci s’inscrivent dans le plan d’action pour l’amélioration de la qualité de l’air dans les zones de protection spéciale de l’environnement atmosphérique, adopté le 23 septembre 2014, applicable jusqu’à l’année 2020, et que, pour la zone ES 0901 Àrea de Barcelona, à la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, était également en vigueur le plan d’amélioration de la qualité de l’air de Barcelone (2015-2018), dans le cadre duquel un programme additionnel de mesures contre la pollution atmosphérique avait été adopté pour la période allant de l’année 2017 à l’année 2020. Selon la Commission, dans ces plans aussi, la circulation routière était considérée comme étant l’une des principales sources de pollution par les oxydes d’azote.

109    La Commission soutient que la mesure consistant à créer une zone à faibles émissions dans ces zones n’a été mise en œuvre qu’après la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé. En outre, l’efficacité de cette mesure serait limitée par les conditions auxquelles son application est soumise.

110    Parmi les autres mesures prévues figureraient le renforcement des transports publics, un plan quinquennal pour la promotion des véhicules propres et durables, la promotion du réseau de recharge électrique, des mesures fiscales ou encore la promotion des déplacements à pied et à vélo pour la mobilité quotidienne. Toutefois, selon la Commission, au mois de juillet 2019, 22,2 % des mesures adoptées dans le cadre de l’accord institutionnel pour l’amélioration de la qualité de l’air dans l’agglomération de Barcelone (Espagne) n’étaient toujours pas mises en œuvre.

111    La Commission souligne en outre que, à la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé et selon les informations fournies par le Royaume d’Espagne au cours de la procédure précontentieuse, environ un tiers seulement des mesures prévues avait été intégralement mis en œuvre et environ la moitié était en cours de préparation.

112    La Commission ajoute que le Royaume d’Espagne a fixé des délais excessivement longs pour mettre fin à la situation de dépassement de la valeur limite annuelle fixée pour le NO2 par la directive 2008/50, puisqu’il ne prévoyait pas le respect de celle-ci avant l’année 2020. Selon les dernières prévisions mentionnées dans le programme national de contrôle de la pollution atmosphérique, qui ne tiendrait pas compte des mesures susceptibles d’être prises par d’autres administrations, les dépassements de cette valeur limite annuelle devaient se poursuivre au cours de l’année 2020, ne se produire qu’à Barcelone en 2025 et disparaître en 2030.

113    Dans son mémoire en défense, le Royaume d’Espagne rappelle, à titre liminaire, que la Cour a précisément indiqué que le manquement doit être apprécié au regard de la question de savoir si des mesures appropriées aux fins de garantir que la période de dépassement soit la plus courte possible ont été adoptées.

114    S’agissant de la durée, de la tendance et de l’ampleur des dépassements des valeurs limites fixées par la directive 2008/50, le Royaume d’Espagne soutient qu’il est évident qu’une nette diminution desdits dépassements devrait conduire à la conclusion que les mesures prévues sont appropriées pour corriger la situation.

115    À cet égard, le Royaume d’Espagne invoque l’existence des difficultés techniques dues à l’inefficacité des normes européennes en matière de réduction des émissions de polluants par des véhicules, en particulier, par des véhicules diesel, laquelle a provoqué une augmentation des émissions de NO2, phénomène qui a été renforcé par l’adoption du règlement (UE) 2016/646 de la Commission, du 20 avril 2016, portant modification du règlement (CE) no 692/2008 en ce qui concerne les émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 6) (JO 2016, L 109, p. 1), en ce qu’il modifie à la hausse les valeurs limites d’émissions.

116    Il en résulterait que les mesures contenues dans les plans relatifs à la qualité de l’air n’auraient parfois pas été suffisantes pour atteindre les objectifs établis par la directive 2008/50 et qu’il aurait fallu prévoir des mesures supplémentaires, ce qui aurait provoqué un retard dans la réalisation de ces objectifs.

117    En ce qui concerne les zones ES 0901 Àrea de Barcelona et ES 0902 Vallès – Baix Llobregat, le Royaume d’Espagne reproche à la Commission de limiter, contrairement à la finalité de la directive 2008/50, son analyse de la violation de l’article 23 de cette directive à la période comprise entre l’année 2010 et la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, à savoir le 16 avril 2017. En effet, la finalité de cet article 23 ne serait autre que de garantir l’adoption de plans prévoyant une diminution des dépassements des valeurs limites fixées par ladite directive lorsque de tels dépassements se produisent. Ce serait la raison pour laquelle les chiffres relatifs à la qualité de l’air postérieurs à l’avis motivé devraient être intégrés dans cette analyse, puisque ces chiffres tiendraient compte des améliorations résultant de l’adoption de nouveaux plans et programmes comportant de nouvelles mesures ou renforçant celles qui étaient déjà prévues.

118    Le Royaume d’Espagne soutient que les chiffres concernant la durée, la tendance et l’ampleur des dépassements de la valeur limite annuelle fixée pour le NO2 dans les zones ES 0901 Àrea de Barcelona et ES 0902 Vallès – Baix Llobregat font apparaître le caractère approprié des mesures prévues, dès lors qu’aucun dépassement n’a été enregistré dans la seconde de ces zones après l’année2017 et que, dans la première de celles-ci, ces dépassements ont diminué de 30 %. S’il est vrai que, dans cette dernière zone, la période de dépassement est supérieure à sept ans, cette période devrait être considérée comme étant nécessaire pour l’adoption de mesures à caractère structurel.

119    Le Royaume d’Espagne conteste également l’allégation de la Commission, exposée au point 94 du présent arrêt, selon laquelle, conformément à la jurisprudence issue des arrêts du 22 février 2018, Commission/Pologne (C‑336/16, EU:C:2018:94), et du 24 octobre 2019, Commission/France (Dépassement des valeurs limites pour le dioxyde d’azote) (C‑636/18, EU:C:2019:900), des difficultés structurelles liées au défi socio-économique et budgétaire représenté par les investissements de grande envergure ne sauraient justifier un manquement aux obligations résultant de la directive 2008/50. À cet égard, il soutient que cette jurisprudence n’est pas pertinente, dès lors que les situations qui étaient en cause dans les affaires ayant donné lieu à ces arrêts ne sont pas comparables à celle en cause en l’espèce.

120    En ce qui concerne la durée des dépassements en cause, le Royaume d’Espagne estime que les prévisions mentionnées au point 112 du présent arrêt ne tiennent pas compte des mesures adoptées par d’autres administrations, mais répondent uniquement aux mesures propres du programme national de contrôle de la pollution atmosphérique. Or, il serait évident qu’il découle de l’organisation territoriale du Royaume d’Espagne qu’il existe une diversité d’administrations, aux niveaux de l’État, des communautés autonomes et local, compétentes pour adopter des mesures et que les prévisions ne pourraient pas se fonder sur l’effet des mesures prévues dans un seul instrument, tel que ce programme national. Partant, il ne pourrait pas être affirmé que, malgré une tendance à l’amélioration, la durée de ces dépassements constitue une preuve suffisante de la violation de l’article 23 de la directive 2008/50.

121    Cette tendance, concernant notamment les zones ES 0901 Àrea de Barcelona et ES 0902 Vallès – Baix Llobregat, devrait donc être qualifiée de positive, et cela d’autant plus que les chiffres afférents à l’année 2018 étaient inférieurs à ceux de l’année 2017. Quant à la comparaison de ces chiffres à ceux des années 2014 et 2016, le Royaume d’Espagne relève l’incidence significative des conditions météorologiques sur lesdits dépassements et rappelle que l’année 2017 a été une année très négative du point de vue météorologique.

122    Enfin, en ce qui concerne l’ampleur du dépassement, le Royaume d’Espagne reproche à la Commission de s’appuyer sur sa propre interprétation de la jurisprudence pertinente de la Cour, sans préciser sur quels arrêts elle se fonde. À cet égard, cet État membre relève que, dans la zone ES 0901 Àrea de Barcelona, si, en 2018, le pourcentage de dépassement de la valeur limite annuelle fixée pour le NO2 par la directive 2008/50 était égal ou proche de 35 %, ce pourcentage a significativement baissé, puisqu’il était de 60 % en 2010. Ainsi, grâce à l’application des mesures prévues par les plans en cause, ledit pourcentage aurait baissé de plus de la moitié et, d’après les chiffres provisoires de 2020, cette baisse se serait poursuivie en 2019.

123    Dans ce contexte, la Commission omettrait à nouveau de mentionner la zone ES 0902 Vallès – Baix Llobregat, dans laquelle l’efficacité de ces mesures aurait été à l’origine d’un pourcentage de dépassement nul, puisque, depuis l’année 2018, la valeur limite annuelle n’aurait pas été dépassée dans cette zone.

124    S’agissant de la zone ES 1301 Madrid, le Royaume d’Espagne soutient que, au cours des années 2018 et 2019, une amélioration significative de la qualité de l’air a eu lieu, ce qui confirme et consolide la tendance des dernières années et permet de conclure que les plans et les mesures appliquées par la commune sont à l’origine d’une évolution positive des niveaux de NO2 dans cette zone.

125    Par ailleurs, le Royaume d’Espagne indique que la ville de Madrid dispose de 24 points de prélèvement pour une population de 3,2 millions d’habitants, tandis que la directive 2008/50 prévoit un minimum de sept points de prélèvement. Cette couverture spatiale garantirait une évaluation de la qualité de l’air hautement représentative et les données relatives à l’année 2019 indiqueraient que la majeure partie de la superficie de la ville se situait en dessous des valeurs limites fixées par cette directive. Par conséquent, la réduction de l’exposition de la population aurait été plus que remarquable au cours de cette année, et les chiffres afférents à l’année 2020 confirmeraient qu’il en était de même durant cette dernière année.

126    Le Royaume d’Espagne conclut que la durée de la période de dépassement de ces valeurs limites ne peut pas être analysée sans tenir compte de la tendance et de l’ampleur des dépassements en cause. Or, il aurait été clairement démontré que le nombre et les niveaux de ces dépassements ont diminué.

127    Enfin, en ce qui concerne l’adéquation des plans relatifs à la qualité de l’air, le Royaume d’Espagne insiste sur le fait que la Commission devrait également examiner d’autres plans et programmes, à savoir, notamment, ceux adoptés aux niveaux des communautés autonomes, communal ou supra-communal.

128    À cet égard, cet État membre déplore que la Commission ait critiqué les plans, les programmes ou les accords institutionnels adoptés en invoquant leur caractère programmatique. Outre le fait que tout plan ou programme est par nature programmatique, l’annexe XV, section A, de la directive 2008/50 viserait précisément un tel caractère programmatique lorsqu’elle prévoit l’énumération et la description de toutes les mesures prévues dans le projet et même des informations sur les mesures ou projets prévus ou envisagés à long terme. Le Royaume d’Espagne souligne à cet égard que l’analyse du contenu matériel et formel des différents plans et programmes doit satisfaire à trois conditions, à savoir que les plans soient conformes au contenu prévu par cette annexe XV, que les mesures prévues soient appropriées et que leur exécution soit réalisée dans le délai le plus court possible.

129    S’agissant des zones ES 0901 Àrea de Barcelona et ES 0902 Vallès – Baix Llobregat, le Royaume d’Espagne s’oppose notamment à la critique de la Commission concernant le retard pris lors de l’instauration d’une zone à faibles émissions à Barcelone, en présentant les principales caractéristiques de cette mesure et d’autres mesures portant sur la mobilité dans cette ville.

130    En outre, le Royaume d’Espagne fait valoir que le coût économique lié au changement de la politique relative aux véhicules diesel justifie la nécessité d’un délai plus important pour la mise en œuvre et l’efficacité des mesures à entreprendre, y compris une mise en œuvre échelonnée de cette zone à faibles émissions pour certains véhicules.

131    Selon le Royaume d’Espagne, la Commission aurait dû parvenir à la conclusion que les mesures prévues par les plans applicables à la zone ES 0901 Àrea de Barcelona devaient être considérées comme étant les plus adaptées afin de parvenir à une baisse des niveaux de concentration de NO2 constatés dans cette zone, notamment parce que ces mesures correspondaient à celles qui figuraient dans la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions européens, intitulée « Une Europe qui protège : de l’air pur pour tous », du 17 mai 2018 [document COM(2018) 330 final], et aux exemples de mesures de réduction de la pollution atmosphérique proposées par la Commission, notamment dans le domaine des transports.

132    Ainsi, la Commission ne pourrait pas affirmer que la mise en œuvre progressive de mesures à caractère structurel présentant un coût socio-économique élevé constitue une violation de l’exigence de réduction des dépassements de ces valeurs limites dans le délai le plus court possible. En effet, le délai prévu pour l’année 2020 ne serait pas excessif, compte tenu du caractère structurel de beaucoup des mesures prévues.

133    Dans ce contexte, le Royaume d’Espagne rappelle que, le 12 juillet 2018, le commissaire européen chargé de l’environnement a déclaré que la Commission avait décidé de ne pas introduire de recours contre le Royaume d’Espagne devant la Cour « dans la mesure où les mesures adoptées ou proposées par l’Espagne, à condition qu’elles soient appliquées ponctuellement et correctement, semblent appropriées ». Cette déclaration contredirait ce qui est affirmé par la Commission dans sa requête, et cela d’autant plus que toutes les mesures auraient été appliquées ponctuellement et correctement.

134    À l’égard de la zone ES 1301 Madrid, le Royaume d’Espagne reproche à la Commission de ne pas avoir analysé en détail le plan A et de ne pas avoir reconnu les efforts déployés par les autorités de cette ville, lesquels ont abouti à d’importantes réductions d’émissions.

135    Le Royaume d’Espagne présente ensuite d’une manière plus détaillée le plan A, en soulignant que ce plan comprend au total 30 mesures concernant majoritairement deux secteurs, le secteur de la circulation (programme de mobilité durable) et le secteur résidentiel, commercial et institutionnel (programme de rénovation urbaine). Au nombre de ces mesures figure celle relative à la zone à faibles émissions « Madrid Central », entrée en vigueur le 30 novembre 2018 et destinée à favoriser le piéton, la bicyclette et le transport public.

136    Selon le Royaume d’Espagne, l’utilisation d’un modèle de simulation de la qualité de l’air, aux fins de déterminer l’effet escompté desdites mesures sur la concentration de NO2 dans l’air ambiant dans la zone en cause, a permis de pronostiquer une baisse claire des niveaux de concentration de NO2 en 2020 pour toute la zone ES 1301 Madrid et, plus concrètement, pour le municipio de Madrid (commune de Madrid).

137    À cet égard, le Royaume d’Espagne précise que, après avoir constaté que, malgré la réduction des niveaux de concentration de NO2 enregistrée à Madrid, les valeurs limites prévues par la réglementation européenne n’avaient pas pu être respectées dans tous les points de prélèvement au cours de l’année 2019, la stratégie de durabilité environnementale « Madrid 360 », présentée le 30 septembre 2019, a été mise en œuvre afin de se conformer dans un délai le plus court possible à la directive 2008/50, conformément à l’article 23, paragraphe 1, de celle-ci.

138    Par conséquent, selon le Royaume d’Espagne, les mesures ambitieuses mises en œuvre dans la ville de Madrid auraient dû permettre à cet État membre de se conformer à cette directive au cours de l’année 2020 en ce qui concerne la zone ES 1301 Madrid.

139    Dans sa réplique, la Commission fait valoir, en réponse à l’argument du Royaume d’Espagne tiré de l’existence de difficultés techniques liées à l’inefficacité des normes européennes en matière de réduction des émissions de NO2, que des allégations similaires ont déjà été avancées par d’autres États membres dans le cadre de recours en manquement pour non-respect des valeurs limites fixées par la directive 2008/50. Or, le respect des obligations résultant de cette directive incomberait exclusivement aux États membres. Aucun prétendu manquement de la part de la Commission ne pourrait donc excuser ou justifier le non-respect par un État membre des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 23 de ladite directive. En effet, la Cour aurait rejeté la possibilité d’instaurer un lien entre les effets des normes en matière de réception par type des véhicules et les dépassements de ces valeurs limites.

140    S’agissant de l’argumentation du Royaume d’Espagne relative à une prétendue tendance favorable du niveau de dépassement des valeurs limites de NO2 dans les zones en cause, ce qui confirmerait l’adéquation des mesures adoptées, la Commission rappelle que ces mesures ont été, pour bonne part, adoptées après l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé.

141    Dans ce contexte, la Commission réfute également le reproche formulé par le Royaume d’Espagne selon lequel elle aurait imputé à la Cour des affirmations que celle-ci n’a pas formulées.

142    La Commission souligne qu’elle ne partage pas non plus l’analyse du Royaume d’Espagne relative à l’évolution des niveaux de dépassement des valeurs limites fixées par la directive 2008/50 dans chacune des trois zones en cause. Elle rappelle également, dans ce contexte, que seuls les plans qui ont été adoptés avant l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, à savoir avant le 16 avril 2017, sont à examiner. En outre, s’agissant de la déclaration mentionnée au point 133 du présent arrêt, le commissaire européen chargé de l’environnement aurait clairement annoncé que la Commission contrôlerait la mise en œuvre effective des mesures annoncées et procéderait à l’évaluation ultérieure de leur succès.

143    La Commission considère que l’argument du Royaume d’Espagne tiré des difficultés structurelles qui l’auraient empêché de mettre ces mesures en œuvre plus tôt n’est pas valable étant donné que la période écoulée depuis l’entrée en vigueur de l’obligation en cause est objectivement longue. Compte tenu du fait que la directive 1999/30 avait déjà imposé aux États membres l’obligation de respecter lesdites valeurs limites pour le NO2 de manière progressive et sans exception à partir du 1er janvier 2010, la période écoulée aurait été plus que suffisante pour concilier tous les intérêts en présence.

144    Pour ce qui est du plan A, toujours en vigueur, la Commission rappelle que ce plan a fixé à l’année 2020, et pas avant, le délai pour le respect des valeurs limites en cause, ce qui aurait été confirmé par une évaluation réalisée en 2018. En outre, la Commission fait valoir que certaines dispositions relatives à la mesure « Madrid Central », visée au point 107 du présent arrêt, ont été annulés par une décision judiciaire non définitive, ce qui rendrait impossible, pour le moment, l’application de cette mesure dans la ville de Madrid.

145    Dans sa duplique, le Royaume d’Espagne indique que, s’agissant de l’inefficacité alléguée des normes européennes pour évaluer les émissions polluantes des véhicules, il reproche à la Commission de ne pas tenir compte de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 décembre 2018, Ville de Paris, Ville de Bruxelles et Ayuntamiento de Madrid/Commission (T‑339/16, T‑352/16 et T‑391/16, EU:T:2018:927), par lequel cette juridiction a statué sur des recours en annulation introduits contre le règlement 2016/646.

146    Ce règlement aurait autorisé un niveau d’émissions plus élevé lors des essais en conditions de conduite réelles que lors des mesures réalisées en laboratoire. Or, il serait évident que, dans la mesure où l’analyse de l’impact des sources d’émission de polluants aurait été effectuée par rapport à des valeurs certifiées de réception incorrectes, les mesures envisagées pour réduire les dépassements des valeurs limites fixées pour le NO2 par la directive 2008/50 pourraient être moins efficaces que prévu. Cet effet pervers aurait un impact particulier pour les points de prélèvement qualifiés « de trafic intense », ce qui correspondrait à la situation de deux points de prélèvement de la zone ES 0901 Àrea de Barcelona ayant présenté des dépassements au cours de l’année 2018 et à celle de deux points de prélèvement de la zone ES 1301 Madrid ayant présenté des dépassements durant l’année 2019. En outre, les données montreraient que le trafic à Barcelone serait caractérisé par un pourcentage considérable de véhicules diesel contribuant aux dépassements de ces valeurs limites. Dès lors, en raison de ces normes européennes, les mesures prévues dans les plans relatifs à la qualité de l’air en cause n’auraient pas permis de respecter lesdites valeurs.

147    Le Royaume d’Espagne ajoute que, nonobstant ces difficultés, l’Ayuntamiento de Barcelona (commune de Barcelone), l’Área Metropolitana de Barcelona (région métropolitaine de Barcelone) et la Generalidad de Cataluña (Généralité de Catalogne) ont pris, lors d’un sommet institutionnel pour l’amélioration de la qualité de l’air dans l’agglomération de Barcelone du 6 mars 2017, une série d’engagements visant à promouvoir les mesures prévues dans les plans relatifs à la qualité de l’air. D’après les données actualisées au mois de septembre 2020, plus de 90 % des actions prévues par la commune de Barcelone auraient déjà été réalisées ou seraient en voie de finalisation, et beaucoup d’entre elles auraient commencé à être mises en œuvre avant l’année 2017.

148    L’analyse des mesures prévues dans le plan d’action pour l’amélioration de la qualité de l’air 2020, qui auraient été développées dans le cadre de l’accord institutionnel conclu lors de ce sommet, confirmerait le progrès dans l’exécution de ces mesures.

149    En conclusion, le Royaume d’Espagne soutient que les mesures prévues dans les plans relatifs à la qualité de l’air constituent des mesures appropriées pour atteindre l’objectif de réduction des dépassements des valeurs limites fixées par la directive 2008/50 dans les meilleurs délais, ce qui aurait permis de prévoir une absence de dépassements pour l’année 2020.

 Appréciation de la Cour

150    Il résulte de l’article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2008/50 que, lorsque, dans une zone ou agglomération donnée, un dépassement des valeurs limites fixées pour le NO2 a lieu après le délai prévu pour leur application, les plans relatifs à la qualité de l’air que, conformément à cet article 23, paragraphe 1, premier alinéa, les États membres concernés sont tenus d’établir pour cette zone ou agglomération doivent répondre à certaines exigences.

151    Ainsi, ces plans doivent prévoir les mesures appropriées pour que la période de dépassement de ces valeurs limites soit la plus courte possible et peuvent comporter des mesures additionnelles spécifiques pour protéger les catégories de population sensibles, notamment les enfants. De plus, en vertu de l’article 23, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2008/50, lesdits plans doivent contenir au moins les informations énumérées à l’annexe XV, section A, de cette directive et peuvent aussi inclure les mesures visées à l’article 24 de celle-ci. Ces mêmes plans doivent être transmis à la Commission sans délai et au plus tard deux ans après la fin de l’année au cours de laquelle le premier dépassement a été constaté.

152    Ainsi qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour, l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/50 a une portée générale, étant donné qu’il s’applique, sans limitation dans le temps, aux dépassements de toute valeur limite de polluant fixée par cette directive, après le délai prévu pour son application, qu’il soit fixé par ladite directive ou par la Commission en vertu de l’article 22 de celle-ci [arrêt du 12 mai 2022, Commission/Italie (Valeurs limites – NO2), C‑573/19, non publié, EU:C:2022:380, point 152 et jurisprudence citée].

153    Il y a également lieu de relever que l’article 23 de la directive 2008/50 instaure un lien direct entre, d’une part, le dépassement des valeurs limites fixées pour le NO2 par les dispositions combinées de l’article 13, paragraphe 1, et de l’annexe XI de cette directive et, d’autre part, l’établissement de plans relatifs à la qualité de l’air [arrêt du 12 mai 2022, Commission/Italie (Valeurs limites – NO2), C‑573/19, non publié, EU:C:2022:380, point 153 et jurisprudence citée].

154    Ces plans ne peuvent être établis que sur le fondement de l’équilibre entre l’objectif de réduction du risque de pollution et les différents intérêts publics et privés en présence [arrêt du 12 mai 2022, Commission/Italie (Valeurs limites – NO2), C‑573/19, non publié, EU:C:2022:380, point 154 et jurisprudence citée].

155    Dès lors, le fait qu’un État membre dépasse les valeurs limites fixées pour le NO2 ne suffit pas, à lui seul, pour qu’il soit considéré que cet État membre a manqué aux obligations prévues à l’article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2008/50 [arrêt du 12 mai 2022, Commission/Italie (Valeurs limites – NO2), C‑573/19, non publié, EU:C:2022:380, point 155 et jurisprudence citée].

156    Cependant, il résulte de cette disposition que, si les États membres disposent d’une certaine marge de manœuvre pour la détermination des mesures à adopter, celles-ci doivent, en tout état de cause, faire en sorte que la période de dépassement des valeurs limites fixées pour le polluant concerné soit la plus courte possible [arrêt du 12 mai 2022, Commission/Italie (Valeurs limites – NO2), C‑573/19, non publié, EU:C:2022:380, point 156 et jurisprudence citée].

157    Dans ces conditions, il convient de vérifier, par une analyse au cas par cas, si les plans relatifs à la qualité de l’air établis par l’État membre concerné sont en conformité avec ladite disposition [arrêt du 12 mai 2022, Commission/Italie (Valeurs limites – NO2), C‑573/19, non publié, EU:C:2022:380, point 157 et jurisprudence citée].

158    En l’occurrence, force est de constater, à titre liminaire, que, ainsi qu’il résulte de l’examen du premier grief, s’agissant des valeurs limites fixées pour le NO2 par la directive 2008/50, le Royaume d’Espagne a, de façon systématique et persistante, manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées de l’article 13, paragraphe 1, et de l’annexe XI de cette directive dans les zones ES 0901 Àrea de Barcelona et ES 1301 Madrid, pendant la période allant de l’année 2010 à l’année 2018 incluse, ainsi que dans la zone ES 0902 Vallès – Baix Llobregat, à partir de l’année 2010 jusqu’à l’année 2017 incluse.

159    Il convient de rappeler, dans ce contexte, que l’obligation d’établir, en cas de dépassements des valeurs limites fixées pour un polluant par la directive 2008/50, des plans relatifs à la qualité de l’air s’impose à l’État membre concerné depuis le 11 juin 2010. En effet, conformément à l’article 33, paragraphe 1, de cette directive, le Royaume d’Espagne devait mettre en vigueur, avant cette date, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à celle-ci. Il était, partant, tenu d’adopter et de mettre à exécution, le plus rapidement possible, des mesures appropriées pour que la période de dépassement des valeurs limites fixées pour le NO2 soit la plus courte possible, en application de l’article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa, de ladite directive [voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2022, Commission/Italie (Valeurs limites – NO2), C‑573/19, non publié, EU:C:2022:380, point 159].

160    Or, s’agissant de la durée du dépassement de ces dernières valeurs limites, il convient de constater que, en l’espèce, à la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, à savoir le 16 avril 2017, le manquement à cette obligation durait déjà depuis plus de sept ans.

161    Dans la mesure où le Royaume d’Espagne invoque une tendance à l’amélioration de la qualité de l’air enregistrée dans les trois zones visées par le présent recours, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé aux points 70, 71 et 73 du présent arrêt, la valeur limite annuelle fixée pour le NO2 par la directive 2008/50 a été dépassée dans ces trois zones chaque année entre l’année 2010 et au moins l’année 2017 et que la valeur limite horaire fixée pour le NO2 par cette directive a été dépassée dans la zone ES 1301 Madrid depuis l’année 2010 jusqu’à l’année 2018.

162    Dans lesdites trois zones, l’ampleur des dépassements de ladite valeur limite annuelle a été plus importante en 2017 qu’en 2016, ce qui traduit une détérioration de la situation au cours de l’année durant laquelle les mesures qui devaient être adoptées à la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé auraient dû produire leurs effets. S’agissant, en particulier, des zones ES 1301 Madrid et ES 0901 Àrea de Barcelona, l’ampleur de ces dépassements a été plus importante au cours de l’année 2017 qu’au cours des quatre années précédentes. L’année 2015 reflète également une détérioration de la tendance dans lesdites trois zones par rapport à l’année précédente.

163    S’agissant de l’ampleur des dépassements des valeurs limites annuelle et horaire fixées pour le NO2 par la directive 2008/50, il convient de constater que, au cours de l’année 2018, tant la zone ES 1301 Madrid que la zone ES 0901 Àrea de Barcelona ont toujours enregistré des pourcentages de dépassement de la valeur limite annuelle d’au moins 35 %. Dans la zone ES 0902 Vallès – Baix Llobregat, ce pourcentage était toujours de 10 % en 2017. En ce qui concerne le pourcentage de dépassement de la valeur limite horaire dans la zone ES 1301 Madrid, celui-ci a atteint 83 % en 2018.

164    Il en résulte que, bien qu’une certaine réduction à long terme du niveau des dépassements des valeurs limites fixées pour le NO2 par la directive 2008/50 puisse être observée dans toutes les zones visées par le présent recours, l’intensité des mesures prises n’a pas été suffisante pour mettre un terme à ces dépassements, à tout le moins avant la fin de l’année2017, s’agissant de la zone ES 0902 Vallès – Baix Llobregat, et avant la fin de l’année 2018, s’agissant des zones ES 1301 Madrid et ES 0901 Àrea de Barcelona.

165    En ce qui concerne l’adéquation des plans relatifs à la qualité de l’air établis dans l’État membre concerné, il y a lieu de constater que, à la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, soit le 16 avril 2017, il n’existait aucun plan relatif à la qualité de l’air à l’échelle nationale.

166    Certes, le plan d’action pour l’amélioration de la qualité de l’air dans les zones de protection spéciale de l’environnement atmosphérique, applicable dans les zones ES 0901 Àrea de Barcelona et ES 0902 Vallès – Baix Llobregat, ainsi que le plan d’amélioration de la qualité de l’air de Barcelone (2015-2018), applicable dans la zone ES 0902 Àrea de Barcelona, visés au point 108 du présent arrêt, étaient en vigueur à cette date. En revanche, le plan AIRE I et le plan relatif à la qualité de l’air de la ville de Madrid (2011-2015), applicables respectivement sur l’ensemble du territoire du Royaume d’Espagne et dans la zone ES 1301 Madrid, n’étaient plus applicables à ladite date.

167    Le plan AIRE II et le plan A, applicables respectivement sur l’ensemble du territoire du Royaume d’Espagne et sur celui de la zone ES 1301 Madrid, ont été adoptés après la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé.

168    L’annexe II du plan AIRE II contient une liste des mesures prévues par le plan AIRE I et des indications relatives à leur degré de mise en œuvre. Ainsi, cette annexe II indique que, au mois de février 2017, sur les 78 mesures de ce plan AIRE I, 51 % avaient été mises à exécution, 46 % étaient en cours de mise en œuvre et 3 % demeuraient totalement inappliquées.

169    Le plan AIRE II prévoit 52 mesures regroupées en 8 domaines d’action prioritaires (information, agriculture, logement, fiscalité environnementale, industrie, mobilité, infrastructures et transports).

170    Même en faisant abstraction du fait que ce plan a été adopté après la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé et que ces mesures tardives ne sont pas conformes aux règles énoncées au point 151 du présent arrêt, il convient de relever qu’aucun des autres plans auxquels le Royaume d’Espagne a fait référence dans ce contexte ne prévoyait le respect, dans la zone ES 1301 Madrid et dans la zone ES 0901 Àrea de Barcelona, avant la fin de l’année 2020, des valeurs limites fixées pour le NO2 par la directive 2008/50, ce qui porte la période envisagée de dépassement de ces valeurs limites à une durée d’au moins onze ans.

171    Il convient donc de constater que tant l’inexistence d’un plan à l’échelle nationale à la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, alors que le Royaume d’Espagne dépassait les valeurs limites annuelle et horaire fixées pour le NO2 par la directive 2008/50 de façon ininterrompue depuis huit ans s’agissant des zones concernées par le présent recours, que le contenu des mesures envisagées après cette date constituent des éléments pertinents pour considérer ces mesures comme étant insuffisantes pour que la période de dépassement de ces valeurs limites soit la plus courte possible, au sens de l’article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa, de cette directive.

172    S’agissant plus particulièrement de la zone ES 1301 Madrid, il y a lieu de constater que, à ladite date, il n’existait aucun plan relatif à la qualité de l’air pour cette zone, dès lors que le plan relatif à la qualité de l’air de la ville de Madrid pour la période allant de l’année 2011 à l’année 2015, visé au point 166 du présent arrêt, n’était plus d’application.

173    Le plan A, adopté le 21 septembre 2017, c’est-à-dire après la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, contenait, entre autres mesures, la création de la zone à faibles émissions « Madrid Central ». Or, il convient de constater, d’une part, que cette mesure porte sur une superficie de 4,72 km2, alors que la superficie totale de la zone ES 1301 Madrid est de 604,45 km², et, d’autre part, que l’interdiction de circulation des véhicules diesel de plus de 19 ans qu’elle prévoit interviendra au plus tôt au cours de l’année 2025.

174    S’agissant des mesures prises dans les zones ES 0901 Àrea de Barcelona et ES 0902 Vallès – Baix Llobregat, il ressort du dossier soumis à la Cour que celle consistant à créer une zone à faibles émissions n’a été mise en œuvre qu’après la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé et que son efficacité est limitée par les conditions auxquelles son application est soumise.

175    Par ailleurs, nombre des autres mesures prévues ne sont pas suffisamment concrètes, en ce qu’elles visent simplement un renforcement des transports publics, la promotion des véhicules propres et durables, la promotion du réseau de recharge électrique, des mesures fiscales ou encore la promotion des déplacements à pied et à vélo pour la mobilité quotidienne. De surcroît, en ce qui concerne la zone ES 0901 Àrea de Barcelona, le Royaume d’Espagne n’a pas contesté que, au mois de juillet 2019, 22,2 % des mesures adoptées dans le cadre de l’accord institutionnel visé au point 110 du présent arrêt n’étaient toujours pas mises en œuvre.

176    Compte tenu des éléments figurant aux points 158 à 175 du présent arrêt, il y a lieu de relever que le Royaume d’Espagne n’a manifestement pas adopté en temps utile les mesures appropriées permettant d’assurer que la période de dépassement des valeurs limites fixées pour le NO2 par la directive 2008/50 soit la plus courte possible dans les zones visées par le présent recours. Ainsi, le dépassement de ces valeurs limites est demeuré systématique et persistant durant au moins huit années dans ces zones, en dépit de l’obligation incombant à cet État membre de prendre toutes les mesures appropriées et efficaces pour se conformer à l’exigence, prévue à l’article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa, de cette directive, selon laquelle la période de dépassement desdites valeurs doit être la plus courte possible.

177    Or, une telle situation démontre, par elle-même, sans qu’il soit besoin d’examiner de manière plus détaillée le contenu des plans relatifs à la qualité de l’air établis par le Royaume d’Espagne, que, en l’occurrence, cet État membre n’a pas mis à exécution des mesures appropriées et efficaces pour que la période de dépassement des valeurs limites fixées pour le NO2 par la directive 2008/50 soit « la plus courte possible », au sens de l’article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa, de cette directive [voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2022, Commission/Italie (Valeurs limites – NO2), C‑573/19, non publié, EU:C:2022:380, point 168 et jurisprudence citée.

178    S’agissant de l’argument avancé par le Royaume d’Espagne selon lequel l’inefficacité des normes européennes en matière de réduction des émissions de polluants par des véhicules aurait contribué au dépassement des valeurs limites fixées pour le NO2 par la directive 2008/50, notamment au motif que les mesures contenues dans les plans relatifs à la qualité de l’air n’auraient pas pu tenir compte des émissions de NO2 réellement produites par les véhicules, en particulier par les véhicules à moteur diesel, argument qui, selon cet État membre, aurait été confirmé par l’arrêt du Tribunal du 13 décembre 2018, Ville de Paris, Ville de Bruxelles et Ayuntamiento de Madrid/Commission (T‑339/16, T‑352/16 et T‑391/16, EU:T:2018:927), il y a lieu de constater, en premier lieu, que la Cour a déjà jugé, outre le fait que les véhicules à moteur soumis aux normes établies par le règlement (CE) no 715/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2007, relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules (JO 2007, L 171, p. 1), ne sont pas la seule et unique cause des émissions de NO2, que la réglementation de l’Union applicable à la réception par type des véhicules à moteur ne saurait exonérer les États membres de leur obligation de respecter ces valeurs limites sur la base des connaissances scientifiques et de l’expérience des États membres de manière à refléter le niveau jugé approprié par l’Union et par les États membres aux fins d’éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs des polluants de l’air sur la santé humaine et l’environnement dans son ensemble [arrêt du 12 mai 2022, Commission/Italie (Valeurs limites – NO2), C‑573/19, non publié, EU:C:2022:380, point 106].

179    En second lieu, s’agissant de cet arrêt du Tribunal, il suffit de relever que celui-ci a été annulé par l’arrêt de la Cour du 13 janvier 2022, Allemagne e.a./Commission (C‑177/19 P à C‑179/19 P, EU:C:2022:10).

180    S’agissant de l’argument tiré de la finalité de l’article 23 de la directive 2008/50, qui serait d’adopter des plans prévoyant une diminution des dépassements des valeurs limites fixées par cette directive lorsque de tels dépassements se produisent et que, dès lors, les chiffres relatifs à la qualité de l’air postérieurs à l’avis motivé devraient être intégrés dans l’analyse du respect de cet article 23, puisque ces chiffres refléteraient des améliorations résultant de l’adoption de nouveaux plans et programmes comportant de nouvelles mesures ou renforçant celles qui sont déjà prévues, il suffit de rappeler que, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé, et les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte [arrêt du 3 juin 2021, Commission/Allemagne (Valeurs limites – NO2), C‑635/18, non publié, EU:C:2021:437, point 52 et jurisprudence citée].

181    En tout état de cause, il convient de rappeler que l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/50 oblige les États membres à adopter les mesures appropriées pour que la période de dépassement soit la plus courte possible. Or, il ressort des données fournies par le Royaume d’Espagne que les dépassements des valeurs limites visées par le présent recours ont cessé, au plus tôt, en ce qui concerne les zones ES 1301 Madrid et ES 0901 Àrea de Barcelona, au cours de l’année 2020, et, en ce qui concerne la zone ES 0902 Vallès – Baix Llobregat, au cours de l’année 2018, alors que le délai fixé dans l’avis motivé était arrivé à son terme le 16 avril 2017.

182    En ce qui concerne l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel le coût économique lié au changement de la politique relative aux véhicules diesel justifie la nécessité d’un délai plus important pour la mise en œuvre et l’efficacité des mesures à entreprendre, il convient de rappeler que cette considération ne saurait justifier un délai particulièrement long pour mettre un terme à des dépassements des valeurs limites fixées pour le NO2 par la directive 2008/50, tel que ceux envisagés en l’espèce, ce délai devant être apprécié, en tout état de cause, en tenant compte de la date prévue par cette directive pour satisfaire aux obligations énoncées par celle-ci, à savoir, s’agissant de l’obligation résultant de l’article 23, paragraphe 1, de ladite directive, la date du 11 juin 2010, ainsi que de l’importance des objectifs de la protection de la santé humaine et de l’environnement, poursuivis par la même directive [voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2022, Commission/Italie (Valeurs limites – NO2), C‑573/19, non publié, EU:C:2022:380, point 169 et jurisprudence citée).

183    Il y a lieu de relever, à cet égard, que, selon le libellé même de l’article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2008/50, le caractère approprié des mesures visées dans un plan relatif à la qualité de l’air doit être évalué en rapport à la capacité de ces mesures à garantir que la période de dépassement des valeurs limites fixées par cette directive soit la plus courte possible, cette exigence étant plus stricte que celle applicable sous l’empire de la directive 96/62, qui se limitait à exiger des États membres qu’ils adoptent, dans un délai raisonnable, des mesures visant à mettre la qualité de l’air en conformité avec les valeurs limites fixées pour les polluants concernés [arrêt du 12 mai 2022, Commission/Italie (Valeurs limites – NO2), C‑573/19, non publié, EU:C:2022:380, point 170 et jurisprudence citée].

184    C’est ainsi que, dans cette optique, l’article 23 de la directive 2008/50 impose que, lorsqu’un dépassement des valeurs limites fixées pour le NO2 a été constaté, une telle situation doit conduire le plus rapidement possible l’État membre concerné non seulement à adopter, mais aussi à mettre en œuvre des mesures appropriées dans un plan relatif à la qualité de l’air, la marge de manœuvre dont dispose cet État membre en cas de dépassement de ces valeurs limites étant donc, dans ce contexte, limitée par cette exigence [arrêt du 12 mai 2022, Commission/Italie (Valeurs limites – NO2), C‑573/19, non publié, EU:C:2022:380, point 171 et jurisprudence citée].

185    Par ailleurs, en ce qui concerne l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel les délais qu’il a fixés sont pleinement adaptés à l’ampleur des transformations structurelles nécessaires pour mettre fin aux dépassements des valeurs limites fixées pour le NO2 par la directive 2008/50, mettant notamment en exergue des difficultés tenant à l’enjeu socio-économique des investissements à réaliser, il convient de rappeler que cet État membre doit établir que les difficultés qu’il invoque pour mettre fin aux dépassements de ces valeurs sont de nature à exclure que des délais moins longs auraient pu être fixés [voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2022, Commission/Italie (Valeurs limites – NO2), C‑573/19, non publié, EU:C:2022:380, point 172 et jurisprudence citée].

186    Or, la Cour a déjà jugé, en réponse à des arguments tout à fait comparables à ceux invoqués par la Royaume d’Espagne en l’espèce, que des difficultés structurelles, tenant à l’enjeu socio-économique et budgétaire d’investissements d’envergure à réaliser ne revêtaient pas, en soi, un caractère exceptionnel et n’étaient pas de nature à exclure que des délais moins longs auraient pu être fixés [arrêt du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10), C‑644/18, EU:C:2020:895, point 152]. Il en est de même s’agissant d’éventuelles difficultés liées à la répartition, au sein d’un État membre, des compétences aux fins de l’adoption de mesures appropriées en matière de qualité de l’air.

187    Enfin, s’agissant de la déclaration visée au point 133 du présent arrêt, par laquelle le commissaire européen chargé de l’environnement se serait exprimé de manière positive au sujet des mesures envisagées ou prises par le Royaume d’Espagne pour améliorer la qualité de l’air, pour autant que, en faisant référence à cette déclaration, le Royaume d’Espagne entend suggérer qu’il était en droit de s’attendre à ce que la Commission ne modifierait pas cette appréciation positive, il suffit de relever, ainsi que la Commission l’a fait dans son mémoire en réplique, que, dans cette déclaration, il était clairement annoncé que la Commission contrôlerait la mise en œuvre effective des mesures annoncées et procéderait à l’évaluation ultérieure de leur succès.

188    Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de constater que, contrairement à l’obligation qui lui incombait en vertu de l’article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2008/50, le Royaume d’Espagne n’a manifestement pas adopté en temps utile des mesures appropriées pour que la période de dépassement des valeurs limites fixées pour le NO2 par cette directive soit la plus courte possible dans les zones visées par le présent recours.

189    Il s’ensuit que le second grief doit être accueilli.

190    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que le Royaume d’Espagne,

–        en n’ayant pas veillé à ce que ne soient pas dépassées, de manière systématique et persistante, d’une part, la valeur limite annuelle fixée pour le NO2, à partir de l’année 2010 jusqu’à l’année 2018 incluse, dans les zones ES 0901 Àrea de Barcelona et ES 1301 Madrid ainsi que, à partir de l’année 2010 jusqu’à l’année 2017 incluse, dans la zone ES 0902 Vallès – Baix Llobregat et, d’autre part, la valeur limite horaire fixée pour le NO2, à partir de l’année 2010 jusqu’à l’année 2018 incluse, dans la zone ES 1301 Madrid, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées de l’article 13, paragraphe 1, et de l’annexe XI de la directive 2008/50, et,

–        en n’ayant pas adopté, à partir du 11 juin 2010, les mesures appropriées pour garantir le respect des valeurs limites fixées pour le NO2 dans les zones ES 0901 Àrea de Barcelona, ES 0902 Vallès – Baix Llobregat et ES 1301 Madrid a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 23, paragraphe 1, de cette directive, lu en combinaison avec l’annexe XV de celle-ci, et, en particulier, à celle de veiller à ce que les plans relatifs à la qualité de l’air prévoient des mesures appropriées pour que la période de dépassement de ces valeurs limites soit la plus courte possible.

Pour le surplus, il y a lieu de rejeter le recours.

 Sur les dépens

191    En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Conformément à cet article 138, paragraphe 3, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, la Cour peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

192    La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume d’Espagne aux dépens et celui-ci ayant succombé en l’essentiel de ses moyens, il y a lieu, eu égard aux circonstances de l’espèce, de condamner le Royaume d’Espagne à supporter, outre ses propres dépens, neuf dixièmes des dépens de la Commission. Cette dernière supportera un dixième de ses dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête :

1)      Le Royaume d’Espagne :

–        en n’ayant pas veillé à ce que ne soient pas dépassées, de manière systématique et persistante, d’une part, la valeur limite annuelle fixée pour le dioxyde d’azote (NO2), à partir de l’année 2010 jusqu’à l’année 2018 incluse, dans les zones ES 0901 Àrea de Barcelona et ES 1301 Madrid ainsi que, à partir de l’année 2010 jusqu’à l’année 2017 incluse, dans la zone ES 0902 Vallès – Baix Llobregat et, d’autre part, la valeur limite horaire fixée pour le NO2, à partir de l’année 2010 jusqu’à l’année 2018 incluse, dans la zone ES 1301 Madrid, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées de l’article 13, paragraphe 1, et de l’annexe XI de la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008, concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe, et,

–        en n’ayant pas adopté, à partir du 11 juin 2010, les mesures appropriées pour garantir le respect des valeurs limites fixées pour le NO2 dans les zones ES 0901 Àrea de Barcelona, ES 0902 Vallès – Baix Llobregat et ES 1301 Madrid, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 23, paragraphe 1, de cette directive, lu en combinaison avec l’annexe XV de celle-ci, et, en particulier, à celle de veiller à ce que les plans relatifs à la qualité de l’air prévoient des mesures appropriées pour que la période de dépassement de ces valeurs limites soit la plus courte possible.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Le Royaume d’Espagne supporte, outre ses propres dépens, neuf dixièmes des dépens de la Commission européenne.

4)      La Commission européenne supporte un dixième de ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.

Top