ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 227

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Édition de langue française

Communications et informations

61e année
28 juin 2018


Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

532e session plénière du CESE, 14.2.2018-15.2.2018

2018/C 227/01

Avis du Comité économique et social européen sur Tirer les leçons du passé: éviter la rigueur des politiques d’austérité dans l’Union européenne (avis d’initiative)

1

2018/C 227/02

Avis du Comité économique et social européen sur Les mutations industrielles dans le secteur de la santé (avis d’initiative)

11

2018/C 227/03

Avis du Comité économique et social européen sur Le rôle de la Turquie dans la crise des réfugiés (avis d’initiative)

20

2018/C 227/04

Avis du Comité économique et social européen sur Chapitres sur le commerce et le développement durable dans les accords de libre-échange conclus par l’Union européenne (avis d’initiative)

27

2018/C 227/05

Avis du Comité économique et social européen sur Promouvoir des actions en faveur du climat par des acteurs non étatiques (avis exploratoire à la demande de la Commission européenne)

35


 

III   Actes préparatoires

 

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

 

532e session plénière du CESE, 14.2.2018-15.2.2018

2018/C 227/06

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Faire des marchés publics un outil efficace au service de l’Europe[COM(2017) 572 final], la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Encourager les investissements par l’évaluation ex ante volontaire des aspects relatifs à la passation de marchés pour les grands projets d’infrastructure[COM(2017) 573 final] et la Recommandation de la Commission du 3 octobre 2017 sur la professionnalisation de la passation des marchés publics — Concevoir une architecture pour la professionnalisation de la passation des marchés publics[C(2017) 6654 final — SWD(2017) 327 final]

45

2018/C 227/07

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des normes de performance en matière d’émissions pour les voitures particulières neuves et les véhicules utilitaires légers neufs dans le cadre de l’approche intégrée de l’Union visant à réduire les émissions de CO2 des véhicules légers et modifiant le règlement (CE) no 715/2007 [COM(2017) 676 final — 2017/0293 (COD)]

52

2018/C 227/08

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil concernant certains aspects des contrats de vente de biens, modifiant le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil et la directive 2009/22/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil [COM(2017) 637 final]

58

2018/C 227/09

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), le règlement (UE) no 1094/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles), le règlement (UE) no 1095/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des marchés financiers), le règlement (UE) no 345/2013 relatif aux fonds de capital-risque européens, le règlement (UE) no 346/2013 relatif aux fonds d’entrepreneuriat social européens, le règlement (UE) no 600/2014 concernant les marchés d’instruments financiers, le règlement (UE) 2015/760 relatif aux fonds européens d’investissement à long terme, le règlement (UE) 2016/1011 concernant les indices utilisés comme indices de référence dans le cadre d’instruments et de contrats financiers ou pour mesurer la performance de fonds d’investissement et le règlement (UE) 2017/1129 concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé[COM(2017) 536 final — 2017/0230 (COD)] et sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2014/65/UE concernant les marchés d’instruments financiers et la directive 2009/138/CE sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II)[COM(2017) 537 final — 2017/0231 (COD)] et sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1092/2010 relatif à la surveillance macroprudentielle du système financier dans l’Union européenne et instituant un Comité européen du risque systémique[COM(2017) 538 final — 2017/0232 (COD)]

63

2018/C 227/10

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d’investissement: Investir dans une industrie intelligente, innovante et durable — Une stratégie revisitée pour la politique industrielle de l’UE[COM(2017) 479 final]

70

2018/C 227/11

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision 2003/17/CE du Conseil en ce qui concerne l’équivalence des inspections sur pied des cultures productrices de semences de plantes fourragères et des cultures productrices de semences de céréales effectuées au Brésil et l’équivalence des semences de plantes fourragères et des semences de céréales produites au Brésil, et en ce qui concerne l’équivalence des inspections sur pied des cultures productrices de semences de céréales, des cultures productrices de semences de légumes et des cultures productrices de semences de plantes oléagineuses et à fibres effectuées en Moldavie et l’équivalence des semences de céréales, des semences de légumes et des semences de plantes oléagineuses et à fibres produites en Moldavie[COM(2017) 643 final — 2017/0297 (COD)]

76

2018/C 227/12

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant un cadre applicable à la libre circulation des données à caractère non personnel dans l’Union européenne[COM(2017) 495 final — 2017/0228(COD)]

78

2018/C 227/13

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’ENISA, Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité, et abrogeant le règlement (UE) no 526/2013, et relatif à la certification des technologies de l’information et des communications en matière de cybersécurité (règlement sur la cybersécurité)[COM(2017) 477 final/2 — 2017/0225 (COD)]

86

2018/C 227/14

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d’investissement — Examen annuel de la croissance 2018[COM(2017) 690]

95

2018/C 227/15

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 92/66/CEE du Conseil établissant des mesures communautaires de lutte contre la maladie de Newcastle[COM(2017) 742 final — 2017/0329 COD]

101

2018/C 227/16

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2016/1139 en ce qui concerne les fourchettes de mortalité par pêche et les niveaux de sauvegarde pour certains stocks de hareng de la mer Baltique[COM(2017) 774 final — 2017/0348 COD]

102

2018/C 227/17

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil abrogeant le règlement (UE) no 256/2014 du Parlement européen et du Conseil concernant la communication à la Commission des projets d’investissement relatifs à des infrastructures énergétiques dans l’Union européenne[COM(2017) 769 final — 2017/347 (COD)]

103


FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

AVIS

Comité économique et social européen

532e session plénière du CESE, 14.2.2018-15.2.2018

28.6.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 227/1


Avis du Comité économique et social européen sur «Tirer les leçons du passé: éviter la rigueur des politiques d’austérité dans l’Union européenne»

(avis d’initiative)

(2018/C 227/01)

Rapporteur:

M. José LEIRIÃO

Décision de l’assemblée plénière

21.1.2016

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

29.1.2018

Adoption en session plénière

14.2.2018

Session plénière no

532

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

177/26/18

Introduction

Le contenu du présent avis a bénéficié de la contribution des représentants des institutions de la société civile et des partenaires sociaux siégeant dans les conseils économiques et sociaux des trois États membres concernés (Grèce, Irlande et Portugal), à la suite de missions réalisées par le CESE dans ces États membres afin de connaître les points de vue et de recueillir les témoignages des personnes qui subissent les effets négatifs que les politiques d’austérité imposées par la troïka ont sur la réalité sociale, dans le monde des entreprises et dans le cadre du dialogue social.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le premier enseignement à tirer de la crise est que la zone euro ne disposait pas des outils nécessaires pour gérer cette crise financière. Le CESE félicite donc la Commission de son ambition de réformer l’euro de manière fondamentale en rompant avec les politiques d’austérité et en approfondissant l’Union économique et monétaire. Le CESE estime que ces mesures sont indispensables à la mise en place d’une grande coalition européenne en vue de poursuivre les efforts pour reconstruire un «destin européen commun» et de regagner la confiance de l’ensemble des européens.

1.2.

La conception des programmes d’ajustement a souffert de plusieurs incohérences à différents niveaux, concernant par exemple: la coordination et l’articulation de l’action des partenaires de la troïka (FMI, CE, BCE) en matière de planification; l’ampleur des risques potentiels nés de la crise et leur anticipation; les enseignements tirés des crises précédentes qui n’ont pas toujours été pris en compte ou n’étaient pas applicables dans la nouvelle zone de la monnaie unique; et un certain déséquilibre entre les mécanismes du FMI et les instruments de la politique macroéconomique de la zone euro. Le CESE, tout en reconnaissant l’expertise du Fonds monétaire international, recommande que, dans les situations de crise à venir, touchant n’importe lequel des États membres, les institutions de l’Union européenne soient seulement responsables de la conception et de la mise en œuvre des programmes d’ajustement. S’il est nécessaire d’établir des partenariats avec des institutions extérieures pour faire face à la crise, l’Union européenne et la zone euro doivent prendre l’initiative et agir dans le respect des «valeurs européennes», en renforçant le dialogue social et civil existant ainsi que les droits civils et sociaux en vigueur dans l’Union européenne. La gestion des futures crises doit parvenir à un meilleur équilibre entre les objectifs budgétaires, sociaux et de renforcement qualitatif du secteur des entreprises.

1.3.

La crise et les programmes d’ajustement mis en œuvre dans les trois États membres les ont conduits à une situation économique, financière et sociale qui, dans certains cas, les a fait reculer de vingt ans, en provoquant des dommages permanents ou auxquels il ne pourra être remédié qu’à très long terme, affectant leurs facteurs de production et le fonctionnement du marché du travail. Le CESE invite la Commission à concevoir des «programmes complémentaires de reprise économique et sociale», qui devraient être appliqués parallèlement ou après la fin du «programme d’ajustement» de manière à garantir à ces pays un retour rapide à un niveau plus compétitif qui les placerait sur une trajectoire de convergence.

1.4.

Il convient que la Commission se recentre sur les valeurs européennes de solidarité et qu’elle adopte immédiatement des mesures exceptionnelles pour améliorer le sort des personnes défavorisées en situation d’extrême pauvreté et de dénuement en matière d’alimentation, de logement, de soins médicaux et d’achat de médicaments. Le CESE préconise la mise en place d’un programme spécifique de restauration de la dimension sociale, applicable aux pays qui sont ou ont été tenus de mettre en œuvre des «programmes d’ajustement». Ce programme d’appui doit respecter les principes du socle européen des droits sociaux récemment adopté par l’Union européenne et appliqué dans les trois États membres en question.

1.5.

La mise en œuvre des politiques d’austérité a augmenté de façon spectaculaire le nombre de pauvres (qu’ils soient travailleurs, demandeurs d’emploi, inactifs ou «sans-abri»). Le CESE demande avec insistance à la Commission d’élaborer une «stratégie européenne d’éradication de la pauvreté et d’intégration des personnes en situation de sans-abrisme», soutenue comme il se doit par des fonds destinés non seulement à la construction de bâtiments d’accueil appropriés, mais également à la mise en place de programmes de formation spécifiques axés sur des emplois adaptés aux compétences enseignées par lesdites formations, tant dans le secteur public (au niveau des municipalités) que privé. Il est également essentiel d’élaborer un plan conjoint avec les États membres permettant de restructurer la dette des entreprises et des citoyens surendettés en raison de leur incapacité à rembourser leurs emprunts, en évitant leur insolvabilité et la confiscation de leurs logements.

1.6.

Dans la zone euro, les règles du pacte de stabilité et de croissance, de la procédure de déficit excessif et du pacte budgétaire, et les politiques d’austérité qui en découlent, pénalisent tout particulièrement les pays qui ressentent encore la crise, parce qu’elles entravent l’expansion de l’investissement public et le déploiement du soutien à la création d’emplois par le secteur privé, ces États étant soumis à des sanctions et des pénalités sévères s’ils ne respectent pas les règles. Cette situation a aggravé les inégalités en Europe, car les pays pauvres sont de plus en plus pauvres, en raison du «cercle vicieux» dans lequel ces contraintes les ont enfermés. Le CESE recommande que le traité de Lisbonne soit réformé en vue d’affirmer la primauté des politiques de coopération, d’expansion économique et de solidarité pour qu’elles constituent de véritables solutions de remplacement aux politiques d’austérité restrictives. Le CESE propose également d’examiner si la «règle d’or de l’investissement public» pourrait être un instrument adéquat afin de stimuler l’investissement public dans la zone euro et d’assurer non seulement la croissance et la création d’emplois, l’entrepreneuriat et les nouvelles compétences nécessaires pour l’avenir du travail, mais aussi à l’«équité intergénérationnelle», en garantissant la viabilité des finances publiques à long terme ainsi qu’une répartition équitable de la charge fiscale non seulement entre les différentes générations mais aussi entre les personnes de différentes conditions sociales et économiques, ainsi que d’éviter de surcharger les unes au profit des autres.

1.7.

Ces deux dernières années, un redressement du taux d’emploi a été observé dans l’Union européenne et, plus particulièrement, dans les États membres soumis aux «programmes d’ajustement». Il est important de souligner que, dans le cas de ces derniers, il serait dû non seulement à la croissance économique, mais aussi aux centaines de milliers de personnes qui ont émigré et au rythme accéléré auquel le travail à temps partiel a été imposé. Toutefois, l’incidence de la pauvreté et la privation matérielle aux différents niveaux ne cessent d’augmenter en raison de la baisse des salaires et de la précarité des emplois. Par conséquent, bien que plus d’emplois aient été créés dans les activités liées au tourisme et dans d’autres domaines liés aux qualifications de bas, cela n’a pas entraîné d’augmentation de la compétitivité ou une valeur ajoutée. Le CESE recommande de réserver des fonds spécifiques afin de consacrer davantage de ressources à la création d’emplois dans les services de santé et dans les secteurs les plus touchés par l’émigration (sciences, programmation, nouvelles technologies, ingénierie et médecine) afin d’inciter les émigrants à rentrer dans leur pays d’origine.

1.8.

La numérisation, la robotisation et l’intelligence artificielle (IA) sont en train d’introduire des mutations profondes dans l’économie, le marché du travail — avec notamment de nouvelles formes de travail —, ainsi que dans les qualifications et la société, en remettant en question ses structures, y compris les stabilisateurs automatiques, ce qui augmentera par conséquent, dans une proportion difficile à prévoir, le nombre des exclus. Le CESE recommande d’examiner les idées actuelles qui visent à créer une «assurance chômage universelle de base à l’échelle européenne» de manière plus approfondie. En outre, il convient également d’examiner la possibilité de fixer des normes européennes minimales aux systèmes nationaux d’assurance chômage en vue de répondre efficacement à ce défi et de garantir une protection sociale décente pour tous et accessible pendant toute la durée de la vie active (15-65 ans). En ce qui concerne la question de l’éradication de la pauvreté, la Commission devrait également mettre en place un «revenu minimal vital», en adoptant une approche et un objectif européens consistant à «ne laisser personne de côté».

1.9.

Les futurs «programmes d’ajustement» devraient refléter tous les aspects et intérêts qui ressortent des dialogues sociaux et civils avec la participation des organisations de la société civile Le CESE invite la Commission à mettre en place des «modèles économétriques à visage humain», incluant des paramètres concernant la protection de la dimension sociale et de valorisation des entreprises afin de poursuivre un double objectif: le bien-être de la société et une relance durable et de qualité du monde des entreprises. Les partenaires sociaux et les représentants de la société civile doivent faire partie du groupe de suivi et d’évaluation du programme, au même titre, entre autres, que les représentants de l’Union européenne et de la BCE, de manière à valoriser le rôle constructif joué par la société civile et faire en sorte que le modèle économique et social ne soit pas mis à mal, comme cela a été le cas dans les exemples à l’examen. L’ensemble des institutions qui élaborent, contrôlent et évaluent les programmes d’ajustement doivent se soumettre à un contrôle démocratique (par exemple le parlement national). Le cycle d’évaluation et de contrôle doit être de six mois ou de toute autre période jugée appropriée afin de prévenir des préjudices irréparables et permettre des mesures correctrices en temps utile. L’ensemble d’indicateurs de suivi macroéconomique doit être complété par un «tableau de bord social allant au-delà du PIB», lequel doit être actualisé conformément au socle européen des droits sociaux.

1.10.

La dette publique des trois États membres a atteint des niveaux astronomiques, et le montant des intérêts à payer a constitué une contrainte qui a bloqué l’investissement public dans le développement économique et réduit les investissements pour la protection sociale, la santé, l’éducation, les retraites, les prestations de chômage et l’aide aux plus défavorisés et aux exclus. Ces États membres, à l’exception de l’Irlande, restent sont fortement endettés, et la situation est aggravée par l’exposition aux actions spéculatives des marchés financiers. Le CESE recommande à la Commission d’inscrire cette question parmi les priorités européennes et de donner suite aux conclusions du groupe de haut niveau sur le fonds de mutualisation de la dette et les titres de créance en eurodevises, nommé par la Commission en juillet 2013. Par ailleurs, le CESE félicite la BCE pour son programme d’assouplissement quantitatif (quantitative easing) d’achat de titres de la dette publique des États membres, qui a contribué de façon substantielle et décisive à la relance économique et à la gestion de la dette publique des États membres soumis à des «programmes d’ajustement».

1.11.

Alors qu’il fête ses soixante ans d’existence, le projet européen fait face à de sérieux défis, ce qui donne lieu à des doutes quant à son avenir, y compris quant aux conséquences du Brexit. L’une des raisons qui expliquent le divorce entre la société civile et les structures de gouvernance de la Commission est que l’Union européenne n’a pas répondu aux attentes des citoyens en ce qui concerne la convergence économique et la croissance inclusive. Bien qu’un certain niveau de croissance soit enregistré depuis peu et semble s’installer, la zone euro dans son ensemble a perdu une décennie: ce n’est qu’en 2015 que le PIB a retrouvé sa valeur d’avant la crise, soit son niveau de 2008. Le CESE estime qu’il est nécessaire de recourir à une démarche pragmatique et ambitieuse visant à réformer l’union économique et monétaire pour la rendre plus résiliente et plus favorable aux citoyens. Une telle réforme implique d’améliorer la coordination des politiques économiques et de combiner intelligemment l’Europe du Nord et du Centre, qui s’appuie davantage sur les règles du marché concurrentiel, et l’Europe du Sud, fondée sur une plus grande solidarité, le partage des risques et l’intégration, tout en tenant compte du fait que l’Union européenne ne saurait se départir d’une solidarité commune, en particulier face à des situations extrêmes telles que la progression de la pauvreté, l’inégalité de revenus et la gestion des migrations, ni persister à penser que chaque État membre doit affronter seul ses difficultés.

1.12.

Les agences de notation financière ont eu une influence décisive sur le déclenchement des ravages occasionnés par la crise des dettes souveraines. On peut mettre en doute leur crédibilité si on se souvient qu’au début de la crise financière aux États-Unis, la banque Lehman Brothers a bénéficié de la note maximale des agences de notation jusqu’à son effondrement lorsqu’elle a déclaré faillite en 2008. Le CESE suggère à la Commission de déployer des efforts en vue de proposer la création d’un organe international indépendant qui serait chargé de l’évaluation de la crédibilité et de la pertinence des évaluations réalisées. Elle devrait également promouvoir la création d’une agence européenne de notation financière.

1.13.

Le CESE recommande que, dans le cadre de la gestion des crises futures dans l’Union européenne, un meilleur équilibre soit trouvé entre les objectifs budgétaires et les objectifs sociaux, en commençant par dépasser une approche purement macroéconomique des déséquilibres, mais aussi en prenant en compte d’autres questions telles que: les inégalités de revenus et de richesse, la réduction de la pauvreté, un secteur des entreprises fort et compétitif, une croissance et un emploi inclusifs, les changements climatiques, la participation des femmes au marché du travail et la corruption. Penser et agir en gardant à l’esprit qu’«au-delà des déficits, il y a des citoyens et il y a des vies».

2.   Introduction générale

2.1.

Le déclenchement de la crise financière en Grèce, en Irlande et au Portugal a été le prolongement de celle qui a éclaté aux États-Unis. Elle a été exacerbée par la présence de ces pays dans la zone euro, qui a conduit à un «boom» économique incontrôlé dû au relâchement des conditions de contrôle des dépenses publiques et du contrôle bancaire, et notamment au fait que les entreprises publiques ont continué à contracter des prêts avec la garantie de l’État, ce qui a conduit à une hausse très significative des dépenses publiques. Les conséquences ont notamment été une croissance rapide et incontrôlée des déficits budgétaires et des répercussions négatives sur la balance commerciale et celle des paiements.

2.2.

La libéralisation financière et la croissance incontrôlée du crédit bancaire alimenté par des pratiques de vente agressives des banques ont entraîné un surendettement des ménages et des PME, qui les a mis dans l’incapacité de payer leurs dettes, ainsi que celui du secteur bancaire en augmentant les dépréciations de crédits en raison de pratiques spéculatives qui ont mis en péril le fonctionnement normal de ce secteur. Les gouvernements ont poursuivi une politique budgétaire procyclique, qui a entraîné une dangereuse détérioration du déficit budgétaire et de la dette souveraine. En conséquence, les trois États membres concernés très vulnérables aux spéculations sur les prêts des investisseurs internationaux. Ces mauvaises pratiques ont eu pour conséquence que les impôts payés par les citoyens ont servi à éviter que les grandes banques ne fassent faillite et ont ainsi creusé encore davantage les dettes souveraines.

2.3.

La crise mondiale qui a débuté en 2007-2008 a mis en lumière la faiblesse d’une monnaie encore jeune et a gravement affecté la zone euro (entre le troisième trimestre de 2011 et le premier de 2013). Si les premiers États membres affectés ne faisaient pas partie de cette zone, il n’en demeure pas moins que les perturbations ont été significatives lorsque l’on a commencé à percevoir les vulnérabilités de certains pays de la zone euro. Les États membres touchés ont dû prendre des décisions difficiles et recourir à l’argent des contribuables pour soutenir financièrement les banques et éviter leur effondrement. En effet, les banques avaient connu des difficultés après l’éclatement des bulles immobilières et financières qui s’étaient accumulées et avaient grossi au cours des années précédentes. Combinés avec des recettes réduites et des dépenses élevées en raison de la «grande récession», les niveaux de dette publique dans l’Union européenne ont augmenté de manière significative, passant d’une valeur moyenne de 70 % du PIB à 92 % en 2014 (1).

2.4.

Dans l’intervalle, les «agences de notation financière» ont attribué à la Grèce, à l’Irlande et au Portugal une note infamante, qui a conduit les investisseurs internationaux à relever les taux d’intérêt à des niveaux inabordables, empêchant ces États membres de financer leurs déficits budgétaires sur les marchés financiers. Pour éviter une situation de «faillite», ces États membres ont eu recours à l’Union européenne et ont sollicité des prêts à des taux d’intérêt plus accessibles pour financer leur fonctionnement de manière à couvrir au minimum les salaires dans la fonction publique et les prestations sociales. La Commission a sollicité l’aide du FMI, en raison de sa grande expérience dans ce domaine, en vue de la constitution d’un consortium (troïka) associant la Commission, la BCE et le FMI, qui a prêté à ces États membres les sommes nécessaires pour éviter qu’ils ne soient en défaut de paiement, ce qui a conduit ces derniers à accepter des «programmes d’ajustement économique, financier et budgétaire» poursuivant les objectifs généraux suivants:

la réalisation de réformes structurelles visant à stimuler le potentiel de croissance, la création d’emplois, l’amélioration de la compétitivité et la réduction du déficit structurel (Il convient de noter que, durant la période considérée et en raison de la situation, le chômage a augmenté de manière exponentielle parallèlement à l’effondrement et à la faillite de milliers d’entreprises, à la suspension du dialogue social et à la révision du droit du travail, qui a porté préjudice à la main-d’œuvre.); un assainissement budgétaire au moyen de mesures structurelles et d’un contrôle plus efficace du budget,

le désendettement du secteur financier et la recapitalisation des banques,

la recapitalisation des banques s’est effectuée avec la garantie et l’engagement de la responsabilité des États concernés, contribuant ainsi à l’accroissement exponentiel de la dette souveraine.

2.5.

Ces mesures, généralement appelées «mesures d’austérité», ont eu un effet dévastateur sur les personnes qui étaient déjà aux prises avec l’augmentation du chômage et des niveaux élevés d’endettement, ainsi que sur les entreprises, en particulier les PME, qui allaient être pénalisées par une pénurie de crédit et une baisse très significative de l’activité économique. La troïka a fait preuve d’une totale indifférence à l’égard des conséquences dramatiques de ses politiques sur la réalité sociale et la structure des entreprises, qui ont touché plus durement les PME.

2.6.

Le CESE reconnaît que l’ampleur de la crise a en effet mis à rude épreuve la santé économique, sociale et aussi politique de l’Union européenne en général, et de l’union économique et monétaire (UEM) en particulier. Pour prévenir la crise, il s’est avéré évident qu’il ne faut pas seulement tenir compte des aspects quantitatifs de la croissance économique de l’État membre mais qu’il est également indispensable d’évaluer les aspects qualitatifs de cette croissance, en cernant les facteurs macroéconomiques qui fondent ou non la durabilité de cette dynamique (2). Si ce type de vérification avait été fait de manière efficace, la crise n’aurait pas pris une ampleur catastrophique dans ces États membres.

3.   Brève description des événements qui ont conduit à l’intervention de la troïka au Portugal

3.1.

Malgré des tarifs et des droits de douane élevés et bien qu’il dispose de sa propre monnaie, ce qui permettait des dévaluations, le Portugal a connu entre 1974 et 1995 un déficit de sa balance commerciale qui s’élevait en moyenne à 9,1 % du PIB. Au cours de la période allant de 1996 à 2010, durant laquelle l’euro avait déjà été adopté, ce déficit a été en moyenne de 8,5 % du PIB. Eu égard à ces données, on ne saurait imputer à l’euro la responsabilité de la perte de compétitivité.

3.2.

La principale raison pour laquelle le Portugal a été confronté à une crise de la dette publique n’est donc pas la perte de compétitivité du secteur de l’exportation, mais bien le fait que l’adoption de l’euro a entraîné la suppression des stabilisateurs automatiques, qui aidaient à garder sous contrôle la dette extérieure nette ainsi qu’un équilibre du déficit budgétaire à des niveaux acceptables. L’explication des causes de la crise portugaise a conduit à envisager une autre recette pour y répondre au mieux, très différente de celle qui a été adoptée par la troïka (3).

3.3.

L’enveloppe financière de 78 milliards d’euros (environ 45 % du PIB) allouée au pays couvrait la période allant de 2011 à 2014 et était assortie de la promesse de sauvegarder la stabilité financière du Portugal, de la zone euro et de l’Union européenne. Le programme comportait 222 mesures, axées sur différents secteurs. Au cours de sa mise en œuvre, il a donné lieu à plusieurs révisions qui comportaient des mesures d’austérité encore plus sévères. Celles-ci étaient considérées comme faisant partie d’un plan de portée globale visant à réformer complètement le pays (4).

4.   Brève description des événements qui ont conduit à l’intervention de la troïka en Irlande

4.1.

Au moment de l’adhésion à l’Union européenne, le revenu irlandais moyen s’élevait à 63 % de la moyenne de l’Union européenne. Il a augmenté pour atteindre, quelques années après, 125 %, pourcentage supérieur à la moyenne qu’il maintient encore aujourd’hui malgré la sévérité de la crise. L’âge d’or de la croissance économique a eu lieu entre 1994 et 2000, période au cours de laquelle le PIB a augmenté en moyenne de 9,1 % par an. Par contre, au cours de la période comprise entre 2008 et 2010, le PIB s’est effondré d’environ 13 % par an. La demande intérieure est tombée en chute libre à partir du début de l’année 2008. La politique d’austérité pratiquée du fait du programme d’ajustement financier a fait perdre une décennie (5).

4.2.

Dans les premières années d’existence de l’euro et jusqu’en 2007-2008, l’Irlande a connu une expansion immobilière, avec une hausse considérable des prix du secteur. L’expansion du crédit a été fortement concentrée sur le crédit immobilier spéculatif. Lorsque la crise financière a éclaté et que l’envolée des prix de l’immobilier a pris fin, les recettes fiscales ont connu une très nette chute étant donné qu’elles étaient étroitement liées à l’expansion immobilière. Il en est résulté une forte hausse du déficit avec, simultanément, des effets très néfastes sur le système financier, et les cours des plus grandes banques irlandaises se sont effondrés (6).

4.3.

Le 21 novembre 2010, l’Irlande est devenue le deuxième pays de la zone euro à demander une assistance financière. Le programme a consisté en un prêt de 85 milliards d’EUR, dont 35 milliards d’EUR destinés au système financier (7). Le 14 novembre 2013, l’Eurogroupe a conclu que le programme d’ajustement économique avait été un succès et que, par conséquent, l’Irlande était en mesure d’en sortir à la fin de l’année.

5.   Brève description des événements qui ont conduit à l’intervention de la troïka en Grèce

5.1.

Entre 2001 et 2007, l’économie grecque était celle qui connaissait, après l’économie irlandaise, la croissance la plus rapide de la zone euro; entre 1994 et 2008, son PIB a connu une augmentation moyenne de 3,6 %. Pourtant, tout au long de ces années consécutives de croissance, les déséquilibres macroéconomiques et les failles structurelles du pays ont été aggravés par les faiblesses du système politique aux niveaux national et européen.

5.2.

Le taux d’épargne au niveau national de la Grèce a plongé d’environ 32 points de pourcentage entre 1974 et 2009, alimentant le déficit courant et l’accumulation d’une dette extérieure chroniquement élevée. La conjugaison d’un excès de dépenses publiques et d’une incapacité à garantir un niveau adéquat de recettes a eu pour résultat un creusement de la dette publique (8).

5.3.

En août 2015, un troisième programme de soutien à la stabilité a été accordé à la Grèce par l’intermédiaire d’un supplément au protocole d’accord détaillant les conditions politiques de l’octroi de l’aide. Il comportait une évaluation de l’impact social, conçue comme une manière d’alimenter le processus de négociation du côté de la Commission, mais aussi comme un manuel d’accompagnement et de suivi de la mise en œuvre du programme. Cette initiative faisait suite à l’insistance du président Jean-Claude Juncker et aux orientations qu’il a données en 2014, selon lesquelles «à l’avenir, tout programme de soutien et de réformes doit être assorti non seulement d’une analyse de la viabilité budgétaire, mais également d’une évaluation de l’impact social». Ces orientations visaient également à garantir que «les incidences sociales des réformes structurelles soient débattues en public». La Commission est pleinement consciente de la situation sociale en Grèce et voit dans son amélioration un élément essentiel pour parvenir à une croissance durable et inclusive (9).

5.4.

Par délibération du Conseil européen, le 15 juin 2017, un prêt supplémentaire a été accordé à la Grèce pour aider à la reprise économique, financière et sociale.

6.   Les résultats macroéconomiques, sociaux et financiers obtenus à la suite du programme d’ajustement

6.1.

De manière générale, l’on peut affirmer que la seule réussite qui peut être attribuée aux «programmes d’ajustement» a été de permettre aux États membres (Irlande et Portugal) de sortir de la «procédure de déficit excessif» et d’obtenir à nouveau l’accès aux marchés financiers à des conditions de financement acceptables. La réduction du déficit budgétaire et l’augmentation des exportations ont contribué à l’amélioration du solde du compte courant extérieur (biens, services et capitaux); la croissance économique et l’emploi ont également enregistré des progrès. Tous les autres indicateurs continuent à témoigner de répercussions dramatiques sur le bien-être de la société et sous l’angle de la dégradation des facteurs macroéconomiques, qui vont perdurer pendant une très longue période. Une partie des dégâts causés seront irréversibles, notamment l’émigration de personnes hautement qualifiées et les effets négatifs qui s’ensuivent sur le potentiel de croissance en innovation et développement dans les pays d’origine, l’augmentation brutale de la pauvreté et l’accroissement des inégalités de revenus et d’accès aux soins de santé de base, ainsi que la baisse du bien-être général des populations (10).

7.   Les enseignements tirés qui doivent déboucher sur des changements et des innovations dans les politiques européennes

7.1.

L’Union européenne (comme la zone euro) a montré qu’elle n’était absolument pas préparée à faire face à une crise financière dans ses États membres, ce qui l’a amené à adopter intégralement les propositions du FMI, plutôt que de les adapter aux valeurs et aux normes communes européennes de solidarité. Dans le cas de la Grèce, l’Union européenne a perdu un temps précieux avant de réagir au problème et ses suggestions initiales n’étaient ni claires ni définitives. Par exemple, le montant total du prêt nécessaire a été modifié à plusieurs reprises en raison des hésitations de la Commission, ce qui a permis aux marchés de spéculer et conduit à l’aggravation d’une situation déjà mauvaise.

7.2.

Les programmes d’ajustement économique, financier et budgétaire mis en œuvre en Grèce, en Irlande et au Portugal ont été élaborés par le FMI et ont été dictés en partie par la logique qu’il avait suivie lors des périodes de crise des années 1980 en Afrique et des années 1990 dans certains pays asiatiques, dans lesquels la dévaluation de la monnaie grâce au mécanisme de taux de change avait joué un rôle efficace pour préserver la croissance et soulager la balance des paiements, en vue de stabiliser la situation macroéconomique, particulièrement en matière d’assainissement budgétaire et de stabilisation de l’inflation, ainsi que de stimuler les exportations (1). La nouveauté, dans les cas de la Grèce, de l’Irlande et du Portugal, était que de tels programmes étaient mis en œuvre pour la première fois dans une zone de monnaie unique (sans recours à la dévaluation de la monnaie) et dans des pays faisant partie de l’Union européenne et de la zone euro. Dans le cas des États membres qui nous intéressent, où les objectifs visés étaient de corriger les déséquilibres budgétaires et extérieurs et de restaurer la confiance, le FMI a estimé qu’il était «nécessaire de procéder à une réorientation majeure de l’économie là où la croissance attendue du PIB est faible» (2). Ainsi, les programmes d’ajustement visaient à atteindre l’assainissement budgétaire au moyen de politiques d’austérité consistant principalement en des coupes drastiques dans les dépenses publiques et des mesures structurelles à long terme, telles que les réformes des impôts ainsi que des lois du travail et des revenus, destinées à réduire les déficits et à augmenter les recettes de l’État. Cette politique d’austérité a été mise en œuvre au moyen d’une «dégradation interne des composantes du modèle économique et social».

7.3.

L’évaluation générale des programmes du FMI effectuée par son bureau d’évaluation indépendant en juillet 2016 indique que, si la surveillance opérée avant la crise a permis de correctement cerner les problèmes rencontrés dans les trois pays, elle n’a pas permis de prévoir et de jauger avec justesse l’ampleur des risques, lesquels se sont révélés par la suite décisifs en ce qui concerne les répercussions négatives de ces programmes d’ajustement, contribuant ainsi à leurs résultats déséquilibrés. L’évaluation relève aussi des incohérences dans la coordination entre les partenaires de la troïka, en matière d’action et de conformité avec les instruments de la zone euro (Union économique et monétaire, pacte de stabilité et de croissance, procédure de déficit excessif et semestre européen), et ajoute par ailleurs que la composition des équipes de négociation et la répartition des responsabilités entre leurs membres n’ont pas été clairement définies et que les leçons tirées des crises passées n’ont pas toujours été prises en compte.

7.3.1.

Les mesures d’austérité ont conduit à un «cercle vicieux» où l’austérité a engendré de la récession et a été suivie de plus d’austérité encore, ce qui a conduit à une situation catastrophique marquée par la baisse du PIB, lequel est retombé aux niveaux enregistrés 10 ou 20 ans plus tôt, la réduction des dépenses et des investissements publics et privés et l’effondrement du système bancaire. Cela a entraîné la faillite du système de production (PME, entreprises familiales et travailleurs indépendants) et l’imposition de mesures d’une rigueur catastrophique à tous les niveaux de la protection sociale.

7.4.

L’élaboration des programmes d’assistance a en général souffert des lacunes et incohérences suivantes:

la dimension structurelle de la crise a été négligée,

le niveau d’endettement des entreprises et des ménages a été sous-estimé,

le poids représenté par la demande intérieure dans la croissance et la création d’emplois a également été sous-estimé,

la réforme de l’État a omis d’aborder des aspects structurels majeurs,

la réforme structurelle de l’économie a été réduite à la dévaluation des facteurs de compétitivité interne» (salaires, augmentation du temps de travail, réforme restrictive du marché du travail, augmentation brutale des impôts, etc.),

le laps de temps prévu pour la mise en œuvre des programmes a été trop court,

il est extrêmement difficile d’atteindre à la fois un équilibre intérieur et extérieur, quand les deux volets présentent des déficits très élevés,

les mesures d’assainissement budgétaire, mises en œuvre principalement du côté des dépenses, dans une situation de récession sévère, dans un contexte où le pays considéré ne dispose pas du mécanisme de la dévaluation de la monnaie et alors même que ses partenaires sont en train de faire exactement la même chose, n’ont réussi dans aucun pays du monde, à aucune époque de l’histoire. On s’accorde aujourd’hui à juger leurs effets récessifs à court terme et les cicatrices qu’elles laissent dans l’économie sont souvent permanentes,

les multiplicateurs fiscaux inappropriés ont entraîné des erreurs grossières.

7.5.

Tout «programme d’ajustement» doit tenir compte de tous les aspects et dialogues politiques qui sont importants pour sa réussite, mais il doit aussi toujours inclure les «indicateurs de l’effet distributif» des mesures d’ajustement, en mettant particulièrement l’accent sur l’identification des conséquences sur la réalité sociale et les entreprises, aux niveaux les plus divers. Il doit recenser les mesures de compensation qui permettront, au moyen de programmes de relance, de pallier avec succès ces effets négatifs (par exemple: faillite des entreprises, augmentation du taux de chômage, réduction des salaires, augmentation de la pauvreté, émigration accrue) et d’éviter des situations sociales dramatiques, notamment l’émigration. Tous les secteurs doivent pouvoir s’en sortir et il ne devrait pas y avoir des secteurs gagnants et d’autres perdants, comme cela a été le cas avec les programmes mis en œuvre en Grèce, en Irlande et au Portugal.

Bruxelles, le 14 février 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Easterly 2002; FMI (2010) Greece Request for Stand By Arrangement (Demande par la Grèce d’un accord de confirmation); rapport par pays no 10/110, mai; Reflection paper on the deepening of the economic and monetary union (Document de réflexion sur l’approfondissement de l’union économique et monétaire), Commission européenne, 31 mai 2017.

(2)  Voir l’avis du CESE sur les «Déséquilibres macroéconomiques» (JO C 218 du 23.7.2011, p. 53).

(3)  ZBW — Leibniz Information Centre for Economics (Intereconomics 2013).

(4)  ZBW — Leibniz Information Centre for Economics (Intereconomics 2013).

(5)  ZBW — Leibniz Information Centre for Economics (Intereconomics 2013).

(6)  Étude du CESE, L’impact des mesures anti-crise et la situation sociale et de l’emploi: Irlande, 2013.

(7)  ZBW — Leibniz Information Centre for Economics (Intereconomics 2013).

(8)  Étude du CESE: L’impact des mesures anti-crise et la situation sociale et de l’emploi: Grèce, 2013.

(9)  Étude de l’unité d’assistance à la gouvernance économique (EGOV) du Parlement européen sur le thème The Troika and financial assistance in the euro area: successes and failures (La troïka et l’assistance financière à l’ère de l’euro: réussites et échecs), février 2014.

(10)  Voir annexe 1 reprenant les principaux indicateurs statistiques.


ANNEXE 1

À titre de référence, veuillez prendre note des indicateurs de base suivants:

Indicateurs de base

Grèce

Irlande

Portugal

 

2008

2013

2016

2008

2013

2016

2008

2013

2016

Taux de chômage total

8 %

27,5  %

23,4  %

6,4  %

13,1  %

6,9  %

7,8  %

16,2  %

10,5  %

Taux de chômage des jeunes (15-24)

22 %

58,3  %

48 %

12,8  %

27,5  %

16 %

16,5  %

38,1  %

28 %

Taux de pauvreté

28,7  %

35,7  %

36,4  %

22,3  %

30,5  %

26 %

19,7  %

24 %

23,1  %

Croissance du PIB

-0,3  %

-3,2  %

2,1  %

-4,4  %

1,1  %

5,2  %

0,2  %

-1,1  %

1,4  %

Déficit budgétaire en % du PIB

-7,7  %

-6,1  %

-1,2  %

-7 %

-7,2  %

0,5  %

-2,6  %

-2,9  %

-2,1  %

Dette publique en % du PIB

100 %

177,9  %

178,8  %

42,4  %

119,5  %

75,4  %

71,7  %

129 %

130,4  %

Source: Eurostat.

Les conséquences du programme d’austérité sur le plan social et les conséquences sur la structure des entreprises au Portugal

Le revenu du travail a chuté de 12 % entre 2009 et 2014.

La baisse des revenus était extrêmement inégale et dans une large mesure régressive, affectant principalement la «classe moyenne», les plus pauvres et les petites entreprises familiales.

La baisse des revenus de 5 % en termes nominaux s’est avérée contracyclique par rapport à l’évolution enregistrée en Europe, où les revenus des ménages ont augmenté de 6,5 % (entre 2009 et 2013).

L’inégalité a considérablement augmenté en raison de la baisse des salaires les plus bas et d’une augmentation significative de «l’emploi précaire», ce qui a entraîné une augmentation du nombre de travailleurs employés, mais pauvres.

Avec l’aggravation de la pauvreté de revenu, le taux de pauvreté a augmenté de 1,8 %, passant de 17,7 % à 19,5 % et le nombre de pauvres atteignant les 2,02 millions en 2014.

La détérioration des ressources de la population la plus pauvre a surtout affecté les plus vulnérables (les personnes âgées et les enfants).

Au cours du programme d’ajustement, plus de 400 000 Portugais ont émigré, principalement des personnes possédant des qualifications scientifiques et techniques de haut niveau (1), et des milliers d’entreprises (principalement des PME et des entreprises familiales) ont déclaré faillite.

Les conséquences du programme d’austérité sur le plan social et les conséquences sur la structure des entreprises en Irlande

En 2009, le salaire minimum garanti a été réduit de 15 %, mais son niveau initial a été rétabli en 2011.

L’ajustement des marchés domestique, de détail et de la construction a entraîné des pertes d’emplois importantes dans ces secteurs (2) à la suite de la faillite de milliers d’entreprises.

Le taux de chômage est passé de 6,4 % en 2008 à 15 % en 2012, cette augmentation touchant principalement le chômage de longue durée et le chômage des jeunes, avec un taux comparable à celui des pays du sud de l’Europe (environ 30 %).

À partir de 2008, l’émigration a rapidement augmenté (82 000 personnes rien qu’en 2012).

Les prestations sociales ont été réduites d’environ 15 %.

Outre les coupes budgétaires dans le secteur public et dans les prestations sociales, la stratégie a consisté à réduire le personnel dans le secteur public (santé, éducation, forces de l’ordre et fonction publique), au moyen de départs volontaires.

En ce qui concerne le revenu net au décile inférieur, il a été réduit de 25 %.

La proportion de citoyens menacés de pauvreté est passée à 15,8 % (environ 700 000 personnes, dont 220 000 enfants) (3).

La paralysie complète des programmes de construction a créé une pénurie dans la disponibilité de logements, qui a duré pendant une décennie après l’effondrement. Les entreprises en lien avec le secteur, en particulier des PME, ont été durement touchées, ce qui a entraîné des conséquences très négatives pour les employeurs et les travailleurs.

Les conséquences du programme d’austérité sur le plan social et les conséquences sur la structure des entreprises en Grèce

La crise et les politiques anticrise mises en œuvre en Grèce ont eu des effets directs et secondaires qui ont eu une incidence négative sur les entreprises (faillite), l’emploi et la situation sociale. L’impact a été ressenti de manière inégale chez les travailleurs, les retraités, les contribuables et leurs familles:

le taux de chômage, qui était de 13,5 % en octobre 2010, a atteint les 27,5 % en 2013,

le chômage des jeunes se maintient aux alentours de 45,5 %,

les pertes de revenus importantes sont liées aux taux élevés de chômage,

les coupes claires effectuées dans les salaires et les retraites, conjuguées à des emplois à temps partiel, un surendettement et un niveau élevé d’imposition, ont réduit radicalement le revenu des ménages et partant, contribué à affaiblir le pouvoir d’achat et marginalisé des segments importants de la population,

les organisations de la société civile ont été confrontées à de graves difficultés financières, ce qui les a empêchées de participer de manière suivie au dialogue social et civil, ou de relever de manière adéquate les défis posés. Cette situation peut affaiblir la «qualité» de la démocratie, étant donné qu’elle peut conduire à une sous-représentation des divers intérêts économiques et sociaux,

les mécanismes de surveillance du marché offerts par la société civile se détériorent en raison du manque de ressources humaines et financières, ce qui conduit à des lacunes dans la protection d’un large éventail d’intérêts, ceux des consommateurs compris,

le niveau de protection sociale, d’éducation et de santé a été considérablement abaissé à la suite des coupes budgétaires (4),

la situation est encore dramatique en ce qui concerne l’accès à la santé, l’achat de médicaments et la protection sociale,

les situations ont entraîné une aggravation des niveaux de pauvreté, laquelle touche plus de 20 % de la population, augmentant ainsi les inégalités.


(1)  Desigualdade de rendimento e Pobreza em Portugal (Inégalités des revenus et pauvreté au Portugal) (FFMS, septembre 2016).

(2)  Étude du CESE, L’impact des mesures anti-crise et la situation sociale et de l’emploi: Irlande, 2013.

(3)  ZBW — Leibniz Information Centre for Economics (Intereconomics 2013).

(4)  Étude du CESE, L’impact des mesures anti-crise et la situation sociale et de l’emploi: Grèce (2013).


ANNEXE 2

L’amendement suivant, bien qu’ayant obtenu plus d’un quart des votes, a été rejeté au cours des débats.

Paragraphe 1.7.

Modifier comme suit:

 

La numérisation, la robotisation et l’intelligence artificielle (IA) sont en train d’introduire des mutations profondes dans l’économie, le marché du travail — avec notamment de nouvelles formes de travail —, ainsi que dans les qualifications et la société, en remettant en question ses structures, y compris les stabilisateurs automatiques, ce qui augmentera par conséquent, dans une proportion difficile à prévoir, le nombre des exclus. Le CESE invite la Commission à créer une «assurance chômage universelle de base à l’échelle européenne» en vue de répondre efficacement à ce défi et de garantir une protection sociale décente pour tous et accessible pendant toute la durée de la vie active (15-65 ans). En ce qui concerne la question de l’éradication de la pauvreté, la Commission devrait également mettre en place un «revenu minimal vital», en adoptant une approche et un objectif européens consistant à «ne laisser personne de côté».

Exposé des motifs

Sous cette forme, la proposition n’est pas réalisable, et ne relève pas non plus de la compétence de la Commission.

Mis au vote, l’amendement a été rejeté par 74 voix pour, 129 voix contre et 13 abstentions.


28.6.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 227/11


Avis du Comité économique et social européen sur «Les mutations industrielles dans le secteur de la santé»

(avis d’initiative)

(2018/C 227/02)

Rapporteur:

Joost VAN IERSEL

Corapporteur:

Enrico GIBELLIERI

Décision de l’assemblée plénière

1.6.2017

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

 

 

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption par la CCMI

23.1.2018

Adoption en session plénière

14.2.2018

Session plénière no

532

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

Unanimité (163 voix pour)

1.   Conclusions

1.1.

L’industrie des technologies médicales — l’objet principal du présent avis — joue un rôle de premier plan dans la transformation en cours dans le secteur de la santé, dans l’intérêt des patients et en faveur de l’émergence en Europe de soins de santé fondés sur la valeur.

1.2.

La question relative aux soins de santé hautement personnalisés, garantissant l’égalité d’accès ainsi qu’une accessibilité et une qualité renforcées est essentielle. La technologie et les sources importantes de données anonymes faciliteront grandement les nouveaux traitements et opérations et contribueront positivement à toutes les étapes de la prévention et de la convalescence. Cette dernière se fait de plus en plus en dehors des hôpitaux, en recourant aux technologies de la santé en ligne.

1.3.

La subsidiarité est soigneusement préservée dans les systèmes de soins de santé en tant que services d’intérêt général. Le secteur médical et son organisation sont très décentralisés et morcelés. Les barrières nationales et régionales doivent être réduites afin d’optimiser les retombées des nouvelles technologies et d’améliorer le rendement et l’efficacité, conformément aux objectifs des systèmes de soins de santé définis publiquement.

1.4.

L’interaction continue au sein du large éventail de parties prenantes concernées — ministères nationaux, associations de patients, personnel médical et autres professionnels de la santé, hôpitaux, compagnies d’assurance et surveillance — crée un environnement complexe pour les acteurs industriels, notamment les PME.

1.5.

Le processus de mutation industrielle devrait aussi prendre dûment en compte les valeurs et les principes communs qui sous-tendent les systèmes de santé de l’Union européenne, tels que fixés par le Conseil en 2006 (1), comme l’attestent les engagements pris récemment dans le cadre du socle européen des droits sociaux et des Objectifs de développement durable adoptés (2).

1.6.

L’industrie doit se fonder sur l’échelle européenne pour garantir un marché intérieur fiable ainsi que pour développer une résilience internationale suffisante. L’Union européenne revêt une importance capitale pour la création de meilleures conditions de concurrence équitable ainsi que pour orienter et suivre les processus de transformation.

1.7.

Les principales parties prenantes et les États membres devraient élaborer des stratégies optimales et s’engager en ce qui concerne la qualité et l’accès aux systèmes de santé et de soins, leur caractère abordable et la prévention. Dans le même contexte, des approches particulières, y compris en matière de soins infirmiers, sont requises pour répondre aux besoins des personnes vulnérables, notamment les personnes âgées. Il est également important d’appréhender le plus efficacement possible les nouvelles technologies et l’innovation, les modèles de soins intégrés, et les alliances, ainsi que les réseaux (transfrontières) et les PPP (à grande échelle). La bonne mise en œuvre des règles et lignes directrices de l’Union européenne doit être assurée. Chacune de ces questions requiert des services de la Commission qu’ils jouent un rôle actif et stimulant.

Recommandations

1.8.

Les institutions européennes devraient favoriser les performances économiques, l’innovation, la numérisation et l’efficacité en matière de marchés publics, tout en facilitant la coopération et les échanges transfrontières de dispositifs médicaux et de produits industriels.

1.9.

La politique industrielle européenne doit être fondée sur un partage des compétences nationales et européennes dans le cadre de l’article 168 du TFUE. Dans le même ordre d’idées, les politiques d’innovation de l’Union européenne devraient la soutenir. Il convient de dûment coordonner les financements de l’Union européenne, dont Horizon 2020, et de veiller à ce qu’ils soient en phase avec les programmes nationaux.

1.10.

L’industrie bénéficiera considérablement de la stratégie pour un marché unique numérique. La libre circulation des (méga-)données dans l’ensemble de l’Union devrait être promue, dans le respect de la vie privée et de la sécurité des patients.

1.11.

Les marchés publics jouent un rôle de premier plan dans le lancement des projets s’appuyant sur des technologies de pointe. La Commission devrait veiller à l’efficacité des marchés publics au sein de l’Union, conformément à la directive 2014/12.

1.12.

Dans le contexte plus large des approches nationales, de nombreuses initiatives sont prises à l’échelle régionale. La Commission devrait promouvoir l’échange des expériences fructueuses. Les contacts bilatéraux entre autorités sanitaires publiques et privées doivent être encouragés.

1.13.

Le semestre européen et les recommandations par pays (3) devraient aussi examiner les effets de l’évolution technologique sur la transformation des systèmes de santé.

1.14.

La Commission doit s’efforcer de mettre en place une bonne coordination interne. Elle devrait encourager les dialogues et les plateformes réunissant les universités, les autorités locales, les partenaires sociaux et l’industrie des technologies médicales. Ils pourront servir d’exemple de coopération étroite entre les acteurs publics, tels que les ministères nationaux de la santé, des finances et de l’industrie, et le secteur privé.

1.15.

Le facteur humain est déterminant. La transition vers une nouvelle conception de la santé et des soins requiert un esprit ouvert et de nouvelles formes de professionnalisme dans le secteur, à tous les niveaux, ainsi qu’une refonte des activités liées à la santé et aux soins. Le dialogue social européen dans les secteurs de la santé et des services sociaux, qui est en place depuis 2006, doit être renforcé afin de garantir des programmes d’éducation et de formation adéquats et d’améliorer la qualité des conditions et des lieux de travail.

2.   Situation actuelle

2.1.

Le CESE s’est penché sur l’évolution récente de la situation dans le secteur de la santé dans différents avis (4). Le présent avis porte spécifiquement sur la profonde transformation à l’œuvre actuellement dans l’industrie des technologies médicales.

2.2.

L’industrie européenne des technologies médicales emploie à elle seule plus de 575 000 personnes, dans quelque 26 000 entreprises. Le paysage y est dominé par des PME, qui interagissent avec des grandes entreprises.

2.3.

Le secteur est estimé à quelque 100 milliards d’EUR. En 2015, la balance commerciale excédentaire s’élevait à 14,1 milliards d’EUR, à savoir le double de celle de 2006, dépassant largement l’excédent commercial américain (5 milliards d’EUR). Le secteur a d’excellentes perspectives d’avenir.

2.4.

La recherche est alimentée à la fois par une innovation continue par étapes et par une innovation de pointe et de rupture en entreprise, mais souvent aussi par des retombées technologiques provenant de structures existantes telles que des hôpitaux universitaires. Le nombre de brevets délivrés est révélateur de la valeur ajoutée qu’apporte l’innovation. En 2015, 12 474 demandes de brevets ont été introduites dans le domaine de la technologie médicale, environ 17 % de plus que pour la communication numérique et informatique, et près de 55 % de plus que dans le secteur des produits pharmaceutiques et des biotechnologies (5).

2.5.

En 2015, la santé et les soins de longue durée représentaient 8,7 % du PIB de l’Union européenne et 15 % du total des dépenses publiques. Ce chiffre pourrait passer à 12,6 % du PIB d’ici à 2060 en raison de traitements plus coûteux, du vieillissement de la population et de la forte augmentation des maladies chroniques et des comorbidités (6). Étant donné les contraintes financières, la prestation des soins de santé doit de plus en plus s’adapter aux pressions budgétaires. Cela pourrait se traduire par des réductions budgétaires à court terme, qui auront une incidence négative sur les dépenses en recherche et développement.

2.6.

La cocréation et la coopération entre les grandes entreprises et les PME sont la norme. Les grandes entreprises se focalisent sur le développement de plateformes matérielles et logicielles à forte intensité de capital, tandis que les PME se concentrent sur des plateformes spécialisées à finalité spécifique.

2.7.

Les différences entre les pays sont importantes. Les systèmes de santé et les structures financières ainsi que l’état de la technologie, notamment l’absorption des solutions innovantes et des pratiques médicales actuelles, varient aussi considérablement d’un pays à l’autre.

2.8.

En dehors des possibilités qui s’offrent à elle, l’industrie des technologies médicales est confrontée à des défis majeurs. Elle constitue un secteur industriel à part entière en raison de la prédominance des acteurs publics, du large éventail des parties prenantes, de l’incidence des valeurs européennes (7) et de la nécessité d’un financement public durable, mais aussi compte tenu d’un principe de subsidiarité soigneusement préservé et d’écosystèmes fréquemment décentralisés et reposant le plus souvent sur une base régionale.

2.9.

Les régions forment un terrain fertile pour la coopération. Toutefois, le manque de regroupement des initiatives et la fragmentation régionale constituent souvent un obstacle pour les PME innovantes, leur capacité à attirer l’investissement en fonds propres étant directement liée à leur aptitude à développer des marchés plus vastes pour des solutions en matière de santé numérique.

2.10.

Contrairement aux États-Unis, où une grande partie des soins de santé est organisée par l’intermédiaire de systèmes d’assurance privée, en Europe, ils sont principalement financés par des fonds publics.

2.11.

Les progrès réalisés dans le domaine de la technologie médicale reposent sur une interaction étroite entre tous les acteurs concernés. L’écosystème est en pleine mutation, avec de nouveaux acteurs jouant un rôle moteur dans la transformation numérique. Le secteur doit trouver un équilibre délicat entre les forces du marché et l’intérêt public, qui requiert des soins de santé abordables pour tous.

2.12.

Il doit opérer dans un environnement constitué par l’industrie, le corps médical, les hôpitaux, les patients et les organisations de patients responsabilisés, ainsi que les assureurs (y compris les systèmes nationaux de sécurité sociale réglementaires/obligatoires); en d’autres termes, un grand nombre de parties prenantes interagissent et fonctionnent au sein d’un système complexe.

2.13.

Les technologies et l’innovation s’inscrivent dans cet écosystème spécifique. L’innovation ne se fonde plus principalement sur l’offre. Les pratiques actuelles montrent une réorientation vers la demande, laquelle est généralement assez peu encline à adopter de nouvelles approches. Le résultat final est en général le fruit d’une intense coordination entre toutes les parties prenantes au niveau national et, souvent, au niveau régional.

2.14.

L’industrie se concentre sur des solutions spécifiques et le renouvellement de tout élément composant la chaîne de valeur industrielle. Chaque spécialité médicale a ses propres caractéristiques. Parallèlement, il existe des solutions de soins de plus en plus intégrées.

2.15.

Le système tel qu’il fonctionne est continuellement testé. Satisfaire à toutes les exigences est loin d’être facile pour l’industrie et, parfois, les obligations réglementaires sont redondantes.

3.   Politique industrielle de l’Union européenne

3.1.

Le CESE se félicite de l’accent mis récemment par l’Union européenne sur l’amélioration de la productivité dans le secteur de la santé grâce à une innovation renforcée, une efficacité accrue (rapport coût-efficacité), un meilleur accès et une plus grande maîtrise des compétences numériques (8). La stratégie pour un marché unique numérique ouvre de nouveaux horizons et pose de nouveaux défis.

3.2.

La politique industrielle européenne peut se fonder sur un partage des compétences nationales et européennes dans le cadre de l’article 168 du TFUE (9). L’intensification de la coopération avec l’OMS et l’OCDE va de pair. L’Union et les autorités nationales devraient lutter activement contre une fragmentation contre-productive. Il est souhaitable d’adopter des mesures objectives.

3.3.

Il y a lieu d’encourager les performances industrielles ainsi que l’interaction entre les entreprises et les acteurs nationaux et régionaux. Les mécanismes de financement de l’Union européenne et les financements nationaux devraient être complémentaires. Il conviendrait de réunir dans un même cadre les objectifs européens, nationaux et régionaux.

3.4.

Une série de directives et de lignes directrices dans le secteur de la santé concernent également l’industrie, notamment celles qui portent sur la santé et la sécurité (10), les droits des patients (11), le respect de la vie privée ou encore les droits de propriété intellectuelle. Le 7e programme-cadre/Horizon 2020 et les fonds de la politique de cohésion cofinancent des projets liés à des dispositifs médicaux. Le programme Horizon 2020 a tout particulièrement profité à l’industrie pharmaceutique pour ce qui concerne les technologies universitaires et médicales. Depuis 2015, l’Institut européen d’innovation et de technologie (EIT) a été très actif dans le financement des initiatives régionales (12).

3.5.

Développer une politique industrielle européenne apparaît essentiel au vu du soutien financier et des réalisations technologiques chez nos concurrents. En Chine, la stratégie Chine 2025 revient à favoriser les marques nationales, à inciter les hôpitaux à privilégier l’industrie chinoise et à décourager les investissements étrangers. Ces mesures sont susceptibles de toucher les entreprises européennes de plein fouet. Compte tenu du protectionnisme en vigueur et en progression aux États-Unis, on peut difficilement parler d’un cadre atlantique de conditions de concurrence équitables. Aux États-Unis, une révolution numérique est également en cours (13). Les entreprises américaines peuvent accéder facilement au marché européen. Google est un nouveau concurrent de poids. Les négociations commerciales menées par l’Union doivent assurer l’avenir d’une production européenne de pointe en mesure de fournir des soins de santé universels.

3.6.

L’optimisation de données augmente les possibilités pour les entreprises établies partout en Europe (14). Les systèmes de dossiers médicaux électroniques (DME) sont très coûteux. La fragmentation et les obstacles transfrontières à l’accès aux données de santé entravent les efforts d’interopérabilité et les PME européennes. Les futures solutions médicales personnalisées — l’amélioration de la prévention, un diagnostic plus précis, un meilleur traitement — bénéficieront largement de la mise en commun des données et des ressources dans l’ensemble de l’Union européenne. Cette mise en commun est encore relativement peu développée comparé à ce que l’on peut observer aux États-Unis et en Chine.

3.7.

Les partenariats public-privé des parties prenantes des secteurs public et privé doivent être soigneusement évalués et contrôlés pour attester de leur capacité à trouver des solutions innovantes et durables, à atteindre les objectifs industriels et créer des interactions et des échanges bénéfiques.

4.   L’innovation et la nécessité de solutions durables à long terme

4.1.

À l’heure actuelle, l’investissement technologique dans les systèmes de soins de santé est limité à 2 à 3 % du total des dépenses en matière de soins de santé. La gamme des innovations s’applique dans le détail à chaque spécialité médicale (15) et a un impact de première importance sur l’avenir des professions médicales, ainsi que sur l’organisation des hôpitaux et le secteur de la santé en général. De nouveaux modèles d’entreprise sont mis en place dans toute l’Union.

4.2.

La pression financière pourrait conduire à des solutions à court terme moins coûteuses et entraîner par conséquent une baisse de l’innovation. De plus, les mesures d’incitation dans différents États membres ne contribuent pas à l’innovation comme elles le devraient, une évolution qui est susceptible d’avoir pour conséquence des besoins médicaux non satisfaits ou une utilité réduite pour les patients et, à terme, à des traitements plus coûteux. Les échanges bilatéraux et le partage des initiatives à l’échelle européenne sont souhaitables.

4.3.

Il y a lieu d’encourager une coopération régionale productive et les «laboratoires vivants» dans le secteur. L’EIT facilite la coopération en promouvant les développements et les synergies jouant un rôle de catalyseur, notamment par l’intermédiaire de hubs (pôles), ainsi qu’en encourageant les dialogues, plateformes et interconnexions pour les projets individuels.

4.4.

L’innovation numérique, concernant notamment les applications mobiles relatives à la santé, peut contribuer à traiter les facteurs de risque associés aux maladies chroniques. La santé mobile et le suivi à distance des patients favorisent la prévention et peuvent aussi réduire ultérieurement les besoins en traitements lourds.

4.5.

La R&D et l’innovation ne sont pas des forces autopropulsées. Du côté de la demande — presque exclusivement constituée par le secteur public — l’on observe souvent une aversion pour le risque et une tendance à opter pour la solution la moins chère.

4.6.

Parfois, la méfiance des pouvoirs publics doit être surmontée. Le personnel médical peut entraver les innovations susceptibles d’entraîner un changement des méthodes de travail, par exemple en chirurgie, ou encore l’introduction de traitements totalement nouveaux, impliquant par exemple la robotique. Les dispositions financières applicables aux spécialités médicales peuvent également freiner la volonté d’innovation. Les compagnies d’assurance ne se montrent pas toujours coopératives non plus. En bref, une ouverture naturelle à l’innovation requerra souvent un changement culturel pour que l’on puisse en tirer pleinement profit.

4.7.

Il pourrait s’avérer opportun de dresser un aperçu des différentes innovations bénéfiques qui favorisent la qualité de vie, la prévention des maladies, l’augmentation et l’amélioration de l’espérance de vie, ainsi que des ratios coûts/prix.

4.8.

Cette démarche s’inscrira également dans le concept de «money for value» (investir de manière pertinente). La santé et les soins ont été — et sont potentiellement toujours — le secteur connaissant la croissance la plus rapide dans les budgets nationaux. Une prise de conscience commune de la nécessité d’innover et de trouver des solutions à long terme pour les patients doit s’opérer au niveau des ministères des finances, des ministères de la santé et des parties prenantes.

4.9.

Dans la même perspective, les fonds européens, le cas échéant, en combinaison avec des fonds nationaux, sont indispensables.

5.   Les marchés publics

5.1.

D’après les estimations, 70 % des ventes mondiales dans le domaine des technologies médicales passent par une procédure de passation de marchés publics, et 70 % des décisions prises dans ces cas sont déterminées sur la base du prix. Ces deux pourcentages montrent une tendance à la hausse. Cette pratique entraîne généralement une baisse de la compétitivité et un recul de l’innovation et de l’utilisation des nouvelles technologies, ce qui a pour conséquence une augmentation des coûts et une moindre valeur ajoutée pour les patients (16).

5.2.

L’augmentation des coûts devrait inciter les hôpitaux et les systèmes de santé à renoncer progressivement à acquérir des produits médicaux en se fondant sur les coûts d’achat initiaux (17). Les aspects suivants sont importants:

Des économies importantes si les gains à court terme réalisés à l’achat sont supplantés par des avantages à long terme bien calculés

Des solutions innovantes, qui promeuvent la qualité en combinaison avec les coûts de l’ensemble du cycle de vie

Des connaissances spécialisées suffisantes chez les acheteurs, ce qui fait souvent défaut

La tenue de négociations transparentes et non discriminatoires entre l’offre et la demande

5.3.

Des responsables des achats compétents, qui mettent l’accent sur les dernières innovations ayant fait leurs preuves, devraient être considérés comme un élément indispensable au résultat. Dans une certaine mesure, l’acheteur peut être considéré comme le lien entre les intérêts du patient et ceux du fournisseur, réduisant les coûts et favorisant les bonnes performances.

5.4.

Les offres doivent être étudiées d’un point de vue global, en tenant compte de la qualité et des coûts des produits et des services sur l’ensemble de leur cycle de vie. Cela permettra également de justifier le passage à des soins intégrés, ce que soutient l’Integrated Care Alliance (18).

5.5.

Toutes les parties concernées doivent assumer leur part de responsabilité dans le recensement des besoins des utilisateurs et des partenaires dans le cadre de la procédure d’appel d’offres. Ce processus est difficile, compte tenu des défis aux multiples facettes liés au calcul des coûts et à l’évaluation de la qualité dans le large éventail de domaines du secteur médical. Il requiert un bon état d’esprit parmi toutes les parties prenantes. Le partage des bonnes pratiques en Europe, ainsi que des discussions et échanges transnationaux ouverts au niveau de l’Union européenne, seront d’une grande aide.

6.   Numérisation

6.1.

Les évolutions technologiques et les effets perturbateurs et transversaux de la numérisation nécessitent une participation et un engagement considérables de la part de l’ensemble des parties prenantes du secteur de la santé.

6.2.

La santé en ligne permettra aux professionnels d’interagir à distance avec des patients et d’autres collègues. Elle contribue à diffuser les connaissances spécialisées et à faciliter la recherche. La santé en ligne crée une grande variété de nouvelles solutions et est sans aucun doute un facteur de croissance. Elle permettra également d’alléger la charge qui pèse sur les budgets de la santé. La santé mobile améliore les soins de santé à domicile. Elle joue un rôle essentiel dans la promotion de la mobilité des patients, tandis que les données des patients, le respect de leur vie privée et leur sécurité doivent être assurés.

6.3.

La Commission estime qu’«un écart important subsiste entre le potentiel qu’offre la transformation numérique et la réalité actuelle des systèmes de soins et de santé» (19). Les obstacles sont multiples: la législation nationale, les systèmes de financement et de paiement, les approches traditionnelles dans les secteurs médical et public, la fragmentation du marché et le manque d’entreprises en expansion (scale-up). L’industrie a également un intérêt à veiller à la bonne mise en œuvre de la transformation afin d’éviter des résultats non satisfaisants et, éventuellement, une plus grande charge de travail.

6.4.

Par ailleurs, la santé constituant un secteur de premier plan (environ 10 % du PIB de l’Union européenne), les perspectives de numérisation massive offrent de nombreuses possibilités d’expansion future (20). La prise de conscience de l’impact de la numérisation, concernant notamment l’intelligence artificielle, augmente rapidement (21). La Commission a récemment adopté une communication qui aborde trois priorités de la stratégie relative au marché unique numérique pour le secteur de la santé et des soins:

l’accès sécurisé du public aux dossiers médicaux électroniques et la possibilité de partager ces dossiers avec d’autres États membres, ainsi que l’utilisation des ordonnances électroniques,

le soutien aux infrastructures de données, dans le but de faire progresser la recherche, la prévention des maladies et la personnalisation des soins de santé dans des domaines clés,

l’aide aux retours d’information et à l’interaction entre les patients et les prestataires de soins de santé, afin de soutenir la prévention et la responsabilisation des citoyens ainsi que des soins de qualité centrés sur le patient, en mettant l’accent sur les maladies chroniques et sur de meilleurs résultats pour les systèmes de soins de santé.

6.5.

L’étude Blueprint souligne que, si l’Union européenne ne parvient pas à mettre en adéquation des politiques d’innovation et des politiques économiques et industrielles efficaces avec les politiques de santé et d’aide sociale et avec les besoins des utilisateurs et des patients, «nos modèles sociaux et économiques ainsi que la qualité de vie des citoyens européens sont menacés. Il s’agit d’un problème crucial auquel il importe de s’attaquer» (22). L’OCDE conclut que les gouvernements jouent un rôle moteur essentiel pour favoriser l’utilisation efficace des TIC dans le cadre de l’adaptation et de la refonte des systèmes de santé (23). L’OCDE observe cependant que la fragmentation et l’évolution rapide intrinsèque des solutions technologiques, combinées à l’absence de normes communes à l’ensemble du secteur et au non-respect des règles existantes sur les systèmes d’information et de communication, peuvent entraîner un risque élevé d’échec et de faible rentabilité (24).

6.6.

Un large éventail d’initiatives fructueuses en matière de santé en ligne existe déjà. Il existe toutefois des différences notables entre les pays et les régions. Une stratégie globale visant à favoriser les interactions et les synergies a été lancée récemment dans le cadre du projet «Passage au numérique des entreprises européennes», ainsi qu’«un nouveau modèle visant à relier différentes initiatives de l’Union européenne, assorti d’engagements clairs de l’industrie et du soutien de stratégies nationales et régionales» (25).

6.7.

Sur la base de l’exemple de l’Industrie 4.0, la Commission a maintenant lancé l’initiative Santé 4.0. Plusieurs programmes de l’Union européenne sont en cours de réalisation. Il importe que toutes les directions générales concernées adoptent la même approche afin de parvenir à des synergies. Les plateformes technologiques fonctionnant en parallèle avec les initiatives nationales et régionales, ainsi que la mise en réseau (transfrontière) doivent être encouragées. La task-force récemment mise en place devrait favoriser une évolution similaire (26).

6.8.

Un certain nombre d’initiatives et de projets pilotes à l’échelon de l’Union n’ont pas été pleinement menés à terme, tandis que de nouvelles initiatives ont été lancées. Une méthode plus durable consisterait à mettre en place des mécanismes permanents pour soutenir l’industrie et l’innovation, y compris dans la phase de mise en œuvre.

6.9.

Les mégadonnées recèlent un grand potentiel susceptible d’entraîner de profondes mutations des traitements médicaux. Il importe que les dossiers médicaux électroniques soient gérés de manière sécurisée et protégés dans le respect des protocoles de gestion des données de santé conformes aux réglementations nationales (27). L’élaboration de stratégies de PPC (28) efficaces est essentielle, en particulier dans les domaines de la gestion des données et des normes relatives au respect de la vie privée des patients, des environnements en nuage et des investissements dans la sécurité du stockage de mégadonnées.

6.10.

Les statistiques prouvent que le secteur des soins de santé est particulièrement vulnérable aux cyberattaques. Il en découle que la cybersécurité doit également être une priorité dans les nouvelles applications industrielles.

6.11.

Les mégadonnées favorisent la personnalisation, notamment dans les rapports entre les producteurs et les patients, et entraînent les conséquences suivantes:

le passage des soins de santé aux soins à domicile,

le passage des solutions génériques à un traitement personnalisé,

le passage du curatif au préventif et

la suppression des restrictions en cas de maladie ou de handicap.

6.12.

La numérisation et les mégadonnées non seulement favorisent la prolifération croissante des capteurs individuels et autres dispositifs, mais elles jouent également un rôle essentiel dans les nouveaux diagnostics, la recherche et la prévention, et contribuent à soutenir la responsabilisation et l’autogestion des patients, tout en offrant des solutions optimales pour des soins intégrés. L’échange des données relatives aux patients sera d’une importance cruciale pour l’interopérabilité.

6.13.

Les meilleures pratiques européennes et l’influence des pairs, de même que des évaluations objectives et des projets pilotes s’avéreront utiles, à condition que ces projets soient menés pleinement à bien.

7.   Impact social et compétences

7.1.

La transformation de l’industrie a un impact social tant dans l’industrie médicale en tant que telle que dans le secteur de la santé au sens large. Comme dans d’autres secteurs industriels, la modification des modèles commerciaux découlant de la numérisation nécessite une adaptation des conditions de travail et des mécanismes du marché du travail, ainsi que la participation des partenaires sociaux à différents niveaux.

7.2.

La technologie et l’innovation ont généralement un effet considérable sur la situation des travailleurs dans le secteur de la santé lui-même. En plus des parties prenantes plus étroitement concernées par ces questions, telles que les hôpitaux et les cliniques, et en collaboration avec elles, l’industrie peut contribuer à préparer les professionnels du secteur aux changements d’environnements et de traitements.

7.3.

Il convient d’élaborer des approches et instruments spécifiques si l’on veut satisfaire les besoins des personnes vulnérables, notamment les personnes âgées (maisons de retraite), qui devraient bénéficier de mesures spécifiques de soutien et d’aide. Les soins infirmiers professionnels requièrent une formation ciblée afin d’exploiter les nouvelles technologies pour cette catégorie de patients.

7.4.

La santé et les soins figurent parmi les plus grands pourvoyeurs d’emploi dans l’Union. L’Union européenne devrait connaître d’ici 2025 une pénurie de travailleurs — jusqu’à 2 millions de professionnels de la santé et 20 millions de travailleurs du secteur des soins — qui constituera un réel défi pour le développement futur durable du secteur dans son ensemble (29).

7.5.

Un système de santé et de soins optimisé bénéficiera significativement de l’apport et de l’engagement d’une main-d’œuvre hautement qualifiée et motivée. Souvent, les emplois dans ce secteur sont précaires, mal rémunérés et assez pénibles. L’inadéquation entre les besoins et le travail requis (sa qualité) demande une refonte du travail et de l’organisation liés à la santé et aux soins.

7.6.

Les TIC et les organisations intelligentes peuvent contribuer à créer des conditions de travail plus attrayantes et plus productives, ainsi que des postes de travail de meilleure qualité. Il y a lieu d’aborder les risques et les problèmes perçus ainsi que toutes sortes de questions soulevées par les nouvelles technologies en diffusant une information complète et en procédant à de larges consultations, conformément aux droits du personnel de santé à différents niveaux.

7.7.

Les nouvelles compétences, des méthodes de travail adaptées et la responsabilisation des patients auront un impact considérable. Ces processus ne pourront être menés à terme avec succès qu’en s’appuyant sur l’engagement de toutes les parties concernées. Ils devraient être fondés sur des accords nationaux ou sectoriels ou sur des conventions d’entreprises et/ou sur des solutions visant à préparer correctement les travailleurs et les organismes du secteur de la santé aux changements à venir. Un comité de dialogue social sectoriel pour l’hôpital/le secteur des soins de santé est en place au niveau de l’Union européenne depuis 2006.

7.8.

L’éducation et la pratique, de même que la formation continue, sont d’une importance cruciale. Il est souhaitable d’adopter des modules européens communs en matière d’éducation et de formation. Il y a lieu de promouvoir en Europe des échanges entre parties concernées portant sur la sensibilisation et les bonnes pratiques sur ces questions. L’éducation et la formation ont été abordées dans une déclaration commune des partenaires sociaux en 2016 (30).

7.9.

Les bonnes pratiques à l’échelle de l’Union européenne en matière de santé et de soins concernant les améliorations du système et l’évaluation des organisations intelligentes peuvent également être utiles pour promouvoir des méthodes prometteuses de participation des travailleurs.

7.10.

La nécessité d’avoir un esprit ouvert à de nouvelles solutions s’appuyant sur les TIC requiert que tous les professionnels de la santé et des soins disposent d’une culture numérique et qu’ils soient au fait des technologies les plus récentes. Outre les compétences de tout l’éventail des professions concernées, la responsabilisation du patient nécessite aussi le bon état d’esprit et les compétences correspondantes.

7.11.

En plus des professionnels de la santé, il est également nécessaire de développer les connaissances médicales au sein des entreprises du secteur des technologies de l’information, en vue d’optimiser l’utilisation des outils informatiques dans le domaine de la santé et des soins.

7.12.

L’emploi dans le secteur des soins informels et des services sociaux doit également être modernisé. Les soins informels connaissent une croissance disproportionnée, de même que la responsabilisation des patients. Ces deux évolutions sont susceptibles d’améliorer grandement la mobilité de la génération vieillissante, tant pour les personnes handicapées que pour les personnes âgées en bonne santé. Le terme d’«économie des seniors» est suffisamment explicite.

Bruxelles, le 14 février 2018.

Le président

du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Voir les conclusions du Conseil EPSCO (2006/C 146/01) et leur annexe, datant du 2 juin 2006, sur l’incidence des valeurs européennes.

(2)  Voir notamment les objectifs 3, 5, 9 et 10.

(3)  Country Specific Recommendations.

(4)  JO C 181 du 21.6.2012, p. 160, JO C 242 du 23.7.2015, p. 48, SOC/560 — Des systèmes durables de sécurité sociale et de protection sociale à l’ère du numérique (non encore publié au JO), JO C 133 du 9.5.2013, p. 52, JO C 434 du 15.12.2017, p. 1.

(5)  «The European Medical Technology Industry in figures» (L’industrie européenne des technologies médicales en chiffres), 2015.

(6)  Commission européenne, 2017.

(7)  Voir note 1

(8)  Voir les conclusions du Conseil EPSCO (2006/C 146/01) et leur annexe, datant du 2 juin 2006, sur l’incidence des valeurs européennes.

(9)  Article 168, titre XIV, TFUE: «Santé publique».

(10)  Récemment, le Conseil a encore adopté deux règlements ayant une incidence majeure sur le secteur, l’un portant sur les nouveaux dispositifs médicaux et l’autre sur les diagnostics in vitro.

(11)  Voir à cet égard l’article 35 de la charte des droits fondamentaux, document 2012/C 326/02, et la charte européenne des droits des patients, 2002.

(12)  La CCI Santé de l’EIT (Communauté de la connaissance et de l’innovation — Institut européen d’innovation et de technologie) a été créée le 9 décembre 2014.

(13)  Voir l’étude de Goldman Sachs, 1917: A digital healthcare revolution is coming — and it could save America $300 billion (Une révolution numérique en matière de santé est en marche et elle pourrait se traduire par 300 milliards de dollars d’économies pour les États-Unis).

(14)  Voir la communication de la Commission «Créer une économie européenne fondée sur les données» de mars 2011, et l’avis TEN/630 du CESE qui y est consacré.

(15)  Voir, notamment, le programme stratégique pour la recherche du COCIR dans le cadre d’Horizon 2020, septembre 2016.

(16)  «Procurement, The Unexpected Driver of Value-Based Health Care» (Les marchés publics, un moteur méconnu pour des soins de santé fondés sur la valeur), The Boston Consulting Group et MedTech Europe, 2015.

(17)  Le secteur de la santé est loin d’être le seul secteur à souffrir de telles pratiques. Le syndrome du prix le plus bas prévaut dans la plupart des marchés publics à travers l’Europe. C’est l’une des principales motivations de la législation européenne, voir notamment la directive sur les marchés publics de 2014.

(18)  Voir entre autres l’étude Blueprint de la DG CNECT (paragraphe 6 ci-dessous) et www.integratedcarealliance.org.

(19)  Voir l’initiative sur le «Passage au numérique des entreprises européennes»: Groupe de travail 2 — Plateformes d’entreprises numériques, chapitre 5, «Aperçu de la stratégie en matière de transformation numérique de la santé et des soins».

(20)  Voir Groupe de travail 2, p. 31.

(21)  Voir, notamment, Blueprint Digital Transformation of Health and Care for the Ageing Society — Strategic Vision Developed by Stakeholders (Scénario relatif à la transformation numérique de la santé et des soins pour une société vieillissante, une vision stratégique développée par les parties prenantes), Bruxelles, 5-8 décembre 2016 (seulement en anglais).

(22)  Blueprint, p. 6.

(23)  Améliorer l’efficacité du secteur de la santé— Le rôle des technologies de l’information et des communications, OCDE, 2010.

(24)  Ibid., p. 16.

(25)  Groupe de travail 2, p. 35.

(26)  Taskforce to take health and digital policies further (task-force pour aller plus loin dans les politiques en matière de santé et les politiques numériques), 27 février 2017.

(27)  Voir également le cadre pour la protection des données de 2012.

(28)  Stratégies de perfectionnement professionnel continu.

(29)  Blueprint, p. 19.

(30)  Voir la Déclaration commune HOSPEEM/FSESP sur l’apprentissage tout au long de la vie et la formation professionnelle continue pour tous les travailleurs de la santé dans l’Union européenne, novembre 2016. Pour de plus amples informations sur la nécessité d’investir dans les effectifs du secteur de la santé, voir le rapport conjoint ONU/OIT/OMS/OCDE intitulé Working for health and growth: investing in the health workforce (Contribuer à la santé et la croissance: investir dans le personnel de santé).


28.6.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 227/20


Avis du Comité économique et social européen sur «Le rôle de la Turquie dans la crise des réfugiés»

(avis d’initiative)

(2018/C 227/03)

Rapporteur:

Dimitris DIMITRIADIS

Décision de l’assemblée plénière

22.9.2016

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section spécialisée «Relations extérieures»

Adoption en section spécialisée

7.11.2017

Adoption en session plénière

14.2.2018

Session plénière no

532

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

227/6/12

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE reconnaît que la Turquie joue un rôle crucial et décisif pour gérer la dénommée crise dite «des réfugiés» dans la zone moyen-orientale et méditerranéenne et qu’elle a déployé des efforts pour y faire face avec les moyens dont elle dispose, mais également avec le concours de l’Union européenne et de la communauté internationale.

1.2.

Le CESE est d’avis qu’alors même que cette crise dite «des réfugiés» revêt un caractère explosif, l’Union européenne n’a toujours pas réussi à ce jour à élaborer ni une politique européenne commune en matière migratoire qui soit convaincante et efficace, ni un régime européen commun d’asile, la raison en étant que certains États membres, de manière injustifiée, refusent d’assumer leurs obligations fixées tant par les conventions internationales que par les traités eux-mêmes de l’Union européenne, ainsi que par des décisions consensuelles arrêtées lors de sommets ou de réunions du Conseil des ministres, et il appelle dès lors le Conseil et la Commission à œuvrer de manière plus opérante dans ce domaine et à obliger les États membres qui ne respectent pas leurs engagements à s’y conformer immédiatement.

1.3.

Le CESE condamne sans ambages l’attitude xénophobe que certains États membres affichent face à la crise migratoire et estime qu’elle est en contradiction avec les valeurs fondamentales de l’Union européenne.

1.4.

Le CESE se déclare prêt à apporter sa contribution, par tout moyen, pour affronter la crise des réfugiés, en coopération avec les instances européennes et les organisations de la société civile (employeurs, travailleurs et organisations non gouvernementales), ainsi qu’en témoigne le travail significatif qu’il a déjà accompli, dans une série d’avis comme dans les missions qu’il a effectuées dans les pays qui sont concernés par cette catastrophe humanitaire.

1.5.

Depuis la signature de la déclaration UE-Turquie jusqu’à aujourd’hui, le nombre de personnes qui franchissent illégalement les frontières européennes ou perdent la vie en mer Égée a connu une baisse constante et marquée. Dans le même temps, on observe toutefois une augmentation rapide des flux orientés vers d’autres pays du Sud de l’Union, et le Comité en est particulièrement préoccupé. Aussi les performances des États membres de l’Union européenne en matière de relocalisation comme de réinstallation continuent-elles à être une source de déception. Bien que les bases nécessaires à l’application de ces programmes aient été mises en place, la vitesse à laquelle ils se déroulent reste encore et toujours en deçà du rythme qui s’impose pour réaliser les objectifs fixés afin de parvenir à relocaliser et réinstaller toutes les personnes qui remplissent les conditions requises.

1.6.

Le CESE estime nécessaire que la Turquie élabore et adopte un régime unique concernant l’octroi de la protection internationale en faveur des demandeurs d’asile qui soit conforme aux normes internationales et européennes (1), qui n’établisse pas de discrimination entre les demandeurs de protection internationale en fonction du pays dont ils sont originaires et qui leur apporte à tous une protection uniforme. Il est notamment suggéré de supprimer la restriction géographique frappant les demandeurs d’asile non européens, ainsi que la distinction entre demandeurs d’asile syriens et non syriens (2). De même, il convient de garantir le principe de non-refoulement.

1.7.

Le CESE convient qu’il s’impose d’améliorer les conditions d’hébergement des réfugiés en Turquie, ainsi que l’intégration socio-économique de ceux qui sont reconnus comme tels, en particulier pour ce qui est de l’accès à l’emploi, aux soins de santé, à l’enseignement et à la fourniture de logement. Il y a lieu d’accorder une attention plus particulière à la protection des mineurs non accompagnés et des enfants, s’agissant en particulier de leur donner accès à l’enseignement et de les préserver du travail forcé et de la conclusion de mariages forcés (3).

1.8.

Le CESE réclame la constitution d’un mécanisme, rigoureux et indépendant, qui assure le contrôle et le suivi de la déclaration de l’Union européenne et de la Turquie sur la crise des réfugiés, afin que soit réalisé, en coopération avec les pouvoirs publics turcs, les ONG internationales et les organisations humanitaires spécialisées, un suivi de la manière dont les accords conclus sont appliqués et respectés, par l’une et l’autre partie, conformément au droit international et à celui de l’Union (4).

1.9.

Le CESE juge qu’il est indispensable de renforcer le rôle de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, afin de démanteler les réseaux d’immigration irrégulière et de lutter contre la traite des êtres humains, conformément au droit international (5).

1.10.

Le CESE réclame que les États membres de l’Union européenne qui, jusqu’à présent, n’ont pas pris part aux procédures de relocalisation et de réinstallation s’y conforment pleinement et que les programmes afférents soient accélérés. Une évolution positive s’est produite en ce sens du fait des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne, ainsi que des efforts déployés par la Commission pour assurer une meilleure coordination entre les institutions européennes et les États membres. Dans lesdits arrêts, la Cour fustige explicitement le comportement de certains États qui refusent d’accueillir des réfugiés sur leur territoire et bafouent ainsi, comme elle le fait bien remarquer, l’impératif de solidarité et de partage équitable des charges qui s’impose aux pays de l’Union dans le domaine de la politique d’asile.

1.11.

Le CESE se déclare très préoccupé par la situation générale des droits de l’homme en Turquie, en particulier après le coup d’État manqué. Il dit craindre que l’actuel gouvernement de la Turquie ne porte atteintes aux principes et aux valeurs de l’Union européenne visés à l’article 2 du traité sur l’Union européenne (6). Le CESE se déclare plus particulièrement préoccupé en ce qui concerne la continuité dans le fonctionnement des organisations qui font partie de la société civile en Turquie, en particulier à la suite de l’imposition de l’état d’urgence, et il estime qu’elles assument une mission déterminante en ce qui concerne la situation humanitaire des réfugiés, mais aussi pour concevoir, ainsi qu’exécuter, des programmes visant à les intégrer dans les communautés locales.

1.12.

Le CESE considère qu’en Turquie, les partenaires sociaux peuvent et doivent jouer un rôle décisif dans la prise en charge de la crise des réfugiés.

1.13.

Le CESE se dit inquiet de la tension qui est apparue ces derniers temps dans les rapports entre l’Union européenne et la Turquie, ainsi que des conséquences qui pourraient en découler, si elle s’aggravait encore, tant pour l’application de l’accord turco-européen que, plus généralement, pour les relations qu’elles entretiennent. Il continue à estimer qu’il convient de les maintenir sur la trajectoire d’un objectif d’adhésion de la Turquie, moyennant le respect absolu de l’acquis européen.

2.   Observations liminaires: de l’agenda européen en matière de migration à l’accord du 18 mars 2016

2.1.

Quand la guerre a éclaté en Syrie, provoquant une énorme crise humanitaire, et qu’une situation explosive s’est développée en Iraq en raison d’une conjoncture politique d’une instabilité chronique, des milliers de réfugiés ont entrepris, dans des conditions inhumaines, de traverser les frontières de la Turquie en se donnant pour destination finale les pays de l’Union européenne, principalement ceux d’Europe centrale.

La Turquie s’est ainsi trouvée «accueillir» environ trois millions de personnes qui ont traversé des zones de guerre au péril de leur vie et ont essayé — et essaient encore, en mettant à nouveau leur existence en danger — de franchir illégalement les frontières européennes de la Grèce.

2.2.

En tant que premier pays d’accueil, la Turquie a joué et continue à jouer un rôle particulièrement crucial dans la crise dite «des réfugiés», qui est devenue l’un des grands problèmes non résolus qu’affronte l’Union européenne.

2.3.

Publié en mai 2015, au terme de négociations longues et laborieuses au sein de l’Union, l’agenda européen en matière de migration représente la première tentative qu’elle réalise, en introduisant pour la première fois des notions telles que la relocalisation interne ou la réinstallation, pour faire face au drame des réfugiés qui, par milliers et au péril de leur vie, traversent des zones de guerre ou tentent de franchir la Méditerranée. Le document prévoit des mesures immédiates, mais aussi de long terme, pour agir face aux importants flux migratoires auxquels sont confrontés les pays de l’Union européenne et, plus particulièrement, les pays méditerranéens, ainsi qu’aux problèmes posés par la gestion de ce type de crises. Il y est notamment envisagé de tripler les moyens financiers alloués à Frontex, de relocaliser des réfugiés et migrants dans des pays de l’Union européenne, sur la base de critères et de quotas, d’enclencher pour la première fois le mécanisme d’urgence au titre de l’article 78, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en faveur des États membres confrontés à un afflux soudain de réfugiés, ainsi que de lancer une opération en Méditerranée, dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune, pour démanteler les réseaux d’immigration clandestine et combattre la traite des êtres humains, conformément au droit international.

2.4.

C’est dans ce même contexte que s’inscrit la déclaration cosignée par l’Union européenne et la Turquie le 18 mars 2016, qui vise à circonscrire la crise des réfugiés et qui, pour des raisons de procédures, a été qualifiée d’accord informel concernant la migration irrégulière de la Turquie vers l’Union européenne et son remplacement par des filières légales de réinstallation de réfugiés dans l’Union européenne (7). Elle prévoit notamment les dispositions suivantes:

i)

Tous les «migrants en situation irrégulière» qui partent de la Turquie pour gagner les îles grecques à partir du 20 mars 2016 seront renvoyés vers ce pays, en vertu d’un accord bilatéral gréco-turc.

ii)

Si un migrant ne dépose pas une demande d’asile ou qu’elle est jugée irrecevable, il fera l’objet d’un renvoi en Turquie.

iii)

Avec le concours des instances européennes, la Grèce et la Turquie souscriront tous les arrangements bilatéraux nécessaires, y compris ceux qui, en vue de leur bonne mise en œuvre, disposent que des fonctionnaires turcs seront durablement présents dans les îles grecques et des fonctionnaires grecs en Turquie à partir du 20 mars 2016.

iv)

Pour chaque Syrien renvoyé en Turquie au départ des îles grecques, un autre sera réinstallé dans l’Union européenne.

v)

Pour la mise en œuvre de ce principe du «un pour un», un mécanisme spécifique, qui sera activé dès le premier jour des retours, sera établi en coopération avec la Commission, les services de l’Union européenne, le Haut-Commissariat aux réfugiés et les États membres.

vi)

Pour la réinstallation dans l’Union européenne, la priorité sera dorénavant accordée aux Syriens de Turquie, et non de Grèce, de même que seront prioritaires les migrants qui n’ont pas, par le passé, pénétré ou tenté de pénétrer dans l’Union.

2.5.

Dans une fiche d’information publiée à propos de l’accord que l’Union européenne a conclu le 18 mars 2016 avec la Turquie (8), la Commission exprime l’idée que cet État peut être qualifié de «pays tiers sûr» (9). C’est à la même conclusion qu’aboutit la communication de la Commission européenne au Parlement européen et au Conseil sur l’état d’avancement de la mise en œuvre des actions prioritaires prévues par l’agenda européen en matière de migration, où elle signale qu’à son jugement, la notion de pays tiers sûr, telle que définie dans la directive sur les procédures d’asile, implique non pas que l’État concerné ne fasse l’objet d’aucune réserve ou restriction géographique dans l’application de la convention de Genève, mais qu’en principe, la possibilité y existe de bénéficier d’une protection dans les conditions définies par la convention (10).

2.6.

L’opinion que le CESE soutient, quant à lui, est que l’on ne peut en aucune façon appliquer le concept de pays d’origine sûr dans les cas d’États qui ne respectent pas la liberté de la presse ou portent atteinte au pluralisme politique, ou encore dans lesquels existent des persécutions motivées par le genre ou l’orientation sexuelle, ou encore l’appartenance à des minorités, nationales, ethniques, culturelles ou religieuses. En tout état de cause, pour inclure un État dans la liste des pays d’origine sûrs, il conviendrait d’examiner, notamment, des informations récentes, recueillies auprès de sources comme la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), le Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO), le Conseil de l’Europe et d’autres organisations de défense des droits de l’homme (11).

2.7.

Depuis la signature de la déclaration UE-Turquie jusqu’à aujourd’hui, le nombre de personnes qui ont franchi illégalement les frontières européennes ou perdu la vie en mer Égée a connu une baisse constante et marquée (12). Dans le même temps, on observe toutefois une augmentation rapide des flux orientés vers d’autres pays du Sud de l’Union, et le Comité en est particulièrement préoccupé. Aussi les performances des États membres de l’Union européenne en matière de relocalisation comme de réinstallation continuent-elles à être une source de déception. Bien que les bases nécessaires à l’application de ces programmes aient été mises en place, la vitesse à laquelle ils se déroulent reste encore et toujours en deçà du rythme qui s’impose pour réaliser les objectifs fixés afin de parvenir à relocaliser et réinstaller toutes les personnes qui remplissent les conditions requises (13).

3.   Le mécanisme des pays sûrs: pays tiers sûr et premier pays d’asile

3.1.

Les notions de «pays d’origine sûr», de «pays tiers sûr» et de «premier pays d’asile» sont définies dans la directive 2013/32/UΕ relative aux procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, laquelle établit des normes communes en matière de procédures et de garanties pour les personnes qui déposent des demandes de protection internationale dans les États membres de l’Union européenne. Plus précisément, la directive prévoit quatre catégories de pays sûrs, à savoir: le premier pays d’asile (article 35), les pays tiers sûrs (article 38), les pays d’origine sûrs (article 37) et les pays tiers européens sûrs (article 39) (14).

3.2.

Si l’on lit conjointement les articles 39 de la directive 2013/32/UE, sur la notion de pays tiers européen sûr, et 35, concernant le premier pays d’asile, il en ressort qu’il existe un statut majeur de protection internationale et un statut mineur, entre lesquels celui de l’article 38, traitant du pays tiers sûr, occupe une position médiane. L’article 39 prévoit la protection la plus élevée, puisqu’il se rapporte à un pays qui a ratifié la convention de Genève sans aucune limitation géographique, qui offre la protection maximale prévue par ladite convention, en applique intégralement l’article 36 et qui se soumet à ses mécanismes de contrôle. Tout à l’opposé, on trouve l’article 35 de la directive, qui se cantonne à la protection déjà accordée au réfugié ou à une protection suffisante dont il jouit à un autre titre et qui a pour élément central l’application du principe de non-refoulement.

3.3.

Aux termes de l’article 38 de la directive 2013/32/UE, un État est réputé être un pays tiers sûr pour des demandeurs donnés lorsque les conditions suivantes sont cumulativement réunies: a) ils n’ont à y craindre ni pour leur vie, ni pour leur liberté en raison de leur race, leur religion, leur nationalité, leur appartenance à un groupe social particulier ou leurs opinions politiques, b) l’État concerné respecte le principe de non-refoulement conformément à la convention de Genève, c) il ne présente aucun risque que des atteintes graves leur soient portées; d) il interdit d’envoyer une personne dans un pays où elle risque d’être victime de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants, e) il leur donne la possibilité d’y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié et, s’il le leur est accordé, de bénéficier d’une protection conformément à la convention de Genève, f) les intéressés ont avec lui un lien de connexion, sur la base duquel il serait raisonnable qu’ils s’y rendent. En conséquence, dans le cas où elles estiment qu’un pays comme la Turquie a qualité de premier pays d’asile ou de pays tiers sûr pour un demandeur, les autorités compétentes, par voie de décision, rejetteront comme irrecevable la demande de protection internationale sans l’examiner au fond (15).

3.4.

Le principe du non-refoulement constitue la clé de voûte du statut de protection internationale des réfugiés et est sanctionné au plan des accords internationaux par l’article 33, paragraphe 1, de la convention de Genève de 1951 (16). Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a fait observer que l’article concerné introduit dans la convention un principe de protection cardinal, qui en est venu à constituer une règle de droit international coutumier, c’est-à-dire à revêtir un caractère contraignant pour tous les États de la communauté internationale, qu’ils soient ou non signataires de la convention de Genève (17).

3.5.

LA protection au titre de l’article 33, paragraphe 1, peut donc être demandée par toute personne qui est réfugiée au sens de la convention de Genève de 1951, ainsi que par toutes celles qui remplissent les conditions posées dans la définition du réfugié figurant à l’article 1, point A.2. de ladite convention, même lorsque ce statut n’a pas été officiellement octroyé à l’intéressé (18). Ce point revêt une importance particulière pour les demandeurs d’asile, dès lors qu’il établit la présomption qu’ils soient des réfugiés et qu’en conséquence, ils ne peuvent être ni éloignés, ni expulsés du pays d’asile tant que leur statut n’aura pas été fixé par une décision définitive (19).

4.   La Turquie comme «pays tiers sûr»

4.1.

La Turquie est le pays qui abrite, depuis 2011, le plus grand nombre de réfugiés venus de Syrie (ils y sont plus de trois millions, en l’occurrence 3 222 000). Dans le même temps, plus d’un million de réfugiés, officiellement enregistrés, sont hébergés au Liban, État dont la population est d’environ 4,8 millions d’habitants. La Jordanie vient en troisième position pour le pourcentage de personnes réfugiées en provenance de Syrie (654 582), tandis qu’en Iraq et en Égypte, elles sont respectivement 244 235 et 124 534 à avoir fait l’objet d’un enregistrement (20).

4.2.

Si la Turquie a ratifié la convention de Genève sur les réfugiés et son protocole de 1967, elle maintient une restriction géographique pour les demandeurs d’asile non européens. Plus précisément, elle ne reconnaît que les réfugiés en provenance d’Europe, c’est-à-dire de pays qui sont membres du Conseil de l’Europe (21). Depuis avril 2014, elle a adopté une nouvelle loi sur les étrangers et la protection internationale, laquelle prévoit quatre types de statuts de protection dans le pays: a) le «statut de réfugié» pour les réfugiés reconnus sur la base de la convention de Genève, c’est-à-dire ressortissants de l’un des 47 États membres du Conseil de l’Europe, b) le «statut de réfugié sous conditions», pour les réfugiés non européens reconnus, c) le «statut de protection subsidiaire», octroyé aux citoyens, européens ou non, qui, tout en ne remplissant pas les conditions de la convention de Genève sur les réfugiés pour être reconnus en tant que tels, risquent néanmoins, s’ils retournent dans leur pays d’origine, d’y être soumis à la peine de mort, à la torture ou, d’une manière générale, à des traitements inhumains ou dégradants ou d’y subir les effets d’affrontements armés, et d) le «statut de protection provisoire», octroyé en cas d’afflux massifs (22).

4.3.

Dans un premier temps, les Syriens, arrivés en masse, ont reçu le statut de «visiteurs» (misâfir), puis ils sont passés sous celui de la protection provisoire, mais sans avoir le droit d’introduire une demande d’obtention du statut de réfugié. Le but poursuivi par cette disposition est qu’ils restent en Turquie seulement pendant que l’état de guerre se prolongera en Syrie, et qu’ils y retournent lorsque la situation se sera améliorée.

4.3.1.

Les ressortissants d’autres pays (les non-Syriens), quant à eux, déposent des demandes individuelles d’asile et sont ensuite enregistrés suivant une procédure parallèle, découlant de la nouvelle loi sur les étrangers et la protection internationale, qui est entrée en vigueur en avril 2014. En vertu de ce processus, les demandeurs s’adressent tout à la fois à la direction générale de la gestion des flux migratoires (DGMM), qui mène la démarche décidant de l’octroi du statut, et au Haut-commissariat aux réfugiés des NU, lequel réalise un examen en parallèle au regard du statut et formule des propositions de réinstallation, qui sont cependant dépourvues de valeur juridique mais entrent en ligne de compte dans l’évaluation faite par la DGMM. On voit donc bien que dès lors qu’elle prévoit des modèles de protection et des règles procédurales qui diffèrent pour les Syriens, d’une part, et les ressortissants d’autres pays tiers, d’autre part, la législation turque en la matière crée des inégalités, pour l’accès à la protection comme pour son contenu.

4.4.

On relève également des obstacles, carences et problèmes sérieux pour ce qui est d’accéder au travail, ainsi qu’aux services de base, tels que les soins de santé et la protection sociale, l’éducation et, plus généralement, les processus d’intégration dans la société (23). Bien que la Turquie leur ait, depuis janvier 2016, accordé le droit de travailler, les Syriens sont encore très peu nombreux à avoir reçu des permis de travail, si bien que pour la plupart, ils sont employés au noir (24). À tous les éléments que l’on vient de développer, il faut encore ajouter que la perspective d’une intégration de long terme en Turquie est fermée de manière explicite et catégorique pour les bénéficiaires d’une protection internationale, en vertu de l’article 25 de la loi sur les étrangers et la protection internationale, et que l’article 26 de ce même texte impose des limitations à la libre circulation des réfugiés. Il apparaît donc clairement que la protection qui est accordée en Turquie aux demandeurs de protection internationale est déficiente, en ce qui concerne les garanties juridiques et la jouissance des droits que la convention de Genève garantit aux réfugiés reconnus, qu’il s’agisse, par exemple, de la liberté de circulation sur le territoire du pays signataire (article 26 de la convention de 1951), du droit de naturalisation (article 34 de la convention de 1951) ou de celui de travailler (articles 17, 18 et 19 de la convention de 1951).

4.5.

Par ailleurs, la qualification de «pays tiers sûr» octroyée à la Turquie suscite des interrogations en ce qui concerne le respect du principe de non-refoulement, tel que sanctionné dans les articles 33, paragraphe 1, de la convention de Genève, 3 de la convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et 3, paragraphe 2, de la convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants (25). Indépendamment des antécédents de la Turquie s’agissant de refouler les demandeurs d’asile non européens, des rapports récents d’organisations internationales de défense des droits de l’homme font état tout à la fois de refus de l’autorisation d’entrée sur son territoire et de refoulements massifs en territoire syrien (26). Il est frappant qu’un jour à peine après la signature de l’accord, Amnesty International ait signalé un nouvel épisode où des réfugiés afghans ont été renvoyés en masse à Kaboul (27). Dans le même contexte, la résolution que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adoptée le 20 avril 2016 relève notamment que les renvois en Turquie de Syriens, comme de ressortissants d’autres pays, sont contraires au droit international comme à celui de l’Union (28). Il est donc clair que l’on ne dispose pas des garanties nécessaires pour être assuré d’un respect efficace du principe de non-refoulement (29).

Bruxelles, le 14 février 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Commission européenne, Rapport 2016 sur la Turquie, Bruxelles, 9 novembre 2016, SWD(2016) 366 final, accessible à l’adresse suivante: http://ec.europa.eu/enlargement/pdf/key_documents/2016/20161109_report_turkey.pdf, pp. 77-78 (en anglais).

(2)  Missions d’information du CESE sur la situation des réfugiés — Le point de vue des organisations de la société civile, rapport sur la mission d’information en Turquie, 9-11 mars 2016, consultable à l’adresse: http://www.eesc.europa.eu/resources/docs/eesc-fact-finding-missions-refugees_turkey_fr.pdf, p. 2.

(3)  Voir note de bas de page 2.

(4)  Amnesty International, «Europe’s gatekeeper: unlawful detention and deportation of refugees from Turkey» («La sentinelle de l’Europe: détentions et expulsions illégales de réfugiés de Turquie»), p. 14, accessible à l’adresse suivante: https://www.amnesty.org/en/documents/document/?indexNumber=eur44%2f3022%2f2015&language=en. (en anglais).

(5)  Voir note de bas de page 2.

(6)  L’article 2 du TUE dispose que «l’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes».

(7)  Conseil européen, Affaires étrangères et relations internationales, 18 mars 2016, disponible à l’adresse suivante:http://www.consilium.europa.eu/el/press/press-releases/2016/03/18-eu-turkey-statement/.

(8)  Commission européenne, fiche d’information sur l’accord UE-Turquie, 19 mars 2016, accessible à l’adresse suivante: http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-16-963_en.htm (en anglais).

(9)  «Sur quelle base juridique les demandeurs d’asile sont-ils renvoyés des îles grecques de la Turquie? Les demandes des personnes qui sollicitent l’asile en Grèce seront examinées au cas par cas, conformément aux exigences du droit européen et international et du principe de non-refoulement. Elles donneront lieu à des entretiens et des évaluations individuelles et un droit de recours est prévu. Il ne sera pas organisé de retour généralisé et automatique des demandeurs d’asile. Les règles de l’Union européenne en matière d’asile autorisent ses États membres à estimer, dans certaines circonstances clairement définies, qu’une demande est “irrecevable”, c’est-à-dire à la rejeter sans l’examiner au fond. En ce qui concerne la Turquie, il existe deux voies juridiques qui peuvent être utilisées pour déclarer l’irrecevabilité de demandes d’asile, à savoir: 1) la notion de “premier pays d’asile” (article 35 de la directive sur les procédures d’asile), lorsque la qualité de réfugié a été reconnue au demandeur dans le pays concerné, ou encore qu’il y jouit d’une protection suffisante, 2) celle de “pays sûr” (article 38 de la directive), lorsque la personne réadmise n’a pas encore obtenu de protection dans le pays tiers concerné mais qu’il lui assure la possibilité d’y accéder substantiellement.»

(10)  «Dans ce contexte, la Commission souligne que, pour qu’un pays soit considéré comme un pays tiers sûr au sens de la directive relative aux procédures d’asile, il doit y être possible de bénéficier d’une protection conformément à la convention de Genève, mais il ne faut pas nécessairement que le pays ait ratifié cette convention sans aucune limitation géographique. En outre, pour ce qui est de la question de savoir s’il existe un lien avec le pays tiers concerné et s’il est dès lors raisonnable que le demandeur se rende dans ce pays, il est également possible de tenir compte du fait que le demandeur a transité par ce pays tiers ou que ce dernier est géographiquement proche du pays d’origine du demandeur.» Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’état d’avancement de la mise en œuvre des actions prioritaires prévues par l’agenda européen en matière de migration, 10 février 2016, COM(2016) 85 final.

(11)  Avis du Comité économique et social européen «Établissement d’une liste commune de l’Union européenne des pays d’origine sûrs» (JO C 71, 24.2.2016, pp. 82–86), paragraphes 2.4 et 2.11.

(12)  Depuis le dernier rapport de la Commission, le nombre de traversées quotidiennes vers les îles grecques est resté à un niveau faible, de 75 arrivées, en moyenne, par jour. Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil — Septième rapport sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la déclaration UE-Turquie, accessible à l’adresse suivante: https://ec.europa.eu/home-affairs/sites/homeaffairs/files/what-we-do/policies/european-agenda-migration/20170906_seventh_report_on_the_progress_in_the_implementation_of_the_eu-turkey_statement_fr.pdf.

(13)  Selon les données les plus récentes, le nombre total de relocalisations s’élève à 27 695 personnes, soit 19 244 en provenance de Grèce et 8 451 d’Italie, tandis que 8 834 Syriens ont été réinstallés dans l’Union européenne depuis la Turquie au titre de la déclaration UE-Turquie. Si l’on considère l’aide financière prévue dans le cadre de la facilité en faveur des réfugiés en Turquie, il apparaît que sur une enveloppe de ressources de 3 milliards d’euros prévue pour la période 2016-2017, des contrats ont déjà été signés pour un montant total de 1,66 milliard d’euros et que les décaissements ont atteint 838 millions d’euros. Le nombre de réfugiés vulnérables qui sont soutenus par le filet de sécurité sociale d’urgence s’est accru, passant de 600 000 à 860 000 personnes, et on prévoit qu’il atteindra 1,3 million de réfugiés d’ici la fin 2017. Commission européenne, Bruxelles, 6 septembre 2017 COM(2017) 465 final, Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil — Quinzième rapport sur la relocalisation et la réinstallation, accessible à l’adresse: http://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/1/2017/FR/COM-2017-465-F1-FR-MAIN-PART-1.PDF.

(14)  D’aucuns soutiennent que le mécanisme des pays sûrs contrevient à l’article 31, paragraphe 1, de la Convention de Genève, et que le droit international ne prévoit pas d’obligation que le demandeur d’asile dépose sa demande dans le premier pays où il pourrait bénéficier du régime de protection internationale. Sur ce point, voir M. Symes & P. Jorro, Asylum Law and Practice («Législation et pratique de l’asile»), LexisNexis UK, 2003, p. 448; G. Goodwin & J. McAdam, The Refugee in International Law («Le réfugié en droit international»), Oxford University Press, 2007, p. 392. Pour le point de vue opposé, voir, notamment, K. Hailbronner, The Concept of «SAFE Country» and Expeditious Asylum Procedures: A Western European Perspective, («Le concept de “pays sûr” et les procédures d’asile expéditives, du point de vue de l’Europe occidentale») International Journal of Refugee Law, 1993, 5(1): pp. 31-65.

(15)  Selon la Fédération grecque pour les droits de l’homme, c’est dès les premiers jours d’application de l’accord UE-Turquie sur les réfugiés que «l’expert du Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) a décrété que par rapport aux premières demandes d’asile déposées, la Turquie est un pays tiers sûr […]. Cet avis, consistant en un texte stéréotypé qui est repris dans tous les rejets de demandes, supprime en fait l’examen individualisé qui est requis et, plus gravement encore, en totale contradiction avec l’esprit des dispositions de la directive, transfère vers le demandeur la charge de prouver que la Turquie ne constitue pas un pays tiers sûr. Dans le contexte de ces premiers cas, il est injustifiable que les décisions de rejet soient aussi laconiques.» Fédération grecque pour les droits de l’homme, Commentaires et observations critiques sur les dispositions et l’application de la loi 4375/2016, 21 avril 2016, p. 6, consultable à l’adresse suivante: http://www.hlhr.gr/?MDL=pages&SiteID=1215 (en grec) Cependant, une décision grecque qualifiant la Turquie de pays tiers non sûr a été émise pour la première fois le 10 mai 2016, en l’occurrence par un réfugié syrien qui se trouvait à Lesbos et auquel l’asile n’avait tout d’abord pas été accordé: lorsqu’il aurait dû être renvoyé en Turquie, la commission de recours pour les réfugiés a estimé que cet État n’était pas un pays tiers sûr, de sorte que la demande d’asile de l’intéressé devait être réexaminée plus en détail et avec davantage d’éléments. La «chose jugée» que constitue cette première décision qualifiant la Turquie de pays tiers non sûr pour les Syriens a été suivie, jusqu’à maintenant, par beaucoup de commissions d’appel pour les réfugiés.

(16)  Sur le principe de non-refoulement, voir entre autres E. Lauterpacht & D. Bethlehem, «The scope and content of the principle of non refoulement: Opinion» («Portée et contenu du principe de non-refoulement: un avis», dans E. Feller, V. Tuerk & F. Nicholson (éd.)., Refugee Protection in International Law, UNHCR's Global Consultations on International Protection («La protection des réfugiés en droit international, Consultations mondiales du HCR sur la protection internationale»), Cambridge University Press, Cambridge 2003, p. 87-177. Voir également l’avis du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés sur l’application extra-territoriale des obligations de non-refoulement en vertu de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et de son Protocole de 1967, disponible à l’adresse suivante: http://www.refworld.org/cgi-bin/texis/vtx/rwmain/opendocpdf.pdf?reldoc=y&docid=4a8124482.

(17)  Note sur la protection internationale, du 13 septembre 2001 (A/AC. 96/951, paragraphe 16). Voir également HCR, «The Principle of Non Refoulement as a Norm of Customary International Law, Response to the Questions Posed to UNHCR by the Federal Constitutional Court of the Federal Republic of Germany in cases 2 BvR 1938/93, 2 BvR 1953/93, 2 BvR 1954/93» («Le principe de non-refoulement comme norme de droit international coutumier, réponse aux questions posées au HCR par le Tribunal constitutionnel fédéral de la République fédérale allemande dans les affaires 2 BvR 1938/93, 2 BvR 1953/93, 2 BvR 1954/93»), ainsi que HCR, «Note on the Principle of Non Refoulement» («Note sur le principe de non-refoulement», séminaire de l’Union européenne sur la mise en œuvre de la résolution du Conseil de 1995 sur les garanties minimales pour les procédures d’asile), 1er novembre 1997. En complément, voir également le paragraphe 4 du préambule de la déclaration des États parties à la convention de 1951 et/ou à son protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, adoptée lors de la réunion ministérielle du 12 au 13 décembre 2001, HCR/MMSP/2001/09, ainsi que la décision de la cour d’appel de Nouvelle-Zélande dans l’affaire Zaoui contre avocat général (no 2) [2005] 1 NZLR 690, 20 septembre 2004, paragraphes 34 et 136.

(18)  Conclusion no 6 (XXVIII) — 1977, sur le principe de non-refoulement, paragraphe (c), conclusion no 79 (XLVIII) — 1996, sur la protection internationale, paragraphe (j), conclusion no 81 (XLVIII) — 1997, sur la protection internationale, paragraphe (i).

(19)  HCR, «Global Consultations on International Protection/Third Track: Asylum Processes (Fair and Efficient Asylum Procedures)» («Consultations mondiales sur la protection internationale, troisième volet: les procédures d’asile — des procédures d’asile équitables et efficaces»), EC/GC/01/12, 13 mai 2001, paragraphes 4, 8, 13 et 50 (c), ainsi que E. Leuterpacht & D. Bethlehem, voir note 16 ci-dessus, paragraphes 87 à 99.

(20)  Pour de plus amples informations, voir: http://data.unhcr.org/syrianrefugees/regional.php.

(21)  Voir note de bas de page 2.

(22)  Le texte de cette loi est disponible en anglais à l’adresse suivante: http://www.goc.gov.tr/files/files/eng_minikanun_5_son.pdf.

(23)  Voir note de bas de page 2.

(24)  Meltem Ineli-Ciger, Implications of the New Turkish Law on Foreigners and International Protection and Regulation no. 29153 on Temporary Protection for Syrians Seeking Protection in Turkey («Conséquences de la nouvelle loi turque sur les étrangers et la protection internationale et du règlement no 29153 pour les Syriens demandeurs d’une protection en Syrie»), Oxford Monitor of Forced Migration, 2014, 4(2): pp. 28-36.

(25)  Voir note de bas de page 2.

(26)  Voir, notamment, le communiqué du 23 novembre 2015 de Human Rights Watch, disponible à l’adresse suivante: https://www.hrw.org/news/2015/11/23/turkey-syrians-pushed-back-border

(27)  Amnesty International, Η ψευδαίσθηση της «ασφαλούς χώρας» για την Τουρκία καταρρέει («La Turquie “pays sûr”: l’écroulement d’une illusion»), 23 mars 2016, disponible à l’adresse suivante: https://www.amnesty.gr/news/press/article/20243/i-pseydaisthisi-tis-asfaloys-horas-gia-tin-toyrkia-katarreei. Pour d’autres références, voir Ulusoy, Turkey as a SAFE Third Country? («La Turquie, un pays tiers sûr?»), 29 mars 2016, disponible à l’adresse suivante: https://www.law.ox.ac.uk/research-subject-groups/centre-criminology/centreborder-criminologies/blog/2016/03/turkey-safe-third. E. Roman, Th. Baird, et T. Radcliffe, Why Turkey is Not a «SAFE Country», («Pourquoi la Turquie n’est pas un «pays sûr»»), février 2016, Statewatch, http://www.statewatch.org/analyses/no-283-why-turkey-is-not-a-safe-country.pdf.

(28)  Résolution 2109 (2016), version provisoire, sur «La situation des réfugiés dans le cadre de l’accord UE-Turquie», du 18 mars 2016, Auteur: Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, source — débat de l’Assemblée du 20 avril 2016 (15e séance) (voir doc.. 14028, rapport de la Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteure: Mme Tineke Strik). Texte adopté par l’Assemblée le 20 avril 2016 (15e séance).

(29)  L. Reppeli (2015), «Turkey’s track record with the European Court of Human Rights» («Antécédents de la Turquie devant la Cour européenne des droits de l’homme»), Turkish Review, 1er janvier 2015 (disponible à l’adresse électronique suivante: http://archive.is/XmdO5).


28.6.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 227/27


Avis du Comité économique et social européen sur «Chapitres sur le commerce et le développement durable dans les accords de libre-échange conclus par l’Union européenne»

(avis d’initiative)

(2018/C 227/04)

Rapporteure:

Tanja BUZEK

Décision de l’assemblée plénière

19.10.2017

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

REX

Adoption en section spécialisée

26.1.2018

Adoption en session plénière

14.2.2018

Session plénière no

532

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

133/1/9

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement l’initiative de la Commission européenne visant à faire le point, dans un document officieux (1), sur la mise en œuvre des chapitres relatifs au commerce et au développement durable (CDD) dans les accords commerciaux de l’Union européenne, et à consulter la société civile sur ce sujet.

1.2.

Le CESE a joué un rôle important dans la sensibilisation à la politique commerciale de l’Union européenne au sein de la société civile, tant dans l’Union européenne que dans les pays tiers. Les membres du CESE ont œuvré avec détermination, et continueront de le faire, pour intensifier la coopération avec la société civile des pays tiers en matière de suivi des négociations et de mise en œuvre des accords commerciaux de l’Union européenne.

1.3.

Le CESE encourage la Commission à renforcer son dialogue avec la société civile en vue d’améliorer le fonctionnement des dispositions relatives au commerce et au développement durable dans les accords commerciaux actuels et futurs et, en particulier, de prendre cet aspect en compte lors de la révision du chapitre sur le commerce et le développement durable dans l’accord économique et commercial global (AECG) entre l’Union européenne et le Canada.

1.4.

Le CESE invite toutefois instamment la Commission à adopter une approche plus ambitieuse, s’agissant notamment de renforcer l’applicabilité effective des engagements pris dans les chapitres en matière de commerce et de développement durable, qui revêt pour lui une importance cruciale. Il y a lieu d’accorder le même poids aux chapitres sur le commerce et le développement durable qu’à ceux portant sur les questions commerciales, techniques et tarifaires.

1.4.1.

Le CESE recommande de donner mandat aux GCI de surveiller l’incidence de tous les chapitres des accords commerciaux sur les droits de l’homme, les droits du travailleur et les droits environnementaux, et souligne que les intérêts des consommateurs devraient également être couverts.

1.4.2.

Le CESE regrette l’approche étroite adoptée dans les chapitres sur le commerce et le développement durable en ce qui concerne les intérêts des consommateurs et serait favorable à l’ajout, dans ce cadre, d’un chapitre spécifique sur les consommateurs, qui intégrerait les normes internationales pertinentes pour les consommateurs et renforcerait la coopération en matière d’application des droits des consommateurs.

1.5.

Le CESE estime que les chapitres sur le commerce et le développement durable jouent un rôle essentiel dans la réalisation des objectifs énoncés dans la stratégie commerciale de la Commission intitulée «Le commerce pour tous» (2) et dans son «Document de réflexion sur la maîtrise de la mondialisation» (3), et considère la mise en place de groupes consultatifs internes (GCI) comme l’une des principales réalisations dans le cadre des chapitres sur le commerce et le développement durable, dans la mesure où ils donnent du pouvoir à la société civile des pays tiers; il encourage ces pays à défendre activement des valeurs similaires à celles que nous considérons comme les «valeurs de l’Union européenne», notamment les normes sociales, environnementales et en matière de protection des consommateurs ainsi que la diversité culturelle, à garantir la visibilité de l’image publique de l’Union européenne dans leur société, ainsi qu’à prévoir une solide plateforme de suivi des engagements pris en matière de droits de l’homme, du travail et de l’environnement dans les accords commerciaux.

1.6.

Le CESE se réjouit de s’être vu confier le mandat de fournir une partie des membres des GCI et d’en assurer le secrétariat. Il souligne toutefois que le financement et les ressources des GCI restent une question cruciale pour leur fonctionnement actuel et futur et demande à la Commission, ainsi qu’au Conseil et au Parlement, de mettre en place d’urgence, en coopération avec le CESE, des solutions structurelles en la matière.

1.7.

Le CESE estime que la Commission européenne doit prendre des mesures pour améliorer l’efficacité des chapitres sur le commerce et le développement durable, et en particulier celle des GCI en tant qu’organes chargés d’assurer le suivi de ces engagements. Nombre de recommandations pratiques pourraient être mises en œuvre sans que le texte actuel des chapitres sur le commerce et le développement durable ne soit modifié et cela devrait par conséquent être fait sans tarder.

1.7.1.

Parmi les lacunes constatées, citons la composition déséquilibrée des GCI et les retards dans leur mise en place, la nécessité que des réunions conjointes soient organisées entre les GCI de l’Union européenne et ceux des pays partenaires et que leurs présidents participent aux réunions des comités sur le commerce et le développement durable, en ayant le droit d’y présenter l’avis desdits GCI, et l’absence d’un financement adéquat pour les GCI, de la part de l’Union européenne comme des pays partenaires.

1.7.2.

À cette fin, le CESE suggère d’inclure les réunions conjointes entre les GCI de l’Union européenne et des pays partenaires dans le texte de l’accord, afin de leur permettre d’échanger leur expérience sur des projets communs et de préparer des recommandations communes.

1.7.3.

Nous demandons avec insistance le renforcement des capacités de la société civile de l’Union européenne et, tout particulièrement, des pays partenaires avant l’entrée en vigueur de l’accord, et recommandons d’encourager la mise en place rapide de GCI, avec l’appui politique, financier et logistique requis, tout en veillant à une composition équilibrée.

1.7.4.

Le CESE attire également l’attention de la Commission sur des questions en suspens qui sont source de confusion pour la société civile au niveau local, et découlent du caractère transversal des accords d’association de l’Union européenne et des accords de libre-échange approfondis et complets (ALEAC) avec la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine, et du rôle plus large accordé aux forums de la société civile, notamment en Amérique latine, qui affaiblit les messages clés des GCI de chaque partie.

1.7.5.

Le CESE déplore par ailleurs que la Commission n’ait donné aucune suite aux plaintes formulées par les GCI. Par conséquent, les mécanismes de suivi devraient permettre de déclencher en toute indépendance des enquêtes concernant les violations des engagements clairs en matière de commerce et de développement durable.

1.8.

Le CESE invite instamment la Commission à établir un mécanisme de plainte plus transparent et rationalisé et recommande par ailleurs que les présidents des GCI participent aux réunions du comité «Commerce et développement durable» et que ce dernier réponde, dans un délai raisonnable, aux questions et aux recommandations formulées par les GCI. Il préconise un dialogue régulier entre les GCI de l’Union européenne, la Commission, le SEAE, le Parlement européen et les États membres de l’Union européenne.

1.9.

S’agissant des objectifs de développement durable (ODD), le CESE recommande d’intégrer, dans tous les futurs mandats de négociation sur les chapitres «Commerce et développement durable», une clause spécifique visant à promouvoir les objectifs de développement durable.

1.10.

En ce qui concerne le ferme engagement de la Commission européenne à consolider les dispositions en matière de travail, les pays partenaires devraient démontrer qu’ils respectent pleinement les huit conventions fondamentales du travail de l’OIT, à titre de condition préalable pour pouvoir conclure un accord commercial. Si un pays partenaire n’a pas ratifié ou correctement mis en œuvre ces conventions, ou n’a pas démontré un niveau de protection équivalent, le CESE recommande de chercher à établir une feuille de route portant sur des engagements concrets, et de l’intégrer dans le chapitre sur le commerce et le développement durable pour s’assurer que ces obligations seront remplies en temps opportun;

1.11.

Le CESE note que le document officieux soulève la question des sanctions. Il encourage la Commission à étudier de manière plus approfondie les mécanismes de sanction en vigueur dans les accords commerciaux et l’usage qui en a été fait jusqu’à présent, et à tirer des leçons de leurs limites potentielles, afin d’évaluer et d’améliorer l’efficacité d’un mécanisme exécutoire de contrôle du respect des dispositions, qui pourrait être mis en place dans le cadre des chapitres sur le commerce et le développement durable. Ce faisant, la Commission devrait prendre dûment en compte le fait que des groupes de la société civile ont exprimé à la fois leur soutien et de sérieuses inquiétudes quant à leur utilisation.

1.12.

Le CESE est disposé à contribuer au développement de nouvelles idées pour aider la Commission à accroître l’efficacité des mécanismes indépendants de mise en œuvre dans les chapitres sur le commerce et le développement durable, en prévoyant notamment un droit de réaction lorsque ses préoccupations ne sont pas prises en compte. Toute possibilité de recourir à des sanctions si nécessaire doit cependant être nuancée si l’on veut que les partenaires commerciaux potentiels soient ouverts à une telle approche: à la différence du SPG+, aucune disposition ne peut être retirée unilatéralement en cas de litige.

2.   Contexte

2.1.

Depuis la première inclusion de dispositions relatives au développement durable dans l’accord de partenariat économique (APE) UE-Cariforum et l’accord de libre-échange (ALE) UE-Corée, entrés en vigueur en 2011, tous les accords commerciaux de l’Union comportent un chapitre sur le commerce et le développement durable. À l’heure actuelle, l’Union européenne a également conclu des accords comportant un chapitre sur le commerce et le développement durable avec l’Amérique centrale, la Colombie et le Pérou, la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine, et elle adoptera la même approche pour les accords futurs.

2.2.

Ces dernières années, l’on a constaté une augmentation de l’intérêt pour des dispositions relatives au travail, à l’environnement et aux consommateurs dans les accords commerciaux. Des discussions sont en cours au Parlement européen et au Conseil, dans les États membres et parmi les acteurs de la société civile, y compris le CESE.

2.3.

Le CESE a émis ces dernières années plusieurs avis, assortis de recommandations, sur divers aspects du commerce et du développement durable dans la politique commerciale de l’Union européenne, notamment les avis sur la stratégie intitulée «Le commerce pour tous» (4), sur le rôle du commerce et des investissements en relation avec les objectifs de développement durable (ODD) (5), et très concrètement, sur le chapitre consacré au commerce et au développement durable dans l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Corée (6). En juillet 2017, le CESE a organisé une conférence sur la manière d’exercer une réelle influence sur les chapitres consacrés au commerce et au développement durable dans les accords de libre-échange, à laquelle ont participé notamment des membres de plusieurs groupes GCI (7).

2.4.

Il existe un certain nombre d’évaluations de l’impact et de l’efficacité des chapitres sur le commerce et le développement durable. Bien que l’Union européenne soit de manière générale largement favorable à l’inclusion, dans les ALE actuels et futurs, d’engagements ambitieux en matière de droits du travailleur, d’environnement et de protection des consommateurs, ainsi qu’à un rôle actif de la société civile, il est également nécessaire de prouver que les chapitres sur le commerce et le développement durable peuvent contribuer à la réalisation des ambitions définies dans la communication sur «Le commerce pour tous» (8) et le récent document de réflexion de la Commission sur la maîtrise de la mondialisation (9).

2.5.

Dans le cadre de l’approbation de l’AECG par le Parlement européen, Cecilia Malmström, la commissaire européenne chargée du commerce, a promis aux députés européens (10) de lancer une vaste consultation publique à leur intention et à celle de la société civile, y compris le CESE, sur les chapitres relatifs au commerce et au développement durable. Cette réflexion sur la mise en œuvre de ces chapitres s’impose également dans le contexte des négociations commerciales en cours avec le Mexique et le Mercosur, et afin de définir la position de l’Union européenne en vue du réexamen éventuel du chapitre de l’AECG (11), comme convenu par les deux parties dans l’instrument interprétatif commun concernant l’AECG (12).

2.6.

Le document officieux de la Commission, publié le 11 juillet 2017 (13), visait à lancer un débat avec le Parlement européen, le Conseil et les parties prenantes de la société civile au cours des mois suivants. Il comprend une description et une évaluation des pratiques actuelles et propose deux options pour améliorer la mise en œuvre des chapitres sur le commerce et le développement durable, tout en posant plusieurs questions destinées aux parties prenantes. Le présent avis du CESE entend contribuer à ce processus et apporter une réflexion sur ces questions.

2.7.

Les États membres ont reçu ce document officieux et soumettent également des observations et des propositions. Le Parlement européen a organisé un débat sur le sujet lors de sa session plénière de janvier 2018.

3.   Observations générales

3.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement l’initiative de la Commission européenne visant à faire le point sur la mise en œuvre des chapitres relatifs au commerce et au développement durable dans les accords commerciaux de l’Union européenne (14), ainsi que le document officieux de la DG Commerce destiné à lancer le débat et à consulter la société civile sur l’amélioration de la mise en œuvre de ces chapitres.

3.2.

Le CESE estime que les chapitres sur le commerce et le développement jouent un rôle crucial dans la mesure où ils doivent permettre à la Commission de concrétiser son intention de promouvoir les objectifs de développement durable des Nations unies dans sa stratégie intitulée «Le commerce pour tous» et dans son «Document de réflexion sur la maîtrise de la mondialisation». Ces chapitres sont tout aussi importants que le respect des engagements internationaux tels que ceux pris dans l’accord de Paris sur le changement climatique et ceux portant sur le commerce des combustibles fossiles.

3.3.

Dans le contexte des ODD, le CESE aimerait attirer l’attention sur les conclusions et les recommandations de son avis en la matière (15), notamment en ce qui concerne l’intégration, dans tous les futurs mandats de négociation sur les chapitres «Commerce et développement durable», d’une «clause spécifique exigeant que les parties de chaque mécanisme de suivi par la société civile collaborent pour promouvoir les ODD» et la nécessité que ces chapitres «Commerce et développement durable» se voient «reconnaître la même importance que ceux relatifs aux questions commerciales, techniques ou tarifaires».

3.3.1.

Le Comité a déjà fait observer (16) que l’objectif de développement durable no 17 fait explicitement référence au rôle de la société civile, en déclarant que «des partenariats efficaces entre les gouvernements, le secteur privé et la société civile sont nécessaires pour un programme de développement durable réussi». En outre, pour la première fois dans l’histoire des Nations unies, la responsabilité des États à l’égard des citoyens est soulignée dans les ODD.

3.4.

Le CESE déplore cependant l’approche restrictive adoptée dans le cadre du débat actuel sur les chapitres consacrés au commerce et au développement durable et leur champ d’application global en ce qui concerne les intérêts des consommateurs. Tandis que la stratégie intitulée «Le commerce pour tous» place un accent particulier sur la confiance des consommateurs dans la sécurité des produits, les «Principes directeurs des Nations unies pour la protection des consommateurs» (17) reposent sur une acception plus large de cette notion, qui comprend la protection de la vie privée des consommateurs, leurs droits dans le domaine du commerce électronique et le droit au respect effectif des droits des consommateurs. Compte tenu de l’impact de la libéralisation des échanges sur les consommateurs, le CESE appelle de ses vœux l’insertion d’un chapitre spécifique sur le commerce et les consommateurs dans le cadre des dispositions relatives au commerce et au développement durable, qui intégrerait les normes internationales pertinentes pour les consommateurs et renforcerait la coopération en matière d’application des droits des consommateurs.

3.5.

Le CESE se féliciterait en outre d’un engagement de l’Union européenne à inclure une dimension de genre dans sa politique commerciale et, plus spécifiquement, dans ses chapitres sur le commerce et le développement durable. Dans de nombreux pays partenaires commerciaux de l’Union européenne, les femmes représentent la majorité de la main-d’œuvre dans certains secteurs spécifiques tels que l’industrie textile. Les accords commerciaux conclus par l’Union européenne devraient dès lors veiller à ne pas creuser les inégalités entre les sexes. La Commission européenne devrait garantir le respect intégral des normes internationales du travail concernant l’égalité des sexes et les droits des femmes au travail. En particulier, le CESE réclame le respect de la convention no 100 de l’OIT sur l’égalité de rémunération, de la convention no 111 concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession, qui promeut la non-discrimination sur le lieu de travail, et de la convention no 183 sur la protection de la maternité.

3.6.

Le CESE encourage la Commission à renforcer son dialogue avec la société civile en vue d’améliorer le fonctionnement des dispositions relatives au commerce et au développement durable dans les accords commerciaux actuels et futurs. Cet aspect devrait en particulier être pris en compte lors de la révision du chapitre sur le commerce et le développement durable dans l’AECG (18). Le CESE accueille favorablement la révision anticipée promise par la commissaire Malmström, s’agissant des dispositions de l’accord relatives au commerce et au travail ainsi qu’au commerce et à l’environnement, et souhaite y être associé.

3.7.

Le CESE a joué un rôle important dans la sensibilisation à la politique commerciale de l’Union européenne au sein de la société civile, tant dans l’Union européenne que dans les pays tiers. Les membres du CESE ont œuvré avec détermination, et continueront de le faire, pour intensifier la coopération avec la société civile des pays tiers en matière de suivi des négociations et de la mise en œuvre des accords commerciaux de l’Union européenne. Cette démarche volontariste du CESE a été cruciale pour le renforcement de l’autonomie des organisations de la société civile dans ces pays et la poursuite de la démocratisation du processus de prise de décision en matière commerciale.

3.8.

Bien que ces dispositions aient été mises en œuvre pendant un laps de temps relativement court (six ans, depuis l’entrée en vigueur du premier accord de libre-échange de nouvelle génération, signé par l’Union européenne et la Corée), le CESE a recensé un certain nombre de réussites et de faiblesses qu’il conviendrait d’analyser et d’utiliser comme base de la révision prévue du chapitre «Commerce et développement durable» de l’AECG ainsi que d’autres accords commerciaux.

3.9.

L’un des principaux résultats obtenus grâce aux chapitres sur le commerce et le développement durable est la mise en place des groupes consultatifs internes (GCI), qui constituent une plateforme importante permettant à la société civile d’assurer le suivi des engagements pris en matière de droits de l’homme, droits du travailleur et droits environnementaux dans les accords commerciaux. Le CESE estime toutefois qu’il importe d’élargir la portée de ces chapitres pour couvrir également les intérêts des consommateurs.

3.9.1.

Dans la limite de ses compétences, l’Union devrait également chercher à établir de plus grandes synergies entre la formulation des chapitres sur le commerce et le développement durable et les 27 conventions environnementales et de l’OIT d’application obligatoire pertinentes pour son programme SPG+ [ainsi qu’avec les exigences attachées à son initiative «Everything But Arms» (Tout sauf les armes — EBA) à destination des pays les moins avancés (PMA)].

3.10.

Le CESE se félicite de s’être vu confier le mandat d’assurer le secrétariat et de fournir une partie des membres des six GCI créés à ce jour dans le cadre de l’ALE entre l’Union européenne et la Corée et de celui avec la Colombie et le Pérou, de l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Amérique centrale, des accords de libre-échange approfondis et complets (ALEAC) conclus par l’Union européenne avec la Géorgie, la Moldavie, et l’Ukraine, ainsi que pour le comité consultatif pour l’accord de partenariat économique (APE) Cariforum-UE. En outre, le CESE se réjouit à la perspective de poursuivre ses travaux dans le cadre des futurs GCI, tels que ceux institués pour l’AECG et l’ALE entre l’Union européenne et le Japon.

3.10.1.

Le CESE attire également l’attention de la Commission sur des questions en suspens qui sont source de confusion: la première découle du caractère transversal des accords d’association de l’Union européenne et des accords de libre-échange approfondis et complets (ALEAC) avec la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine, qui sont difficiles à distinguer pour la société civile au niveau local; la seconde concerne le rôle plus large accordé aux forums de la société civile, notamment en Amérique latine, qui a conduit à une dilution des priorités et à l’affaiblissement des messages clés des GCI de chaque partie.

3.11.

Toutefois, leur financement et leurs ressources restent une question cruciale. En effet, avec les sept mécanismes de suivi en place (six pour des ALE et un pour l’APE avec le Cariforum) auxquels viendront s’en ajouter d’autres, notamment dans le cadre des accords majeurs conclus avec le Canada et le Japon, il sera difficile pour le CESE de faire fonctionner efficacement les GCI actuels et futurs sans ressources supplémentaires. La Commission devrait élaborer d’urgence, en coopération avec le CESE, des solutions structurelles, et veiller, avec le Parlement et le Conseil, à ce que des ressources adéquates soient disponibles pour permettre à ces mécanismes de suivi de fonctionner et d’associer pleinement les groupes représentatifs de la société civile.

3.12.

Un mécanisme de mise en œuvre efficace des chapitres sur le commerce et le développement durable est d’une importance cruciale aux yeux du CESE, comme indiqué dans plusieurs de ses avis (19). Les GCI, en leur capacité d’organes de surveillance, ont un rôle important à jouer pour faire en sorte que les violations des engagements en matière de commerce et de développement durable soient détectées et traitées efficacement. Le CESE, en tant que membre actif des GCI de l’Union européenne, a grandement contribué à leurs travaux et invite dès lors instamment la Commission à se montrer plus ambitieuse en ce qui concerne l’efficacité du mécanisme de mise en œuvre. Dans le cas de la Corée du Sud, le CESE constate que le GCI de l’Union européenne a demandé à la Commission (20) d’ouvrir une procédure de règlement des différends, ce qui n’a pas encore été fait malgré les efforts de la Commission en ce sens. Dans ce contexte, le CESE a rappelé que «la mise en œuvre de ses aspects qui concernent le développement durable et, en particulier, les questions liées au travail, reste insatisfaisante» (21).

3.13.

Le CESE est d’avis que les entreprises peuvent jouer un rôle important pour garantir le respect des droits sociaux et des travailleurs en soutenant et en mettant en œuvre les lois qui protègent les droits des travailleurs et en menant un dialogue social avec les syndicats afin de convenir de normes décentes, tant dans le cadre de leurs opérations directes que tout au long de leur chaîne d’approvisionnement. Le CESE invite la Commission à veiller à ce que les accords commerciaux encouragent un bon comportement des entreprises et empêchent le dumping social et l’abaissement des normes sociales en prévoyant des clauses en matière de responsabilité sociale des entreprises assorties d’engagements concrets et conformes aux principes directeurs de l’OCDE sur les entreprises et les droits de l’homme, y compris l’établissement de points de contact nationaux (PCN) (22), qui doivent être indépendants et structurés de manière à associer les partenaires sociaux en tant que membres du PCN ou de son organe de surveillance. Ils doivent également être financés correctement et dotés d’un personnel suffisant et bien formé.

3.14.

Le CESE est disposé à contribuer au développement de nouvelles idées pour aider la Commission à accroître l’efficacité des mécanismes indépendants de mise en œuvre dans les chapitres sur le commerce et le développement durable, en prévoyant notamment un droit de réaction lorsque ses préoccupations ne sont pas prises en compte. Tout recours éventuel à des sanctions, le cas échéant, devrait reposer sur une approche nuancée.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE considère que la Commission européenne doit prendre des mesures pour améliorer l’efficacité des chapitres sur le commerce et le développement durable, afin de garantir le respect des droits sociaux, environnementaux, des consommateurs et des travailleurs. Un élément clé dans ce contexte est l’amélioration de l’efficacité des GCI en tant qu’organismes chargés d’assurer le suivi de ces engagements.

4.1.1.

Le Comité relève que différentes parties prenantes ont avancé des propositions visant à améliorer l’indépendance et l’efficacité des dispositions sur le commerce et le développement durable dans les accords commerciaux et partage le point de vue selon lequel il y a lieu d’encourager de manière indéfectible le respect des engagements en matière de commerce et de développement durable. En ce qui concerne les dispositions en matière de travail, il est proposé de créer un secrétariat indépendant du travail (23), ainsi qu’un mécanisme de recours collectif dans le cadre d’un modèle de chapitre sur le travail (24).

4.2.

Le CESE a évalué son expérience concernant les chapitres sur le commerce et le développement durable. Il a constaté les lacunes suivantes et invite la Commission à y remédier:

une composition déséquilibrée des GCI de l’Union européenne et des pays partenaires,

un manque de volonté politique dans certains pays partenaires à établir leur GCI en temps utile,

un manque de financements adéquats pour les GCI à la fois dans l’Union européenne et dans les pays partenaires,

la nécessité d’inclure les réunions conjointes entre les GCI de l’Union européenne et des pays partenaires dans le texte de l’accord, afin de leur permettre d’échanger leur expérience sur des projets communs et de préparer des recommandations communes,

la nécessité de prévoir la participation des présidents des GCI aux réunions des comités sur le commerce et le développement durable, assortie du droit d’y présenter les avis desdits GCI, de manière à relayer les messages de la société civile auprès des gouvernements,

l’absence de réponse de la Commission européenne aux plaintes formulées par les GCI concernant des violations des engagements en matière de commerce et de développement durable.

4.3.

Les membres CESE des GCI ainsi que d’autres organisations représentant les entreprises, les travailleurs et le monde associatif ont formulé un certain nombre de recommandations à l’intention de la Commission, l’invitant à prendre des mesures pour combler les lacunes des accords commerciaux et faire en sorte que les GCI garantissent avec davantage d’efficacité le respect des engagements en matière de droits sociaux et du travailleur ainsi que les dispositions environnementales, qui devraient faire l’objet d’une analyse complète et minutieuse de la Commission européenne. Ces mesures consistent notamment à:

soutenir le renforcement des capacités et une meilleure promotion et présentation du contenu des chapitres sur le commerce et le développement durable auprès de la société civile dans l’Union européenne et les pays partenaires avant l’entrée en vigueur de l’accord,

créer un secrétariat indépendant du travail ainsi qu’un mécanisme de recours collectif,

garantir un financement et des ressources adéquats pour les GCI de l’Union européenne et ceux des pays partenaires, de manière que les représentants de la société civile puissent y participer pleinement et prévoir des fonds pour l’organisation d’activités pertinentes, dont la réalisation de travaux d’analyse ou l’organisation d’ateliers en marge des réunions annuelles conjointes,

encourager les gouvernements des pays partenaires à mettre rapidement en place leurs GCI et à leur accorder le soutien politique et logistique nécessaire tout en veillant à une composition équilibrée,

établir un mécanisme de plainte plus transparent et rationalisé,

instaurer un dialogue régulier entre les GCI de l’Union européenne, la Commission, le SEAE, le Parlement européen et les États membres de l’Union européenne,

exiger du comité «Commerce et développement durable» qu’il réponde dans un délai raisonnable aux questions et aux recommandations formulées par les GCI,

donner mandat aux GCI de surveiller l’incidence de tous les chapitres des accords commerciaux sur les droits de l’homme, les droits du travailleur, les droits du consommateur et les droits environnementaux, et pas uniquement de celui sur le commerce et le développement durable (le CESE constate avec satisfaction que cette proposition a été prise en compte dans le rapport de la Commission sur la mise en œuvre de la stratégie de politique commerciale «Le commerce pour tous»),

veiller à ce que les pays partenaires démontrent qu’ils respectent pleinement les huit conventions fondamentales du travail de l’OIT avant la conclusion d’un accord commercial. Si un pays partenaire n’a pas ratifié ou correctement mis en œuvre ces conventions, ou n’a pas démontré un niveau de protection équivalent, une feuille de route portant sur des engagements concrets devrait être élaborée et intégrée dans le chapitre sur le commerce et le développement durable pour s’assurer que ces obligations seront remplies en temps opportun,

exiger des gouvernements des pays partenaires comme des entreprises opérant sur leur territoire qu’ils démontrent leur respect des normes définies dans l’agenda de l’OIT pour le travail décent (25), qui va au-delà des normes fondamentales du travail en imposant des engagements concernant d’autres droits, notamment en matière d’égalité entre les sexes ainsi que de santé et de sécurité.

4.4.

Le CESE estime que les recommandations pratiques formulées ci-dessus peuvent être mises en œuvre sans que le texte actuel des chapitres sur le commerce et le développement durable ne soit modifié et que cela devrait par conséquent être fait sans tarder.

4.5.

Le CESE considère que pour être efficaces, les mécanismes de suivi doivent absolument être en mesure de déclencher de plein droit des enquêtes sur toute violation supposée des engagements en matière de commerce et de développement durable. Si de telles violations devaient se confirmer, il conviendrait d’entamer sans délai une procédure de règlement des différends, dont l’objectif serait d’assurer concrètement le respect des dispositions. Le CESE note qu’un certain nombre de modèles de sanctions différents existent dans les accords commerciaux conclus par différents pays, dont les États-Unis et le Canada, qui envisagent la possibilité d’infliger des sanctions matérielles en cas de non-respect des engagements.

4.6.

Le CESE déplore que le document officieux sembler laisser entendre que l’importance des amendes ou des sanctions dans les accords commerciaux peut être évaluée uniquement à l’aune de la seule affaire judiciaire concernant le Guatemala, introduite par les États-Unis sur la base de l’accord de libre-échange d’Amérique centrale (CAFTA) (26). Toutefois, l’incapacité des États-Unis à obtenir gain de cause en l’espèce n’était pas due à l’existence ou non de sanctions, mais plutôt à la définition des obligations dans le chapitre du CAFTA consacré au travail. Celui-ci impose une obligation légale selon laquelle les violations des droits des travailleurs doivent avoir une incidence sur le commerce pour justifier l’imposition de sanctions. Dans ce cas précis, les juges ont estimé qu’en dépit des violations manifestes des normes du travail de l’OIT, il n’y avait pas suffisamment d’éléments probants indiquant que celles-ci ont eu une incidence sur le commerce. La Commission devrait étudier plus en profondeur les mécanismes de sanctions en vigueur dans les accords commerciaux, l’usage qui en a été fait jusqu’à présent et leurs limites potentielles, tout en prenant dûment en considération le fait que des groupes de la société civile ont exprimé à la fois leur soutien et de sérieuses inquiétudes quant à leur utilisation.

4.7.

D’autres restrictions s’appliquent en outre à l’approche américaine à l’égard des sanctions, en ce qui concerne la recevabilité, la portée et la durée de la procédure, ce qui implique qu’un très petit nombre de cas seulement ont été résolus au moyen de sanctions. La Commission devrait tirer des enseignements des limites des mécanismes de sanction dans les accords commerciaux conclus par les États-Unis ainsi que d’autres pays tels que le Canada, afin de pouvoir évaluer et améliorer l’efficacité d’un mécanisme exécutoire de contrôle du respect des dispositions, qui pourrait être mis en place dans le cadre des chapitres sur le commerce et le développement durable. L’une des limites potentielles est le risque pour l’Union européenne de décourager des partenaires commerciaux de s’engager dans des négociations ou de réduire son poids dans le cadre de celles-ci.

4.8.

Le CESE est disposé à assister la Commission dans l’élaboration d’un mécanisme efficace susceptible d’améliorer la mise en œuvre et le suivi des chapitres relatifs au commerce et au développement durable dans les ALE de l’Union européenne et de garantir le plein respect des dispositions, en s’appuyant sur les expériences d’autres pays ainsi que sur les propositions avancées par les entreprises, les secteurs de l’environnement et de l’emploi et d’autres groupes de la société civile.

Bruxelles, le 14 février 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2017/july/tradoc_155686.pdf.

(2)  http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2015/october/tradoc_153879.pdf.

(3)  https://ec.europa.eu/commission/sites/beta-political/files/reflection-paper-globalisation_fr.pdf.

(4)  Avis du CESE sur «Le commerce pour tous — Vers une politique de commerce et d’investissement plus responsable», rapporteur: Jonathan Peel (UK-I) (JO C 264 du 20.7.2016, p. 123).

(5)  REX/486 — Avis du CESE sur «Le rôle clé du commerce et des investissements dans la réalisation et la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD)», rapporteur: Jonathan Peel (UK-I), corapporteur: Christophe Quarez (FR-II) (non encore publié au JO).

(6)  Avis du CESE sur l’«Accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Corée — Chapitre consacré au commerce et au développement durable», rapporteur: Dumitru Fornea (RO-II) (JO C 81 du 2.3.2018, p. 201).

(7)  Conférence intitulée «Chapitres consacrés au commerce et au développement durable dans les accords commerciaux de l’Union européenne: comment exercer une réelle influence?» — Synthèse des principaux messages (en anglais): http://www.eesc.europa.eu/sites/default/files/files/summary_conference_on_tsd_chapters_in_eu_trade_agreements.pdf.

(8)  Op. cit.

(9)  Op. cit.

(10)  Lettre de Cecilia Malmström, membre de la Commission européenne, à Bernd Lange, président de la commission du commerce international du PE, janvier 2017, https://ec.europa.eu/carol/index-iframe.cfm?fuseaction=download&documentId=090166e5af9d7b2e&title=letter.pdf.

(11)  Lettre de Cecilia Malmström, membre de la Commission européenne, à François-Philippe Champagne, ministre canadien du commerce international, octobre 2017, https://ec.europa.eu/carol/index-iframe.cfm?fuseaction=download&documentId=090166e5b568bc60&title=SIGNED_LETTER.pdf.

(12)  Instrument interprétatif commun concernant l’accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne et ses États membres (JO L 11 du 14.1.2017, p. 3).

(13)  http://trade.ec.europa.eu/doclib/press/index.cfm?id=1689.

(14)  Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur la mise en œuvre des accords de libre-échange, publié le 9 novembre 2017.

(15)  REX/486 — Avis du CESE sur «Le rôle clé du commerce et des investissements dans la réalisation et la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD)», rapporteur: Jonathan Peel (UK-I), corapporteur: Christophe Quarez (FR-II) (non encore publié au JO).

(16)  REX/486 — Avis du CESE sur «Le rôle clé du commerce et des investissements dans la réalisation et la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD)», rapporteur: Jonathan Peel (UK-I), corapporteur: Christophe Quarez (FR-II) (non encore publié au JO).

(17)  http://unctad.org/fr/PublicationsLibrary/ditccplpmisc2016d1_fr.pdf.

(18)  Lettre de Cecilia Malmström, membre de la Commission européenne, à François-Philippe Champagne, ministre canadien du commerce international, octobre 2017, op. cit.

(19)  Avis du CESE sur «Le commerce pour tous — Vers une politique de commerce et d’investissement plus responsable», rapporteur: Jonathan Peel (UK-I) (JO C 264 du 20.7.2016, p. 123); avis du CESE intitulé «La position du CESE sur des questions clés spécifiques soulevées dans le cadre des négociations sur le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI)», rapporteur: Philippe de Buck, corapporteure: Tanja Buzek (JO C 487 du 28.12.2016, p. 30). Avis du CESE sur l’«Accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Corée — Chapitre consacré au commerce et au développement durable», rapporteur: Dumitru Fornea (RO-II) (JO C 81 du 2.3.2018, p. 201).

(20)  Lettre à Cecilia Malmström, membre de la Commission européenne, sur la concertation des pouvoirs publics conformément à l’ALE UE-Corée, décembre 2016, http://ec.europa.eu/carol/?fuseaction=download&documentId=090166e5af1bf802&title=EU_DAG%20letter%20to%20Commissioner%20Malmstrom_signed%20by%20the%20Chair%20and%20Vice-Chairs.pdf.

(21)  Avis du CESE sur l’«Accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Corée — Chapitre consacré au commerce et au développement durable», rapporteur: Dumitru Fornea (RO-II) (JO C 81 du 2.3.2018, p. 201).

(22)  Les pays adhérents sont tenus de créer un point de contact national (PCN) dont la mission consiste essentiellement à accroître l’efficacité des lignes directrices en menant des activités de promotion, à répondre à des demandes de renseignements et à contribuer à la résolution des problèmes soulevés par le non-respect supposé des principes directeurs dans des circonstances spécifiques. Les PCN aident les entreprises et leurs parties prenantes à prendre les mesures adéquates pour renforcer encore l’application des principes directeurs. Ils constituent également un pôle de médiation et de conciliation permettant de résoudre les problèmes pratiques susceptibles de se poser dans le cadre de la mise en œuvre des principes directeurs.

(23)  Document officieux sur la base d’une proposition conjointe présentée par la Confédération européenne des syndicats (CES) et la Fédération américaine du travail — Congrès des organisations industrielles (AFL-CIO), septembre 2016, https://www.etuc.org/en/page/non-paper-introducing-independent-labour-secretariat-ceta.

(24)  Projet de modèle de chapitre sur le travail élaboré par la Friedrich-Ebert-Stiftung (FES) en coopération avec Bernd Lange, président de la commission du commerce international du PE, juin 2017, http://www.fes-asia.org/news/model-labour-chapter-for-eu-trade-agreements/.

(25)  http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---dgreports/---integration/documents/publication/wcms_229374.pdf.

(26)  Voir https://www.ictsd.org/bridges-news/bridges/news/trade-dispute-panel-issues-ruling-in-us-guatemala-labour-law-case.


28.6.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 227/35


Avis du Comité économique et social européen sur «Promouvoir des actions en faveur du climat par des acteurs non étatiques»

(avis exploratoire à la demande de la Commission européenne)

(2018/C 227/05)

Rapporteur:

Mindaugas MACIULEVIČIUS

Corapporteur:

Josep PUXEU ROCAMORA

Consultation

Commission européenne, 28.11.2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Date de la décision du Bureau

4.7.2017

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

6.2.2018

Adoption en session plénière

15.2.2018

Session plénière no

532

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

192/1/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La transition vers une économie sobre en carbone et résiliente face au changement climatique a été alimentée par les initiatives émanant du terrain conduites par les citoyens, les entreprises innovantes et diverses parties prenantes de la société civile, désignées de manière générique par le terme d’acteurs non étatiques et infranationaux.

1.2.

Ces acteurs peuvent contribuer de manière décisive à l’accélération du développement sobre en carbone et du développement durable. L’action immédiate des acteurs non étatiques réduit le coût de la transition vers une économie à faible intensité de carbone, de même qu’elle atténue les répercussions directes des changements climatiques qui se produisent déjà.

1.3.

Au cours des dernières années, le nombre, la portée et l’ampleur des actions climatiques non étatiques ont connu une croissance rapide (1). Cependant, en raison de la persistance d’obstacles considérables, les acteurs non étatiques se heurtent à des difficultés pour engager et mettre en œuvre avec succès leurs actions climatiques.

1.4.

En outre, la diversité des acteurs non étatiques et de leurs actions de lutte contre le changement climatique va croissant, car ils mènent leurs activités dans des environnements différents caractérisés par des ressources et des besoins spécifiques, ou dans plusieurs de ceux-ci à la fois. Une analyse et une compréhension appropriées de cette diversité est une condition préalable indispensable à une accélération des actions pour le climat.

1.5.

Conscient de l’énorme capacité que détiennent les acteurs non étatiques à stimuler les efforts déployés à l’échelle mondiale en vue de lutter contre le changement climatique et de s’adapter à ses conséquences, le CESE préconise un «dialogue européen de l’action non étatique pour le climat» (DE-ANEC) en vue de renforcer et d’élargir la portée et l’ampleur de cette action au niveau européen.

1.6.

Le dialogue européen proposé par le CESE devrait permettre de disposer d’une vue d’ensemble des actions de lutte contre le changement climatique au sein de l’Union européenne et de suivre l’évolution des actions menées dans ce domaine au niveau mondial.

1.7.

Le CESE souligne que la reconnaissance et la mise en évidence d’actions efficaces, innovantes et créatives en matière de lutte contre le changement climatique peuvent constituer un moyen efficace sur le plan des coûts pour encourager les actions en cours et en stimuler de nouvelles. La reconnaissance des actions peut être menée à bien par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne, de manifestations de haut niveau ou de l’attribution de prix.

1.8.

Un dialogue européen pour l’action climatique devrait avoir pour tâche de recueillir en permanence des informations en retour et de s’attaquer sur le plan réglementaire aux problèmes rencontrés avec les pouvoirs publics, afin de faire émerger progressivement un environnement de gouvernance favorable aux actions climatiques émanant du terrain. Celui-ci devrait prendre appui sur d’autres initiatives similaires, telles que le dialogue européen sur l’énergie qui s’est tenu à la demande du CESE en vue de coordonner la mise en œuvre de la transition énergétique.

1.9.

L’objectif ultime du dialogue proposé est d’accélérer les actions pour le climat en les rendant attrayantes pour un large éventail d’acteurs non étatiques et d’en faire la nouvelle norme.

1.10.

Le CESE insiste sur le fait que, dans le cadre de nos efforts pour réduire les émissions, protéger le climat et promouvoir la justice sociale et économique, il importe d’établir un dialogue social pour veiller à une transition juste et rapide vers un monde «zéro carbone et zéro pauvreté».

1.11.

Le CESE propose que le dialogue ne serve pas seulement à mettre en lumière et à présenter les actions, mais réponde également aux besoins des acteurs non étatiques en suscitant de nouveaux partenariats entre les acteurs étatiques et non étatiques, en favorisant l’apprentissage mutuel, la formation et le partage de conseils entre les acteurs non étatiques, et en facilitant l’accès au financement.

1.12.

Le dialogue européen proposé s’inscrit dans un écosystème plus vaste de gouvernance des suites de l’accord de Paris. L’organisation de ce dialogue devrait être «légère», en privilégiant l’articulation stratégique des programmes, initiatives et institutions en place, plutôt qu’en créant de nouvelles structures. Dans ce contexte, le CESE soutient la proposition formulée par le Parlement européen de créer une «plateforme de dialogue multiniveaux sur le climat et l’énergie».

1.13.

Le CESE jouera un rôle de chef de file dans le lancement de ce dialogue et invite les autres institutions de l’Union européenne, en particulier la Commission européenne, à se joindre à cette initiative de création d’un environnement propice à l’action non étatique pour le climat, en coopérant à la mise en place de ce dialogue et en aidant à le rendre opérationnel.

1.14.

La première initiative pour le dialogue européen de l’action non étatique pour le climat devrait être l’organisation d’une manifestation au cours du premier semestre de 2018, réunissant tous les réseaux d’acteurs intéressés, ainsi que des représentants des autres institutions de l’Union européenne et des États membres. Elle se tiendrait dans l’esprit du dialogue talanoa (2) et servirait à établir un plan d’action précis pour le dialogue.

1.15.

Le CESE escompte qu’un dialogue de ce genre renforce de façon significative la capacité de tous les acteurs — entreprises, y compris les PME, les entreprises sociales et les coopératives, groupes de la société civile, communautés ou encore collectivités locales et régionales et autres parties prenantes — à apporter une contribution tangible et réelle à la lutte contre le changement climatique.

2.   Contexte du présent avis

2.1.

Le présent document est un avis exploratoire élaboré à la demande de la Commission européenne.

2.2.

Il constitue le prolongement d’un avis sur le thème «Une coalition pour concrétiser les engagements de l’accord de Paris», adopté en juillet 2016, et des travaux d’une conférence organisée ultérieurement et intitulée «Vers un cadre en faveur des initiatives climatiques locales», qui a permis d’échanger les meilleures pratiques et de pointer les obstacles qui empêchent ou freinent l’engagement des acteurs non étatiques dans la lutte contre le changement climatique.

2.3.

La transition vers une économie sobre en carbone et résiliente face au changement climatique a été alimentée par les initiatives émanant de la base conduites par les citoyens, les pouvoirs publics locaux, les consommateurs et les entreprises innovantes. Toutefois, de nouveaux progrès sont souvent entravés par des obstacles administratifs et réglementaires, l’absence de mécanismes de consultation appropriés et des procédures financières inadéquates.

3.   L’urgence d’une action climatique non étatique

3.1.

Le terme d’acteurs non étatiques se réfère aux acteurs qui ne sont pas parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Cette large acception recouvre divers types d’activité, notamment les petites et moyennes entreprises et les microentreprises, les investisseurs, les coopératives, les villes et les régions, les syndicats, les communautés locales et les groupes de citoyens, les organisations confessionnelles, les mouvements de jeunesse et d’autres organisations non gouvernementales. Le présent avis s’intéresse en particulier aux nouvelles contributions émanant de la base à l’initiative d’acteurs du climat qui ne sont pas encore pleinement reconnus par les institutions de l’Union européenne et les États membres.

3.2.

La lutte contre le changement climatique par des acteurs non étatiques est de plus en plus urgente pour au moins quatre raisons:

les concentrations de gaz à effet de serre continuent à augmenter; même si tous les engagements gouvernementaux sont tenus, il manquera encore 11 à 13 gigatonnes d’équivalent CO2 (3). L’action à court terme des acteurs étatiques et non étatiques contre le changement climatique peut contribuer à combler ce fossé, et revêt une importance cruciale pour éviter des mesures plus radicales et plus coûteuses,

partout dans le monde, l’on ressent les répercussions des changements climatiques qui sont déjà en train de se produire. Il s’agit notamment d’un nombre croissant d’événements météorologiques extrêmes, d’une augmentation des pertes et des dommages et d’une modification des conditions météorologiques, qui engendrent des déplacements et des migrations de communautés vulnérables (4),

les turbulences politiques actuelles — par exemple aux États-Unis — et le manque de ressources publiques mettent en péril la mise en œuvre complète des engagements gouvernementaux. L’on note même qu’un certain nombre de pays qui se sont pleinement engagés à respecter l’accord de Paris ne sont pas à la hauteur des niveaux ambitieux qu’il faudrait atteindre pour limiter le réchauffement climatique à une température bien en dessous de 2 oC,

les gouvernements fixent le cadre politique, mais les actions sont mises en œuvre sur le terrain par des acteurs non étatiques ou infranationaux et dont beaucoup constituent la véritable avant-garde des actions innovantes et efficaces, en particulier dans le cas des nouveaux acteurs de petite taille émanant du terrain.

3.3.

Les acteurs non étatiques en matière de climat peuvent contribuer de manière décisive à l’accélération du développement sobre en carbone et du développement durable. Une action immédiate de nature non étatique est de nature à réduire le coût de la transition vers une économie à faible intensité de carbone et atténue également les retombées directes des changements climatiques qui se produisent déjà. Or, le fait que les initiatives partant de la base sont susceptibles de contribuer à la résolution des problèmes sociaux liés à la décarbonation et à la transition écologique souffre d’un manque général de reconnaissance.

3.4.

Selon l’étude TESS sur l’impact des écovillages en Europe, financée par l’Union européenne, si 5 % des citoyens de l’Union s’engageaient dans des initiatives efficaces d’atténuation du changement climatique, les économies de carbone seraient suffisantes pour que les pays de l’EU-28 atteignent près de 85 % de leurs objectifs de réduction des émissions d’ici 2020 (5).

3.5.

L’action non étatique pour le climat peut également renforcer la gouvernance climatique mondiale. Par exemple:

les actions réalisées par des acteurs non étatiques pourraient inspirer des politiques climatiques ambitieuses en démontrant aux gouvernements que des objectifs plus audacieux en matière de climat sont envisageables,

les actions non étatiques aident les gouvernements à mettre en œuvre leurs politiques au niveau national et contribuent à répondre aux exigences nationales dans le cadre du système européen de contribution déterminée au niveau national (CDN),

les acteurs non étatiques sont susceptibles d’aider à déceler les possibilités de renforcement de l’environnement réglementaire (6).

3.6.

L’action non étatique peut également servir à démontrer que la transition vers une économie à faible intensité de carbone, circulaire et résiliente face au changement climatique est une occasion pour l’Union européenne d’accroître sa compétitivité, ce qui peut être bénéfique pour les entreprises européennes. En outre, elle permet non seulement de s’attaquer aux défis climatiques, mais aussi de favoriser le développement durable, en particulier la mise en œuvre des ODD (objectifs de développement durable).

3.7.

Ces dernières années, le nombre, la portée et l’ampleur des mesures non étatiques en matière de climat ont progressé rapidement (7). Cependant, en raison de la persistance d’obstacles considérables, les acteurs non étatiques se heurtent à des difficultés pour engager et mettre en œuvre avec succès leurs actions climatiques [voir l’avis du CESE «Une coalition pour concrétiser les engagements de l’accord de Paris» (8)].

3.8.

En outre, la diversité des acteurs non étatiques et de leurs actions de lutte contre le changement climatique va croissant, car ils mènent leurs activités dans des environnements différents caractérisés par des ressources et des besoins spécifiques, ou dans plusieurs de ceux-ci à la fois. Une analyse et une compréhension appropriées de cette diversité est une condition préalable indispensable à une accélération des actions pour le climat.

4.   Nécessité d’une approche stratégique européenne pour faciliter l’action non étatique en faveur du climat

4.1.

L’Union européenne s’est faite la championne de l’action non étatique au niveau international.

L’Union européenne prône des «initiatives de coopération internationale» multiacteurs pour mettre en œuvre des mesures d’atténuation dans le cadre de la CCNUCC.

L’Union européenne a contribué à de grandes initiatives multiacteurs en matière de climat (9).

Certains États membres ont appuyé le programme international d’action en faveur du climat. Par exemple, la France a pris la tête d’une campagne de mobilisation à grande échelle dans la perspective de l’accord de Paris. Les pays nordiques et les Pays-Bas ont contribué au développement de la plateforme des initiatives climatiques (actuellement hébergée par le PNUE).

Selon les estimations, 54 % des initiatives de coopération pour la lutte contre le changement climatique sont dirigées par des acteurs basés en Europe (10).

4.2.

En flagrante contradiction avec sa position de tout premier plan au niveau international, l’Union européenne ne dispose pas pour l’instant d’un cadre créant les conditions de nature à favoriser la montée en puissance des initiatives non étatiques à l’intérieur de l’Europe. En l’absence d’un tel cadre, l’Union européenne risque de passer à côté de contributions concrètes de l’avant-garde des acteurs non étatiques et infranationaux. Le soutien que l’Union européenne apporte actuellement à quelques actions de grande envergure multiacteurs ne suffit pas pour mener à bien le type de transformation auquel elle s’est engagée dans le cadre de l’accord de Paris.

4.3.

Une attention beaucoup plus importante devrait être accordée aux nouveaux acteurs de terrain pour le climat, qui ne sont pas encore reconnus et sont sous-représentés à l’heure actuelle parmi les initiatives soutenues par l’Union européenne. Leurs contributions potentielles ne sauraient être sous-estimées. La mise en place d’un environnement propice à de telles actions climatiques constitue un moyen efficace et peu coûteux d’exploiter leur énorme potentiel au niveau de la société.

4.4.

En outre, la mise en place d’un environnement favorable permettrait de corriger les déséquilibres actuels parmi les actions non étatiques pour le climat. Par exemple:

actuellement, les microentreprises, les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises sociales (notamment les coopératives) sont sous-représentées parmi les initiatives soutenues par l’Union européenne, ainsi que dans le cadre de la CCNUCC (11),

les actions pour le climat des collectivités rurales et des villes petites et moyennes sont trop peu représentées comparativement aux grandes métropoles (12).

4.5.

Étant donné que les efforts de mobilisation actuels se font principalement au niveau des politiques climatiques internationales et qu’ils sont centrés sur des exemples de très grand envergure et/ou spectaculaires, une action est de toute urgence nécessaire au niveau européen pour compléter les efforts internationaux en entraînant dans l’action et en soutenant des acteurs différents et plus nombreux.

4.6.

Conscient de l’énorme capacité que détiennent les acteurs non étatiques à stimuler les efforts déployés à l’échelle mondiale en vue de lutter contre le changement climatique et de s’adapter à ses conséquences, le CESE préconise dans le présent avis un «dialogue européen de l’action non étatique pour le climat» (DE-ANEC) en vue de renforcer et d’élargir la portée et l’ampleur de l’action climatique non étatique au niveau européen.

5.   Domaines prioritaires pour les actions climatiques. Exemples et besoins des acteurs sur le terrain

5.1.

Les domaines thématiques prioritaires devraient être déterminés en consultation avec la société civile.

5.2.

Une correspondance étroite avec les domaines thématiques abordés dans le contexte de la CCNUCC, en particulier ceux du partenariat de Marrakech pour l’action mondiale en faveur du climat, pourrait faire en sorte que l’initiative ait un lien fort avec les objectifs de l’accord de Paris.

5.3.

Les domaines prioritaires pourraient inclure: l’agriculture et l’alimentation; la sylviculture, l’utilisation des terres et une bioéconomie durable; la protection et le développement côtiers; l’eau; les villes et les régions; les transports; l’énergie; l’économie et l’industrie circulaires.

5.4.

Parmi les thèmes transversaux qui pourraient être abordés dans le dialogue proposé figurent: les arbitrages et les synergies en matière de climat et de développement durable, le rôle de la numérisation, les approches participatives et une transition équitable.

5.5.

L’entrepreneuriat social, les initiatives citoyennes et l’action sociale locale ne sont que quelques exemples de la manière dont l’action climatique peut être menée à bien au moyen d’approches ascendantes. On dénombre déjà de nombreuses initiatives couronnées de succès, tandis que beaucoup d’autres ont été lancées mais ont échoué ou ont été abandonnées pour diverses raisons. Ces deux catégories de projets peuvent être utilisées pour fournir des informations précieuses aux décideurs et acteurs non étatiques.

5.5.1.

Le cas des énergies renouvelables décentralisées en est un excellent exemple. Elles devraient se développer par l’intermédiaire de structures locales ou régionales, ce qui signifie que la création de valeur résultant de l’utilisation du vent, du soleil et de la biomasse se ferait au niveau local. Toutefois, l’Union européenne n’exploite pas suffisamment le potentiel de la société civile dans ce domaine et, trop souvent, des obstacles réglementaires, financiers et structurels entravent l’engagement des acteurs locaux. En 2015, le CESE a appelé avec succès à la tenue d’un dialogue européen sur l’énergie mené par la société civile en vue de coordonner la mise en œuvre de la transition énergétique (13), laquelle constitue la principale action que doit entreprendre l’Union européenne en matière de stabilisation du climat.

5.5.2.

Plus de 1 000 collectivités locales et régionales de 86 pays, représentant 804 millions d’habitants, ont inscrit leurs objectifs de réduction des émissions dans le registre climatique Carbonn (carbonn Climate Registry), lesquels pourraient se traduire, une fois atteints, par une réduction de 5,6 gigatonnes d’équivalent CO2 (GtCO2e) d’ici 2020 et de 26,8 GtCO2e d’ici 2050, par rapport aux niveaux de 1990. Les 7 494 villes et collectivités locales, représentant plus de 680 millions de personnes, engagées dans la Convention mondiale des maires pour le climat et l’énergie, pourraient collectivement réduire les émissions de 1,3 GtCO2e par an par rapport au statu quo en 2030, soit un total cumulé de 15,64 GtCO2e entre 2010 et 2030 (14).

5.5.3.

Au cours des dernières années, l’agriculture à soutien collectif a gagné du terrain en Europe. En 2016, plus de 6 000 initiatives de la société civile au sens large dans 22 pays européens produisaient des denrées alimentaires pour 1 million de personnes (15). Ces initiatives vont de partenariats entre consommateurs et agriculteurs à la création de jardins et de fermes communautaires. Elles tissent des liens plus étroits entre les producteurs et les consommateurs, créent des débouchés pour les entreprises locales et des possibilités de création d’emplois, et rétablissent le lien entre la population et son alimentation, modifiant ainsi les mécanismes de production et de consommation alimentaires et permettant aux citoyens d’adopter des formes de gouvernance plus participatives.

5.5.4.

La transition juste est un concept de nature à unir les travailleurs, les communautés locales, les employeurs et les gouvernements dans le cadre d’un dialogue social visant à mettre en place les projets concrets, les politiques et les investissements nécessaires pour garantir une transition rapide et équitable. Elle est axée sur l’emploi et les moyens de subsistance, et vise à faire en sorte que nul ne soit laissé pour compte dans le cadre de nos efforts pour réduire les émissions, protéger le climat et promouvoir la justice sociale et économique. Afin de garantir et de consolider le dialogue social pour une transition juste, la Confédération syndicale internationale et ses partenaires ont créé un Centre pour une transition juste. Le centre rassemblera et soutiendra des syndicats, des entreprises, des sociétés et des communautés locales dans le cadre d’un dialogue social destiné à développer des plans, des accords, des investissements et des politiques en faveur d’une transition rapide et juste vers un monde «zéro carbone et zéro pauvreté».

5.5.5.

La mise en œuvre des pratiques d’économie d’énergie et d’eau et en matière d’émissions s’inscrit dans des programmes volontaires et des initiatives de réduction de la consommation réalisés par l’industrie. Ces diverses réalisations font l’objet d’audits et l’on assure souvent leur publicité. Ce type de bonnes pratiques permet également de réaliser des comparaisons entre les performances des différentes entreprises et des différents pays.

5.6.

Afin d’analyser la grande diversité entre les acteurs non étatiques, leurs différentes attentes et ressources, le CESE a mené une enquête (16) qui a révélé que, parmi les besoins les plus pressants, les acteurs non étatiques citent:

cadre d’action/environnement législatif favorable,

besoins financiers: accès à des fonds publics et à des incitations fiscales,

assistance technique: pour faciliter l’apprentissage mutuel, le renforcement des capacités, l’échange de connaissances et de bonnes pratiques et accroître la sensibilisation,

crédibilité, visibilité, compréhension et reconnaissance accrues de leurs contributions,

meilleure collaboration entre les différents acteurs dans les sphères privée et publique.

6.   Fonctions du dialogue européen proposé sur les mesures de lutte contre le changement climatique prises par les acteurs non étatiques

6.1.

Afin de créer un environnement propice à l’action climatique non étatique, ainsi que de renforcer et d’accroître la portée et l’ampleur des actions basées en Europe, un dialogue européen devrait être en mesure de répondre aux besoins politiques et opérationnels des acteurs non étatiques, et devrait si possible remplir les fonctions interdépendantes suivantes: 1) évaluer et 2) reconnaître les actions, 3) renforcer la gouvernance, 4) accélérer et 5) soutenir les actions (ERRAS).

6.2.

Évaluer et suivre les actions: l’Union européenne et ses États membres bénéficient d’une meilleure compréhension des contributions des actions climatiques non étatiques. Le dialogue proposé peut fournir une vue d’ensemble des actions climatiques en Europe et aider également à suivre l’état d’avancement des actions menées au niveau mondial dans le cadre de la CCNUCC.

Une meilleure connaissance des efforts en matière d’atténuation et d’autres contributions est utile à maints égards:

elle peut constituer une première étape vers une prise en compte des actions réalisées par des acteurs non étatiques dans le cadre de la mise en œuvre des politiques nationales et de l’Union européenne en matière de climat,

des études approfondies sur certaines actions climatiques particulières pourraient aider à élaborer des politiques publiques et à mettre en évidence les obstacles réglementaires, les solutions applicables à une plus grande échelle et les conditions nécessaires pour que certaines mesures soient efficaces,

elle pourrait générer des connaissances pratiques susceptibles d’aider les acteurs non étatiques à s’engager efficacement dans la lutte contre le changement climatique.

6.2.1.

Le cadre proposé devrait permettre de suivre les progrès de quelques-unes au moins des initiatives entreprises par des acteurs non étatiques et infranationaux, en particulier lorsque ceux-ci s’engagent à réduire les émissions de manière quantifiable. Il pourrait prendre la forme d’évaluations agrégées des actions climatiques menées au niveau européen, ainsi que de mécanismes volontaires d’établissement de rapports. Il convient d’envisager des mesures pour se prémunir de «l’écoblanchiment» (consistant à présenter le statu quo comme une attitude appropriée et compatible avec les objectifs de l’accord de Paris). Toutefois, il devrait à tout le moins apporter la démonstration que les initiatives sont plus que des engagements sur papier, sans leur imposer de lourdes obligations en matière de déclaration et de contrôle. Dans le cadre des pratiques de suivi et d’évaluation, une démarche plus qualitative fondée sur le récit de cas vécus pourrait éventuellement compléter l’approche quantitative afin de montrer ce qu’il est possible de réaliser.

6.3.

Actuellement, la reconnaissance dont bénéficie la plus grande partie des actions de lutte contre le changement climatique en Europe est réduite, voire nulle. La possibilité de reconnaître et de mettre en évidence des actions particulièrement efficaces, innovantes et créatives en matière de climat peut constituer un moyen d’un bon rapport coût-efficacité pour stimuler de nouvelles actions et encourager celles en cours. La reconnaissance des actions climatiques peut prendre plusieurs formes, notamment:

une large reconnaissance des engagements nouveaux et existants par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne,

l’ouverture de possibilités pour les nouveaux acteurs du climat d’effectuer des présentations lors de manifestations (de haut niveau), tant au niveau européen que dans le cadre de négociations internationales,

l’octroi de prix, en particulier à des actions particulièrement abouties dans le domaine du climat, par exemple dans certains domaines thématiques spécifiques.

6.4.

Améliorer et renforcer la gouvernance: les pionniers parmi les groupes d’acteurs non étatiques sont susceptibles de détecter les obstacles et les possibilités qui se présentent s’agissant d’améliorer la gouvernance. Leurs points de vue pourront aider à recenser les obstacles réglementaires aux échelons européen, national, régional ou local, à entreprendre leur suppression, ainsi qu’à mettre en place un nouveau cadre réglementaire propice à la lutte contre le changement climatique. Un dialogue européen sur les mesures de lutte contre le changement climatique prises par les acteurs non étatiques devrait avoir pour tâche de recueillir en permanence des informations en retour et de s’attaquer aux problèmes rencontrés avec les pouvoirs publics, afin de faire émerger progressivement un environnement de gouvernance favorable aux actions climatiques émanant du terrain. Cela ne pourra se faire sans combler le vide politique entre les acteurs non étatiques et les décideurs.

6.5.

Accélérer l’action pour le climat: l’objectif ultime du dialogue proposé est d’accélérer les actions pour le climat en les rendant attrayantes pour un large éventail d’acteurs non étatiques et en faire la nouvelle norme. Dans la pratique, ce volet devrait être constitué des éléments suivants:

un nombre croissant de nouveaux engagements climatiques non étatiques. Afin de permettre d’accélérer les initiatives, le dialogue devrait faire connaître les nouveaux engagements, si possible en collaboration avec la CCNUCC et d’autres partenaires,

une prise en compte rapide des solutions et des enseignements tirés des actions non étatiques pour le climat au niveau européen. Pour contribuer à cette accélération, le dialogue pourrait prévoir des réunions d’experts techniques régionales, sur le modèle des réunions de ce type tenues dans le cadre de la CCNUCC, qu’elles pourraient à leur tour alimenter,

à l’occasion, les partenaires organisateurs pourraient également négocier de nouveaux partenariats et des actions climatiques dans des domaines particulièrement prometteurs ou urgents, en tirant parti de leur propre capacité de mobilisation et de celle du processus de dialogue,

si une démarche adéquate n’est pas définie et adoptée pour promouvoir la coopération, il n’est pas exclu que des initiatives sectorielles ou territoriales puissent se trouver en concurrence entre elles. Une vue d’ensemble est nécessaire afin de recenser les lacunes et les possibilités de collaborations, ainsi que de mettre en place de nouveaux partenariats.

6.6.

Soutenir les actions en faveur du climat: le dialogue proposé devrait non seulement mettre en lumière et en exergue des actions, mais aussi répondre aux besoins des acteurs non étatiques. Différents types de soutien peuvent être envisagés, notamment:

mettre en place un environnement de réseau propice à la conclusion de nouveaux partenariats entre les acteurs étatiques et non étatiques,

faciliter l’apprentissage entre pairs et le partage de conseils entre acteurs non étatiques en les aidant à surmonter les obstacles réglementaires,

proposer une offre d’éducation et d’apprentissage et stimuler l’innovation, par exemple grâce à des cours en ligne ouverts et massifs (MOOC), des webinaires et des ateliers sur des questions spécifiques (17),

faciliter l’accès aux financements, par exemple, en cartographiant les canaux existants; explorer des instruments de financement novateurs (notamment le financement entre pairs, le financement participatif et le microfinancement); proposer une simplification des règles fiscales; créer de nouvelles possibilités de financement, par exemple pour faciliter l’accès à des fonds privés, internationaux et multilatéraux.

7.   Mise en œuvre du dialogue européen proposé sur les mesures de lutte contre le changement climatique prises par les acteurs non étatiques

7.1.

Le dialogue européen proposé s’inscrit dans un écosystème plus vaste de gouvernance des suites de l’accord de Paris. D’autres programmes et cadres d’action régionaux et nationaux voient le jour (par exemple en Amérique latine et aux États-Unis). Un dialogue européen pourrait bénéficier d’une collaboration avec ceux-ci, et tirer des enseignements de leur action.

7.2.

L’organisation de ce dialogue devrait être «légère», en privilégiant l’articulation stratégique des programmes, initiatives et institutions en place, plutôt qu’en créant de nouvelles structures. Le CESE entend jouer clairement un rôle dans le lancement du dialogue et sollicite un appui et un partenariat auprès de la Commission européenne ainsi que d’autres institutions de l’Union européenne. Ce dispositif institutionnel devrait lui apporter de la crédibilité pour aborder les questions liées à l’action pour le climat au niveau européen. Dans ce contexte, le CESE soutient la proposition formulée par le Parlement européen de créer une «plateforme de dialogue multiniveaux sur le climat et l’énergie», pour tenir de larges débats dans chacun des États membres sur l’avenir de leurs politiques respectives en matière de climat et d’énergie.

7.3.

Une plateforme en ligne sous la bannière du dialogue européen pourrait servir de lieu d’échange, permettant de dresser et de fournir une vue d’ensemble des actions de lutte contre le changement climatique en Europe, et pourrait ainsi constituer un répertoire complet des données susceptibles de soutenir l’analyse stratégique et d’alimenter les politiques locales, nationales et européennes. Pour optimiser l’utilisation de ce lieu d’échange, le site internet doit être accessible et permettre les recherches. Ce site pourrait être connecté aux plateformes en place dans le contexte de la CCNUCC, notamment la plateforme NAZCA (18).

7.4.

Le dialogue européen proposé devrait prendre l’initiative de manifestations visant à favoriser la reconnaissance des actions, les retours d’information, les apprentissages et la mise en réseau à l’intention des acteurs non étatiques. Une partie de ces actions existent déjà, mais leur stature serait rehaussée. Par exemple:

les réunions d’experts que tient actuellement l’observatoire du développement durable du CESE pourraient encore gagner en pertinence en étant associées au processus de la CCNUCC en tant que «réunions d’experts techniques» ou comme dialogues thématiques et régionaux destinés à faire le point sur les actions climatiques existantes,

la Journée européenne des communautés durables, organisée par Écolise en coopération avec le CESE, pourrait attirer l’attention sur les communautés locales et reconnaître leur contribution à la lutte contre le changement climatique,

certaines manifestations annuelles soutenues par les institutions de l’Union européenne (par exemple, la Semaine verte, la Semaine européenne de l’énergie durable, la Semaine européenne du développement durable, etc.) pourraient consacrer une partie de leur programme à l’action non étatique pour le climat.

7.5.

Le dialogue proposé pourrait bénéficier de la nomination d’«ambassadeurs pour l’action climatique» pour certains secteurs ou certains thèmes. Ces ambassadeurs pourraient être chargés de promouvoir la coopération entre de multiples parties prenantes, d’établir des priorités stratégiques/thématiques, d’organiser des manifestations et de susciter de nouvelles actions en faveur du climat. Ils pourraient également servir de points de contact pour les actions climatiques non étatiques, par exemple vis-à-vis de la Commission européenne, des États membres et de la CCNUCC.

7.6.

Le processus proposé devrait favoriser l’accès au financement pour les actions non étatiques en faveur du climat. Il pourrait notamment s’agir:

de recenser les possibilités de financement,

de donner des conseils sur les projets susceptibles d’être financés,

d’analyser les procédures actuelles de dialogue et de consultation avec les acteurs non étatiques, en vue de mettre en place de nouvelles techniques et de bonnes pratiques visant à accroître le recours aux fonds existants aux niveaux européen et international,

de plaider pour que le prochain cadre financier pluriannuel de l’Union européenne serve les ambitions plus hautes en matière de climat et encourage les acteurs non étatiques à mener des actions,

d’explorer les possibilités de financements innovants (entre pairs, financement participatif, microfinancement, obligations vertes, etc.).

7.7.

Pour assurer la crédibilité et un cadre institutionnel léger, les contributeurs potentiels suivants devraient être invités en tant que partenaires organisationnels:

pour soutenir la fonction «évaluation», les initiateurs du dialogue devraient nouer des collaborations avec les groupes de recherche existants, les initiatives de suivi de l’action climatique et les plateformes de données,

pour appuyer la fonction de «reconnaissance», une coopération devrait être envisagée avec des initiatives existantes, par exemple les prix «Élan pour le changement» de la CCNUCC et les prix SEED (19), le prix de la société civile du CESE, etc.,

afin de soutenir les fonctions liées au «renforcement de la gouvernance», et à l’«accélération» des actions, des canaux de communication devraient être mis en place, par exemple au moyen de dialogues de facilitation et de processus d’expertise technique dans le cadre de la CCNUCC, ainsi qu’avec les dispositifs pertinents au niveau de l’Union européenne et des États membres, tels que les conseils consultatifs européens sur l’environnement et le développement durable (EEAC),

pour la fonction de «soutien», il conviendrait de nouer des liens avec les programmes existants. Par exemple, l’accès au financement et les meilleures pratiques pourraient être coordonnés avec le programme LIFE de l’Union européenne, un instrument de financement pour l’action environnementale et climatique, les aides ou prêts de la BEI et/ou d’autres programmes européens, tandis que la compilation des résultats des recherches dans le cadre d’Horizon 2020 pertinents pour les acteurs non étatiques pourrait être largement diffusée parmi les participants au dialogue.

7.8.

La première initiative du dialogue européen de l’action non étatique pour le climat devrait être une manifestation au cours du premier semestre de 2018, lancée par le CESE en partenariat avec la Commission européenne et réunissant tous les réseaux d’acteurs intéressés, ainsi que des représentants des autres institutions de l’Union européenne et des États membres.

7.8.1.

Dans la perspective de la COP 24, cette manifestation devrait contribuer au dialogue talanoa dans le cadre duquel les parties et les entités non parties sont invitées à coopérer pour organiser des manifestations locales, nationales, régionales ou mondiales, en vue de préparer et de diffuser des contributions pertinentes sur les questions du point auquel nous sommes parvenus, de l’objectif que nous voulons atteindre et de la manière d’y parvenir.

7.8.2.

La manifestation devrait également servir à établir pour la période 2018-2020 un plan d’action pour le DE-ANEC permettant de le rendre opérationnel, notamment un plan détaillé pour la mise en œuvre des fonctions ERRAS assurées par le dialogue.

Bruxelles, le 15 février 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Annuaire 2017 de l’action mondiale pour le climat (Yearbook of Global Climate Action 2017), partenariat de Marrakech, CCNUCC 2017.

(2)  Talanoa est un terme utilisé dans les Fidji et le Pacifique pour désigner un processus de dialogue sans exclusive, participatif et transparent. L’objectif du talanoa est de partager des histoires, de susciter de l’empathie et de rendre des décisions sages au bénéfice du bien commun. Le dialogue talanoa commencera en 2018 et visera à dresser le bilan des efforts collectifs des parties dans le cadre des progrès réalisés sur la voie de l’objectif à long terme visé à l’article 4 de l’accord de Paris. La plateforme en ligne permettra d’apporter des contributions en ce sens.

(3)  The Emissions Gap Report 2017: A UN Environment Synthesis Report (Rapport annuel 2017 sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions: rapport de synthèse sur l’environnement des Nations unies), PNUE, 2017.

(4)  Conclusions du Conseil sur la diplomatie climatique européenne après la COP 21: éléments en vue de la poursuite de la diplomatie en matière de climat en 2016.

(5)  Towards European Societal Sustainability (Vers la durabilité de la société européenne), http://www.tess-transition.eu/about/.

(6)  Par exemple, en supprimant les obstacles réglementaires et/ou en élaborant des politiques climatiques intelligentes.

(7)  Annuaire 2017 de l’action mondiale pour le climat (Yearbook of Global Climate Action 2017), partenariat de Marrakech, CCNUCC 2017.

(8)  JO C 389 du 21.10.2016, p. 20.

(9)  Des exemples remarquables en sont notamment: la Convention mondiale des maires pour le climat et l’énergie; la Convention régionale des maires, la Mission Innovation; la Coalition climat et air pur, l’Initiative de l’Afrique pour les énergies renouvelables, InsuResilience et le partenariat CDN.

(10)  Annuaire 2017 de l’action mondiale pour le climat (Yearbook of Global Climate Action 2017), partenariat de Marrakech, CCNUCC 2017.

(11)  Alors qu’elles représentent plus de 99 % de toutes les entreprises de l’Union européenne, et environ 58 % des résultats économiques mesurés par la valeur ajoutée brute (https://ec.europa.eu/growth/smes_fr).

(12)  Dans l’Union européenne, environ 35 % de la population vit dans des zones urbaines-rurales intermédiaires et plus de 22 % dans des zones essentiellement rurales. Annuaire régional d’Eurostat 2014. Disponible à l’adresse http://ec.europa.eu/eurostat/web/products-statistical-books/-/KS-GT-14-001 (lien consulté le 16 janvier 2018).

(13)  Avis du CESE sur le «Développement du système de gouvernance proposé au titre du cadre pour le climat et l’énergie à l’horizon 2030» (JO C 291 du 4.9.2015, p. 8).

(14)  https://www.cities-and-regions.org/lgma-at-the-apa-resumption/.

(15)  https://urgenci.net/new-report-european-csa-overview-released-by-the-european-csa-research-group/.

(16)  Étude du CESE «Boosting non-state climate actors» («Stimuler les acteurs non étatiques pour le climat»).

(17)  Par exemple sur des questions telles que: «Comment élaborer un plan d’action?»; «Comment rassembler des soutiens?»; «Comment motiver les collectivités à passer à l’action?», etc.

(18)  http://climateaction.unfccc.int/.

(19)  Prix de l’esprit d’entreprise dans le développement durable.


III Actes préparatoires

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

532e session plénière du CESE, 14.2.2018-15.2.2018

28.6.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 227/45


Avis du Comité économique et social européen sur

la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Faire des marchés publics un outil efficace au service de l’Europe»

[COM(2017) 572 final]

la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Encourager les investissements par l’évaluation ex ante volontaire des aspects relatifs à la passation de marchés pour les grands projets d’infrastructure»

[COM(2017) 573 final]

et la «Recommandation de la Commission du 3 octobre 2017 sur la professionnalisation de la passation des marchés publics — Concevoir une architecture pour la professionnalisation de la passation des marchés publics»

[C(2017) 6654 final — SWD(2017) 327 final]

(2018/C 227/06)

Rapporteur:

Antonello PEZZINI

Consultation

Commission européenne, 17.11.2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

24.1.2018

Adoption en session plénière

14.2.2018

Session plénière no

532

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

107/1/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) est convaincu que seul un système transparent, ouvert et concurrentiel de marchés publics au sein du marché unique pourrait non seulement garantir l’efficacité des dépenses publiques, mais aussi fournir des biens et services de qualité aux citoyens, en développant une véritable culture européenne des marchés publics innovants intelligents, durables et socialement responsables.

1.1.1.

À cet égard, le CESE recommande de promouvoir l’utilisation de l’«offre économiquement la plus avantageuse», en tant que critère de sélection des offres, en particulier dans le cas des services intellectuels.

1.2.

Le Comité accueille favorablement le nouveau train de mesures sur les marchés publics et souligne la nécessité:

de promouvoir la qualité et l’innovation dans la passation des marchés publics,

d’intégrer les aspects environnementaux et sociaux,

de rendre les marchés publics plus intelligents et plus efficaces.

1.3.

Le Comité souligne l’importance d’une utilisation intelligente des marchés publics afin de relever les défis planétaires que sont notamment le changement climatique, la raréfaction des ressources, les inégalités ou le vieillissement de la société, en soutenant les politiques sociales, en accélérant la transition vers des chaînes d’approvisionnement et des modèles commerciaux plus durables et plus compétitifs et en facilitant l’accès des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de l’économie sociale.

1.3.1.

Le CESE estime important de développer une ouverture accrue des États membres envers les mécanismes volontaires d’évaluation préalable pour les grands projets d’infrastructure.

1.3.2.

Le Comité souligne la nécessité de rendre attractif le recours volontaire au nouveau mécanisme d’évaluation ex ante, par la reconnaissance au pouvoir adjudicateur d’un label d’attestation de conformité. Le CESE est favorable à une plus grande professionnalisation de toutes les parties concernées et à une participation accrue des entreprises sociales, en vue de lutter contre la fraude et la corruption en renforçant la transformation numérique des marchés.

1.4.

Le Comité salue en particulier les efforts visant à améliorer l’accès des PME et des entreprises de l’économie sociale aux marchés publics et souligne qu’il existe encore de nombreux obstacles à leur pleine participation, en recommandant des interventions d’organismes de commerce et/ou professionnels en tant que mesures de défense et de soutien.

1.4.1.

Les aspects sociaux et environnementaux ont acquis une dimension cruciale dans la qualification des offres lors des marchés publics; le CESE insiste sur la valeur et l’utilité de ces aspects et recommande l’inclusion de contenus spécifiques en matière sociale et environnementale dans tous les programmes de formation nationaux et de l’Union européenne.

1.4.2.

Il conviendrait de lancer une campagne pour encourager l’utilisation, dans les cahiers des charges, des normes techniques et réglementaires que sont ISO 14000 en matière d’environnement, ISO 26000, SA 8000:2014 et les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) pertinentes en matière sociale (1) et, en matière de qualité de la gestion et de la production, UNI 11648:2016 sur les gestionnaires de projets et ISO 9000, ou encore d’exigences techniques analogues en matière de qualité imposées par les législations nationales, en aidant les entreprises de petite taille à s’y conformer, par l’intermédiaire du Fonds social européen.

1.5.

Il est essentiel selon le Comité de mettre en œuvre avec détermination une forte professionnalisation des pouvoirs adjudicateurs, en reconnaissant clairement les nouvelles qualifications acquises et en les dotant d’un cadre commun européen de compétences techniques et informatiques qui permette une approche commune dans l’ensemble du marché intérieur européen.

1.6.

Le CESE estime qu’il eût été préférable qu’en lieu et place d’une recommandation, la Commission adopte une directive, afin d’assurer un cadre efficace et cohérent pour la professionnalisation des marchés publics.

1.7.

Le Comité estime par ailleurs qu’il y a lieu de mettre en place un registre public numérique des marchés, afin à la fois d’élargir le réservoir potentiel d’entreprises intéressées et de mieux évaluer l’efficacité et l’intégrité du processus de passation de marchés.

1.8.

Pour le Comité, il est crucial de développer une action résolue à l’échelon européen afin de favoriser l’accès aux marchés publics des pays tiers sur la base de la réciprocité, y compris des pays en voie d’adhésion et des pays relevant de la politique européenne de voisinage, sur un pied d’égalité avec les entreprises nationales.

1.9.

Selon le CESE, les recommandations de la Commission européenne (CE) adressées aux États membres devraient s’accompagner d’une forte impulsion dans le domaine de la formation, portant sur les possibilités d’accès aux programmes et aux Fonds structurels et à des normes techniques et réglementaires en matière de numérisation, grâce à l’adoption au niveau européen d’un code d’éthique des marchés.

1.10.

Le CESE recommande d’encourager l’inclusion et l’utilisation de mesures à caractère social, en tant qu’instruments stratégiques pour encourager des politiques avancées dans ce domaine.

1.11.

Le CESE recommande également que soit étudiée la possibilité d’adopter un régime réglementaire commun, en tant que 28e régime, pour les marchés publics transnationaux, auquel pourraient adhérer volontairement les pouvoirs adjudicateurs et qui garantirait l’application de procédures identiques dans l’ensemble de l’Espace économique européen.

2.   Contexte et état de la situation

2.1.

Les marchés publics offrent un énorme marché potentiel pour des produits et des services innovants, à condition d’être utilisés de façon stratégique pour stimuler l’économie et débloquer les investissements — notamment au moyen du plan d’investissement pour l’Europe —, améliorer la productivité et l’inclusion et répondre aux changements structurels et d’infrastructures nécessaires pour stimuler l’innovation et la croissance.

2.2.

Une partie importante des achats et des investissements publics réalisés dans l’économie européenne le sont par voie de marchés publics: chaque année, les pouvoirs publics dans l’Union européenne dépensent environ 19 % du produit intérieur brut (PIB) communautaire à l’achat de services, de travaux et de fournitures.

2.2.1.

Malheureusement, 55 % des procédures de passation de marché s’effectuent sur la base du prix le plus bas en tant que critère d’attribution, ce qui veut dire l’on ne prête pas une attention particulière à la qualité, à la durabilité, à l’innovation ni à l’inclusion sociale.

2.3.

Neuf projets d’infrastructures à grande échelle sur dix ne sont pas réalisés conformément à la planification correspondant aux phases d’exécution contractuelle du projet, aux montants inscrits au budget ni au calendrier de programmation, les surcoûts atteignant souvent jusqu’à 50 % (2).

2.4.

Le cadre réglementaire dans le domaine des marchés publics présente traditionnellement une physionomie plutôt détaillée et complexe à laquelle s’ajoute une extrême fragmentation de la structure institutionnelle, dès lors que ce cadre est géré par une pluralité d’acteurs aux niveaux central, régional et sectoriel, dotés de missions et de fonctions qui ne sont pas toujours clairement identifiées.

2.5.

Dans le domaine des infrastructures, la gestion des procédures d’achat et d’investissement exige des administrations publiques, quel que soit leur niveau, des compétences particulièrement développées alors qu’elles souffrent de carences critiques, telles que: capacités inégales de planifier et de déterminer à un stade précoce les instruments et moyens appropriés; faible professionnalisation des pouvoirs adjudicateurs; multiplicité des administrations publiques en ce qui concerne les chapitres de dépenses gérés; absence de collectes structurées d’informations d’appui, ces dernières étant gérées dans des bases de données hétérogènes par des acteurs distincts, le tout sans un niveau suffisant de qualité et de fiabilité.

2.6.

Cette complexité n’a pas été pleinement résolue par le paquet «marchés publics» de 2014.

2.7.

Dans l’Union, le recours aux outils numériques pour soutenir la gestion des marchés publics ne progresse que lentement: seuls quatre pays ont avancé dans cette voie, en 2016 (3). Cette situation illustre la nécessité d’un recours accru aux nouvelles technologies pour simplifier et accélérer les procédures de passation de marchés.

3.   Les propositions de la Commission

3.1.

Le train de mesures à l’examen prévoit quatre domaines principaux:

3.1.1.

définition de domaines prioritaires à améliorer — pour élaborer une approche stratégique en matière de marchés publics s’articulant autour de six priorités;

3.1.2.

évaluation ex ante volontaire des grands projets d’infrastructure pour laquelle un service d’assistance sera mis en place — assorti de mécanismes de notification et d’échange d’informations — afin d’apporter une aide lors des phases précoces de projets dont la valeur est estimée à plus de 250 millions d’EUR et lorsque des projets revêtent une haute importance pour un État membre et dépassent 500 millions d’EUR;

3.1.3.

recommandation sur la professionnalisation des administrations et des acheteurs publics afin de s’assurer qu’ils possèdent les compétences professionnelles, les connaissances techniques et la compréhension des procédures nécessaires pour se conformer aux règles et garantir une qualité élevée sur le plan de l’innovation et de la durabilité, ainsi que le meilleur rapport coût/bénéfice possible pour les investissements, sous l’angle également de la responsabilité sociale;

3.1.4.

orientations en vue d’une innovation accrue grâce aux marchés de biens et de services.

4.   Observations générales

4.1.

Le Comité accueille très favorablement le nouveau train de mesures en matière de marchés publics et souligne ce qu’il a déjà exprimé en son temps sur la nécessité de promouvoir la qualité et l’innovation en matière de marchés publics, de réduire les charges administratives inutiles, d’inclure les aspects environnementaux et sociaux (en faveur de la protection de l’emploi et des conditions de travail ainsi que des personnes handicapées et d’autres catégories défavorisées), de promouvoir, à côté de l’utilisation de l’offre la plus avantageuse économiquement, la possibilité pour les services intellectuels d’une offre unique, jugée plus avantageuse même si elle n’est pas la moins chère.

4.2.

Le recours à des critères environnementaux et sociaux permettrait de rendre les marchés publics plus intelligents et plus performants, de garantir une plus grande professionnalisation, une participation accrue des PME, y compris des entreprises de l’économie sociale, de lutter contre le favoritisme, la fraude et la corruption et de promouvoir des marchés publics européens à caractère transfrontière (4).

4.3.

Le Comité souligne en particulier l’importance d’une utilisation intelligente des marchés publics afin de dûment relever les défis planétaires que sont notamment le changement climatique, la raréfaction des ressources ou le vieillissement de la société, en soutenant les politiques sociales, en accélérant la transition vers des chaînes d’approvisionnement et des modèles commerciaux plus durables et plus compétitifs, et en offrant aux PME un meilleur accès aux possibilités de marchés publics.

4.4.

Le CESE juge important de voir se développer, sur une base volontaire, une ouverture sans cesse croissante des États membres afin de:

garantir une diffusion plus large des marchés stratégiques au moyen de mécanismes volontaires d’évaluation ex ante pour les grands projets d’infrastructure,

développer l’échange régulier des bonnes pratiques dans le domaine de la passation des marchés stratégiques, et

promouvoir des formules actualisées pour les marchés publics «verts», sociaux et d’innovation.

4.5.

Il est essentiel selon le Comité de mettre en œuvre avec détermination une forte professionnalisation des pouvoirs adjudicateurs — les exigences minimales obligatoires faisant l’objet d’une certification — en les dotant d’un cadre européen commun de compétences techniques et informatiques qui permette une approche commune dans l’ensemble du marché intérieur européen sur la base d’un centre unique de compétences et d’une banque de données interactive.

4.5.1.

Eu égard à l’importance cruciale acquise par les aspects sociaux et environnementaux dans les marchés publics, et la valeur, ainsi que les garanties, que la conformité à ces aspects peut représenter pour la réalisation des objectifs d’inclusion sociale et de durabilité sociale et environnementale, le CESE propose et recommande que tous les programmes de formation organisés en vue d’une plus grande professionnalisation du personnel impliqué dans les marchés publics incluent des contenus spécifiques sur la législation en matière sociale et environnementale et, en particulier, sur les aspects sociaux et environnementaux prévus par la législation sur les marchés publics.

4.5.2.

L’inclusion de ces aspects répond aux nouveaux défis visant à utiliser pleinement la possibilité d’apporter une contribution stratégique aux objectifs de politique horizontale et à des valeurs sociales telles que l’innovation, l’inclusion sociale et la durabilité économique et environnementale.

4.5.3.

Il convient donc, selon le CESE, de garantir la stricte conformité à ces mesures, lorsqu’elles sont contraignantes, et de favoriser leur plus large utilisation lorsqu’il s’agit de mesures que les pouvoirs adjudicateurs peuvent appliquer sur une base volontaire. Le CESE demande instamment qu’une campagne soit menée afin de recourir dans les cahiers des charges des nouvelles générations de marchés publics aux normes techniques et réglementaires que sont ISO 14000 en matière d’environnement, ISO 26000, SA 8000:2014, les huit conventions fondamentales de l’OIT, la convention no 155 de l’OIT (hygiène et sécurité sur les lieux de travail) et les conventions no 131, 1 et 102 de l’OIT en matière sociale; ainsi que, dans le domaine de la gestion et de la production, la norme UNI 11648:2016 sur les gestionnaires de projets et les normes ISO 9000 en matière de qualité de la production. Pour la mise en œuvre de ces normes et des cahiers des charges des nouvelles générations de marchés publics, un fort soutien doit être apporté aux PME et aux entreprises de l’économie sociale pour éviter leur exclusion et diminuer leurs coûts.

4.5.4.

L’intégration de critères novateurs requiert, en particulier dans les grands projets d’infrastructure, une vision stratégique commune pour que les achats s’effectuent sur la base de critères qualitatifs de coût/efficacité, et que dans les cas de marchés privilégiant les offres économiquement les plus avantageuses, ils s’effectuent selon une approche susceptible d’intégrer des critères sociaux et environnementaux ainsi que d’autres critères relatifs notamment à l’économie circulaire.

4.5.5.

De même, compte tenu de la sous-utilisation par les États membres des possibilités qu’offrent les marchés publics d’adopter des critères et des mesures sociales en tant qu’instruments stratégiques pour promouvoir des objectifs durables de politique sociale, il est proposé et recommandé de résolument développer l’intégration et l’utilisation dans les marchés publics de ces critères et mesures à caractère social soutenus par la législation de l’Union européenne.

4.5.6.

Le Comité salue en particulier les efforts visant à améliorer l’accès des PME et des entreprises de l’économie sociale aux marchés publics et souligne qu’il existe encore de nombreux obstacles à leur participation.

4.5.7.

Selon le CESE, il convient de mettre davantage l’accent sur la suppression de ces obstacles, notamment en renforçant le système de recours. À cet égard, il est utile et nécessaire d’encourager et de légitimer des organismes de commerce et/ou professionnels chargés de résoudre les litiges de manière collective dans le cas des petites entreprises.

4.5.8.

Il serait opportun de mettre en place un registre public numérique des marchés, afin notamment d’élargir le réservoir potentiel d’entreprises intéressées et de mieux évaluer l’efficacité et l’intégrité du processus de passation de marchés.

4.5.9.

Il importerait également de lancer des projets pilotes visant à encourager la participation des PME par le biais d’intermédiaires commerciaux et de courtiers en innovation, ainsi que la mise en œuvre à l’échelle européenne de projets pilotes de formation pour la professionnalisation des PME européennes, afin de renforcer les connaissances linguistiques et procédurales des petites entreprises dans les centrales d’achat.

4.6.

Le CESE soutient fermement la promotion de marchés publics transfrontières communs, en particulier pour les projets innovants et les réseaux d’infrastructures transnationaux, afin de favoriser la participation de petites entreprises au moyen d’intermédiaires commerciaux et de courtiers en innovation, en exigeant notamment des niveaux élevés de qualité pour la sous-traitance, à laquelle il ne faut cependant recourir qu’avec modération.

4.7.

Le Comité souligne l’importance d’une forte action européenne visant à favoriser l’accès aux marchés publics des pays tiers sur la base de la réciprocité, y compris dans les pays en voie d’adhésion et les pays relevant de la politique européenne de voisinage, sur un pied d’égalité avec les entreprises nationales, en intégrant notamment des clauses ad hoc dans les accords de libre-échange bilatéraux et multilatéraux.

4.8.

Le CESE est favorable à la mise en place d’un registre européen des marchés accessible au public et pleinement interopérable avec les registres nationaux, pour une transparence accrue s’agissant des marchés passés et de leurs modifications, en protégeant pleinement les données sensibles et les données personnelles. Ce processus devrait se faire par un passage au numérique et en introduisant d’ici 2018 l’obligation de passation des marchés en ligne.

4.9.

Le Comité réaffirme l’importance d’un dialogue structuré avec la société civile, sur la base de la disponibilité de données ouvertes et transparentes pour créer de meilleurs outils d’analyse en vue d’une élaboration des politiques qui corresponde aux besoins, ainsi que l’importance de systèmes d’alerte et de lutte contre la corruption, notamment grâce à une meilleure utilisation du financement de projets.

4.10.

Il convient de mettre en place un mécanisme convivial d’échange d’informations en tant qu’outil de gestion des connaissances à utiliser par les autorités nationales et par les pouvoirs adjudicateurs aux fins de l’échange de bonnes pratiques, de l’apprentissage mutuel par le partage des expériences et de la mise en place d’une plateforme européenne sur différents aspects liés aux projets.

4.10.1.

Il convient de renforcer considérablement la formation des membres des pouvoirs adjudicateurs.

5.   Le partenariat entre la Commission européenne, les autorités régionales et nationales et les entreprises: le mécanisme ex ante

5.1.

Le nouveau mécanisme ex ante proposé par la CE peut constituer, selon le Comité, un instrument utile à condition de rester souple et volontaire et de permettre l’utilisation séparée des trois volets qui le composent:

un service d’assistance,

un mécanisme de notification pour les projets d’infrastructure de plus de 500 millions d’EUR,

un mécanisme d’échange d’informations,

qui doivent pouvoir être utilisés facilement et de manière indépendante pour chaque projet et dans le plein respect des garanties de confidentialité.

5.2.

De l’avis du CESE, il importe que le formulaire type de notification reste simple et allégé et que la procédure électronique garantisse la confidentialité des informations sensibles.

5.3.

Le CESE estime que le système d’assistance devrait être structuré en un réseau de guichets décentralisés au niveau national/régional afin d’assurer une assistance de proximité, en s’appuyant sur des réseaux comme BC-Net et Solvit.

5.4.

Le mécanisme d’échange d’informations devrait alimenter une base de données interactive, conviviale, conçue en fonction des besoins des utilisateurs et placée sous la responsabilité d’un comité de pilotage et de contrôle composé de représentants des pouvoirs adjudicateurs et des entreprises des États membres.

5.5.

En ce qui concerne le mécanisme d’évaluation ex ante, le Comité souligne la nécessité de rendre son utilisation attrayante par l’octroi d’un label d’attestation de conformité après évaluation du dossier par la Commission européenne.

6.   Une architecture pour la professionnalisation de la passation des marchés publics

6.1.

Le Comité souscrit entièrement à la recommandation adressée par la CE aux États membres. Il estime toutefois qu’il eût été préférable qu’en lieu et place d’une simple recommandation à caractère non contraignant, la Commission adopte une directive, afin d’assurer un cadre efficace et cohérent pour la professionnalisation des marchés publics.

6.2.

Selon le Comité, cette recommandation pourrait trouver une suite appropriée à condition que les initiatives suivantes soient déployées:

6.2.1.

une initiative pilote de formation commune des compétences des différents acteurs publics et privés impliqués dans les processus d’appels d’offres, en commençant par les opérateurs transfrontières, notamment en vue de définir les aptitudes et compétences que tout professionnel des marchés publics devrait posséder;

6.2.2.

un mandat au CEN/Cenelec/ETSI pour des normes techniques et réglementaires de numérisation de marchés afin de garantir la transparence, l’accessibilité et une pleine interopérabilité;

6.2.3.

pour les PME et pour les entreprises de l’économie sociale, le lancement rapide de projets pilotes afin de stimuler leur participation grâce à des intermédiaires commerciaux et des courtiers en innovation;

6.2.4.

l’accès des acteurs du processus d’appels d’offres au programme Justice 2014-2020 pour le volet concernant la formation judiciaire, y compris des formations linguistiques sur la terminologie juridique, dans le but d’encourager une culture juridique et judiciaire commune en matière de marchés publics et une culture d’apprentissage mutuel;

6.2.5.

l’intégration dans les axes de la programmation des Fonds structurels, en particulier du Fonds social, d’actions de professionnalisation conjointe des acteurs des marchés publics au niveau national, régional et local;

6.2.6.

le lancement de 300 bourses d’étude européennes pour la participation à des cours pertinents dispensés par l’Institut européen d’administration publique de Maastricht et l’Académie de droit européen de Trèves;

6.2.7.

l’adoption d’un code d’éthique des marchés publics par les acteurs du processus de passation des marchés au niveau européen dans le cadre d’un dialogue avec la société civile, afin de garantir également le respect de normes exigeantes en matière sociale et environnementale.

6.3.

Le CESE appelle de ses vœux un régime réglementaire unique, additionnel, pour les grands marchés transeuropéens, que les pouvoirs adjudicateurs auraient le choix d’adopter en tant que 28e régime et qui serait assorti de conditions et de procédures identiques dans l’ensemble du marché unique.

Bruxelles, le 14 février 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Conventions fondamentales de l’OIT, convention no 155 de l’OIT (hygiène et sécurité sur les lieux de travail) et conventions no 131, 1 et 102 de l’OIT.

(2)  http://ec.europa.eu/smart-regulation/roadmaps/docs/2017_grow_046_ex_ante_voluntary_assesment_en.pdf

(3)  Voir COM(2017) 572 final, section 2.

(4)  JO C 191 du 29.6.2012, p. 84.


28.6.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 227/52


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des normes de performance en matière d’émissions pour les voitures particulières neuves et les véhicules utilitaires légers neufs dans le cadre de l’approche intégrée de l’Union visant à réduire les émissions de CO2 des véhicules légers et modifiant le règlement (CE) no 715/2007

[COM(2017) 676 final — 2017/0293 (COD)]

(2018/C 227/07)

Rapporteur:

Dirk BERGRATH

Consultation

Parlement européen, 5.2.2018

Conseil, 9.2.2018

Base juridique

Article 192, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

24.1.2018

Adoption en session plénière

14.2.2018

Session plénière no

532

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

124/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE approuve dans leur principe les propositions de la Commission dans la recherche d’un compromis équilibré entre les objectifs de mobilité sans incidence sur le climat, de capacité d’innovation de l’industrie automobile européenne et de préservation de la qualité de l’emploi.

1.2.

Le CESE juge notamment très ambitieux l’objectif intermédiaire de 15 % de réduction des émissions pour 2025 au lieu de 2021, étant donné que les modifications à apporter aux moteurs à combustion interne se situent aux limites de la technologie. Le CESE demande à la Commission un suivi permanent des réceptions de véhicules neufs afin d’éviter l’installation de composants automobiles non autorisés. La réalisation des objectifs de réduction d’ici à 2025 pour les véhicules utilitaires légers sera particulièrement difficile du fait que les cycles de production et de développement sont plus longs. Néanmoins, le CESE accueille favorablement l’évolution du marché vers des véhicules à émissions nulles et des véhicules à faible taux d’émissions ou hybrides.

1.3.

Le CESE se félicite de l’amélioration de la surveillance du marché exercée par la mesure et le suivi de la consommation réelle de carburant sur la base de l’obligation faite aux constructeurs d’intégrer du matériel standard dans les nouveaux véhicules.

1.4.

La transition structurelle vers des systèmes de propulsion alternatifs — de même que la numérisation, la conduite autonome et d’autres éléments — entraînera des changements considérables dans les chaînes de valeur automobiles. Le CESE se félicite de la position de la Commission visant à intégrer la chaîne de valeur pour les véhicules électriques en Europe («Alliance européenne pour les batteries»), mais demande une action plus ferme.

1.5.

Les risques en termes d’emploi et de création d’emplois dépendent de la vitesse de cette transition structurelle. Le CESE demande à la Commission de veiller à ce que cette transition structurelle s’accompagne de mesures de politique industrielle étant donné l’absence d’une évaluation globale d’impact social et économique. Le CESE rejette les licenciements collectifs.

1.6.

L’évaluation intermédiaire prévue pour 2024 devrait, de l’avis du CESE, examiner dans quelle mesure les objectifs en matière de climat, d’innovation et d’emploi ont été atteints. Cela dépendra essentiellement de l’évolution du marché des systèmes de propulsion alternatifs d’ici à 2024, du nombre de points de recharge installés et de la mesures dans laquelle les réseaux électriques auront été convertis et mis à niveau pour répondre à l’ampleur de l’augmentation de la demande en électricité.

1.7.

Le CESE demande une évaluation intermédiaire de l’état d’avancement des travaux en matière de qualification, de recyclage et de formation du personnel, ainsi qu’une analyse actualisée des domaines dans lesquels il convient d’agir (davantage) pour renforcer les compétences et les qualifications de la main-d’œuvre dans l’industrie automobile afin de faciliter la transition structurelle.

1.8.

Le CESE est d’avis que les astreintes, tant celles qui sont déjà en place que celles découlant du règlement issu de la refonte devraient être utilisées pour soutenir le secteur et ses travailleurs dans leur transition vers des produits à faible intensité de carbone. Des ressources financières supplémentaires devraient être libérées afin de garantir l’accès des travailleurs au marché du travail.

2.   Introduction

2.1.

En octobre 2014, les chefs d’État ou de gouvernement de l’Union européenne (1) se sont fixé l’objectif contraignant de réduire les émissions de l’ensemble de l’économie européenne, d’ici 2030, d’au moins 40 % par rapport aux niveaux de 1990. Cette visée se fonde sur des projections globales conformes à l’objectif à moyen terme de l’accord de Paris sur le changement climatique (COP 21) (2). De nombreux pays mettent actuellement en œuvre des mesures en faveur des transports à faibles émissions, notamment par des normes relatives aux véhicules, souvent liées à des mesures visant à améliorer la qualité de l’air.

2.2.

La stratégie européenne pour une mobilité à faible taux d’émissions publiée en juin 2016 (3) fixe l’objectif de ramener d’ici à 2050 les émissions de gaz à effet de serre provenant des transports à un niveau d’au moins 60 % inférieur à celui de 1990 et de tendre résolument vers un taux zéro. La stratégie précise clairement que l’utilisation de véhicules à faible taux d’émissions/à émissions nulles devrait augmenter d’ici à 2030 pour atteindre une part de marché significative et placer l’Union européenne résolument sur la voie à long terme d’une mobilité à émissions nulles.

2.3.

Dans un premier temps, la stratégie a fait partie d’un paquet législatif (4) présenté en mai 2017 et a été mise en œuvre avec la communication «Pour une Europe en mouvement — programme pour une transition socialement équitable vers une mobilité propre, compétitive et connectée pour tous» (5) également publiée en mai 2017.

2.3.1.

Cette communication vise à accroître la sécurité du trafic, à encourager une tarification routière plus juste, à diminuer les émissions de CO2, la pollution de l’air, la congestion des routes et à réduire les formalités administratives auxquelles sont soumises les entreprises, à lutter contre le travail illégal ainsi qu’à garantir aux travailleurs des conditions de travail et des périodes de repos appropriées.

2.3.2.

Dans cette communication, il est précisé que l’Union européenne entend proposer et fabriquer les meilleures solutions en termes de mobilité, de véhicules et d’équipements à faible taux d’émission, connectés et automatisés, et qu’elle souhaite disposer de l’infrastructure sous-jacente la plus moderne. Elle souligne en outre que l’Union européenne doit continuer de jouer un rôle de premier plan dans l’orientation de l’évolution de l’industrie automobile mondiale et s’appuyer sur les progrès déjà réalisés.

2.4.

La proposition de règlement à l’examen fait partie d’un paquet plus vaste sur la mobilité (6), qui comporte également des mesures axées sur la demande afin de soutenir les mesures axées sur l’offre contenues dans la proposition. La directive 2009/33/CE relative à la promotion de véhicules de transport routier propres et économes en énergie vise à promouvoir le marché des véhicules de transport routier propres et économes en énergie. La modification proposée (7) garantit que la directive englobe toutes les pratiques en vigueur en matière de marchés publics et envoie des signaux du marché clairs et à long terme; de même, elle simplifie l’application des dispositions de la directive et en garantit l’efficacité. En outre, elle vise à renforcer la contribution du secteur des transports à la réduction des émissions de CO2 et des émissions de polluants atmosphériques, ainsi que la compétitivité et la croissance du secteur.

3.   La proposition de règlement (8)

3.1.

La Commission entend, par cette proposition de règlement, atteindre les objectifs de l’accord de Paris sur le climat, réduire les frais de carburant pour le consommateur, renforcer la compétitivité de l’industrie automobile et créer des emplois supplémentaires. La voie à suivre pour parvenir à la décarbonation, notamment par le recours à des systèmes de propulsion alternatifs, est présentée comme irréversible.

3.2.

La Commission escompte de la proposition une réduction d’environ 170 millions de tonnes des émissions de CO2 au cours de la période 2020-2030, ce qui devrait entraîner une amélioration de la qualité de l’air. Ce projet permettra une augmentation du produit intérieur brut pouvant aller jusqu’à 6,8 milliards d’EUR d’ici à 2030; 70 000 emplois supplémentaires devraient être créés.

3.3.

Pour les consommateurs, la Commission espère que les économies réalisées lors de l’achat d’une voiture neuve devraient être en moyenne de 600 EUR en 2025 et de 1 500 EUR en 2030 (en fonction du cycle de vie du véhicule). Dans l’ensemble de l’Union, les économies de carburant devraient atteindre 18 milliards d’EUR par an, soit un total de 380 millions de tonnes de pétrole au cours de la période allant de 2020 à 2040.

3.4.

Les principaux éléments de la proposition de la Commission concernant la réduction des émissions de CO2 des voitures particulières et des véhicules utilitaires légers sont les suivants:

3.4.1.

réduction supplémentaire de 30 % des émissions de CO2 d’ici 2030, sur la base des objectifs de 2021, à savoir 95 g/km pour les voitures particulières et 147 g/km pour les véhicules utilitaires légers d’ici 2021 [essais du nouveau cycle européen de conduite (NEDC)]. Les émissions de CO2 seront réduites dans un premier temps de 15 %, afin que l’objectif global (y compris la sécurité des investissements pour l’industrie) soit atteint le plus vite possible.

3.4.2.

À partir de l’année 2021, les mesures des émissions seront basées sur le cycle WLTP (Worldwide Harmonised Light Vehicles Procedure — cycle d’essai harmonisé au niveau mondial pour les véhicules légers), applicable depuis le 1er septembre 2017. Le remplacement du cycle d’essai fixe les objectifs pour 2025 et 2030 en pourcentages.

3.4.3.

En principe, le projet ne privilégie aucune technologie particulière. Une distinction est faite entre les véhicules à émissions nulles et les véhicules émettant moins de 50 g de CO2/km (véhicules à faibles émissions) — en particulier, les véhicules à moteur à combustion qui sont en outre à motorisation électrique hybride rechargeable (plug-in Hybrid). Pour ces deux types de véhicules est prévu un «critère de référence» de 15 % d’ici à 2025 et de 30 % d’ici à 2030. Les constructeurs qui dépasseront ce niveau bénéficieront d’un bonus sur leur objectif de 5 g/km maximum. Lors de la détermination de ce pourcentage, l’on tiendra compte des performances des véhicules concernés; les véhicules à émissions nulles comptent davantage que les véhicules à faibles émissions. Aucun système de malus n’est prévu.

3.5.

Les «éco-innovations» qui ne sont pas reflétées dans les tests de routine officiels seront prises en considération jusqu’à un maximum de 7 g de CO2/km. Une révision de ce régime particulier est prévue pour l’année 2025. À partir de 2025, l’efficacité énergétique des systèmes de climatisation devrait être considérée comme une éco-innovation.

3.6.

Tout constructeur qui dépasserait les seuils de référence (intermédiaires) sera passible d’une amende de 95 EUR par g de CO2/km et par véhicule. La surveillance des émissions de CO2 des véhicules nouvellement immatriculés est assurée par l’Agence européenne pour l’environnement. Les producteurs ayant moins de 1 000 nouvelles immatriculations par an sont exemptés du champ d’application du règlement.

3.7.

En complément du projet de règlement, est prévu un certain nombre de références à des activités complémentaires, des initiatives et des priorités du programme. L’on signalera ici notamment la fiche d’information intitulée «Driving Clean Mobility: Europe that defends its industry and workers» («Une mobilité propre: l’Europe défend son industrie et ses travailleurs»). Dans ce document, la Commission rappelle que de 2007 à 2015, 375 millions d’EUR ont été investis dans la recherche sur les batteries — un montant supplémentaire de 200 millions d’EUR devrait être libéré au titre du programme Horizon 2020 au cours de la période 2018-2020. Il s’agit pour l’essentiel de promouvoir la prochaine génération de batteries — une feuille de route relative à une «Alliance européenne pour les batteries» sera présentée début 2018. Le but recherché est de garantir l’implantation de l’ensemble de la chaîne de valeur de la production de batteries sur le territoire européen (9).

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE approuve dans leur principe les propositions de la Commission comme un compromis équilibré entre les différents objectifs. La proposition est une étape importante sur la voie d’une mobilité sans incidence sur le climat et permet de promouvoir la capacité d’innovation de l’industrie automobile européenne et de maintenir un emploi de qualité ainsi qu’une transition sociale progressive vers de nouvelles structures de production. L’objectif d’une réduction des émissions de CO2 de 30 pour cent répond à l’objectif des secteurs hors SEQE du cadre de l’Union européenne pour le climat et l’énergie à l’horizon 2030.

4.2.

Avec sa proposition, l’Union européenne ouvre un nouveau chapitre sur la mobilité qui semble de mieux en mieux accepté par la population. Ce changement de mentalité des citoyens s’observe notamment dans le contexte de la crise du diesel. Il convient également de noter la modification des habitudes de mobilité, l’amélioration des transports publics de passagers et enfin l’objectif consistant à élaborer et à mettre en œuvre des concepts de transport globaux et intégrés.

4.3.

Le CESE juge particulièrement ambitieux l’objectif intermédiaire consistant à atteindre d’ici 2025 une réduction des émissions de 15 % par rapport à 2021. Pour ce faire, il conviendrait d’apporter des changements aux moteurs à combustion qui se situent aux limites de la technologie. Cette observation vaut notamment pour les véhicules utilitaires légers, dont les cycles de production et de développement sont plus longs. Dès lors, une évaluation devrait avoir lieu en 2024, sur la base de laquelle il sera décidé si les objectifs fixés pour 2030 doivent être maintenus ou s’ils peuvent être redéfinis. Compte tenu de l’évolution actuelle de la pénétration sur le marché des véhicules à émissions nulles, des véhicules à faibles émissions et des véhicules à motorisation hybride rechargeable, l’objectif intermédiaire constitue un défi, mais semble réalisable.

4.4.

Le CESE se félicite de la réglementation complémentaire visant à améliorer la surveillance du marché exercée par la mesure et le suivi de la consommation réelle de carburant sur la base de l’obligation faite aux constructeurs d’intégrer du matériel standard dans les nouveaux véhicules. Les données collectées seront communiquées non seulement aux producteurs mais également à des tiers indépendants en vue de procéder à des évaluations. L’on pourrait ainsi parvenir à un équivalent fonctionnel de mesure des émissions en conditions de conduite réelle, qui ne serait pas applicable pour des raisons de comparabilité des résultats des tests.

4.5.

Le CESE observe qu’en dépit de tous ces avantages, l’approche «gaz d’échappement» retenue dans la proposition de règlement demeure toutefois limitée. À titre d’exemple, la production de véhicules, de batteries et d’électricité génère des émissions de CO2, lesquelles sont fonction de la distance parcourue et du comportement des conducteurs. Le CESE rappelle par ailleurs que d’autres modes de transport — tels que l’augmentation prévue du trafic aérien — sont susceptibles de contrecarrer les progrès de la technologie des véhicules.

4.6.

Le CESE attire l’attention sur ses travaux relatifs à la transition structurelle dans l’industrie automobile vers des systèmes de propulsion alternatifs (verts), la numérisation et la mise en réseau, les véhicules autonomes, ainsi que sur les risques pour l’emploi, ce qui pourrait permettre de déduire des tendances pour de nouvelles qualifications. Le CESE recommande par exemple à la Commission européenne d’élaborer un cadre juridique et réglementaire qui prévoie la possibilité de recourir rapidement à des systèmes d’aide au processus de restructuration (10). L’on songe à cet égard en premier lieu aux Fonds structurels de l’Union européenne tels que le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation et le Fonds social européen (FSE). D’autres projets, sur le modèle d’Airbus, sont également envisageables.

4.7.

L’industrie automobile européenne emploie actuellement directement quelque 2,3 millions de travailleurs dans le secteur de la production de véhicules, et représente 8 % de la valeur ajoutée totale. 10 millions de travailleurs sont employés indirectement dans ce secteur hautement innovant qui fournit 20 % du financement de la recherche industrielle en Europe.

4.8.

L’Union européenne, qui compte parmi les principaux producteurs mondiaux de véhicules à moteur, est le plus gros investisseur privé en recherche et développement (R&D). L’industrie automobile est également un leader mondial en ce qui concerne, entre autres, le développement de nouveaux produits, les technologies de production, la conception haut de gamme et les systèmes de propulsion de substitution. En conséquence, en 2016, une voiture sur quatre dans le monde a été produite sur une chaîne de montage européenne et le secteur automobile représentait 4 % du PIB européen (11).

4.9.

Le CESE se félicite de la proposition de la Commission de prendre en compte les aspects sociaux de la transformation du secteur automobile. La transition structurelle vers des systèmes de propulsion alternatifs — de même que la numérisation, la conduite autonome et d’autres éléments — entraînera des changements considérables dans les chaînes de valeur automobiles. Il s’agit d’une part de la question de savoir quels seront les éléments fabriqués par les producteurs eux-mêmes et quels seront ceux qui seront achetés à des tiers. À ce jour, la valeur ajoutée des composants électroniques est principalement le fait des fournisseurs; s’agissant des éléments de batterie, les producteurs asiatiques sont encore dominants. Par conséquent, le CESE se félicite de la position de la Commission visant à établir la chaîne de valeur des véhicules électriques en Europe (voir paragraphe 3.7, «Alliance européenne pour les batteries»). L’on ignore encore quelles seront les caractéristiques technologiques de la prochaine génération d’éléments de batterie et quelle sera l’évolution du rapport qualité/prix au fil du temps. À cet égard, le CESE recommande à la Commission un suivi permanent de l’évolution.

4.9.1.

L’objectif visé consistant à assurer la transition du groupe motopropulseur classique vers des systèmes de propulsion alternatifs entraîne une rupture structurelle. Les productions traditionnelles devront être remplacées par de nouvelles productions ou par des productions considérablement modifiées. Cela concerne, pour les véhicules purement électriques, le moteur à combustion, le système complexe de boîte de vitesses, les tuyaux d’échappement et autres. À cela s’ajoutent le moteur électrique et la batterie, y compris la fabrication d’éléments de batterie. La part relative des composantes dans la valeur ajoutée de la construction des véhicules présente toutefois des différences sensibles, ce qui a dès lors une incidence sur l’emploi et les compétences.

4.9.2.

Une étude effectuée par la société de recherche sur la technologie énergétique et les moteurs à combustion (FEV) (12) conclut que le coût de fabrication des véhicules équipés de batteries électriques — pour un véhicule de catégorie moyenne — s’élève à quelque 16 500 EUR. Les principaux composants sont les moteurs électriques (800 EUR), l’électronique de puissance (1 400 EUR) et la batterie (6 600 EUR). Pour la seule batterie, qui représente 40 pour cent des coûts, 70 pour cent concernent la production de cellules. Les véhicules électriques sont beaucoup moins complexes et leur production nécessite de nouvelles qualifications pour les travailleurs: électrotechnique/électronique, électrochimie, technologie de revêtement, régulation thermique, stratégie de gestion, technique de régulation dans le domaine de l’ingénierie, connaissance de la technologie du courant à haute tension et des principes électriques actifs ainsi que du comportement des matériaux et autres lors du montage et des réparations.

4.9.3.

Même si la Commission escompte des effets positifs sur l’emploi, des risques subsistent. Dans une récente étude (13), l’Institut pour l’économie du travail et l’organisation de la Fraunhofer-Gesellschaft examine l’impact quantitatif sur l’emploi au moyen d’un scénario correspondant, pour 2030, à une proportion de véhicules électriques de 25 % et une proportion de véhicules à motorisation hybride rechargeable de 15 %, ce qui reflète à peu de choses près la proposition de la Commission. Les premiers résultats montrent que d’ici 2030, dans le meilleur des cas, le changement de technologie pourrait se traduire par une perte de 10 à 12 % des postes de travail impliquant la production de groupes motopropulseurs. Soit pour la seule Allemagne de 25 000 à 30 000 emplois. À cet égard, plus la part réelle des véhicules à motorisation hybride rechargeable sera faible, plus cet effet négatif se fera sentir (une proportion de véhicules à motorisation hybride rechargeable de 5 % se traduira par une baisse de 15 à 18 %). Un abandon accéléré de la technologie diesel aurait des effets identiques en raison notamment de la plus grande complexité des pièces d’équipement et ferait peser une contrainte sur l’emploi supérieure de 30 à 40 % à celle des composants de moteurs à essence. En outre, l’on risque de voir émerger parallèlement des risques pour l’emploi du fait de l’impact de la numérisation et de la localisation accrue de la production dans les principales régions du monde.

4.9.4.

De manière générale, il y a lieu de s’attendre à ce que ces effets négatifs se produisent de manière asymétrique dans le temps et dans l’espace. Les constructeurs finaux et les grands fournisseurs sont davantage à même de contrer cette évolution grâce aux innovations et aux nouveaux modèles commerciaux que les fournisseurs de composants plus petits et plus spécialisés. En outre, les emplois dans le domaine des nouvelles technologies et des services sont davantage localisés dans les centres urbains que dans les régions périphériques. Il convient d’en tenir compte lors de l’élaboration des programmes cadres correspondants.

4.9.5.

Les risques en termes d’emploi et de création d’emplois dépendent de la vitesse de cette transition structurelle. Le CESE se félicite par conséquent de la proposition de la Commission qui garantit d’ores et déjà la sécurité des investissements pour l’industrie et lui permet de lancer et de préparer dès aujourd’hui cette transition structurelle. Le CESE demande à la Commission que cette transition structurelle s’accompagne de mesures de politique industrielle afin d’éviter qu’elle ne soit rejetée par les salariés. Dans ce contexte, les dialogues bipartite et tripartite revêtent une importance capitale.

4.9.6.

Le CESE constate que les premiers pas ont déjà été franchis, à savoir l’annonce par des producteurs isolés concernant de nouveaux modèles de véhicules électriques d’ici à 2025 et leurs projets de participation à des parcs de véhicules nouvellement immatriculés, bien qu’ils soient encore modestes.

4.10.

Afin de soutenir la décarbonation durable et équilibrée au plan régional du secteur des transports, la Commission prévoit un montant de 800 millions d’EUR dans le cadre du mécanisme pour l’interconnexion en Europe pour la mise en œuvre de l’interopérabilité des points de recharge. Cette mesure devrait permettre de mobiliser d’importants investissements publics et privés supplémentaires (à l’heure actuelle, 200 000 points de recharge sont en service dans l’Union européenne, alors que 800 000 sont nécessaires). Un montant supplémentaire de 200 millions d’EUR sera alloué à la création d’un partenariat public-privé pour la mise au point des batteries de nouvelle génération. Enfin, la Commission a l’intention de promouvoir davantage les systèmes de propulsion alternatifs; elle fixe pour ce faire des objectifs afin que les pouvoirs publics favorisent le recours aux véhicules propres (véhicules à émissions nulles) et aux véhicules à faibles émissions dans les attributions de marchés publics.

4.11.

Le CESE est d’avis que les astreintes, tant celles qui sont déjà en place que celles découlant du règlement issu de la refonte devraient être utilisées pour soutenir le secteur et ses travailleurs dans leur transition vers des produits à faible intensité de carbone. À l’heure actuelle, seule une minorité de constructeurs automobiles sont sur la bonne voie pour atteindre les objectifs de réduction des émissions fixés pour 2021.

4.12.

S’il y a lieu de se féliciter de la réduction de la dépendance à l’égard des importations de pétrole, le CESE met en garde contre le risque de l’émergence de nouvelles dépendances telles que l’accès aux matières premières (le lithium, le cobalt et le nickel provenant de territoires lointains). De même, le CESE souhaite la garantie d’une production d’électricité suffisante à partir de sources d’énergie renouvelables.

4.13.   Évaluation intermédiaire du règlement

4.13.1.

En 2024, la Commission procèdera à une évaluation du règlement afin d’examiner si la voie choisie est efficace.

4.13.2.

Étant donné qu’à l’heure actuelle, il est impossible d’évaluer l’ampleur de la transition structurelle du moteur à combustion vers les systèmes de propulsion alternatifs, il conviendrait en premier lieu d’examiner en particulier l’évolution du marché des systèmes de propulsion alternatifs d’ici à 2024, le nombre de points de recharge installés et la mesure dans laquelle les réseaux d’électricité auront été convertis et mis à niveau en vue de répondre à l’augmentation considérable de la demande en électricité.

4.13.3.

Le CESE attend de ce bilan intermédiaire des informations relatives aux efforts accomplis dans le domaine de la qualification, de la formation et de la reconversion des travailleurs. Dans quels domaines est-il nécessaire d’agir pour améliorer les compétences et les qualifications de la main-d’œuvre dans l’industrie automobile afin de permettre au secteur de continuer à se restructurer? Dans quelle mesure les activités envisagées (voir le Conseil européen des compétences dans l’industrie automobile) permettent-elles de garantir la mise en œuvre des modifications en matière de qualifications? Dans ce contexte, le CESE estime qu’il incombe en particulier aux organisations syndicales du secteur de promouvoir le dialogue tripartite en matière de politique industrielle. En outre, il y a lieu de libérer les ressources nécessaires afin de permettre aux travailleurs de demeurer sur le marché du travail.

Bruxelles, le 14 février 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Conclusions du Conseil européen du 24 octobre 2014.

(2)  http://unfccc.int/portal_francophone/accord_de_paris/items/10081.php.

(3)  COM(2016) 501 final.

(4)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 95. JO C 81 du 2.3.2018, p. 181; JO C 81 du 2.3.2018, p. 188; JO C 81 du 2.3.2018, p. 195.

(5)  COM(2017) 283 final.

(6)  COM(2017) 675 final, COM(2017) 647 final, COM(2017) 648 final, COM(2017) 652 final, COM(2017) 653 final.

(7)  COM(2017) 653 final.

(8)  Ce chapitre se base sur le document COM(2017) 676 final et sur la proposition concernant les objectifs en matière d’émissions de CO2 pour les voitures et les camionnettes après 2020 (https://ec.europa.eu/clima/policies/transport/vehicles/proposal_fr).

(9)  Commission européenne: Fiche d’information intitulée «Driving Clean Mobility: Europe that defends its industry and workers» («Une mobilité propre: l’Europe défend son industrie et ses travailleurs»).

(10)  Rapport d’information CCMI/148, paragraphe 1.5.

(11)  Rapport d’information CCMI/148, paragraphe 2.1.

(12)  Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) du 16.12.2016 (FEV = Forschungsgesellschaft für Énergietechnik und Verbrennungsmotoren).

(13)  Institut pour l’économie du travail et l’organisation de la Fraunhofer-Gesellschaft: ELAB 2.0 Wirkungen der Fahrzeugelektrifizierung auf die Beschäftigung (vorläufige Ergebnisse) (Impact de l’électrification des véhicules sur l‘emploi — résultats provisoires), Stuttgart 2017.


28.6.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 227/58


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil concernant certains aspects des contrats de vente de biens, modifiant le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil et la directive 2009/22/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil

[COM(2017) 637 final]

(2018/C 227/08)

Rapporteurs:

Christophe LEFÈVRE

Jorge PEGADO LIZ

Lech PILAWSKI

Consultation

Conseil européen, 17.11.2017

Parlement européen 13.11.2017

Base juridique

Articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en session plénière

15.2.2018

Session plénière no

532

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

160/5/13

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La différence entre le droit des contrats dans les différents États membres n’encourage pas les consommateurs à acheter dans d’autres pays de l’Union européenne.

1.2.

D’autre part, la confiance des entrepreneurs dans les ventes transfrontières ne s’améliore toujours pas. Selon la dernière enquête à l’échelle de l’Union européenne, 58 % de tous les détaillants de l’Union européenne se disent confiants lorsqu’ils vendent en ligne; cependant, seulement 28 % se sentent confiants lorsqu’ils vendent en ligne dans d’autres pays de l’Union européenne (1).

1.3.

Les positions adoptées tant par le Parlement européen (PE) que par le Conseil sur les propositions présentées par la Commission en 2015 (2) en ce qui concerne la vente de biens en ligne et face à face ont montré que, comme le CESE l’a exprimé dans son avis sur ces propositions (3), les règles applicables à la vente de biens devraient être les mêmes quel que soit le canal de vente.

1.4.

Le CESE se félicite donc que la proposition modifiée de directive à l’examen élargisse aux ventes de biens en face à face le champ d’application de la proposition de directive concernant certains aspects des contrats de ventes en ligne.

1.5.

Le CESE invite cependant la Commission à prendre en compte dans sa proposition un certain nombre de recommandations, à savoir:

a)

la proposition ne devrait pas mener à la réduction de la période de garantie dans certains États membres ni à la création d’une hiérarchie de droits;

b)

la possibilité de dérogation au caractère impératif de la directive, par simple accord entre les parties contractantes devrait être possible uniquement si un tel accord garantit l’autonomie et la protection effective des consommateurs;

c)

la proposition devrait permettre aux consommateurs d’ester en justice directement contre le producteur;

d)

le critère de durabilité (stock de pièces de réparation) devrait être intégré dans les dispositions de la directive;

e)

la proposition devrait inclure des règles en matière de prolongation de garantie liée au temps d’indisponibilité d’un produit en réparation ou durant l’indisponibilité d’un service;

f)

la proposition devrait inclure des précisions sur la sécurisation des plateformes de paiement ou sur la coresponsabilité des plateformes d’achat (Marketplace) en cas de tromperie ou de mise en œuvre de la garantie;

g)

le producteur et le vendeur devraient être coresponsables dans les cas où le consommateur choisit de réparer ou de remplacer la marchandise, sans préjudice du droit de recours qui est déjà prévu à l’article 16 et de l’interpellation préalable du vendeur;

h)

l’articulation des dispositions relatives au délai de 14 jours pour le retour et le remboursement doit être clarifiée.

1.6.

Enfin, le CESE invite la Commission à prendre en considération les observations contenues dans le présent avis.

2.   Objet et antécédents de la proposition modifiée de directive

2.1.   Objet de la proposition modifiée de directive

2.1.1.

La proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil (4) vise à élargir également aux ventes de biens en face à face le champ d’application de la proposition de directive concernant certains aspects des contrats de ventes en ligne et de toute autre vente à distance de biens.

2.1.2.

Elle devrait ainsi faciliter des progrès rapides dans un domaine qui est au cœur des stratégies du marché unique, conformément aux conclusions du Conseil européen de juin 2016.

2.1.3.

S’appliquant à toutes les ventes, la proposition modifiée poursuit le même objectif et y contribue davantage que les propositions précédentes (5): elle répond aux incertitudes et effets négatifs résultants des différences nationales en matière de droit des contrats.

2.1.4.

La proposition révisée complète et est conforme à une série d’actes législatifs déjà en vigueur dans l’Union européenne, à caractère horizontal ou sectoriel (6), ainsi que de propositions législatives actuellement à l’examen.

2.2.   Bref résumé des propositions de directives précédentes (7)

2.2.1.

Dans ses propositions antérieures, la Commission avait justifié sa décision d’adopter deux instruments législatifs en faisant valoir que la spécificité du contenu numérique imposerait des règles différentes de celles applicables aux autres produits.

2.2.2.

Avec les deux propositions, la Commission avait l’intention d’atteindre cinq objectifs:

a)

réduction des coûts résultant des différences de contrat;

b)

sécurité juridique pour les entreprises;

c)

encourager les achats transfrontières en ligne au sein de l’Union européenne;

d)

réduction des dommages subis par le contenu numérique défectueux acquis;

e)

un équilibre général entre les intérêts des consommateurs et ceux des entreprises et l’amélioration de la vie quotidienne.

2.2.3.

Selon la Commission, ses propositions créeraient un équilibre approprié entre un niveau élevé de protection des consommateurs dans l’Union européenne et des possibilités d’affaires nettement accrues.

2.3.   L’avis du CESE sur les propositions initiales (8)

2.3.1.

Dans son avis du 27 avril 2016, le CESE avait critiqué le choix de deux directives au lieu d’une; ce faisant, la Commission créait un traitement différent pour la vente de biens en ligne et hors ligne et provoquait l’absence de lisibilité, pour les consommateurs et les entrepreneurs, dans la transposition nationale.

2.3.2.

Le CESE faisait aussi remarquer l’absence de réponse à une série de problématiques qu’il considérait comme essentiel d’harmoniser: la capacité des mineurs à conclure des contrats dans l’environnement numérique, la définition de catégories de clauses abusives spécifiques pour les contrats en ligne, non prévue par la directive 93/13/CEE, la pratique récente du bouton «payer maintenant» (pay now) et l’inclusion d’une clause type sur la corégulation.

2.3.3.

Enfin, le CESE a rappelé que ses avis relatifs aux droits des consommateurs dans l’environnement numérique ont été constants dans l’orientation fondamentale selon laquelle les droits reconnus dans un cadre de vente physique en face à face doivent être cohérents avec le cadre de la vente en ligne ou à distance, quelle que soit la forme de la transaction numérique. Et ce, toujours dans le but de renforcer ces droits et non de les affaiblir.

2.3.4.

Les positions du Parlement européen et du Conseil lors des débats sur ces propositions ont confirmé la position du CESE en ce qui concerne la nécessité d’éviter la fragmentation juridique.

3.   Observations générales

3.1.

La proposition modifiée de la Commission présente un ensemble de propositions et d’options qui sont cohérentes avec les positions antérieures du CESE, comme l’option susmentionnée pour un régime unique de vente de biens en ligne et hors ligne.

3.2.

D’autres modifications introduites par la nouvelle proposition méritent également l’accord du CESE. C’est notamment le cas de:

a)

l’article 2 — l’introduction de la notion de «producteur» et une clarification concernant le remplacement de marchandises «sans frais»;

b)

l’article 8 — la création d’une période de présomption de défaut de conformité égale à celle de la garantie, puisque la situation contraire réduirait en pratique la période de garantie légale, étant donné que le consommateur n’a pas, dans la plupart des cas, la possibilité de prouver la non-conformité du bien;

c)

diverses améliorations et clarifications relatives à la terminologie juridique utilisée.

3.3.

En revanche, le CESE estime que la possibilité, prévue à l’article 18 de la proposition, de déroger au caractère impératif de la directive par simple accord entre parties contractantes, devrait exister uniquement si l’accord en question permet de garantir une protection effective et l’autonomie de décision du consommateur.

3.4.

Par ailleurs, le CESE estime que la proposition modifiée devrait:

a)

inclure des règles permettant au consommateur d’ester directement en justice contre le producteur en cas de défaut de conformité entre les biens et le contrat, comme l’exigent de nombreuses législations nationales;

b)

intégrer dans ses dispositions le critère de durabilité, comme le CESE l’a demandé à plusieurs reprises dans ses avis (9);

c)

prévoir une durée maximale de réparation (10) selon les bonnes pratiques de la profession;

d)

obliger les producteurs à maintenir un stock suffisant de pièces de rechange pour le temps moyen de vie du bien, comme c’est le cas dans plusieurs législations nationales (11);

e)

inclure d’autres garanties proposées par le vendeur (marque/producteur/assurance d’équipement…) pour les biens et les services;

f)

inclure dans le contenu obligatoire de la déclaration de garantie des informations détaillées sur le caractère gratuit ou onéreux, sur les charges et sur la forme de paiement;

g)

stipuler qu’en cas de transfert de propriété du bien et du service, et dans le cadre de conditions normales d’utilisation, les droits résultant de la garantie sont également intégralement transférés;

h)

prévoir la responsabilité directe et solidaire du producteur et du vendeur vis-à-vis du consommateur, dans les cas où le consommateur choisit de réparer ou de remplacer le bien, sans préjudice du droit de recours déjà prévu à l’article 16 et de l’interpellation préalable du vendeur;

i)

prévoir la responsabilité solidaire des plateformes en ligne, en excluant les simples intermédiaires, lorsque le consommateur a acquis les biens via une plateforme d’achat (Marketplace) sans préjudice du droit de recours.

4.   Observations particulières

4.1.   Article 1er

4.1.1.

Le CESE s’interroge sur les raisons qui justifient l’exclusion prévue au paragraphe 4 concernant les contrats de vente de biens d’occasion achetés aux enchères lorsque les consommateurs ont la possibilité d’assister personnellement à la vente.

4.2.   Article 9

4.2.1.

Le CESE rappelle ses commentaires dans le précédent avis (12) en gardant à l’esprit qu’avec cette proposition, et en limitant les droits des consommateurs, initialement uniquement au droit de réparation ou de remplacement, les droits des consommateurs dans certains États membres sont moins protégés que les régimes actuellement en vigueur.

4.2.2.

Le régime prévu au paragraphe 3, points b) et d), rend également l’application de ce régime dépendante de concepts indéterminés. En fait, l’expression «impossible» est laissée à la discrétion du vendeur, il serait donc souhaitable de remplacer ce terme par l’expression «technologiquement impossible».

4.3.   Article 10

4.3.1.

Le CESE préconise que l’exception prévue au paragraphe 1 soit soumise aux mêmes conditions déjà énoncées au point 3.3 ci-dessus.

4.4.   Article 11

4.4.1.

Le CESE rappelle une fois de plus que le droit à la réparation ou au remplacement est limité par l’appréciation, qui appartient au vendeur, de savoir si dans une certaine situation individuelle et concrète, l’exercice de l’un de ces droits lui impose des coûts disproportionnés, compte tenu de toutes les circonstances.

4.5.   Article 13

4.5.1.

Le CESE estime que l’articulation des dispositions relatives au délai de 14 jours pour le retour et le remboursement doit être clarifiée.

4.5.2.

Le CESE se demande si la disposition du point d) de cet article s’applique uniquement, comme cela semble devoir être le cas, aux situations de perte et destruction du bien.

4.6.   Article 14

4.6.1.

Le CESE demande à maintenir la période de garantie plus élevée existant dans certains États membres car dans le cas contraire, cela représenterait un recul pour les droits des consommateurs dans ces États membres.

Bruxelles, le 15 février 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Selon l’analyse réalisée dans le cadre du bilan de qualité du droit de la consommation et du marketing de l’Union européenne, 46 % des détaillants utilisant des canaux de vente à distance estiment que les coûts liés au respect des divers principes de protection des consommateurs et du droit des contrats constituent un obstacle majeur aux ventes transfrontières. Pour 72 % des consommateurs, les différences de droits des consommateurs en cas de produits défectueux sont très importantes lors de la prise de décisions d’achat avec la présence physique, dans un autre pays de l’Union européenne.

(2)  COM(2015) 634 final et COM(2015) 635 final.

(3)  JO C 264 du 20.7.2016, p. 57.

(4)  COM(2015) 635 final.

(5)  COM(2015) 634 final et COM(2015) 635 final. Avis du CESE (JO C 264 du 20.7.2016, p. 57).

(6)  Voir notamment la directive 2011/83/UE et les règlements (UE) no 1215/2012 et (CE) no 593/2008.

(7)  COM(2015) 634 final et COM(2015) 635 final.

(8)  JO C 264 du 20.7.2016, p. 57.

(9)  JO C 264 du 20.7.2016, p. 57 (paragraphe 4.2.5.4).

(10)  JO C 264 du 20.7.2016, p. 57 (paragraphe 4.2.5.7).

(11)  JO C 264 du 20.7.2016, p. 57 (paragraphe 4.2.5.7).

(12)  JO C 264 du 20.7.2017 p. 57.


28.6.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 227/63


Avis du Comité économique et social européen sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), le règlement (UE) no 1094/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles), le règlement (UE) no 1095/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des marchés financiers), le règlement (UE) no 345/2013 relatif aux fonds de capital-risque européens, le règlement (UE) no 346/2013 relatif aux fonds d’entrepreneuriat social européens, le règlement (UE) no 600/2014 concernant les marchés d’instruments financiers, le règlement (UE) 2015/760 relatif aux fonds européens d’investissement à long terme, le règlement (UE) 2016/1011 concernant les indices utilisés comme indices de référence dans le cadre d’instruments et de contrats financiers ou pour mesurer la performance de fonds d’investissement et le règlement (UE) 2017/1129 concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé»

[COM(2017) 536 final — 2017/0230 (COD)]

et sur la

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2014/65/UE concernant les marchés d’instruments financiers et la directive 2009/138/CE sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II)»

[COM(2017) 537 final — 2017/0231 (COD)]

et sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1092/2010 relatif à la surveillance macroprudentielle du système financier dans l’Union européenne et instituant un Comité européen du risque systémique»

[COM(2017) 538 final — 2017/0232 (COD)]

(2018/C 227/09)

Rapporteur:

Daniel MAREELS

Consultation

Conseil de l’Union européenne, COM(2017) 538 final: 23.10.2017, COM(2017) 536 final: 22.11.2017 et COM(2017) 537 final: 29.11.2017

Parlement européen, COM(2017) 538 final: 26.10.2017, COM(2017) 536 final: 16.11.2017 et COM(2017) 537 final: 16.11.2017

Base juridique

Articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

29.1.2018

Adoption en session plénière

15.2.2018

Session plénière no

532

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

156/0/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille favorablement les propositions de la Commission en faveur d’une surveillance plus approfondie dans l’union des marchés des capitaux (UMC), dont il approuve pleinement les objectifs. Non seulement ces propositions marquent une nouvelle étape importante dans les efforts visant à renforcer l’intégration et la convergence par un accroissement de la surveillance intégrée au sein de l’UMC, mais elles concourent également à la réalisation d’objectifs plus vastes.

1.2.

En effet, elles apportent tout d’abord de nouveaux éléments en faveur de l’édification d’une union des marchés des capitaux au sein de l’Union européenne, dont la réalisation rapide est hautement souhaitable. À son tour, cette UMC doit, avec l’union bancaire, contribuer à un nouvel approfondissement et à l’achèvement de l’Union économique et monétaire (UEM). De manière plus générale, tout cela doit également aider à renforcer la position de l’Union européenne et des États membres dans un environnement mondial en pleine évolution.

1.3.

L’intérêt d’un bon fonctionnement de l’UMC ne doit pas être sous-estimé étant donné que cette dernière peut jouer un rôle important en matière de partage transfrontière des risques par le secteur privé. Celui-ci doit permettre aux États membres de développer une plus grande résilience aux chocs asymétriques en temps de crise. La réalisation d’un tel objectif nécessite que ces marchés soient sûrs, stables et résistants aux chocs. Une surveillance plus intégrée, au niveau tant microprudentiel que macroprudentiel, joue à cet égard un rôle fondamental.

1.4.

Il est donc primordial et prioritaire de continuer d’ouvrir la voie à une augmentation des transactions transfrontières sur le marché, qui doivent pouvoir être réalisées en l’absence d’obstacles, d’entraves et d’inégalités aux niveaux national et autres, ainsi qu’à un moindre coût. Il est indispensable d’instaurer des conditions de concurrence équitables, dans lesquelles l’arbitrage réglementaire n’a pas sa place. Les entreprises doivent pouvoir exploiter plus efficacement et plus facilement les possibilités de financement en bénéficiant d’une réduction des coûts et des charges administratives auxquels elles sont confrontées.

1.5.

De leur côté, les consommateurs et les investisseurs doivent disposer d’un choix plus vaste et de meilleure qualité ainsi que d’une plus grande protection. Pour le Comité, cela revient à dire en définitive qu’une plus grande «confiance» dans les marchés doit être un objectif pour toutes les parties prenantes, y compris les autorités de surveillance. Cette confiance peut aussi être alimentée en s’efforçant d’assurer un financement plus durable, conformément aux initiatives menées et aux accords conclus sur la scène internationale. Une telle démarche doit également se refléter dans le domaine de la surveillance.

1.6.

Le nouvel environnement en matière de surveillance doit être caractérisé par la recherche permanente d’un maximum de clarté et de sécurité juridique pour tous. Il s’agit de trouver le juste équilibre dans la répartition des compétences entre autorités de surveillance nationales et européennes et, dans la mesure du possible, d’appliquer les principes de subsidiarité et de proportionnalité, en particulier au cours de la présente phase de mise en place de l’UMC et dans l’intérêt de la diversité des acteurs du marché, notamment les plus petits d’entre eux. Cela vaut également pour les opérations locales. Dans le même temps, il convient de lutter contre les imprécisions, les chevauchements et autres situations dans le domaine de la surveillance qui empêchent ou contrarient sérieusement la réalisation de cette union.

1.7.

Il s’agit également de garder un œil sur l’avenir, afin que les nouvelles évolutions et les technologies modernes telles que les technologies financières puissent, dans des conditions de concurrence équitables pour tous les opérateurs, trouver également une application correcte et sûre dans l’environnement financier.

1.8.

Durant la mise en place de la surveillance intégrée, il importe de tendre vers la convergence et l’harmonisation et, dans ce cadre, l’efficience et l’efficacité doivent être des considérations primordiales, conformément à l’approche REFIT. Le renforcement de la capacité des autorités européennes de surveillance de réaliser leurs propres études d’impact peut s’avérer utile à cet égard. Parallèlement, la question des coûts doit également être largement prise en considération. Lorsqu’une partie des coûts est mise directement à la charge du secteur privé, il y a lieu de veiller à la discipline budgétaire et d’éviter les doubles prélèvements. Les éventuels changements doivent se faire de manière transparente et un contrôle adéquat sur les ressources globales est en tout cas recommandé. Il y a lieu d’y associer le secteur de manière appropriée.

1.9.

Les avancées futures doivent, comme aujourd’hui, s’appuyer sur le dialogue et la concertation avec toutes les instances et parties concernées, ainsi que sur des consultations publiques ouvertes à tous les acteurs intéressés. Une telle approche est extrêmement importante pour le Comité puisqu’elle permet, face à des situations concrètes, de parvenir aux meilleurs résultats possibles, fondés sur l’accord le plus large possible.

1.10.

Ces propositions constituent une étape importante, mais pas le point final. Pour le CESE, il convient de continuer d’œuvrer à la réalisation de l’objectif ultime que constitue une autorité commune de surveillance, telle qu’évoquée par ailleurs dans le «rapport des cinq présidents». Une fois les propositions actuelles concrétisées, il s’agira de poursuivre le travail de manière intelligente et constante, en tenant compte des points exposés ci-dessus.

1.11.

Le Comité soutient pleinement la proposition consistant à transférer certains pouvoirs de surveillance en matière d’assurance des autorités nationales vers le niveau européen, contribuant ainsi à une plus grande convergence sur le plan de la surveillance et à l’instauration de conditions de concurrence équitables pour tous les acteurs du marché.

2.   Contexte (1)

2.1.

Concernant la mise en place d’une union des marchés des capitaux, l’on constate à l’heure actuelle que l’Europe dispose déjà d’une surveillance bancaire consistante grâce au mécanisme de surveillance unique au sein de l’union bancaire, auquel participent 19 États membres, tandis que la surveillance des marchés des capitaux dans l’Union européenne se déroule, à quelques exceptions près, au niveau national.

2.2.

Il est évident que cette situation n’est pas conforme aux principes qui fondent cette union des marchés des capitaux, et également l’union bancaire. Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que l’objectif de l’intégration financière ne profitera pas seulement à l’UEM mais aussi à l’ensemble des États membres.

2.3.

Dès lors que l’achèvement de l’UMC est une priorité de l’actuelle Commission européenne, les efforts consistent en premier lieu à mettre la surveillance davantage en conformité avec ses principes et l’intégration financière dans un environnement en mutation. Cela avait d’ailleurs déjà été annoncé dans le récent examen à mi-parcours de l’union des marchés des capitaux (2).

2.4.

Concrètement, la Commission a présenté le 20 septembre 2017 une communication (3) et trois propositions législatives visant à modifier deux directives et neuf règlements (4). Les mesures proposées s’appliquent à tous les États membres.

2.5.

Ces propositions visent à renforcer et à approfondir l’intégration du cadre de surveillance actuel de l’Union européenne, en particulier par les moyens suivants.

2.5.1.

Une meilleure coordination de la surveillance:

2.5.1.1.

en renforçant de manière ciblée, dans l’ensemble de l’Union européenne, la surveillance macroprudentielle assurée par le Comité européen du risque systémique;

2.5.1.2.

en favorisant la convergence en matière de surveillance, par le renforcement des compétences existantes des autorités européennes de surveillance;

2.5.1.3.

en améliorant les procédures suivies par les autorités européennes de surveillance pour émettre des lignes directrices et des recommandations afin de refléter l’importance de ces instruments;

2.5.1.4.

en autorisant l’Autorité européenne des marchés financiers à recevoir directement des acteurs du marché des données relatives aux transactions, et

2.5.1.5.

en renforçant le rôle de l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP) dans la coordination de l’approbation des modèles internes de mesure des risques utilisés par les compagnies d’assurance et de réassurance.

2.5.2.

Une extension des pouvoirs de surveillance directe de l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF):

2.5.2.1.

les nouveaux domaines de supervision des marchés des capitaux concernent en particulier ceux dans lesquels la surveillance directe est en mesure de lever les obstacles transfrontières et de promouvoir une plus grande intégration du marché. Cette mesure peut être considérée comme une étape sur la voie d’une autorité de surveillance unique.

2.5.3.

Une amélioration de la gouvernance et du financement des autorités de contrôle:

2.5.3.1.

concernant la structure de gouvernance, une distinction est établie entre les compétences des autorités nationales et celles des autorités européennes de surveillance. Les premières continuent de définir les orientations générales et de statuer sur les questions de réglementation, tandis que les secondes se chargeront des décisions en matière de coordination des pratiques de surveillance axées sur l’Union européenne.

2.5.3.2.

En matière de financement, il s’agira de promouvoir la diversification. Outre les pouvoirs publics, l’objectif visé est que les opérateurs du secteur et les acteurs du marché fournissent une partie des fonds.

2.5.4.

L’exigence à l’égard des autorités européennes de surveillance de tenir compte de facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance, ainsi que de questions liées à la technologie financière, lorsqu’elles exécutent des tâches dans le cadre de leurs mandats respectifs:

2.5.4.1.

dans un premier temps, le rôle des autorités européennes de surveillance dans l’appréciation des risques environnementaux, sociaux et en matière de gouvernance sera clarifié et renforcé de manière à assurer la stabilité à long terme du secteur financier européen et les avantages pour une économie durable (5).

2.5.4.2.

S’agissant de la technologie financière, il convient de permettre aux autorités de réglementation et de surveillance de se familiariser avec ces technologies et de développer de nouvelles réglementations et de nouveaux modes de surveillance, notamment en collaborant avec les entreprises de ce secteur (6).

2.6.

En outre, une proposition (7) a été publiée, qui prévoit le transfert vers les autorités européennes de surveillance de certains pouvoirs de surveillance appartenant actuellement aux autorités nationales compétentes. Ceux-ci concernent principalement le secteur des assurances.

2.6.1.

En ce qui concerne l’AEMF, il s’agit en substance de transférer le pouvoir d’agrément et de surveillance des prestataires de services de communication de données, ainsi que les compétences en matière de collecte de données dans ce domaine.

2.6.2.

Concernant l’AEAPP, il s’agit de lui conférer un rôle plus important afin de contribuer à la convergence du contrôle dans le domaine des demandes visant à utiliser un modèle interne de mesure des risques, et d’introduire des modifications relatives à l’échange d’informations sur ces demandes, ainsi que la possibilité d’émettre des avis sur cette question et de contribuer au règlement des différends entre autorités de contrôle.

3.   Observations

3.1.

Les propositions de la Commission à l’examen s’inscrivent globalement dans le projet plus large de mise en place d’une union des marchés des capitaux, dont l’importance et l’actualité ne font aucun doute. À cet égard, le CESE est un «partisan résolu de cette union et prend une position ambitieuse en ce qui concerne sa réalisation». Sa réalisation rapide revêt une importance capitale (8). Du reste, le Conseil européen (9) et le Parlement européen (10) ont régulièrement appelé à œuvrer à l’achèvement de l’UMC.

3.2.

De l’avis du Comité, il convient de replacer l’UMC dans le cadre plus large du positionnement international de l’Europe dans un contexte mondial en mutation, de l’approfondissement et l’achèvement de l’UEM et, non moins important, de la poursuite de l’intégration financière entre tous les États membres de l’Union.

3.3.

Cette intégration revêt une importance particulière étant donné qu’elle facilite et favorise le partage transfrontière des risques privés. Comme l’a montré la crise récente, cela doit permettre aux États membres de développer une plus grande résilience aux chocs asymétriques en temps de crise.

3.4.

En outre, «l’union des marchés des capitaux peut contribuer de manière substantielle à consolider la reprise économique et, ainsi, être l’un des facteurs qui favorisent la croissance, l’investissement et l’emploi, et ce, au bénéfice tant de chacun de ses États membres en particulier que de l’Union européenne dans son ensemble. […] [L’intégration plus poussée] concourra à son tour à faire que le système économique, tout comme celui de la finance, deviendront, comme souhaité, plus stables, sûrs et résilients face aux chocs» (11).

3.5.

Le Comité se félicite par conséquent des propositions actuelles visant à renforcer et intégrer le mécanisme européen de surveillance, et du fait qu’elles aient été formulées sans tarder. Il s’agit maintenant d’y donner suite. Il convient par ailleurs de rappeler d’autres initiatives antérieures contribuant elles aussi à ces objectifs, sur lesquelles le CESE s’est également prononcé favorablement. Citons notamment les propositions relatives à un mécanisme de surveillance plus intégré pour les contreparties centrales (12) et celles relatives au PEPP (13), prévoyant un rôle important pour l’AEAPP.

3.6.

Comme précisé précédemment, «le Comité se félicite de la place centrale que la surveillance occupera dans les efforts destinés à déployer l’union des marchés des capitaux. Cette surveillance exercée au niveau européen a un rôle essentiel à jouer, tant pour ce qui est de la sécurité et de la stabilité que s’agissant de réaliser l’intégration des marchés telle que souhaitée et d’ éliminer les obstacles, entraves et inégalités au sein de l’union des marchés des capitaux » (14). Ces objectifs occupent une place centrale dans le cadre susmentionné et doivent, par conséquent, toujours prévaloir et être omniprésents.

3.7.

Pour le Comité, il est primordial que les règles visées apportent une contribution concrète et directe à la réalisation des objectifs et produisent des effets positifs pour toutes les parties concernées et dans tous les États membres.

3.8.

En ce sens, le Comité souscrit à ce qu’énonce la communication à cet égard, laquelle prévoit qu’il «est crucial de renforcer la capacité des autorités européennes de surveillance à assurer une surveillance cohérente et une application uniforme du corpus réglementaire unique. Ces mesures soutiendront le bon fonctionnement des marchés des capitaux en réduisant les obstacles aux investissements transfrontières, en simplifiant l’environnement des entreprises et en réduisant, au bénéfice des entreprises qui mènent des activités dans plusieurs pays, les coûts de mise en conformité résultant de divergences dans la mise en œuvre des règles. Les investisseurs voient dans une surveillance cohérente et dans l’application uniforme du corpus réglementaire des facteurs qui contribuent à mieux les protéger et à rehausser leur confiance dans les marchés des capitaux» (15). Pour atteindre ces objectifs, il y a lieu de mettre en place des normes de surveillance comparables dans l’ensemble des États membres de l’Union européenne.

3.9.

Dans le cadre de l’extension des pouvoirs, il importe également de s’efforcer de tendre vers la plus grande clarté et sécurité juridique possible pour tous, tant pour les autorités nationales et européennes de surveillance que pour les entreprises soumises à cette surveillance. Les mesures de contrôle prévues devront être adéquates.

3.10.

Il y a lieu de trouver un juste équilibre entre les compétences des autorités nationales et européennes de surveillance. Il s’agit en priorité de créer les meilleures conditions possibles pour les transactions et les opérations transfrontières, et les obstacles qui les entravent doivent disparaître. Dans les autres cas, il convient d’examiner si le contrôle ne peut continuer à se faire au niveau local, d’autant plus que nous nous trouvons dans la phase de mise en place de l’UMC et compte tenu de la diversité des acteurs du marché, notamment les plus petits d’entre eux. Dans la mesure du possible, les principes de proportionnalité et de subsidiarité doivent être pris en considération. Il en va de même pour les opérations locales, pour lesquelles les autorités nationales de surveillance sont plus proches du marché. Il est nécessaire d’éviter autant que faire se peut l’arbitrage réglementaire, les doubles contrôles, les règles nationales spécifiques et la surréglementation, surtout lorsque cela gêne la réalisation de l’UMC ou l’entrave gravement.

3.11.

Par ailleurs, il convient aussi de veiller à un bon équilibre entre, d’une part, la possibilité de proposer des services ou instruments financiers transfrontières, ce qui est très important (notamment eu égard au partage transfrontière des risques privés, voir ci-dessus), et, d’autre part, la protection des investisseurs et des consommateurs. Cela est d’autant plus important que de plus en plus d’opérations se déroulent à distance et non plus sous la forme d’un traditionnel «face à face» (16). À terme, les clients (potentiels) devraient pouvoir bénéficier d’un même niveau d’information et de protection et ce quels que soient le lieu où le fournisseur (du service ou de l’instrument) est établi ou les modalités de la transaction.

3.12.

La surveillance européenne nécessite également de porter une grande attention à la protection des consommateurs et des investisseurs. Ceux-ci doivent disposer de choix plus vastes et de meilleure qualité ainsi que d’une plus grande protection. Il est donc indispensable que des produits de base dépourvus de risques soient également proposés. Il convient de veiller à la cohérence avec d’autres initiatives (17) et de s’assurer que la mise en œuvre de toute nouvelle réglementation ne pénalise pas les consommateurs. Pour le Comité, cela revient à dire en définitive qu’une plus grande «confiance» dans les marchés doit être un objectif pour toutes les parties prenantes, y compris les autorités de surveillance. Cette confiance peut aussi être alimentée en s’efforçant d’assurer un financement plus durable, conformément aux initiatives menées et aux accords conclus sur la scène internationale.

3.13.

De la même manière, il s’agit également de garder un œil sur l’avenir, afin que les nouvelles évolutions et les technologies modernes telles que les technologies financières puissent trouver une application dans l’environnement financier. Leur potentiel doit être exploité, mais pas au détriment de la sécurité. Il est nécessaire d’établir des conditions de concurrence équitables pour tous les opérateurs, quel que soit leur mode d’intervention.

3.14.

Le travail considérable réalisé par les autorités européennes de surveillance en ce qui concerne la mise en place de normes législatives doit être souligné et apprécié. À cet égard, il importe de tendre, à l’avenir, encore davantage vers la convergence et l’harmonisation, afin d’utiliser au mieux les ressources disponibles. De même, il convient de ne pas perdre de vue l’importance d’une application correcte de la législation européenne.

3.15.

Dans le cadre de l’élaboration de ces mesures et de celles qui suivront, il convient de s’inspirer dans ce domaine de l’approche REFIT: l’efficience et l’efficacité doivent être des considérations primordiales, ainsi que la recherche des moyens les moins coûteux de parvenir aux résultats souhaités. REFIT veille à la simplicité, supprime les charges inutiles et applique les règles sans préjudice de la réalisation des objectifs de la politique.

3.16.

Dans ce contexte, le renforcement de la capacité des autorités européennes de surveillance de réaliser leurs propres études d’impact pourrait être envisagé, étant donné que cela leur permettrait d’évaluer le coût de la mise en œuvre et l’efficacité des normes qu’elles élaborent. À cet égard, il convient, dans la mesure du possible, de tenir également compte du principe de proportionnalité. Pour la réalisation de telles études, il pourrait être fait appel encore plus largement et de manière structurelle à différents groupes de parties prenantes en vue de recueillir les connaissances et les expériences des entreprises.

3.17.

Pour mener à bien comme il se doit leur mission, les autorités européennes de surveillance doivent pouvoir disposer des ressources nécessaires à l’exercice de leurs activités. À l’heure actuelle, celles-ci proviennent en partie du budget européen et en partie de leurs homologues au niveau national. Toute modification, visant notamment à mettre une partie des coûts liés à la surveillance indirecte directement à la charge du secteur privé, doit prendre en compte la discipline budgétaire et éviter les doubles prélèvements. Les entités financières contribuent d’ores et déjà, dans le cadre de la structure actuelle, aux ressources des autorités européennes de surveillance, par l’intermédiaire de la contribution de leur autorité nationale de surveillance. Il convient donc de redistribuer la contribution des entités financières aux autorités de surveillance nationales et européennes, et d’éviter une nouvelle augmentation générale du coût de la surveillance. Toute modification ultérieure devra reposer sur la plus grande transparence possible et prévoir la mise en place de mécanismes de contrôle rigoureux. Il convient également d’établir un contrôle adéquat sur les ressources globales, lequel devra aussi être exercé, de manière appropriée, par le secteur financier.

3.18.

Ces propositions constituent sans aucun doute une étape importante mais pas encore le point final. À cet égard, le Comité souscrit à l’objectif énoncé dans le récent document de réflexion sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire (18), à savoir que «le renforcement progressif du cadre de surveillance devrait aboutir à la mise en place d’une autorité européenne unique de contrôle des marchés de capitaux». Cet objectif final est également formulé dans le «rapport des cinq présidents» (19) du milieu de l’année 2015.

3.19.

Les propositions à l’examen se fondent sur une approche par étapes. Celle-ci semble particulièrement indiquée, surtout à l’heure actuelle, dans la phase de mise en place de l’UMC (20) et compte tenu, d’une part, de la situation et des aspirations différentes dans les États membres et, d’autre part, des nombreux défis et changements économiques, technologiques et politiques à venir dans le monde.

3.20.

Le Comité se réjouit également de voir que les propositions s’appuient sur l’expérience opérationnelle des autorités européennes de surveillance, les travaux de la Commission et les recommandations du Parlement européen, ainsi que sur un dialogue étroit avec toutes les parties prenantes et une large consultation publique de toutes les parties intéressées. Le CESE estime cette approche juste et indiquée. Elle permet en effet, en tenant compte des circonstances concrètes, de s’efforcer de parvenir aux meilleurs résultats possibles, fondés sur l’accord le plus large possible. Le Comité propose dès lors expressément de continuer à recourir à cette approche à l’avenir, tant dans le cadre de l’évaluation régulière de la réglementation que dans celui de l’adoption de nouvelles mesures en vue de la réalisation de l’objectif final (voir plus haut).

3.21.

À tout moment, la création de conditions de concurrence équitables sur les marchés financiers de l’Union européenne, tant au sein de la zone euro qu’à l’égard des autres États membres, doit être au cœur de la démarche. En outre, des conditions de concurrence équitables devraient également être définies vis-à-vis des prestataires de pays non membres de l’Union européenne. Cela n’est possible que si la réglementation et la surveillance en vigueur dans ces pays tiers poursuivent les mêmes objectifs que celles de l’Union européenne.

3.22.

La proposition de transférer certains pouvoirs de surveillance dans le domaine des assurances des autorités nationales de surveillance vers le niveau européen s’inscrit dans la volonté d’élargir la surveillance par l’Union européenne des marchés financiers et de contribuer ainsi à la réalisation de l’UMC. Elle contribuera à une plus grande convergence en matière de surveillance et à l’établissement de conditions de concurrence équitables pour tous les acteurs du marché.

Bruxelles, le 15 février 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Le présent texte s’inspire de plusieurs publications officielles, notamment du Conseil et de la Commission. Voir, entre autres, http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-13447-2017-INIT/fr/pdf et http://europa.eu/rapid/press-release_IP-17-3308_fr.htm

(2)  Communication de la Commission sur l’examen à mi-parcours du plan d’action concernant l’union des marchés des capitaux COM(2017) 292 final.

(3)  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Renforcer la surveillance intégrée pour consolider l’union des marchés des capitaux et l’intégration financière dans un environnement en mutation, COM(2017) 542 final.

(4)  Voir https://ec.europa.eu/info/business-economy-euro/banking-and-finance/financial-supervision-and-risk-management/european-system-financial-supervision_fr#reviewoftheesfs

(5)  Un plan d’action comportant des mesures réglementaires sera publié en 2018.

(6)  Dans ce domaine également, un plan d’action de la Commission est annoncé pour 2018.

(7)  Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2014/65/UE concernant les marchés d’instruments financiers et la directive 2009/138/CE sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II), COM(2017) 537 final.

(8)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 117, paragraphe 1.1.

(9)  Conclusions du Conseil européen, 22-23/06/2017.

(10)  Résolution du Parlement européen du 9 juillet 2015 sur la construction d’une union des marchés des capitaux. Voir http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0268+0+DOC+XML+V0//FR

(11)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 117, paragraphe 1.3.

(12)  JO C 434 du 15.12.2017, p. 63.

(13)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 139.

(14)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 117, paragraphe 1.12.

(15)  Communication COM(2017) 542 final, p. 5.

(16)  Par exemple, par le biais de l’internet.

(17)  Pensons notamment à cet égard au récent «Plan d’action relatif aux services financiers pour les consommateurs: de meilleurs produits, un plus grand choix», publié par la Commission européenne. Voir à ce sujet l’avis du CESE sur le thème «Services financiers pour les consommateurs», JO C 434 du 15.12.2017, p. 51.

(18)  Document du 31 mai 2017, p. 21. Voir https://ec.europa.eu/commission/sites/beta-political/files/reflection-paper-emu_fr.pdf

(19)  Document de juin 2015, paragraphe 3.2., p. 14. Voir https://ec.europa.eu/commission/sites/beta-political/files/5-presidents-report_fr.pdf

(20)  La communication de la Commission sur l’examen à mi-parcours du plan d’action concernant l’UMC (datée du 7 juin 2017) mentionne encore 38 composantes de l’UMC à mettre en place d’ici 2019, COM(2017) 292 final.


28.6.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 227/70


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d’investissement: Investir dans une industrie intelligente, innovante et durable — Une stratégie revisitée pour la politique industrielle de l’UE»

[COM(2017) 479 final]

(2018/C 227/10)

Rapporteur:

Bojidar DANEV

Corapporteure:

Monika SITAROVÁ HRUŠECKÁ

Consultation de la Commission européenne

9.10.2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption par la CCMI

23.1.2018

Adoption en session plénière

15.2.2018

Session plénière no

532

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

166/1/2

1.   Conclusions et recommandations

Le CESE accueille favorablement la communication sur le développement intelligent, innovant et durable, et son approche visant à favoriser l’autonomie des citoyens et des entreprises. Toutefois,

il convient d’assurer la continuité et la prévisibilité à plus long terme de cette politique. La Commission devrait développer davantage la présente politique, ou plutôt, un ensemble de politiques, afin qu’elles constituent une stratégie cohérente et à plus long terme,

le CESE s’adresse également au Conseil, car la plupart des questions de politique industrielle relèvent des États membres qui doivent, par conséquent, s’engager dans des actions cohérentes. Aucun État membre n’a, à lui seul, la capacité de relever les défis mondiaux auxquels l’industrie est confrontée,

des objectifs et un cadre communs au service d’une politique industrielle pourraient déterminer l’avenir de l’Europe. À cette fin, il convient d’améliorer la gouvernance de l’Union afin de produire des résultats,

il est grand temps d’agir, car les défis que représentent les technologies numériques, la décarbonisation et les évolutions politiques mondiales sont imprévisibles et sans précédent.

Eu égard à la communication, le CESE formule les conclusions suivantes:

1.1.

la Commission a adopté une approche consistant à intégrer des actions dans plusieurs domaines politiques de manière à créer des conditions favorables à la compétitivité et au développement industriels, à l’instar de ce que le CESE propose depuis de nombreuses années;

1.2.

le changement de paradigme que représente l’ère numérique a eu des effets transversaux qui ont perturbé toutes les entreprises et la société dans son ensemble;

1.3.

les entreprises sont confrontées à des difficultés inédites pour convertir rapidement les nouvelles technologies en innovations et en réussites, sur des marchés de plus en plus concurrentiels. Une position centrale dans une chaîne de valeur mondiale revêt une grande importance pour nombre d’entre elles;

1.4.

les citoyens sont au cœur même du changement. Les politiques liées au marché du travail doivent s’adapter aux circonstances en constante évolution. Une transition équitable suppose d’aider les personnes et les régions confrontées à des mutations structurelles;

1.5.

l’éducation et la formation sont des instruments nécessaires, et les moteurs de la transition industrielle. Les travailleurs ont tous besoin d’actualiser leurs qualifications, notamment leurs compétences numériques, et nombre d’entre eux doivent apprendre de nouveaux métiers;

1.6.

atteindre les objectifs en matière d’environnement, de changement climatique et de durabilité suppose une évolution importante de l’ensemble de l’économie. De nouvelles opportunités commerciales sont en train d’émerger. Dans le même temps, la transition vers des technologies industrielles pauvres en carbone nécessite des investissements énormes dans des technologies économes en carbone totalement nouvelles, ainsi que bien plus d’électricité propre à des prix compétitifs;

1.7.

le niveau des investissements dans l’industrie européenne est faible, mais certains signes laissent présager une évolution positive. En tout état de cause, les investisseurs ne sont attirés que lorsque les conditions-cadre sont favorables à l’industrie;

1.8.

l’accès aux marchés mondiaux est indispensable à l’industrie. C’est pourquoi le réseau d’accords commerciaux doit être encore développé et s’appuyer sur le principe du commerce équitable.

Le CESE formule les recommandations suivantes:

1.9.

l’action de l’Union européenne doit avoir pour objectif général de développer davantage un éventail de politiques horizontales qui soit fonctionnel, ainsi qu’un cadre juridique prévisible afin de stimuler l’innovation, de soutenir les investissements et d’aider l’industrie à apporter des solutions aux défis sociétaux. Cette politique devrait apporter une valeur ajoutée avec des répercussions tangibles sur la croissance et l’emploi, s’accompagner de charges administratives aussi limitées que possible et avoir des retombées positives pour la société dans son ensemble;

1.10.

toutes les mesures nécessaires devraient être prises pour réaliser l’achèvement du marché unique, en mettant l’accent sur sa mise en œuvre par les États membres. Une mise en œuvre attentive de la politique de concurrence, nécessaire pour stimuler l’innovation et l’équité, ne devrait toutefois pas entraver la croissance des entreprises de l’Union européenne;

1.11.

la stratégie pour un marché unique numérique doit être mise en œuvre de toute urgence, en s’accompagnant d’une politique ciblée en matière d’emploi;

1.12.

il convient d’adopter une attitude ouverte et réaliste face aux nouveaux modèles économiques et technologies de rupture, en mettant l’accent sur le fait de donner à la société, et notamment aux entreprises, la possibilité de tirer parti des nouvelles opportunités;

1.13.

le dialogue social et le dialogue avec la société civile devraient être renouvelés et renforcés à tous les niveaux afin de faciliter le changement, de gérer les problèmes sociaux et d’éviter les conflits;

1.14.

des passerelles souples doivent être créées entre les mondes du travail et de l’éducation, telles que l’apprentissage et la formation par le travail. Dans de nombreux États membres, la formation professionnelle devrait être davantage valorisée;

1.15.

le leadership dans les économies circulaires et à faible intensité de carbone devrait bénéficier à nos économies. Les politiques devraient soutenir le développement de nouvelles entreprises innovantes ainsi que les transformations onéreuses des industries qui consomment beaucoup d’énergie, dans le but d’éviter les déperditions de carbone et d’investissements;

1.16.

il convient d’analyser les obstacles qui empêchent de transformer les importants excès d’épargne privés actuels en investissements productifs dans les secteurs de l’industrie et des infrastructures;

1.17.

le soutien de l’Union devrait viser principalement à stimuler l’innovation, renforcer les PME, aider les régions en difficulté et responsabiliser les individus. L’effet de levier sur le financement privé devrait être un critère important;

1.18.

les politiques de R&D et d’innovation doivent se voir garantir des ressources supplémentaires dans le nouveau cadre financier. Ces politiques doivent être davantage axées sur l’adoption de nouvelles technologies, l’intensification et les succès commerciaux, sans exclure aucune entreprise, quelle que soit sa taille;

1.19.

les statistiques officielles devraient mieux refléter l’évolution des caractéristiques de l’économie: la disparition progressive des frontières sectorielles et les nouvelles formes d’activité économique. Il est nécessaire de disposer d’une nouvelle méthode commune pour déterminer la valeur ajoutée de l’industrie et des services;

1.20.

les objectifs et indicateurs les plus pertinents en matière de politique industrielle, tant globalement qu’aux niveaux plus détaillés, doivent donner lieu à davantage de réflexion, outre l’objectif des 20 %;

1.21.

la gouvernance doit être améliorée afin d’intégrer les domaines politiques et de garantir une cohérence tout au long du processus décisionnel, que ce soit par le renforcement du Conseil de la compétitivité ou d’une autre manière;

1.22.

la Journée annuelle de l’industrie et la table ronde des industriels de haut niveau méritent d’être saluées, car elles renforcent l’appropriation de la stratégie par les parties prenantes. Le dialogue avec l’industrie ne devrait toutefois pas se limiter à ces dispositions.

2.   Introduction

2.1.

L’industrie est la colonne vertébrale de l’économie européenne. Elle fournit 24 % des emplois au sein de l’Union européenne — 32 millions d’emplois directs et 21 millions d’emplois indirects, principalement dans le secteur des services. Ces emplois sont assortis de salaires relativement élevés, pour les travailleurs hautement qualifiés comme pour les travailleurs peu qualifiés. Les produits manufacturés représentent 75 % des exportations. La croissance industrielle a des répercussions sur tous les secteurs de l’économie. L’industrie est aussi le berceau des innovations dans tous les secteurs, et offre des réponses à de nombreux défis sociétaux. Toutefois, l’interdépendance croissante entre l’industrie manufacturière et les services, ainsi que l’intégration au sein des chaînes de valeur, constituent l’essentiel de la valeur ajoutée dans nos économies.

2.2.

Après plusieurs années de récession, la production industrielle, les exportations et l’emploi semblent être à l’heure actuelle sur la voie de la reprise en Europe. Néanmoins, cette reprise est partielle et la compétitivité du secteur industriel européen n’est pas satisfaisante. Une fiscalité et des prix de l’énergie relativement élevés, des investissements insuffisants, qu’ils soient réels ou immatériels, la faible croissance de la productivité, des lacunes en matière d’innovation par rapport aux concurrents, des pénuries de qualifications ainsi que l’atonie de la demande intérieure sont fréquemment signalés.

2.3.

Les grandes tendances ayant une incidence sur le secteur de l’industrie sont, en particulier:

une évolution technologique révolutionnaire; la numérisation ainsi que toutes ses applications, mais aussi les nanotechnologies, de nouveaux matériaux, des technologies reposant sur les sciences de la vie, etc.,

des exigences croissantes liées à l’environnement, notamment en matière d’atténuation du changement climatique,

une amélioration globale du niveau de vie, le vieillissement de la population et l’urbanisation,

la mondialisation, qui comprend l’ouverture des marchés et la production de chaînes de valeur, mais aussi un esprit d’entreprise et un protectionnisme agressifs de la part des États.

Ces tendances bien connues offrent d’importantes possibilités à l’industrie européenne. Elles pourraient également constituer de sérieux risques pour la société et l’industrie, si l’on ne réussit pas à y répondre de manière adéquate.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE accueille favorablement la communication de la Commission et approuve dans une large mesure l’analyse que celle-ci effectue de la situation et des difficultés auxquelles l’industrie européenne est confrontée. La communication à l’examen constitue principalement une mise à jour des propositions existantes, et propose un certain nombre de nouvelles actions qui seront présentées par la Commission. Toutefois, il convient d’assurer la continuité et la prévisibilité de cette politique à plus long terme. La Commission devrait élaborer d’urgence une stratégie à plus long terme, dans laquelle tous les États membres devraient également s’engager pleinement.

3.2.

Le CESE relève avec satisfaction la cohérence dont fait preuve la Commission en présentant la même approche de la politique industrielle que celle que le Comité propose depuis des années. Au lieu d’élaborer des actes législatifs dans de nombreux domaines d’action politique ayant des répercussions sur l’industrie, sans se préoccuper de leurs conséquences sur ce secteur ni sur sa contribution, l’approche qui prévaut à présent consiste à intégrer ces domaines d’action politique dans les autres, le développement industriel étant une priorité.

3.3.

Au cours de ces dernières années, le CESE a présenté des avis sur les propositions de la Commission relatives à différents secteurs industriels et domaines politiques (1). Ces avis sont toujours pertinents, principalement dans le cadre de la présente communication. Dans le présent avis, le CESE souhaite mettre en évidence certains aspects pertinents à l’heure actuelle concernant la politique industrielle, et ajouter de nouvelles remarques.

3.4.

Les entreprises sont confrontées à un besoin sans précédent d’adaptation, souvent radical. Elles doivent adopter rapidement les nouvelles technologies et les exploiter pour améliorer leur productivité et innover, et ainsi réussir sur des marchés de plus en plus concurrentiels. Il est impératif pour de nombreuses entreprises de bien se positionner, de préférence au cœur d’une chaîne de valeur internationale. Les PME peuvent et doivent s’efforcer de jouer un rôle important et novateur dans ces chaînes, qui sont, pour la plupart, articulées autour de grandes entreprises disposant des ressources et des réseaux nécessaires.

3.5.

De nouvelles industries sont appelées à voir le jour. La numérisation donne naissance à une multitude de nouveaux réseaux et d’interactions, favorisant de nouveaux modèles de produits et services, de plus en plus adaptés aux besoins individuels des clients. L’expansion de la production, des technologies des produits et des services, ainsi que la croissance des jeunes pousses doivent être rendues possible grâce à des politiques appropriées au niveau de l’Union européenne, parce que les chaînes de valeur ne se limitent pas aux différents États. Par ailleurs, les différences entre les États membres et les régions rendent nécessaires des actions sur mesure.

3.6.

Toutes les entreprises doivent moderniser leurs activités de manière continue. Les sociétés obsolètes et non rentables ne peuvent être préservées par le biais de subventions. Cependant, l’Europe a besoin d’une grande diversité de secteurs pour répondre aux besoins de la société. Il convient donc de développer des stratégies spécifiques aux secteurs qui connaissent des difficultés particulières.

3.7.

Les citoyens sont au cœur même du changement. Sans travailleurs qualifiés et dévoués à leur tâche, il n’existerait pas d’industrie. Les opportunités qu’offrent les nouvelles technologies et les innovations doivent être exploitées, mais la numérisation et d’autres technologies révolutionnaires auront une incidence sur la structure du marché du travail, qui proposera moins de postes dans l’industrie manufacturière et plus d’emplois spécialisés dans le domaine des technologies de l’information. L’organisation du travail et les concepts d’encadrement évolueront également, ce qui aura des implications sur la qualité de l’emploi, qui sera moins dangereux, mais aussi plus intense et plus flexible.

3.8.

Les conséquences des ruptures technologiques sur l’emploi doivent être correctement évaluées, et les instruments destinés à anticiper les changements doivent être renforcés. Le défi consistant à adapter les marchés du travail aux mutations structurelles est considérable: il s’agit d’apporter dans la mesure du possible la sécurité d’emploi ou de nouvelles possibilités de travail, de veiller à la protection sociale des personnes dans le besoin et de prévenir la récession de régions entières. Le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation doit disposer de davantage de ressources, et son champ d’application doit être revu à la hausse afin qu’il s’applique aussi aux conséquences de l’évolution technologique. Les relations de travail à tous les échelons, et, en particulier, le dialogue social associant les travailleurs au niveau de l’entreprise, sont essentiels pour faciliter les mutations industrielles tout en favorisant l’acceptation du changement et la prévention des conflits.

3.9.

L’éducation et la formation sont des instruments indispensables, et les moteurs de la transition industrielle. Les travailleurs ont tous besoin d’actualiser leurs qualifications, notamment leurs compétences numériques. Beaucoup doivent suivre des formations dans des professions relativement nouvelles. La rapidité de l’évolution technologique constitue un enjeu de taille, si l’on veut maintenir les programmes éducatifs et le nombre d’étudiants conformes à l’évolution des besoins de l’industrie. Les solutions d’apprentissage par le travail, telles que l’excellent système allemand de formation en alternance, devraient être appliquées beaucoup plus fréquemment. Il faudrait rendre à la formation professionnelle ses lettres de noblesse, dans certains États membres au moins. De même, l’attrait pour les sciences, les technologies, l’ingénierie et les mathématiques devrait être développé.

3.10.

Les politiques macroéconomique et industrielle se renforcent mutuellement. La relance économique actuelle est l’occasion de moderniser les transports, l’énergie et les infrastructures numériques, d’actualiser la R&D afin de garantir la réussite d’innovations, et d’équilibrer le développement régional. Une juste combinaison de politiques macroéconomique et industrielle devrait prolonger cette reprise, et protéger l’économie et l’industrie contre toute nouvelle crise à l’avenir.

3.11.

Il est préoccupant de constater que les investissements dans l’industrie européenne restent limités, alors qu’il existe d’importants excès d’épargne au sein de l’Union, qui n’ont pas été transformés en investissements productifs. Les raisons devraient en être étudiées de manière approfondie, en particulier parce que la mutation industrielle nécessite des investissements considérables. Une chose est claire cependant: les investisseurs tant nationaux qu’internationaux ne sont attirés que par des conditions-cadres favorisant suffisamment la compétitivité.

3.12.

Néanmoins, certains signes de tendances éventuellement positives ont été constatés dans les investissements. Dans un monde confronté à une instabilité politique considérable, l’Union européenne reste un endroit sûr et stable pour investir. En raison de la demande croissante, certains secteurs ont atteint leur capacité de production maximale. Cela débouchera sur des investissements dans de nouvelles capacités, espérons-le en Europe.

3.13.

Les contraintes en matière d’environnement et de climat, en particulier l’accord de Paris sur le changement climatique, concernent l’ensemble des entreprises. De nombreux débouchés commerciaux sont en train d’apparaître dans l’économie circulaire et à faible intensité de carbone. Les ambitions pionnières de l’Union peuvent aider les industries européennes à s’imposer sur les marchés mondiaux. Les industries énergivores et nécessitant des ressources considérables, en particulier, doivent opérer des mutations technologiques fondamentales, ce qui requiert des mesures politiques ambitieuses, afin d’éviter les déperditions de carbone et d’investissements. La transformation des industries manufacturières et des transports en vue de l’utilisation d’énergies non fossiles augmentera considérablement la demande en électricité à des prix compétitifs.

3.14.

La coopération entre tous les acteurs — l’Union européenne, les gouvernements des États membres, les collectivités locales, les régions, les universités et les écoles, les parties prenantes et les entreprises — pourrait et devrait être améliorée. Par exemple, il convient de renforcer la collaboration entre entreprises et universités. Les écoles devraient se tourner vers les entreprises pour obtenir de l’aide afin de mettre à jour les programmes et les apprentissages. Plus important encore, les États membres devraient coopérer en mettant rapidement en œuvre et en appliquant les politiques et la législation adoptées.

3.15.

Les méthodes statistiques actuelles ne permettent pas de dresser un tableau utile et actualisé de la situation industrielle qui prévaut en Europe. La division sectorielle entre l’industrie manufacturière, les services et les autres activités productives est obsolète. Une partie considérable de l’activité économique n’est pas prise en compte dans le calcul du PIB. Les statistiques portant sur les importations et les exportations ne décrivent pas correctement l’activité industrielle, à une époque où près de la moitié de la production industrielle s’inscrit dans des chaînes de valeur mondiales. Il est nécessaire de disposer de toute urgence d’une nouvelle méthode commune pour déterminer la valeur ajoutée et les interactions de l’industrie et des services.

3.16.

Le CESE est d’avis que l’objectif visant à ce que l’industrie représente 20 % du PIB doit être complété par des objectifs et des indicateurs plus pertinents, qui refléteraient davantage tous les aspects du développement industriel.

3.17.

La gouvernance de l’intégration des politiques ayant une incidence sur la compétitivité et le développement industriels, ainsi qu’entre les États membres, doit être renforcée. Il importe de mieux légiférer — c’est-à-dire de manière prévisible, efficace au regard des coûts et en s’appuyant sur des faits — et de procéder à des analyses d’impact ex ante transparentes. La cohérence tout au long du processus décisionnel doit être garantie en renforçant le rôle du Conseil «Compétitivité», ou au moyen d’autres dispositions institutionnelles. Il faut mettre un terme au cloisonnement de la réflexion à l’échelle de l’Union européenne et au niveau national, afin de répondre à la dynamique accrue de l’économie mondiale.

4.   Observations particulières

4.1.

Rendre plus forte l’industrie européenne: le CESE souscrit à la nécessité d’une vision globale et prospective de l’industrie européenne. Afin de rendre plus forte l’industrie européenne, l’objectif global de l’action de l’Union devrait être de créer un cadre juridique efficace et prévisible, qui favorise l’innovation et aide le secteur de l’industrie à apporter des solutions aux défis sociétaux. Celui-ci devrait apporter une valeur ajoutée ayant des répercussions tangibles sur la croissance et l’emploi, être réalisée avec aussi peu de charges administratives que possible et en partager les avantages avec la société dans son ensemble.

4.2.

Le marché unique: le CESE se réjouit de l’approche consistant à responsabiliser les particuliers et les entreprises et approuve les actions proposées en vue de renforcer le marché unique, y compris sur le marché des capitaux. L’amélioration de la normalisation et l’autoréglementation constituent des domaines d’action importants. Plus important encore, les États membres doivent respecter leur obligation en matière de respect et d’application des règles. Une mise en œuvre attentive de la politique de concurrence est essentielle à l’innovation et à la formation des prix. La vigilance de la Commission par rapport aux grands acteurs mondiaux est très appréciée. La croissance des entreprises européennes ne devrait toutefois pas être entravée — la taille de l’entreprise médiane enregistrée dans l’Union (à l’exclusion du Royaume-Uni) n’atteint que la moitié environ de celle de l’entreprise américaine médiane. C’est une question d’interprétation de la définition du marché concerné en matière d’application du droit de la concurrence.

4.3.

L’ère numérique: la numérisation implique un véritable changement de paradigme ayant des effets sur l’ensemble de la société, et présentant même des caractéristiques géopolitiques. Le CESE a présenté son point de vue détaillé sur la question de la numérisation dans d’autres avis. Ces derniers ont traité des mégadonnées, de la 5G, des techniques de fabrication avancées, de la robotique, etc. Les stratégies de l’Union au service d’un marché unique numérique, le passage au numérique des entreprises européennes, la cybersécurité et l’intelligence artificielle revêtent une importance capitale. Le juste équilibre à trouver entre, d’une part, l’utilisation de nouvelles technologies de rupture et la mise à profit de leurs avantages et, d’autre part, la garantie de la sécurité et de l’équité, constitue une importante question de principe. L’accent devrait être mis sur le fait de donner à la société, y compris aux entreprises, la possibilité de tirer parti de nouvelles possibilités en adoptant une attitude ouverte et réaliste.

4.4.

Une société circulaire et à faibles émissions de carbone: rester pionnier dans ces domaines représente un grand défi dans un environnement où la concurrence est accrue. Le rôle de pionnier ne doit toutefois pas être un but en soi. Il s’agit plutôt d’en faire bénéficier nos économies et nos sociétés. La transition énergétique doit être soutenue, mais les prix de l’énergie doivent rester compétitifs pour l’industrie.

4.5.

Les investissements: les nombreux instruments dont dispose l’Union pour favoriser les investissements — qu’ils soient matériels ou non — devraient viser principalement à stimuler l’innovation, à aider les PME à se développer, à soutenir les régions en difficulté, à moderniser les infrastructures et à responsabiliser les individus grâce à l’éducation et à la formation. Les PME ont besoin de davantage d’aide pour s’y retrouver parmi le large éventail de possibilités de financement, ainsi que de procédures beaucoup plus simples pour introduire leurs demandes et présenter leurs rapports. L’effet de levier sur l’investissement privé devrait être un critère important. Toutes les propositions, y compris celles attendues de la part du groupe à haut niveau sur le financement durable, qui redirigent l’allocation des capitaux vers des investissements à long terme et des contributions à la croissance durable, sont les bienvenues (2).

4.6.

Innovation: le CESE reconnaît que les politiques doivent être plus axées sur l’adoption de nouvelles technologies, le développement et les succès commerciaux, ainsi que la collaboration au sein des groupements régionaux et entre eux. Aucune entreprise ne doit être exclue, indépendamment de sa taille. Le successeur du programme Horizon 2020 devrait bénéficier de ressources nettement supérieures dans le prochain cadre financier. Dans la mesure du possible, la première application industrielle d’une R&D financée par des fonds publics devrait avoir lieu dans l’Union européenne. Le potentiel des marchés publics devrait être pleinement exploité en intégrant des critères innovants, écologiques et sociaux dans les appels d’offres et en appliquant de manière systématique le principe de l’offre économiquement la plus avantageuse.

4.7.

La dimension internationale: le commerce doit être ouvert, mais équitable et durable. L’accès aux marchés mondiaux et aux matières premières est indispensable à l’industrie. C’est pourquoi le réseau d’accords commerciaux doit être encore développé. Le CESE invite instamment la Commission à recourir activement aux instruments disponibles pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales. Une attention particulière doit être apportée aux nouvelles formes de protectionnisme de la part de pays tiers. L’Union devrait promouvoir ses normes environnementales et sociales dans le cadre des accords commerciaux. En ce qui concerne la surveillance des investissements directs étrangers, il est important de recenser les risques de menace pour la sécurité ou l’ordre public. En même temps, vu la nécessité d’investir davantage dans les entreprises de l’Union européenne, les investissements directs étrangers devraient être les bienvenus; ils sont également révélateurs du potentiel de l’Europe.

4.8.

Partenariats: le CESE se félicite de la création d’une journée annuelle de l’industrie et de la table ronde des industriels de haut niveau, et fait part de son vif intérêt pour ces deux manifestations. Cette approche devrait s’appliquer à tous les domaines de la politique industrielle, de manière à renforcer l’appropriation de la stratégie par les parties prenantes. Le dialogue avec l’industrie ne devrait toutefois pas se limiter à ces dispositions. Il est nécessaire de favoriser davantage la transparence et la coopération, en particulier lors du démarrage des analyses d’impact.

Bruxelles, le 15 février 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Par exemple: JO C 327 du 12.11.2013, p. 82, JO C 12 du 15.1.2015, p. 23, JO C 389 du 21.10.2016, p. 50, JO C 311 du 12.9.2014, p. 47, JO C 383 du 17.11.2015, p. 24.

(2)  JO C 246 du 28.7.2017, p. 8.


28.6.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 227/76


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision 2003/17/CE du Conseil en ce qui concerne l’équivalence des inspections sur pied des cultures productrices de semences de plantes fourragères et des cultures productrices de semences de céréales effectuées au Brésil et l’équivalence des semences de plantes fourragères et des semences de céréales produites au Brésil, et en ce qui concerne l’équivalence des inspections sur pied des cultures productrices de semences de céréales, des cultures productrices de semences de légumes et des cultures productrices de semences de plantes oléagineuses et à fibres effectuées en Moldavie et l’équivalence des semences de céréales, des semences de légumes et des semences de plantes oléagineuses et à fibres produites en Moldavie»

[COM(2017) 643 final — 2017/0297 (COD)]

(2018/C 227/11)

Rapporteur:

Emilio FATOVIC

Consultation

Parlement européen, 16.11.2017

Base juridique

Articles 43, paragraphe 2, 114, paragraphe 1, et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Décision du Bureau du Comité

5.12.2018

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

6.2.2018

Adoption en session plénière

14.2.2018

Session plénière no

532

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

140/0/8

1.   Contexte et proposition de la Commission

1.1.

La décision 2003/17/CE du Conseil accorde une équivalence à certains pays tiers en ce qui concerne les inspections sur pied et la production de semences de certaines espèces (1).

1.2.

Ces dispositions régissant les semences récoltées et contrôlées dans ces pays offrent les mêmes garanties que les dispositions applicables aux semences récoltées et contrôlées dans l’Union européenne en ce qui concerne les caractéristiques, l’examen, l’identité, le marquage et le contrôle des semences.

1.3.

Le Brésil et la Moldavie ne relevant pas de la catégorie des pays tiers concernés par la décision 2003/17/CE, les semences qui y sont récoltées ne peuvent être importées dans l’Union européenne. Les deux pays ont donc entrepris de saisir la Commission d’une demande tendant à ce que certaines de leurs productions de semences (Brésil: plantes fourragères et céréales; Moldavie: céréales, plantes oléagineuses et à fibres et légumes) relèvent de la décision en question afin d’en obtenir l’équivalence et de pouvoir les exporter en Europe.

1.4.

En réponse à ces demandes, la Commission a examiné la législation en vigueur en la matière au Brésil et en Moldavie. Elle a ensuite procédé à des vérifications des systèmes d’inspection sur pied et de certification des semences au Brésil et en Moldavie. Elle en a conclu que les exigences et les systèmes en place dans ces deux pays sont équivalents à ceux de l’Union et offrent les mêmes garanties (2).

1.5.

Dans les deux cas, la Commission a donc estimé qu’il y avait lieu de reconnaître que certaines semences brésiliennes et moldaves sont équivalentes aux semences de mêmes types récoltées, produites et contrôlées dans l’Union. L’instrument à cet effet est une décision, qu’il appartient au Parlement européen et au Conseil d’adopter.

2.   Considérations et recommandations

2.1.

Le CESE prend acte des résultats positifs des audits effectués par la Commission au Brésil et en Moldavie en conformité avec les exigences énoncées à l’annexe II de la décision 2003/17/CE, afin de reconnaître l’équivalence des exigences légales et des contrôles officiels pour la certification des semences.

2.2.

Le CESE, dans la continuité de ses précédents avis (3) sur ce sujet et dans la lignée de ce qui est ressorti des échanges de vues entre la Commission, les parties prenantes et les États membres, approuve l’action législative à l’examen. En outre, il convient du fait que la reconnaissance de l’équivalence est de nature à présenter des avantages pour les entreprises productrices de semences de l’Union opérant au Brésil et en Moldavie, pour ses importateurs potentiels qui font venir des semences de ces pays, ainsi que pour ses agriculteurs, qui auront désormais accès à un plus large éventail de semences.

2.3.

Le CESE émet une seule réserve qui concerne la proposition de reconnaissance à la Moldavie de l’équivalence relative aux semences de légumes. Ces semences, relevant de la directive 2002/55/CE, sont commercialisées exclusivement en tant que semences de catégorie «standard», qui n’exigent pas de certification officielle pour être mises sur le marché, mais une autocertification par le producteur et, uniquement après commercialisation, une vérification éventuelle a posteriori des caractéristiques et de la qualité du produit. Ce système repose sur l’obligation de rendre des comptes qui incombe au producteur, une entité clairement identifiée et traçable ayant son siège social dans l’Union européenne. La traçabilité et le contrôle ne seront certainement pas aisés dans le cas de productions qui ont leur origine hors de l’Union européenne. Cette difficulté objective a justifié jusqu’à présent la décision de l’Union européenne de n’accorder à aucun pays tiers une reconnaissance d’équivalence pour les semences de légumes. Par conséquent, le Comité met en avant ce problème et souhaite un examen plus approfondi de la part de la Commission.

2.4.

Le CESE reconnaît, comme la Commission le soutient, que la reconnaissance de l’équivalence des techniques de certification des produits en question est une mesure d’ordre technique. Toutefois, étant donné que l’ouverture du marché européen aux produits de pays tiers aura en tout état de cause une incidence économique et sociale, le Comité recommande l’élaboration d’une analyse d’impact pour vérifier que les producteurs européens, et plus particulièrement les microentreprises et les petites entreprises, ne soient pas affectés par la mesure.

2.5.

Le CESE rappelle en effet à la Commission qu’à l’heure actuelle, plus de 60 % du marché des semences est aux mains de quelques grandes multinationales. L’ouverture à des pays tiers, où la production est contrôlée par ces mêmes entreprises, pourrait encore aggraver la situation des petits producteurs et des coopératives, ce qui aurait également un impact significatif sur la stabilité économique et sociale de nombreuses communautés locales dont la production a une orientation spécifique. Tout cela, dans les cas les plus graves, pourrait favoriser le dépeuplement des communautés rurales et entraîner également des conséquences sur la biodiversité des cultures et certaines productions agroalimentaires européennes, car ce sont souvent les petites exploitations qui préservent de l’extinction certains types de semences anciennes et traditionnelles (4).

2.6.

Par ailleurs, le CESE demande une nouvelle fois à la Commission d’évaluer de manière globale les processus de production mis en œuvre dans les pays tiers, rappelant que, derrière certains produits à des prix plus compétitifs se cachent des cas d’exploitation sur le lieu de travail, touchant notamment des enfants. Cette approche apparaît indispensable et incontournable à l’heure où l’Union européenne prend une part active à la réalisation des objectifs de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies. L’Union européenne est le premier importateur et exportateur de produits agroalimentaires dans le monde et est appelée à peser de tout son poids dans le cadre des accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux pour encourager l’amélioration de la qualité de la vie et du travail des citoyens et travailleurs dans les pays tiers, y compris en vue d’éradiquer toutes les formes de concurrence déloyale (5).

2.7.

Enfin, le CESE souhaite que cette décision n’entre en vigueur que moyennant une totale réciprocité en matière d’équivalence et de reconnaissance des mêmes produits européens, de manière que les entreprises du secteur puissent avoir davantage de possibilités de croissance et de développement. Cette condition serait conforme aux attentes spécifiques formulées par les parties prenantes lors de la phase de consultation.

Bruxelles, le 14 février 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Conformément aux directives 66/401/CEE, 66/402/CEE, 2002/54/CE et 2002/57/CE.

(2)  Déjà conformes aux règles de l’ISTA (Association internationale d’essais de semences).

(3)  JO C 74 du 23.3.2005, p. 55, JO C 351 du 15.11.2012, p. 92.

(4)  Cette réflexion est étayée par le fait que la consultation publique en ligne organisée par la Commission n’a donné lieu qu’à trois réponses, dont deux émanant de particuliers, ce qui indique que seuls les grands acteurs à l’échelle européenne ont été associés au processus de décision.

(5)  JO C 173 du 31.5.2017, p. 20, paragraphe 1.6.


28.6.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 227/78


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant un cadre applicable à la libre circulation des données à caractère non personnel dans l’Union européenne»

[COM(2017) 495 final — 2017/0228(COD)]

(2018/C 227/12)

Rapporteur:

Jorge PEGADO LIZ

Consultations

Parlement européen, 23.10.2017

Conseil de l’Union européenne, 24.10.2017

Base juridique

Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

5.2.2018

Adoption en session plénière

15.2.2018

Session plénière no

532

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

163/3/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.    Conclusions

1.1.1.

Le CESE a déjà souligné, dans plusieurs de ses avis antérieurs, la nécessité d’une initiative législative en matière de libre circulation des données à caractère non personnel, estimant qu’il s’agit d’un passage obligé qui est essentiel pour atteindre les objectifs de la stratégie numérique et mettre en œuvre le marché unique numérique.

1.1.2.

La proposition de la Commission à l’examen constitue aujourd’hui l’outil juridique le plus pertinent s’agissant de l’avenir de la politique européenne en faveur du développement de l’économie des données et de ses effets sur le taux de croissance économique, la recherche scientifique, la stimulation des nouvelles technologies, notamment dans le domaine de l’intelligence artificielle, l’informatique en nuage, les métadonnées et l’internet des objets (IdO), l’industrie, ainsi que les services en général et les services publics en particulier.

1.1.3.

Le CESE considère cependant que cette proposition intervient assez tardivement et qu’en outre, son champ d’application trop étriqué, le flou et le manque d’assertivité des mécanismes annoncés et surtout le manque d’ambition, de volonté et de détermination politiques sont de nature à compromettre ses objectifs.

1.1.4.

En effet, pour ce qui concerne le premier et le plus important d’entre eux, à savoir améliorer la mobilité transfrontière des données à caractère non personnel dans le marché unique, le CESE estime, contrairement à la Commission, qu’il ne suffit pas, dans un premier temps, d’enjoindre aux États membres de lui notifier «tout projet d’acte qui introduit une nouvelle exigence de localisation des données ou modifie une exigence de localisation des données existantes» seulement dans un délai de 12 mois après le début de l’application du règlement, qui ne devrait pas avoir lieu avant la fin de l’année 2018, dans le meilleur des cas, et d’obliger les États membres à veiller à ce que soit abrogée «toute exigence de localisation des données non conforme» à la règle de la non-interdiction ou restriction de la libre circulation de ces données, et toujours sous réserve de raisons de sécurité publique.

1.1.5.

Quant au deuxième objectif, à savoir «veiller à ce que le pouvoir des autorités compétentes de demander et d’obtenir l’accès à des données à des fins de contrôle réglementaire, comme l’inspection et l’audit, reste inchangé», le CESE n’admet pas que la communication se limite à proposer une procédure de coopération entre les instances compétentes de chaque État membre, consistant à créer un réseau de points de contact uniques, qui mettra chacun d’entre eux en liaison avec ceux des autres États membres et avec la Commission pour les questions relatives à l’application du règlement.

1.1.6.

Enfin, en ce qui concerne le troisième objectif, qui est de «permettre aux utilisateurs professionnels des services de stockage ou de traitement des données de changer de fournisseur et de transférer leurs données plus facilement», le CESE désapprouve que la Commission se borne à prendre l’engagement d’encourager et de faciliter «l’élaboration de codes de conduite par autorégulation au niveau de l’Union», en particulier dans une matière pour la réglementation de laquelle seules des dispositions législatives devraient être envisagées, et sans même avoir proposé l’élaboration de «lignes directrices» pour l’élaboration desdits codes de conduite.

1.1.7.

Pour toutes ces raisons, le CESE ne peut donner son aval au document dans sa version actuelle. Il n’est disposé à souscrire à la proposition à l’examen que si et seulement si elle est modifiée conformément aux suggestions énumérées dans le présent document et qu’elle est clairement envisagée comme le plus grand dénominateur commun qui soit acceptable, pour les États membres comme pour les parties intéressées, mais en se plaçant, en tout état de cause, dans la perspective qu’il s’agit d’un premier pas qui évoluera vers des formes plus ambitieuses mettant en œuvre une véritable libre circulation des données à caractère non personnel au sein du marché numérique de l’Union européenne.

1.1.8.

Une autre condition indispensable est qu’il soit dûment tenu compte lors de cet exercice des aspects internationaux d’une économie mondiale dans laquelle cette initiative doit nécessairement s’inscrire.

1.2.    Recommandations

1.2.1.

Le CESE recommande donc à la Commission de revoir sa proposition afin de la rapprocher significativement des termes définis dans l’option 3, que le CESE préfère à la sous-option 2a retenue dans la communication.

Par ailleurs, il invite instamment la Commission à intégrer en particulier dans sa proposition les suggestions figurant aux points 3.4.1 (date d’entrée en vigueur), 3.4.2 (absence de la procédure obligatoire en cas de non-respect), 3.6 (inexistence de lignes directrices pour l’élaboration de codes de conduite), 3.7 (non-prise en compte de la classification des métadonnées) et 3.8 (manque de prise en considération du caractère mondial et transeuropéen de l’économie numérique), et celle notamment qui concerne la nécessité de prévoir une procédure spécifique en cas de manquement de la part d’un État membre.

1.2.2.

Le CESE insiste par ailleurs pour que la Commission accueille favorablement les différentes propositions d’amélioration qu’il suggère d’apporter, en particulier, à divers articles de la proposition de règlement à l’examen.

1.2.3.

En outre, il recommande vivement à la Commission d’intégrer dans sa proposition les modifications proposées dans la position de la présidence du Conseil de décembre, qu’il approuve dans la mesure où elles constituent une amélioration intrinsèque et sont de nature à rendre la proposition viable.

2.   Synthèse succincte et contexte général

2.1.    Résumé de la proposition et de ses motifs

2.1.1.

Pour établir que sa proposition de règlement (1) à l’examen est nécessaire et respecte le principe de proportionnalité, la Commission avance les arguments suivants:

«améliorer la mobilité des données à caractère non personnel à travers les frontières au sein du marché unique, laquelle est aujourd’hui limitée par des restrictions géographiques ou des incertitudes juridiques dans de nombreux États membres,

veiller à ce que le pouvoir des autorités compétentes de demander et d’obtenir l’accès à des données à des fins de contrôle réglementaire […] reste inchangé,

permettre aux utilisateurs professionnels des services de stockage ou de traitement des données de changer de fournisseur et de transférer leurs données plus facilement».

2.1.2.

La Commission juge que cette proposition respecte le principe de subsidiarité, dès lors que, en assurant la libre circulation des données au sein de l’Union», elle entend assurer «le bon fonctionnement du marché intérieur des services susmentionnés, lequel ne se limite pas au territoire d’un État membre», étant donné que la «libre circulation des données à caractère non personnel au sein de l’Union ne peut être garantie par les États membres au niveau national car le problème essentiel est la mobilité transfrontière des données».

2.1.3.

Par ailleurs, elle considère que sa proposition respecte le principe de proportionnalité, dans la mesure où elle «vise à établir un équilibre entre la réglementation de l’Union européenne et les intérêts des États membres en matière de sécurité publique ainsi qu’entre la réglementation de l’Union européenne et l’autorégulation par le marché».

2.2.    Le contexte juridico-politique

2.2.1.

Du point de vue juridique, la Commission a étudié trois options, qu’elle présente sous forme succincte dans son exposé des motifs, en récapitulant les études d’«analyse d’impact» préliminaire et les consultations des «parties intéressées» qui ont été réalisées durant l’élaboration du texte législatif (2) et que l’on peut résumer comme suit:

L’option 1«consistait à recourir à des orientations et/ou à l’autorégulation pour traiter les différents problèmes recensés et impliquait une application plus rigoureuse de la loi concernant divers cas de restrictions injustifiées ou disproportionnées en matière de localisation des données imposées par des États membres».

L’option 2«consistait à établir des principes juridiques concernant les différents problèmes recensés et à prévoir la désignation de points de contact uniques par les États membres et la création d’un groupe d’experts chargé de discuter des approches et pratiques communes et de donner des orientations relatives aux principes instaurés».

L’option 3«consistait en une initiative législative détaillée visant à établir, entre autres, des évaluations (harmonisées) prédéfinies de ce qui constitue une restriction (in)justifiée et (dis)proportionnée en matière de localisation des données, et un nouveau droit de portage des données».

2.2.2.

Face aux divergences avec le comité d’examen de la réglementation, qui a émis deux avis négatifs sur ses propositions et bien que la majorité des parties prenantes estime que l’option de l’initiative législative (option 3) constitue l’instrument le plus approprié, la Commission a élaboré, pour des raisons de pure stratégie politique, une

sous-option 2a«pour permettre d’évaluer une solution associant des mesures législatives établissant le cadre de la libre circulation des données et les points de contact uniques et un groupe d’experts ainsi que des mesures d’autorégulation sur le portage des données».

La Commission estime que cette option «garantirait la levée effective des actuelles restrictions injustifiées en matière de localisation et éviterait efficacement de futures restrictions de même nature» et qu’en outre, elle «contribuera également à promouvoir l’utilisation transfrontière et intersectorielle des services de stockage ou de traitement des données et le développement du marché des données» et que, par conséquent, elle «permettra de transformer la société et l’économie et offrira de nouvelles possibilités aux particuliers, aux entreprises et aux administrations publiques en Europe».

2.2.3.

À cette fin, elle a présenté une proposition de règlement, considérant qu’elle est propre à «garantir que des règles uniformes relatives à la libre circulation des données à caractère non personnel seront applicables dans toute l’Union en même temps», un élément qui s’avérera «particulièrement important pour lever les restrictions existantes et éviter que des États membres en imposent de nouvelles».

2.2.4.

La proposition à l’examen tire son origine des développements récents de la technologie numérique, grâce auxquels il devient possible de stocker et d’utiliser de grands volumes de données avec une efficacité croissante, qui est source d’économies d’échelle et d’avantages pour leurs utilisateurs, leur offrant un accessibilité rapide, une connectivité accrue et une plus grande autonomie.

2.2.4.1.

C’est dans sa communication «Créer une économie européenne fondée sur les données» (3) que la Commission a tout particulièrement pointé du doigt le lien qui existe entre les obstacles à la libre circulation des données et le retard de développement qu’accuse le marché européen en la matière, d’où la nécessité qu’elle ressent d’avancer une proposition de cadre juridique qui en finisse avec l’idée des «contrôles aux frontières».

Du côté des États membres, il convient de relever que seule une moitié d’entre eux, environ, a signé le document officieux sur l’initiative relative à la libre circulation des données (4) et que dans ce groupe ne figurent notamment ni l’Allemagne, ni la France, ni aucun des pays du Sud de l’Union européenne.

2.2.4.2.

Le thème a été repris dans la communication de la Commission sur l’examen à mi-parcours de la stratégie pour le marché unique numérique, intitulée «Un marché unique numérique connecté pour tous» (5), où elle annonce la publication, en 2017, de deux initiatives législatives, la première sur la libre circulation transfrontière des données à caractère non personnel, qui fait l’objet du présent avis, et la seconde, sur l’accessibilité et la réutilisation des données du secteur public et des données obtenues au moyen de fonds publics, laquelle est toujours en cours de préparation au sein de ses services.

2.2.4.3.

Enfin, dans son avis sur le «Marché unique numérique: examen à mi-parcours» (6), le CESE «considère que l’économie européenne fondée sur les données est l’un des secteurs où l’écart entre l’Union européenne et les champions de l’innovation numérique mondiale apparaît le plus évident» et «approuve la proposition de créer un cadre réglementaire pour autant que celui-ci prenne une forme qui soit également adaptée à l’informatique en nuage, à l’intelligence artificielle et à l’internet des objets, prenne en compte la liberté contractuelle en supprimant les obstacles à l’innovation et bénéficie d’un financement approprié de l’Union européenne», ce qui correspondrait à l’option 3.

2.2.4.4.

La proposition de la Commission à l’examen présente donc la portée juridique la plus pertinente en ce qui concerne l’avenir de la politique européenne en faveur du développement de l’économie des données et de ses effets sur le taux de croissance économique, la recherche scientifique, la stimulation des nouvelles technologies, notamment dans le domaine de l’intelligence artificielle, l’informatique en nuage, les métadonnées et l’internet des objets (IdO), l’industrie, ainsi que les services en général et les services publics en particulier (7).

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE prend note de l’objectif visé par l’initiative proposée, qu’il avait déjà assuré de son soutien dans plusieurs de ses avis antérieurs, estimant qu’il s’agit d’un passage obligé qui est essentiel pour atteindre les objectifs de la stratégie numérique et mettre en œuvre le marché unique numérique.

3.2.

Il ne peut toutefois s’abstenir de se dire déçu que son champ d’application soit trop étriqué, qu’elle soit timorée dans ses intentions, que les mécanismes annoncés soient flous et manquent d’assertivité et, surtout, qu’elle témoigne d’un manque tant d’ambition que de volonté et de détermination politiques.

Plus concrètement, on formulera les observations suivantes.

3.3.

Grâce à cette notion de «libre circulation» des données à caractère non personnel, la Commission entend bien s’opposer à l’ensemble des politiques et pratiques usitées dans les États membres qui créent, imposent ou autorisent des entraves concernant la localisation des données en vue de leur stockage ou d’autres traitements d’informations de ce type, dont elle estime, de manière tout aussi justifiée, qu’elles ne doivent être soumises à aucune interdiction ou restriction, sauf si elles se justifient pour des motifs de sécurité publique (8), et le moyen qu’elle veut utiliser à cette fin consiste à établir des règles concernant:

a)

les exigences en matière de localisation de données;

b)

la disponibilité des données pour les autorités compétentes;

c)

le portage des données pour les utilisateurs professionnels.

3.4.

Or, pour mettre en œuvre le premier des points susmentionnés, à savoir les exigences en matière de localisation des données, la Commission a estimé que, dans un premier temps, il suffirait d’enjoindre aux États membres de lui notifier «tout projet d’acte qui introduit une nouvelle exigence de localisation des données ou modifie une exigence de localisation des données existante».

3.4.1.

C’est seulement 12 mois après l’entrée en vigueur du règlement à l’examen — laquelle ne devrait pas intervenir avant la fin 2018 — que les États membres seront tenus de veiller à ce que soit abrogée «toute exigence de localisation des données non conforme» à la règle voulant que la libre circulation des données visées ne soit pas soumise à des interdictions ou des restrictions, sauf s’ils estiment qu’elles se justifient pour des motifs de sécurité publique. Dans ce cas, ils sont tenus de les notifier à la Commission, en précisant pour quelles raisons ils considèrent qu’elles sont conformes à la règle susdite et doivent, par conséquent, rester en vigueur.

3.4.2.

Absence d’une procédure spécifique en cas de manquement de la part d’un État membre.

3.5.

Pour ce qui est du deuxième point, la disponibilité des données pour les autorités compétentes, la proposition ne modifie pas le pouvoir dont elles disposent de demander et obtenir l’accès à des données pour l’accomplissement de leurs fonctions officielles, suivant les prescriptions du droit de l’Union ou du droit national.

Elle ajoute toutefois une disposition importante:«L’accès aux données par les autorités compétentes ne peut être refusé au motif que les données sont stockées ou traitées dans un autre État membre.»

3.5.1.

Cependant, pour assurer la mise en œuvre de ce droit, elle se limite à proposer une procédure de coopération entre les instances compétentes de chaque État membre, qui est similaire à celles existant déjà dans d’autres domaines et pour les besoins de laquelle il est prévu de créer un réseau de points de contact uniques, qui mettra chacun d’entre eux en liaison avec ceux des autres États membres et avec la Commission pour les questions relatives à l’application du règlement, sans pourtant évaluer ni l’efficacité de ces points de contact, ni la soutenabilité des dépenses induites.

3.5.2.

En fin de compte, toutefois, c’est toujours selon la législation procédurale de chaque État membre qu’il y aura lieu d’appliquer les mesures de coercition voulues pour obtenir l’accès à toute installation d’une personne physique ou morale, y compris les équipements et moyens de stockage ou de traitement des données.

3.5.3.

Autrement dit, dans le cas, plus que probable, d’une défaillance en la matière, la seule possibilité sera de saisir les juridictions ordinaires des États membres, en devant composer avec les atermoiements bien connus de la justice, son coût exorbitant et l’imprévisibilité de ses résultats.

3.6.

Enfin, pour ce qui est du troisième des points susmentionnés, le portage des données pour les utilisateurs professionnels, la Commission se borne à encourager et faciliter «l’élaboration de codes de conduite par autorégulation au niveau de l’Union, afin de définir des lignes directrices concernant les bonnes pratiques pour faciliter le changement de fournisseur et de veiller à ce qu’ils fournissent aux utilisateurs professionnels des informations suffisamment détaillées, claires et transparentes préalablement à la signature d’un contrat de stockage et de traitement des données», en ce qui concerne une série d’aspects véritablement structurels et essentiels (9).

3.6.1.

C’est donc une démarche hautement critiquable que de s’en remettre purement et simplement aux seuls mécanismes de l’autoréglementation pour ce qui est de réglementer des aspects fondamentaux qui ne devraient être traités que par des dispositions législatives.

Bien qu’il ait toujours compté parmi les partisans de la corégulation, en tant qu’elle constitue un instrument auxiliaire particulièrement important dans le cadre juridique de l’Union, le CESE se refuse à ce que des normes et principes qui sont fondamentaux pour la cohérence du droit de l’Union et son harmonisation soient laissés purement et simplement au jeu de l’autoréglementation, sans être orientés par de quelconques paramètres ou lignes directrices.

Un élément plus grave, pour ce qui est spécifiquement du portage, réside dans la limitation de la responsabilité et dans l’instauration de périodes de fidélisation pour le détenteur des données, ainsi que dans la possibilité d’effacement des contenus en cas de non-respect.

3.6.2.

Un autre point encore plus contestable est que la Commission n’ait même pas, ne fût-ce que proposé, un mécanisme de corégulation suivant le modèle et les modalités que le CESE a définis en temps utile (10).

Dans cet ordre d’idées, le CESE estime que le règlement à l’examen devrait, au minimum, prévoir un ensemble de règles fondamentales touchant aux relations contractuelles entre les prestataires de services et les utilisateurs, ainsi qu’une liste noire de clauses interdites en vertu de la limitation du droit au portage, suivant les paramètres qu’il a énoncés expressément dans son avis sur l’autorégulation et la corégulation.

3.6.3.

On ne peut toutefois admettre que la Commission n’ait même pas proposé de rédiger des «lignes directrices» pour élaborer les codes de conduite qu’elle évoque, alors qu’elle l’a déjà fait dans d’autres domaines, ainsi que le CESE s’en était félicité.

En effet, pour ce qui est du portage des données, certaines entreprises ont adopté des comportements qui portent atteinte aux droits des utilisateurs, en l’occurrence pour ce qui concerne des restrictions apportées à la propriété des données ou à la propriété intellectuelle du contenu des services en nuage, le consentement à la collecte et au traitement des données, avec l’instauration de règles par lesquelles elles présument qu’il est accordé, ou encore des paiements déguisés ou le droit qu’elles s’arrogent de suspendre le service sur la base d’une décision unilatérale.

3.6.4.

Enfin, la Commission promet, sans avancer une quelconque autre piste de nature législative, qu’elle réexaminera «l’élaboration et la mise en œuvre effective de ces codes de conduite, ainsi que la fourniture effective d’informations par les fournisseurs, au plus tard deux ans après le début de l’application du présent règlement». Et ensuite, quoi?

3.7.

Il convient encore de noter qu’en limitant sa proposition aux trois situations visées, la Commission s’abstient de tenir compte des inquiétudes croissantes qui ont trait aux métadonnées, lesquelles sont considérées comme des données à caractère non personnel alors qu’elles doivent, sauf exceptions justifiées, bénéficier de la même protection que celles de type personnel, en particulier pour ce qui est des droits de leur détenteur à y accéder, à les rectifier, à les annuler ou à y faire opposition.

3.7.1.

En effet, les sociétés qui entreprennent d’analyser les métadonnées réalisent des analyses de prospective et d’anticipation qui, sur la base des données concernées, décèlent des tendances ou des conditions en rapport avec les décisions que les entreprises seront appelées à prendre.

3.7.2.

En outre, on ne discerne pas clairement si le futur règlement ne s’appliquera qu’aux données obtenues sous forme électronique, dès lors que le paragraphe 2 de l’article 3 définit le stockage comme étant toute forme de stockage électronique de données alors que l’article 2 mentionne quant à lui que le règlement s’applique «au stockage ou tout autre traitement de données électroniques». Or, si l’on prend comme exemple un questionnaire anonyme qui est complété en présence physique du détenteur des données et est stocké également de manière physique, ces dispositions pourraient impliquer qu’il ne sera pas couvert par le règlement à l’examen.

3.7.3.

Par ailleurs, avec l’internet des objets, la multiplication des appareils électroniques, notamment électroménagers, qui entreprennent de récolter et de croiser des données à caractère non personnel pourrait avoir pour effet, à l’avenir, de poser diverses questions concernant la sécurité et la protection de la vie privée, de sorte qu’il apparaît crucial que la Commission européenne renforce l’attention qu’elle porte à ces données non personnelles, en veillant aux droits fondamentaux des citoyens.

3.7.4.

Enfin, et compte tenu de la zone de flou qui existe entre les données personnelles et celles à caractère non personnel, dont certaines peuvent facilement passer d’une catégorie à l’autre, le maintien de régimes complètement distincts pour ces types de données pourrait aboutir à ce que des acteurs s’efforcent de qualifier de non personnelles celles qu’ils ont obtenues et qu’ils se dérobent ainsi à l’application du règlement (UE) 2016/679, du 27 avril 2016.

3.8.

En outre, la proposition de la Commission ne prend pas suffisamment en compte le caractère mondial et transeuropéen de l’économie numérique, car ne se souciant que de réguler le marché intérieur, elle perd de vue que celui dans lequel il se développe est d’ampleur mondiale, elle ne dispose d’aucune garantie que les autres pays et continents appliqueront les mêmes règles que celles qu’elle tente actuellement de mettre en œuvre et elle n’a pas le pouvoir de les imposer dans les négociations internationales.

3.9.

Pour toutes ces raisons, le CESE n’est pas favorable à la sous-option 2a que la Commission préconise sans argument valide ou cohérent au détriment de l’option 3, à laquelle le Comité donne son soutien.

3.10.

Le CESE n’est disposé à donner son aval à la proposition à l’examen que si et seulement si elle intègre les modifications qu’il suggère, ainsi que celles qui découlent de la position de la présidence du Conseil exposée dans sa déclaration du 19 décembre 2017, à laquelle il souscrit, et à la condition que ladite proposition soit clairement envisagée comme un plus grand dénominateur commun acceptable tant par les États membres que par les parties intéressées, et qu’elle continue par ailleurs à être considérée comme une première étape, appelée à évoluer ultérieurement vers des formes plus ambitieuses, qui mettent effectivement en place une véritable libre circulation de données à caractère non personnel dans le marché unique numérique de l’Union européenne.

4.   Observations particulières

4.1.    Article 2 — Champ d’application

4.1.1.

Le CESE s’interroge sur la nature du point a), en l’occurrence sur le sens de l’expression «fourni en tant que services aux utilisateurs», notamment s’agissant de savoir si l’on peut avoir affaire à une transaction juridique dispensée à titre gratuit ou onéreux.

Il importe, en effet de souligner qu’il existe actuellement différents services qui sont fournis gratuitement, dont, Google Analytics. Or, à défaut de vérification de cet impératif de non-gratuité, les entreprises qui dispensent ce service ont pu introduire dans leurs contrats de prestation de services des clauses abusives, en vertu desquelles elles s’exonèrent de toute responsabilité en cas de perte, égarement ou destruction des données, voire s’octroient le droit de les effacer sans le consentement de leur détenteur.

4.1.2.

Par ailleurs, le CESE juge nécessaire que comme dans le cas du règlement (UE) 2016/679, celui qui est à l’examen s’applique également aux pays tiers et que le droit d’un État membre ait force de droit international privé.

4.2.    Article 3 — Définitions

4.2.1.   La notion de «données à caractère non personnel»

4.2.1.1.

La proposition ne contient aucune définition de type aristotélicien quant à ce que sont les «données à caractère non personnels»: tout au plus peut-on dire qu’il s’agit, à première vue, des données autres que celles de caractère personnel, c’est-à-dire qu’elles sont définies de manière purement négative, comme il semble qu’on puisse l’inférer du septième considérant du préambule du règlement proposé, ainsi que de son article premier.

4.2.1.2.

Un examen plus approfondi permet toutefois de constater que le concept exclut uniquement les données personnelles qui font l’objet d’une protection spécifique en droit, en l’occurrence celle octroyée actuellement dans l’Union européenne par le règlement (UE) 2016/679, du 27 avril 2016, et les directives (UE) 2016/680, de la même date, et 2002/58/CE, du 12 juillet 2002 (11), ainsi que par les législations nationales qui les transposent.

4.2.1.3.

En conséquence, il semble que la proposition qui fait l’objet du présent avis couvre non seulement les données relatives aux personnes morales (lesdites données, contrairement au souhait que le Comité a exprimé à plusieurs reprises, ne bénéficient pas d’une protection identique à celle qui est octroyée aux personnes physiques, alors qu’on peut constater que c’est le cas dans différents ordres juridiques nationaux) mais également celles de nature personnelle qui sont «anonymes», auxquelles il n’est fait référence que dans le considérant 26 du règlement général sur la protection des données.

4.2.1.4.

Vu l’imprécision du texte, le CESE souligne que pour des raisons de cohérence, d’harmonie et de clarté juridique entre les actes de l’Union européenne, il est nécessaire que le règlement à l’examen sanctionne expressément la définition des données à caractère non personnel, plutôt que de la présenter sous une forme subsidiaire et subordonnée à celle figurant dans le règlement (UE) 2016/679, étant donné que nombre de juridictions ont donné des interprétations différentes du sens à donner à la notion de données personnelles et non personnelles.

4.3.    Article 4 — Libre circulation des données au sein de l’Union

4.3.1.

En vertu de considérations de clarté et de sécurité juridiques, le CESE juge qu’il y a lieu de préciser les délais impartis aux États membres pour notifier les mesures justifiant le maintien ou l’instauration de règles qui, pour des raisons de sécurité publique, s’opposent au règlement à l’examen.

4.3.2.

De l’avis du CESE, il apparaît également important que la Commission européenne en informe les autres États membres, afin de vérifier si lesdites mesures auront ou non un impact direct ou indirect pour la circulation des données à caractère non personnel sur leur territoire.

4.4.    Article 9 — Réexamen

4.4.1.

C’est seulement au terme de cinq années après l’entrée en vigueur du règlement que la Commission se mettra en devoir de le soumettre à un réexamen et de présenter un rapport reprenant ses principales conclusions au Parlement, au Conseil et au CESE.

4.4.2.

Dès lors que rien ne permet de penser que, dans le meilleur des cas, cette date de mise en application se situera avant fin 2018, il apparaît plus indiqué que la révision s’effectue à une échéance de trois ans, eu égard à l’évidente fragilité du dispositif et aux matières qu’il couvre, qui sont de nature à évoluer très rapidement.

4.5.    Position de la présidence du Conseil

4.5.1.

Il s’est fait entre-temps que durant l’élaboration du présent projet d’avis, la présidence du Conseil européen a présenté, le 19 décembre, un texte amendé (12) qui modifie de manière substantielle la proposition de la Commission dans le sens exact que préconisent les présentes recommandations du CESE.

4.5.2.

En bref, il s’agit notamment:

a)

à l’article 2 (champ d’application), et aux considérants 7 bis et 8 bis, de la clarification des éléments qui restent en dehors du champ d’application du règlement;

b)

à l’article 3 (définitions), de l’introduction d’un nouveau paragraphe 2 bis précisant la signification de la notion de «traitement»;

c)

au même article 3, paragraphe 5, de la mention explicite des pratiques administratives dans la définition de la localisation des données et d’une modification de l’article 4, paragraphe 1, en conséquence;

d)

à l’article 5, paragraphe 2 bis, de l’établissement d’un mécanisme contraignant pour obliger à fournir des données et, au paragraphe 3 bis du même article, d’une disposition prévoyant que les États membres imposent des sanctions aux utilisateurs en cas de fraude liée à la fourniture des données, comme le recommande le présent avis;

e)

à l’article 6, de l’établissement de lignes directrices en vue de l’élaboration des codes de conduite;

f)

à l’article 7, de la définition du rôle des «points de contact uniques» et de l’accélération du processus de communication entre les autorités;

g)

de la suppression de l’article 8 et, avec lui, du comité de la libre circulation des données;

h)

dans plusieurs articles, d’une meilleure harmonisation avec la directive sur la transparence (13);

i)

aux considérants 10 et 10 bis, de la clarification indispensable qui a maintenant été apportée à la question des données mixtes et des données anonymes, comme le demande le présent avis;

j)

au considérant 12 bis, de la notion de sécurité publique visée à l’article 4, qui est clarifiée et s’inspire de la jurisprudence de la Cour de justice, comme recommandé dans le présent avis.

4.5.3.

Le CESE se déclare nettement favorable à toutes ces suggestions de la présidence et demande instamment à la Commission, au Parlement européen et aux États membres de les prendre dûment en compte.

Bruxelles, le 15 février 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  COM(2017) 495 final du 13.9.2017.

(2)  Voir le document SWD(2017) 304 final.

(3)  Voir la communication COM(2017) 9 final, du 10 janvier 2017, ainsi que le document de travail afférent SWD(2017) 2 final, publié à la même date, sur lesquels le CESE a émis son avis TEN/630 sur le thème «Créer une économie européenne fondée sur les données», JO C 345 du 13.10.2017, p. 130.

(4)  http://www.brukselaue.msz.gov.pl/resource/76f021fe-0e02-4746-8767-5f6a01475099:JCR.

(5)  COM(2017) 228 final du 10 mai 2017, et le document de travail annexé, SWD(2017) 155 final.

(6)  Marché unique numérique: examen à mi-parcours (non encore paru au Journal officiel).

(7)  COM(2017) 495 final, exposé des motifs, p. 4.

(8)  Notion figurant à l’article 4, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne comme étant de la seule responsabilité des États membres, mais dont la définition doit se référer à la jurisprudence de la Cour de justice (voir, pour l’ensemble, l’arrêt de la Cour de justice du 21 décembre 2016 dans les affaires jointes C-203/15 et C-698/15 Tele2 Sverige AB contre Post-och telestyrelsen et Secretary of State for the Home Department contre Tom Watson e.a., à l’adresse http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1513080243312&uri=CELEX:62015CJ0203, paragraphes 11 et 88-89), ainsi que de la Cour européenne des droits de l’homme.

(9)  Voir l’article 6, paragraphe 1, points a) et b).

(10)  Voir le rapport d’information INT/204 du 25 janvier 2005 sur le thème «L’état actuel de la corégulation et de l’autorégulation dans le marché unique» et l’avis d’initiative sur le thème «Autorégulation et corégulation», JO C 291 du 4.9.2015, p. 29.

(11)  Directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive «vie privée et communications électroniques», JO L 201 du 31.7.2002, p. 37), qui a déjà fait l’objet d’une refonte par la proposition de la Commission relative à un code des communications électroniques européen [COM(2016) 590 final, 12.10.2016] et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant le respect de la vie privée et la protection des données à caractère personnel dans les communications électroniques et abrogeant la directive 2002/58/CE (règlement «vie privée et communications électroniques») [COM(2017) 10 final — 2017/0003 (COD)].

(12)  Dossier interinstitutionnel 2017/0228 (COD) 15724/1/17REV 1 du 19 décembre 2017.

(13)  JO L 294 du 6.11.2013, p. 13.


28.6.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 227/86


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’ENISA, Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité, et abrogeant le règlement (UE) no 526/2013, et relatif à la certification des technologies de l’information et des communications en matière de cybersécurité (règlement sur la cybersécurité)»

[COM(2017) 477 final/2 — 2017/0225 (COD)]

(2018/C 227/13)

Rapporteur:

Alberto MAZZOLA

Corapporteur:

Antonio LONGO

Consultation

Parlement européen, 23.10.2017

Conseil de l’Union européenne, 25.10.2017

Base juridique

Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

5.2.2018

Adoption en session plénière

14.2.2018

Session plénière no

532

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

206/1/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE estime que le nouveau mandat permanent de l’ENISA tel qu’il est proposé par la Commission contribuera de manière significative à renforcer la résilience des systèmes européens. Toutefois, le budget prévisionnel et les ressources qu’il est prévu d’affecter à l’ENISA ne seront pas suffisants pour permettre à l’agence de s’acquitter de sa mission.

1.2.

Le CESE recommande que tous les États membres mettent en place une instance clairement définie qui soit un équivalent de l’ENISA au niveau national, la plupart d’entre eux ne l’ayant pas encore fait.

1.3.

Le CESE estime par ailleurs que, en ce qui concerne le renforcement des capacités, l’ENISA devrait accorder la priorité aux actions visant à soutenir l’administration en ligne (1). L’identité numérique des personnes, des organisations et des objets est essentielle à l’échelle de l’Union et du monde; prévenir le vol d’identité et la fraude en ligne et lutter contre ces phénomènes devrait donc être une priorité.

1.4.

Le CESE recommande que l’ENISA fournisse des rapports réguliers au sujet de la préparation des États membres en matière de cybermenaces, en se concentrant essentiellement sur les secteurs recensés à l’annexe II de la directive SRI. Un exercice annuel de cybersécurité à l’échelle européenne devrait permettre d’évaluer l’état de préparation des États membres et l’efficacité du mécanisme européen de réaction en cas de crise en matière de cybersécurité, et déboucher sur des recommandations.

1.5.

Le CESE soutient la proposition visant à créer un réseau de compétences en cybersécurité. Ce réseau serait épaulé par un centre européen de recherche et de compétences en cybersécurité. Ce réseau pourrait appuyer la souveraineté numérique européenne en développant une base industrielle européenne de compétences en matière de technologies clés qui soit compétitive, à partir des travaux effectués dans le cadre du partenariat public-privé contractuel sur la cybersécurité (PPPc), lequel serait amené à devenir une entreprise commune tripartite.

1.6.

Le facteur humain est l’une des principales causes des accidents de cybersécurité. Le CESE estime nécessaire d’établir une solide base de cyber-compétences et d’améliorer la cyber-hygiène, y compris par des campagnes de sensibilisation auprès des particuliers et des entreprises. Le CESE est favorable à la mise en place d’un programme de formation certifié par l’Union européenne à l’intention des établissements du second degré et des professionnels.

1.7.

Le CESE estime qu’un marché unique numérique européen a également besoin d’une interprétation uniforme des règles en matière de cybersécurité, et notamment d’une reconnaissance mutuelle entre États membres, et qu’un cadre de certification ainsi que des systèmes de certification pour les différents secteurs seraient à même de fournir une base commune. Toutefois, il convient de prévoir des approches distinctes pour les différents secteurs compte tenu de leur mode de fonctionnement. Le CESE estime dès lors que les agences sectorielles de l’Union européenne (l’AESA, l’AFE, l’EMA, etc.) devraient être associées au processus et, dans certains cas — avec l’accord de l’ENISA, afin de garantir une cohérence —, chargées de concevoir des systèmes de cybersécurité. Des normes européennes minimales en matière de sécurité informatique devraient être arrêtées en coopération avec le CEN, le Cenelec et l’ETSI.

1.8.

Le Groupe européen de certification de cybersécurité soutenu par l’ENISA qu’il est envisagé de créer devrait être composé d’autorités nationales de contrôle de la certification, d’acteurs du secteur privé, notamment des opérateurs travaillant dans différentes applications, des scientifiques et des acteurs de la société civile.

1.9.

Le CESE estime que l’agence devrait contrôler les résultats et la prise de décision des autorités nationales de contrôle de la certification au moyen d’audits et d’inspections réalisés au nom de la Commission et que le règlement devrait définir les responsabilités ainsi que les sanctions à prendre en cas de non-respect des normes.

1.10.

Le CESE est d’avis que l’activité de certification doit forcément passer par un système d’étiquetage adapté, qui sera également appliqué aux produits importés, afin de renforcer la confiance des consommateurs.

1.11.

L’Europe doit accroître les investissements en faisant converger les différents fonds européens, les financements nationaux et les investissements du secteur privé vers des objectifs stratégiques dans le cadre d’une coopération public-privé solide, notamment grâce à la création, au titre du programme-cadre de recherche actuel et futur, d’un Fonds européen pour l’innovation et la R&D en matière de cybersécurité. En outre, l’Europe devrait créer un fonds pour le déploiement de la cybersécurité, ce qui ouvrirait de nouvelles perspectives dans la configuration actuelle et future du mécanisme pour l’interconnexion en Europe ainsi que pour le futur EFSI 3.0.

1.12.

Le CESE estime nécessaire d’adopter un niveau de sécurité minimum pour gérer les dispositifs «ordinaires» de l’«internet des personnes» (IdP). Dans ce cas, la certification est une méthode indispensable pour garantir un niveau plus élevé de sécurité. La sécurité de l’internet des objets (IdO) devrait être une priorité.

2.   Cadre actuellement en vigueur en matière de cybersécurité

2.1.

La cybersécurité est essentielle tant pour la prospérité que la sécurité nationale, ainsi que pour le fonctionnement même de nos démocraties, libertés et valeurs. Selon le rapport de l’Indice de cybersécurité dans le monde (Global Cybersecurity Index) des Nations unies, la cybersécurité est un écosystème au sein duquel la réglementation, les organisations, les compétences, la coopération et la mise en œuvre technique doivent être en harmonie afin d’obtenir un maximum d’efficacité. En outre, la cybersécurité est de plus en plus présente dans les réflexions des décideurs des différents pays du monde.

2.2.

La nécessité de garantir un écosystème sûr devient essentielle en raison de la révolution de l’internet. Celle-ci a non seulement redéfini les relations entre entreprises et consommateurs («B2C») dans des secteurs tels que les médias, le commerce de détail et les services financiers, mais est également en train de redéfinir l’industrie manufacturière, l’énergie, l’agriculture, les transports et d’autres secteurs de l’économie qui, ensemble, représentent près des deux tiers du produit intérieur brut mondial, ainsi que les infrastructures affectées aux services de commodité et les interactions entre les citoyens et l’administration publique.

2.3.

La stratégie pour un marché unique numérique s’articule autour de l’amélioration de l’accès aux biens, aux services et aux contenus, de la création d’un cadre juridique approprié pour les réseaux et les services numériques, et de l’idée de profiter des avantages d’une économie fondée sur les données. Selon une estimation, la réalisation de cette stratégie pourrait rapporter 415 milliards d’euros par an à l’économie de l’Union européenne. Le déficit de compétences en matière de cybersécurité dans le secteur privé en Europe devrait représenter 350 000 postes non pourvus d’ici 2022 (2).

2.4.

Selon une étude effectuée en 2014, l’incidence économique de la cybercriminalité dans l’Union s’est élevée à 0,41 % de son PIB (soit environ 55 milliards d’euros) en 2013 (3).

2.5.

Selon les données de l’Eurobaromètre spécial no 464a sur l’attitude des européens face à la cybersécurité, 73 % des utilisateurs de l’internet se disent préoccupés par le fait que leurs données personnelles en ligne ne soient pas nécessairement conservées en toute sécurité par les sites web et 65 % craignent qu’elles ne soient pas conservées en toute sécurité par les pouvoirs publics. La majorité des répondants craignent d’être victimes de différentes formes de cybercriminalité, et plus précisément d’un logiciel malveillant sur leur appareil (69 %), d’une usurpation d’identité (69 %) ou d’une fraude à la carte bancaire et aux opérations bancaires en ligne (66 %) (4).

2.6.

À ce jour, aucun cadre juridique n’a été en mesure de faire face à la rapidité de l’innovation numérique, et un certain nombre de textes législatifs contribuent, pierre par pierre, à établir un cadre approprié: la révision du code des communications électroniques européen, le règlement général sur la protection des données (RGPD), la directive sur la sécurité des réseaux et des systèmes d’information (directive SRI), le règlement sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur (règlement e-IDAS), le bouclier de protection des données UE-États-Unis, la directive concernant les fraudes aux paiements autres qu’en espèces, et ainsi de suite.

2.7.

En dehors de l’ENISA, Agence de cybersécurité de l’Union européenne, un grand nombre d’organisations distinctes traitent des problèmes de la cybersécurité: Europol; Cert-EU (Équipe d’intervention en cas d’urgence informatique de l’Union européenne); le Centre de situation et du renseignement de l’Union européenne (EU INTCEN); l’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (eu-LISA); les centres d’échange et d’analyse d’informations; l’organisation européenne pour la cybersécurité (ECSO); l’Agence européenne de défense (AED); le Centre d’excellence pour la cyberdéfense en coopération de l’OTAN; et le groupe d’experts gouvernementaux des Nations unies chargé d’examiner les progrès de la téléinformatique dans le contexte de la sécurité internationale).

2.8.

La sécurité des données dès la phase de conception (security by design) est essentielle pour fournir des biens et services de qualité: les appareils dits «intelligents» cessent de l’être s’ils ne sont pas sécurisés, et il en va de même pour les voitures intelligentes, les villes intelligentes et les hôpitaux intelligents — tous ont besoin de dispositifs de sécurité intégrés pour leurs appareils, systèmes, architectures ou services.

2.9.

Les 19 et 20 octobre 2017, le Conseil européen a demandé qu’une approche européenne commune en matière de cybersécurité soit adoptée pour faire suite à la proposition de réforme, en réclamant «une approche commune de la cybersécurité: la confiance est nécessaire dans le monde numérique, et celle-ci ne peut être instaurée que si nous assurons une sécurité plus proactive dès le stade de la conception dans toutes les politiques numériques, offrons une certification de sécurité adéquate pour les produits et services et renforçons notre capacité à prévenir, à dissuader et à déceler les cyberattaques ainsi qu’à y répondre» (5).

2.10.

Dans sa résolution du 17 mai 2017, le Parlement européen «souligne la nécessité d’établir une sécurité de bout en bout de la chaîne de valeur des services financiers; met en exergue les risques importants et diversifiés posés par les cyberattaques, ciblant l’infrastructure de nos marchés financiers, l’internet des objets, les monnaies et les données; […] invite les AES [autorités européennes de surveillance] […] à réexaminer régulièrement les normes opérationnelles existantes couvrant les risques relatifs aux TIC auxquels sont exposés les établissements financiers; demande en outre […] l’élaboration de lignes directrices des AES sur la surveillance de ces risques; souligne l’importance du savoir-faire technologique des AES […]» (6).

2.11.

Le CESE a eu à plusieurs reprises l’occasion d’aborder ce problème (7), par exemple lors du sommet de Tallinn, où il a organisé une conférence sur «Le développement futur de l’administration en ligne dans l’Union européenne» (8), et il a mis en place un groupe d’étude permanent sur la stratégie numérique.

3.   Propositions de la Commission

3.1.

Le paquet législatif sur la cybersécurité comprend une communication conjointe (JOIN/2017/0450 final) réexaminant la précédente stratégie de cybersécurité, adoptée en 2013, ainsi qu’un règlement sur la cybersécurité centré sur le nouveau mandat de l’ENISA et proposant un cadre de certification.

3.2.

La stratégie est structurée en trois sections principales: résilience, dissuasion et coopération internationale. Le volet sur la dissuasion met principalement l’accent sur les questions liées à la cybercriminalité, en tenant compte de la convention de Budapest, et celui sur la coopération internationale intervient sur la cyberdéfense, la cyberdiplomatie et la coopération avec l’OTAN.

3.3.

La proposition comporte plusieurs nouvelles initiatives telles que:

la mise en place d’une agence de l’Union européenne au service de la cybersécurité dotée de compétences plus étendues,

l’instauration d’un système de certification de cybersécurité à l’échelle de l’Union européenne,

la mise en œuvre rapide de la directive SRI.

3.4.

Le volet sur la résilience propose des actions clés en matière de cybersécurité, qui portent notamment sur les questions ayant trait au marché, à la directive SRI, à la réaction d’urgence rapide, au renforcement des compétences de l’Union, à l’éducation, à la formation (aux compétences en cybersécurité et à la cyber-hygiène) et à la sensibilisation.

3.5.

Parallèlement, le règlement sur la cybersécurité propose la création d’un cadre européen de certification de cybersécurité des produits et services TIC.

3.6.

Le règlement sur la cybersécurité propose également de renforcer le rôle de l’ENISA en tant qu’agence de l’Union européenne pour la cybersécurité, en lui accordant un mandat permanent. En plus de ses attributions actuelles, l’ENISA devrait couvrir de nouvelles tâches de coordination et de soutien concernant l’appui à la mise en œuvre de la directive SRI, la stratégie de cybersécurité de l’Union européenne, le plan d’action («Blueprint»), le renforcement des capacités, la connaissance et l’information, la sensibilisation, les missions relatives au marché telles que le soutien à la normalisation et à la certification, la recherche et l’innovation, les exercices paneuropéens de cybersécurité, et le secrétariat du réseau des centres de réponse aux incidents de sécurité informatique (CSIRT).

4.   Observations générales — Aperçu

4.1.    Contexte: Résilience

4.1.1.   Marché unique de la cybersécurité

Obligation de diligence: Le développement du principe d’«obligation de diligence» qui est proposé dans la communication conjointe pour l’utilisation de processus de développement sécurisés tout au long du cycle de vie est un concept intéressant à développer avec le secteur à l’échelle de l’Union, ce qui pourrait conduire à une approche globale de l’Union européenne en matière de respect de la législation. La question de la sécurité par défaut devrait être examinée dans le cadre de l’évolution future.

Responsabilité: la certification pourra contribuer à une meilleure définition des responsabilités en cas de litige.

4.1.2.

Directive SRI: énergie, transports, banques/finance, santé, eau, infrastructures numériques, commerce électronique.

De l’avis du CESE, la mise en œuvre intégrale et efficace de la directive SRI est essentielle pour assurer la résilience des secteurs critiques au niveau national.

Le CESE est d’avis que le partage d’informations entre les acteurs publics et privés devrait être renforcé par des centres d’échange et d’analyse d’informations sectoriels. Il convient de mettre en place, sur la base d’une évaluation ou d’une analyse du mécanisme utilisé actuellement, un mécanisme approprié pour l’échange d’informations fiables en toute sécurité au sein d’un centre d’échange et d’analyse d’informations ainsi qu’entre ces centres et les centres nationaux de réponse aux incidents de sécurité informatique (CSIRT).

4.1.3.   Réaction d’urgence rapide

L’approche figurant dans le «plan d’action» («Blueprint») fournirait un processus efficace de réaction opérationnelle, au niveau de l’Union et des États membres, à un cyberincident de grande ampleur. Le Comité souligne qu’il est nécessaire d’associer le secteur privé; il convient aussi de prendre en considération, dans le cadre du mécanisme de réaction opérationnelle, les opérateurs de services essentiels, étant donné qu’ils pourraient apporter des informations précieuses sur les menaces et/ou une aide pour détecter les menaces et les crises de grande ampleur et y réagir.

La communication conjointe propose que les incidents de cybersécurité soient intégrés dans les mécanismes de gestion des crises qui existent déjà au niveau de l’Union européenne. Si le CESE comprend la nécessité d’apporter une réponse collective et de faire jouer la solidarité en cas d’attaque, il juge nécessaire que soient apportés des éléments pour mieux comprendre comment cela pourrait être appliqué, les cybermenaces se propageant en général d’un pays à l’autre. Les outils utilisés dans le cadre d’urgences nationales ne pourraient être que partiellement partagés en cas de besoin dans un lieu particulier.

4.1.4.   Renforcement des compétences de l’Union européenne

Pour que l’Union européenne soit pleinement compétitive sur la scène mondiale et se construise une base technologique solide, il est essentiel de mettre en place un cadre cohérent et à long terme englobant toutes les phases de la chaîne de valeur de la cybersécurité. À cet égard, favoriser la coopération entre les écosystèmes régionaux européens est essentiel au développement d’une chaîne de valeur de la cybersécurité européenne. Le CESE se félicite de la proposition visant à créer un réseau de compétences en cybersécurité.

Ce réseau pourrait appuyer la souveraineté numérique européenne en développant une base industrielle européenne de compétences en matière de technologies clés qui soit compétitive et en réduisant la dépendance vis-à-vis des savoir-faire développés en dehors de l’Union européenne, fournir des exercices techniques, des ateliers, voire des formations de base en cyber-hygiène à l’intention des professionnels et des non-professionnels, et également favoriser — en s’appuyant sur les travaux effectués dans le cadre du partenariat public-privé contractuel sur la cybersécurité (PPPc) — la mise en place d’un réseau national d’organisations associant les secteurs public et privé afin de soutenir le développement d’un marché européen. Faire avancer le partenariat public-privé contractuel sur la cybersécurité devrait conduire à son optimisation, adaptation ou expansion (voir à ce sujet le Programme de travail du trio de présidences Estonie-Bulgarie-Autriche en matière de cybersécurité) grâce à la mise en place d’une entreprise commune tripartite (Commission, États membres, entreprises).

Pour être efficace et atteindre les objectifs qui lui sont assignés au niveau européen, le réseau devrait s’appuyer sur un système de gouvernance bien défini.

Ce réseau serait soutenu par un centre européen de recherche et de compétences en cybersécurité au niveau européen, qui relierait entre eux les centres de compétence nationaux de l’ensemble de l’Union européenne. Ce centre européen ne se contenterait pas, comme c’est le cas dans les autres entreprises communes, de coordonner et de gérer les programmes de recherche; il permettrait aussi la mise en place effective d’un écosystème européen de cybersécurité susceptible de concourir à la mise en œuvre et au déploiement de l’innovation dans l’Union européenne.

4.2.    Contexte: dissuasion

4.2.1.

La lutte contre la cybercriminalité est une priorité absolue au niveau national et européen, qui exige un engagement puissant sur le plan politique. Des activités de dissuasion devraient être menées sur la base d’un partenariat fort entre le secteur public et le secteur privé, en instituant un partage d’informations efficace et en développant l’expertise au niveau national et au niveau européen. Il convient d’envisager la possibilité d’étendre les activités d’Europol en matière de cybercriminalistique et de surveillance.

4.3.    Contexte: coopération internationale

4.3.1.

Construire et entretenir une coopération basée sur la confiance avec les pays tiers grâce à la cyberdiplomatie et à des partenariats d’entreprises est indispensable pour renforcer la capacité de l’Europe à prévenir et décourager les cyberattaques de grande envergure et à y réagir. L’Europe devrait intensifier sa coopération avec les États-Unis, la Chine, Israël, l’Inde et le Japon. La modernisation des contrôles à l’exportation de l’Union européenne doit permettre d’éviter les violations des droits de l’homme ou l’utilisation abusive des technologies pour nuire à la sécurité de l’Union européenne, et elle devrait également garantir que l’industrie européenne ne soit pas pénalisée par rapport à l’offre des pays tiers. Il convient d’envisager une stratégie ad hoc pour les pays candidats à l’adhésion en vue de préparer l’échange de données sensibles entre les frontières, en envisageant la possibilité qu’ils participent, en tant qu’observateurs, à certaines activités des pays de l’ENISA. Ces pays candidats devraient être classés selon leur volonté de lutter contre le cybercrime, et l’on pourrait envisager la possibilité d’établir une liste noire.

4.3.2.

Le CESE se félicite qu’il soit envisagé d’ajouter, dans le cadre de la deuxième phase de la création d’un éventuel réseau de centres de compétences en cybersécurité de l’Union européenne, une dimension «cyberdéfense». C’est la raison pour laquelle, dans l’intervalle, l’Europe pourrait envisager la mise au point de compétences à double usage, notamment en recourant au Fonds européen de la défense et en prévoyant la création, d’ici 2018, d’une plateforme de formation et d’enseignement en matière de cyberdéfense. Compte tenu des potentialités et des menaces qui sont mutuellement reconnues par les deux parties, le CESE estime nécessaire de développer la coopération UE-OTAN, et que l’industrie européenne devrait en outre suivre étroitement l’évolution de cette coopération concernant l’amélioration de l’interopérabilité des normes en matière de cybersécurité et d’autres formes de coopération dans le cadre de l’approche de l’Union européenne en matière de cyberdéfense.

4.4.    Cadre de certification au niveau de l’Union européenne

4.4.1.

Le CESE estime que l’Europe doit relever le défi de la fragmentation du secteur de la cybersécurité, grâce à une interprétation uniforme des règles, et notamment une reconnaissance mutuelle entre États membres au titre d’un cadre unifié, ce pour faciliter la protection du marché unique numérique. Un cadre de certification pourrait fournir une base commune (et comprendre, le cas échéant, des dispositions spécifiques pour les niveaux supérieurs), en garantissant des synergies entre les secteurs verticaux et en réduisant le morcellement qui prévaut actuellement.

4.4.2.

Le CESE se félicite de l’instauration d’un cadre européen de certification de cybersécurité, avec des systèmes de certification pour les différents secteurs, fondés sur des exigences adéquates et en coopération avec les principales parties intéressées. Toutefois, les délais de mise sur le marché et les coûts de certification, ainsi que les critères de qualité et de sécurité, sont des éléments essentiels qui doivent être pris en considération. Des systèmes de certification seront établis pour renforcer la sécurité en fonction des besoins du moment et de la connaissance de menaces: il convient d’envisager de conférer à ces systèmes de la souplesse et une capacité à évoluer afin de permettre des mises à jour nécessaires. Il convient de prévoir des approches différentes pour les différents secteurs compte tenu de leur mode de fonctionnement. Le CESE estime dès lors que les agences sectorielles de l’Union européenne (l’AESA, l’ABE, l’AFE, l’EMA, etc.) devraient être associées au processus et, dans certains cas — avec l’accord de l’ENISA, pour éviter les doublons et les incohérences —, chargées de concevoir des systèmes de cybersécurité.

4.4.3.

Pour le Comité, il est important de fonder le cadre de certification sur des normes communes en matière de cybersécurité et de TIC, définies au niveau européen et, dans toute la mesure du possible, reconnues au niveau international. Compte tenu du calendrier et des prérogatives nationales, des normes européennes minimales en matière de sécurité informatique devraient être arrêtées en coopération avec le CEN, le Cenelec et l’ETSI. Les normes professionnelles devraient être envisagées de manière positive: elles ne doivent pas être juridiquement contraignantes ni risquer d’entraver la concurrence.

4.4.4.

Il est clair qu’il faut associer le niveau de responsabilité aux différents niveaux d’assurance fondés sur l’impact des menaces. L’ouverture d’un dialogue avec les compagnies d’assurances pourrait contribuer favorablement à l’adoption de véritables exigences en matière de cybersécurité en fonction du secteur d’application. De l’avis du CESE, il convient de soutenir et d’encourager les entreprises recherchant un «niveau d’assurance élevé», notamment en ce qui concerne les appareils et systèmes vitaux.

4.4.5.

Étant donné le temps qui s’est écoulé depuis l’adoption de la directive 85/374/CEE (9), et compte tenu de l’état actuel de la technique, le CESE demande à la Commission d’étudier la pertinence d’inclure dans le champ d’application de la directive certains des scénarios exposés dans la proposition de règlement à l’examen, afin de rendre les produits plus sûrs et les doter d’un niveau de protection élevé.

4.4.6.

Le CESE estime que le Groupe européen de certification de cybersécurité soutenu par l’ENISA qu’il est envisagé de créer devrait être composé d’autorités nationales de contrôle de la certification, d’acteurs du secteur privé et d’opérateurs dans différents domaines d’application, afin de garantir le développement de systèmes de certification complets. En outre, il conviendrait de prévoir une coopération entre ce groupe et des associations sectorielles de l’Union européenne/EEE (par exemple PPPc, secteur bancaire, des transports, de l’énergie, fédérations, etc.), à travers la nomination d’experts. Ce groupe devrait pouvoir tenir compte des réalisations européennes en matière de certification (principalement sur la base de l’accord de reconnaissance mutuelle (ARM) du groupe des hauts fonctionnaires pour la sécurité des systèmes d’information (SOG-IS), des systèmes nationaux et de systèmes privés) et viser à préserver les avantages compétitifs en Europe.

4.4.7.

Le CESE propose que ce groupe de parties intéressées se voie confier la responsabilité d’élaborer conjointement des systèmes de certification avec la Commission européenne. Des exigences sectorielles devraient également être définies au moyen d’un accord consensuel entre les acteurs publics et privés (fournisseurs et utilisateurs) concernés.

4.4.8.

En outre, le groupe devrait examiner régulièrement les systèmes de certification, en tenant compte des besoins de chaque secteur, et adapter les systèmes si nécessaire.

4.4.9.

Le CESE est favorable à la suppression progressive des systèmes nationaux de certification lorsqu’un régime européen est introduit, comme il est proposé à l’article 49 du règlement. En effet, un marché unique ne peut pas fonctionner en étant régi par des règles nationales différentes et concurrentes. À cette fin, le CESE suggère de recenser tous les systèmes nationaux.

4.4.10.

Le CESE suggère à la Commission de lancer une action visant à promouvoir la certification et les certificats de cybersécurité dans l’Union européenne et à plaider pour leur reconnaissance dans tous les accords commerciaux internationaux.

4.5.    ENISA

4.5.1.

Le CESE estime que le nouveau mandat permanent de l’ENISA tel qu’il est proposé par la Commission contribuera de manière significative à renforcer la résilience des systèmes européens. Toutefois, le budget prévisionnel et les ressources qu’il est prévu d’affecter à l’ENISA réformée pourraient ne pas être suffisants pour permettre à l’agence de s’acquitter de sa mission.

4.5.2.

Le CESE encourage tous les États membres à mettre en place une instance clairement définie qui soit un équivalent de l’ENISA au niveau national, la plupart d’entre eux ne l’ayant pas encore fait. Il convient de promouvoir un programme structuré permettant le détachement d’experts nationaux détachés (END) auprès de l’ENISA, afin de faciliter l’échange de bonnes pratiques et de renforcer la confiance. En outre, le Comité recommande que la Commission veille à ce que les bonnes pratiques et les mesures efficaces qui existent actuellement dans les États membres soient recensées et partagées.

4.5.3.

Le CESE estime par ailleurs que, en ce qui concerne le renforcement des capacités, l’ENISA devrait accorder la priorité aux actions visant à soutenir l’administration en ligne (10). L’identité numérique des personnes, des organisations, des entreprises et des objets est essentielle à l’échelle de l’Union et du monde; partant, prévenir et lutter contre le vol d’identité et la fraude en ligne devrait être une priorité, de même que combattre le vol de propriété intellectuelle et industrielle.

4.5.4.

L’ENISA devrait en outre fournir des rapports réguliers au sujet de la préparation des États membres en matière de cybermenaces, en se concentrant essentiellement sur les secteurs recensés à l’annexe II de la directive SRI. Un exercice annuel de cybersécurité à l’échelle européenne devrait permettre d’évaluer l’état de préparation des États membres et l’efficacité du mécanisme européen de réaction en cas de crise en matière de cybersécurité, et déboucher sur des recommandations.

4.5.5.

Le CESE est préoccupé par le caractère trop limité des ressources, sur le plan de la coopération opérationnelle, y compris en ce qui concerne le réseau des CSIRT.

4.5.6.

En ce qui concerne les tâches liées au marché, le CESE estime que le renforcement de la coopération avec les États membres et la mise en place d’un réseau officiel d’agences de cybersécurité contribuerait à favoriser la coopération entre les parties prenantes (11). Le délai de mise sur le marché est très court, alors que c’est un facteur essentiel pour que les entreprises de l’Union européenne puissent faire face à la concurrence dans ce domaine; l’ENISA doit être en mesure de réagir en conséquence. Le CESE observe qu’à l’instar d’autres agences de l’Union européenne, l’ENISA pourrait, à l’avenir, appliquer un système de redevances et de droits. Le CESE est préoccupé par le fait que la concurrence pour les compétences entre l’Union européenne et les agences nationales pourrait, comme cela s’est produit dans d’autres domaines, retarder la bonne mise en place du cadre réglementaire de l’Union européenne et être préjudiciable au marché unique de l’Union européenne.

4.5.7.

Le CESE fait remarquer que les tâches relatives à la R&I et à la coopération internationale sont à l’heure actuelle minimales.

4.5.8.

Le CESE estime que la question de la cybersécurité devrait être un point de discussion régulier lors des réunions communes ordinaires des agences de la justice et des affaires intérieures (JAI) et que l’ENISA et Europol devraient coopérer régulièrement.

4.5.9.

Le cybermonde étant très innovant, les normes doivent être soigneusement étudiées afin d’éviter toute entrave à l’innovation, ce qui exige un cadre dynamique; il convient d’en assurer dans toute la mesure du possible la compatibilité à la fois ascendante et descendante afin de protéger les investissements des citoyens et des entreprises.

4.5.10.

En raison de l’importance des autorités nationales de contrôle de la certification, le CESE suggère que ce règlement mette déjà en place un réseau officiel d’autorités habilitées à résoudre des litiges transfrontières, avec le soutien de l’ENISA. Ce réseau pourrait ultérieurement prendre la forme d’une agence unique.

4.5.11.

Alors que la confiance est fondamentale, l’ENISA pourrait ne pas être habilitée à émettre des décisions ou des rapports d’audit. Le CESE estime que l’agence devrait contrôler les résultats et la prise de décision des autorités nationales de contrôle de la certification au moyen d’audits et d’inspections réalisés au nom de la Commission.

4.5.12.

La participation au conseil d’administration de l’ENISA devrait être étendue aux entreprises et aux organisations de consommateurs, à titre d’observateurs.

4.6.    L’industrie, les PME, les financements/investissements et les modèles d’entreprise innovants

4.6.1.   L’industrie et les investissements

Afin de renforcer la compétitivité mondiale des entreprises européennes opérant dans le domaine des TIC, les actions menées devraient viser à mieux soutenir la croissance et la compétitivité du secteur des TIC, notamment celles des PME.

L’Europe doit accroître les investissements en faisant converger les différents fonds européens, les financements nationaux et les investissements du secteur privé vers des objectifs stratégiques dans le cadre d’une coopération public-privé solide. Le niveau des investissements dans des domaines critiques doit être renforcé et soutenu par la création, au titre du programme-cadre de recherche actuel et futur, d’un Fonds européen pour l’innovation et la R&D en matière de cybersécurité. En outre, l’Europe devrait créer un fonds pour le déploiement de la cybersécurité, ce qui ouvrirait de nouvelles perspectives dans la configuration actuelle et future du mécanisme pour l’interconnexion en Europe ainsi que pour le futur EFSI 3.0.

Des incitations devraient être mises en place pour que les États membres de l’Union puissent acquérir des solutions européennes lorsque c’est possible et sélectionner des fournisseurs européens s’ils sont disponibles, notamment pour les applications sensibles. L’Europe devrait favoriser la croissance de champions européens dans le domaine de la cybersécurité, capables de supporter la concurrence sur le marché mondial.

4.6.2.   PME

En raison de la fragmentation du marché, et pour mieux tenir compte de celui-ci, il est nécessaire de disposer de davantage de précisions au sujet de la demande des clients. Sans une demande structurée, les PME et les start-up ne peuvent pas se développer à un rythme soutenu. Dans ce contexte, il serait judicieux de mettre en place une plateforme européenne des PME du secteur de la cybersécurité.

Les technologies de cybersécurité évoluent rapidement, et les PME, grâce à leur souplesse, peuvent fournir les solutions de pointe indispensables pour que l’Europe reste compétitive. Par rapport aux pays tiers, l’Union européenne est toujours à la recherche d’un modèle commercial approprié pour les PME.

L’on pourrait concevoir des régimes spécifiques pour les start-up et les PME afin de les aider à assumer le coût de la certification, ce pour remédier aux grandes difficultés qu’elles rencontrent dans la collecte de fonds pour leur développement technologique et commercial.

4.7.    Le facteur humain: éducation et protection

4.7.1.

Le CESE constate que la proposition de la Commission ne prend pas suffisamment en considération la personne humaine comme un acteur important des processus numériques, soit en tant que bénéficiaire de ces processus, soit en tant que cause des principaux incidents informatiques.

4.7.2.

Il est nécessaire d’établir une solide base de cyber-compétences et d’améliorer la cyber-hygiène et la sensibilisation auprès des particuliers et des entreprises. Pour parvenir à ce résultat, il convient d’envisager de dégager des investissements ciblés ainsi que du temps pour former des instructeurs de haut niveau, et d’organiser des campagnes de sensibilisation efficaces. La mise en œuvre de ces trois lignes d’action nécessite la participation des autorités nationales et régionales (responsables de la mise en place de programmes éducatifs efficaces et des investissements correspondants) ainsi que celle des entreprises et des PME, dans le cadre d’une approche collective.

4.7.3.

Il conviendrait d’envisager la mise en place d’un éventuel programme de formation certifié par l’Union européenne à l’intention des établissements du second degré et des professionnels, avec la participation active de l’ENISA et de ses homologues nationales. En outre, lors de l’élaboration des programmes d’éducation visant à améliorer les niveaux d’emploi en matière de cybersécurité, il conviendra de prendre en considération la dimension de genre.

4.7.4.

Le CESE est d’avis que l’activité de certification doit comprendre un système d’étiquetage adapté tant pour les matériels (hardware) que les logiciels (software), comme c’est le cas pour de nombreux autres produits (par exemple, les produits énergétiques). Cet instrument aura le triple avantage de réduire les coûts supportés par les entreprises, d’éliminer les fragmentations qui existent déjà sur le marché en raison de la coexistence des différents systèmes de certification déjà adoptés à l’échelle nationale et de faciliter la compréhension, par le consommateur, des informations concernant la qualité et les caractéristiques de l’objet acheté. À cet égard, il est essentiel que les produits importés de pays tiers soient soumis aux mêmes mécanismes de certification et d’étiquetage. Le CESE estime, enfin, que la création d’un logo ad hoc pourrait être à même de renseigner immédiatement les consommateurs et les utilisateurs sur la fiabilité des produits achetés ou des sites sur lesquels ils effectuent des actes d’achat ou qui prévoient la transmission de données sensibles.

4.7.5.

L’ENISA devrait être chargée d’assumer une activité, cruciale s’il en est, d’information et de sensibilisation à plusieurs niveaux, afin de sensibiliser davantage aux comportements numériques «sûrs» et de renforcer la confiance des utilisateurs dans l’Internet. À cette fin, il y a lieu de faire participer les associations représentant les entreprises, les associations de consommateurs et les autres entités opérant dans le domaine des services numériques.

4.7.6.

Pour compléter le règlement sur la cybersécurité, comme il l’a déjà proposé dans l’avis INT/828, le CESE considère qu’il est essentiel de lancer dès que possible un vaste programme européen en matière d’éducation et de formation numérique afin de s’assurer que tous les citoyens disposent des outils nécessaires pour gérer au mieux la transition. En particulier, sans préjudice des compétences spécifiques des États membres en la matière, le Comité souhaite que ce programme prenne les écoles comme point de départ, renforce les connaissances des enseignants, adapte les programmes scolaires et la pédagogie aux technologies numériques (y compris l’apprentissage en ligne) et donne à tous les étudiants une formation de grande qualité. Ce programme sera logiquement étendu à l’apprentissage tout au long de la vie afin d’aménager ou de mettre à jour les compétences de tous les travailleurs (12).

5.   Observations particulières

5.1.    Technologies et solutions émergentes: le cas de l’internet des objets (IdO)

Le nombre d’appareils connectés s’accroît constamment et devrait atteindre plusieurs fois le nombre d’habitants de la planète, en raison de la numérisation des composants, des systèmes et des solutions, et de l’amélioration de la connectivité. Cette tendance crée de nouvelles possibilités pour les auteurs d’infractions informatiques, notamment parce que les dispositifs de l’IdO sont souvent moins bien protégés que les appareils traditionnels.

La mise en place de normes européennes de sécurité à travers les différents secteurs verticaux utilisant les dispositifs de l’IdO est à même de réduire l’effort de développement, ainsi que le temps et le budget qui y sont consacrés, pour tous les acteurs du secteur dans la chaîne de valeur des produits connectés.

Il sera sans doute nécessaire d’adopter une certaine forme de niveau de sécurité minimum en recourant à la gestion de l’identité et de l’accès, à des correctifs (patching) et à la gestion des appareils, pour les dispositifs «ordinaires» de l’«internet des personnes» (IdP). La certification étant une méthode indispensable pour garantir un niveau plus élevé de sécurité, il convient d’accorder plus d’importance à la sécurité de l’internet des objets dans le cadre de la nouvelle approche de l’Union européenne en matière de certification.

Bruxelles, le 14 février 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Stratégie pour le marché unique numérique: examen à mi-parcours.

(2)  JOIN(2017) 450 final.

(3)  Document de travail des services de la Commission — étude d’impact accompagnant la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, partie 1/6, p. 21, Bruxelles, 14 septembre 2017.

(4)  Eurobaromètre spécial 464a — Wave EB87.4 — Europeans' attitudes towards cyber security [L’attitude des Européens à l’égard de la cybersécurité], septembre 2017.

(5)  Conclusions du Conseil européen du 19 octobre 2017.

(6)  Résolution du Parlement européen du 17 mai 2017 — A8-0176/2017.

(7)  Le marché unique numérique: examen à mi-parcours, JO C 75 du 10.3.2017, p. 124; JO C 246 du 28.7.2017, p. 8; JO C 345 du 13.10.2017, p. 52; JO C 288 du 31.8.2017, p. 62; JO C 271 du 19.9.2013, p. 133.

(8)  Communiqué de presse no 31/2017 du CESE — La société civile débat de l’administration en ligne et de la cybersécurité avec la future présidence estonienne: https://www.eesc.europa.eu/fr/news-media/press-releases/debat-de-la-societe-civile-sur-la-cybersecurite-et-e-gouvernement-avec-la-presidence-entrante-estonienne

(9)  JO L 210 du 7.8.1985, p. 29.

(10)  Stratégie pour le marché unique numérique: examen à mi-parcours.

(11)  JO C 75 du 10.3.2017, p. 124.

(12)  Stratégie pour le marché unique numérique: examen à mi-parcours.


28.6.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 227/95


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d’investissement — Examen annuel de la croissance 2018»

[COM(2017) 690]

(2018/C 227/14)

Rapporteur:

Dimitris DIMITRIADIS

Consultation

Commission européenne, 18.1.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Sous-comité compétent

Sous-comité «Examen annuel de la croissance 2018»

Adoption en session plénière

14.2.2018

Session plénière no

532

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

194/2/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE considère que le cadre du semestre européen est d’une importance stratégique et il est déterminé à continuer à y contribuer de la manière la plus efficace possible. Dans le même temps, le CESE réaffirme la nécessité d’accroître le rôle de la société civile organisée dans le cycle du semestre européen et, en particulier, dans la préparation de l’examen annuel de la croissance (EAS). Le CESE peut apporter une valeur ajoutée à ce processus. Par ailleurs, le semestre européen devrait associer tout particulièrement les partenaires sociaux et les conseils économiques et sociaux nationaux d’une manière plus structurée.

1.2.

Le CESE reconnaît que la dimension sociale du semestre européen a été renforcée grâce à l’introduction d’indicateurs sociaux (tableau de bord social) dans le rapport conjoint sur l’emploi (1). Néanmoins, le Comité est convaincu que l’accent mis sur l’augmentation des investissements, les réformes structurelles et le renforcement de l’équilibre macroéconomique (2), affiché par la Commission, doit s’accompagner d’un élargissement du cycle du semestre européen à d’autres indicateurs allant «au-delà du PIB» (objectifs sociaux, environnementaux et de durabilité). Le CESE est favorable à ce que le Semestre vienne appuyer le socle européen des droits sociaux de manière que celui-ci s’impose comme un instrument au service de meilleures conditions de vie et de travail pour les citoyens. Il souhaite que les objectifs du socle soient intégrés dans les politiques et les décisions prises.

1.3.

Le CESE souscrit au point de vue selon lequel la clé du succès pour améliorer la croissance à long terme est l’investissement, l’innovation et la connaissance, l’éducation et l’apprentissage tout au long de la vie, notamment dans le domaine des technologies vertes et de l’économie circulaire, mais également dans les secteurs plus traditionnels. Le Comité souligne que le niveau des investissements privés ne sera élevé que si l’on motive suffisamment les investisseurs, qu’une demande intérieure saine est garantie et que le climat d’investissement reste favorable.

1.4.

Le Comité relève que les investissements publics sont relativement faibles et accusent du retard. Il insiste sur la nécessité d’accroître les investissements publics afin de sécuriser la fragile croissance, ce qui suppose de doper les investissements sociaux dans les actions visant à développer le capital humain grâce à l’éducation et à la formation, ainsi qu’à améliorer les services publics, les infrastructures de soins, l’innovation et la cohésion sociale dans les différents pays et régions. À cette fin, le CESE demande une fois encore qu’un accord soit donné à l’adoption du principe connu sous le nom de «règle d’or de l’investissement public» afin de stimuler les investissements publics.

1.5.

Le CESE prend note de la mise en place du programme d’appui à la réforme structurelle (3). Bien que considéré comme un outil indispensable, susceptible d’aider les États membres à mener à bien les réformes institutionnelles, administratives et structurelles, en mettant à leur disposition des ressources en faveur du renforcement des capacités et de l’assistance technique, il ne faudrait pas, de l’avis du Comité, que de telles réformes aboutissent simplement à une déréglementation du marché du travail et à une libéralisation du marché. Dans le même temps, le Comité met en garde contre le risque que le programme n’aboutisse pas aux résultats escomptés en raison de son budget relativement limité et du manque d’expérience s’agissant de coopérer avec les États membres pour la mise en œuvre des réformes structurelles.

1.6.

Le Comité partage la vision de la Commission selon laquelle il est essentiel de procéder à des réformes structurelles qui soient raisonnables et équilibrées au plan économique et social, sur des marchés du travail et des produits qui fonctionnent bien, pour que l’économie européenne puisse s’adapter aux mutations structurelles à long terme ainsi qu’aux chocs économiques et environnementaux éventuels. Toutefois, le CESE insiste sur la nécessité d’une approche non systémique, et considère que les réformes devraient être menées uniquement si elles sont nécessaires et dans le respect du droit national, du dialogue social et des conventions collectives.

1.7.

Le CESE se réjouit de l’accent accru placé par la Commission dans l’examen annuel de la croissance (EAC) sur la composition et l’efficacité des dépenses publiques, ainsi que sur une politique budgétaire responsable, appropriée et efficiente. Le Comité estime que les réformes de l’administration publique axées sur l’administration en ligne, l’efficacité des marchés publics (4) et une transparence accrue des fonds publics peuvent contribuer grandement à la réduction des coûts et à l’accroissement de l’investissement public. Ces mesures devraient figurer parmi les choix à privilégier par toute démarche d’assainissement budgétaire.

1.8.

Le CESE souligne que les efforts visant à atténuer les effets négatifs du vieillissement constituent un défi pour les budgets des États membres. Il convient de souligner une nouvelle fois l’importance de la formation et du recyclage, le rôle de prévention qui incombe au secteur de la santé, ainsi que la nécessité de garantir l’efficacité des dépenses de santé du système de protection sociale.

2.   Observations générales

2.1.

Le Comité réitère son point de vue selon lequel l’EAC ne couvre pas d’autres domaines d’action pertinents tels que la politique de l’environnement ou d’autres aspects importants tels que la qualité de l’emploi. Le CESE estime qu’il est possible d’élargir la portée du semestre européen afin de veiller à la durabilité des politiques macroéconomiques, non seulement sur le plan économique et social, mais également d’un point de vue environnemental. Le semestre européen doit aborder de la même manière les différents défis, qu’ils soient économiques, sociaux ou environnementaux.

2.2.

À cet égard, le semestre européen devrait intégrer un système complet d’indicateurs rendant compte des retombées sociales et environnementales. L’introduction du tableau de bord social dans l’EAC 2018 constitue un premier pas dans cette direction, qui devra être complété par des indicateurs relatifs à l’évolution des salaires ainsi qu’au champ d’application de la négociation collective, le cas échéant. L’analyse macroéconomique et sociale actuelle pourrait être complétée par des indicateurs relatifs aux ressources et à l’efficacité énergétique, à l’état d’avancement des objectifs climatiques et énergétiques nationaux et à l’évolution des taux de la fiscalité environnementale au niveau national.

2.3.

L’examen annuel de la croissance devrait mettre davantage l’accent sur les questions démographiques à long terme, en particulier dans le contexte du vieillissement de la population et de la migration des travailleurs. À ce stade, alors que les menaces immédiates pour la stabilité économique et budgétaire semblent avoir été écartées, il est urgent de mettre l’accent sur ces questions à plus long terme.

2.4.

Le CESE a débattu de la nécessité de développer encore le semestre européen afin de garantir une mise en œuvre coordonnée des objectifs de développement durable (5).

2.5.

Dans le cadre du développement du semestre européen, il y a lieu de prendre en considération la période de l’après-Brexit et de partir du principe qu’il sera essentiel de revoir à la hausse les capacités financières.

2.6.

En outre, le semestre européen devra être adapté à toute future stratégie pour l’après-2020, laquelle devrait reposer sur les priorités de la Commission Juncker ainsi que les objectifs à l’horizon 2030, eux-mêmes fondés sur la stratégie Europe 2020 et ses objectifs (toujours d’actualité pour les prochaines années) et sur l’accord de Paris sur le climat.

3.   Observations particulières

3.1.    Investissements

3.1.1.

La croissance de la productivité est l’une des principales sources d’amélioration du bien-être économique. Il est essentiel que l’Union européenne conserve un taux élevé et durable de croissance de la productivité, car actuellement, elle est à la traîne par rapport à ses principaux concurrents, en particulier dans des secteurs industriels d’importante cruciale et en matière de développement de technologies à faible intensité de carbone. Une amélioration continue de l’économie constitue une base essentielle pour pouvoir financer la sécurité sociale et les soins de santé au niveau souhaité par les citoyens européens. En effet, faire progresser le bien-être, la cohésion et la justice sociale est tout à fait compatible avec la croissance de l’économie et de la productivité (6).

3.1.2.

La clé de la croissance de la productivité est l’investissement, la qualité de l’emploi, l’innovation et la connaissance. La baisse de l’investissement dans le capital implique une diminution des nouveaux équipements mis à la disposition des travailleurs, qui entraîne à son tour, toutes choses étant égales par ailleurs, des taux et niveaux de croissance de la productivité plus faibles. Cela est particulièrement vrai dans un contexte où la croissance de la population active ralentit en raison des changements démographiques et de la baisse du taux de natalité, comme c’est le cas en Europe. Pour parvenir à améliorer la productivité des travailleurs, il y a lieu d’investir dans l’éducation, la formation et l’apprentissage tout au long de la vie, l’amélioration des conditions de travail, les services de base tels que les garderies et l’accueil extrascolaire, la modernisation des usines, des équipements et des techniques de production, dans les nouvelles découvertes et l’innovation, ainsi que dans les transports, les communications et les autres infrastructures. En outre, il y a lieu de prendre en considération le fait que l’investissement public à grande échelle, y compris l’investissement social, s’opère sur une période plus longue. Par conséquent, accorder une attention accrue aux exigences en matière de planification devrait contribuer à accroître l’investissement public. À cette fin, le CESE demande une fois encore qu’un accord soit donné à l’adoption du principe dit de la «règle d’or de l’investissement public» afin de stimuler les investissements publics.

3.1.3.

À cet égard, le CESE juge essentiel que les possibilités budgétaires européennes et nationales soient pleinement exploitées et que la politique de cohésion reste le principal outil d’investissement de l’Union européenne. Il souligne que sa gouvernance et ses interactions avec le semestre européen devraient être améliorées afin d’accroître encore sa contribution à un développement durable et inclusif. Il peut être recouru davantage aux Fonds structurels pour soutenir l’éducation et la formation dans les compétences nécessaires, en étroite coopération avec les partenaires sociaux. Le CESE partage à cet égard le point de vue de la Commission selon lequel l’EFSI est «loin d’avoir déployé tout son potentiel en termes de promotion du développement du capital humain».

3.1.4.

Pour moderniser les usines et les technologies de production, il convient de créer un climat des affaires et un environnement social propices afin d’inciter les entreprises à investir. Le CESE estime qu’il est de la plus haute importance pour les États membres de rendre leurs institutions plus fortes et plus efficaces afin qu’elles soient capables de lutter contre la corruption et de garantir l’état de droit. Sinon, les taux d’investissement ne pourront pas être élevés.

3.1.5.

Le CESE réaffirme la nécessité d’investir dans des mesures visant une transition équitable pour accompagner les investissements de transformation, notamment dans les secteurs de l’énergie et de l’industrie manufacturière. Ces investissements — en faveur desquels il faudrait qu’un fonds de financement adéquat soit prévu — devraient également aider les travailleurs à réussir le passage de secteurs à haute intensité de carbone à des industries sobres en la matière. Cette transition doit être bien gérée afin de favoriser la réalisation des objectifs d’un travail décent pour tous, de l’inclusion sociale et de l’éradication de la pauvreté.

3.1.6.

Outre un climat favorable, il est également essentiel pour les investissements que l’Europe dispose de marchés financiers qui fonctionnent bien. Le CESE est préoccupé par l’absence de progrès dans l’intégration des marchés financiers. Il convient de poursuivre sans autre délai le développement de l’union bancaire et de l’union des marchés des capitaux (UMC).

3.1.7.

Le CESE souscrit à l’importance primordiale de la création d’une UMC et de la mise en place d’autres cadres permettant d’améliorer les conditions du financement, de répartir le risque et rendre le crédit plus accessible à toutes les entreprises, ainsi que de transposer dans la pratique le principe de l’égalité des chances.

3.1.8.

Les conditions d’accès au financement sont toujours très inégales et l’obtention de financements demeure très difficile et constitue un problème majeur pour les PME, les petites entreprises traditionnelles et familiales, les jeunes pousses et les entreprises en expansion. Le Comité se félicite dès lors des mesures telles que la création du Fonds paneuropéen de fonds de capital-risque et invite la Commission à adopter, en collaboration avec les pouvoirs publics locaux, régionaux et nationaux, des mesures supplémentaires pour promouvoir l’investissement privé et public ou la diversification des sources de financement.

3.1.9.

Le développement de l’UMC — l’expansion des fonds de capital-risque, les marchés des capitaux privés — y compris des marchés informels, des investisseurs providentiels (business angels) et du financement participatif (crowdfunding), a amélioré l’accès au capital-risque pour certaines catégories spécifiques de PME. Cependant, la très grande majorité des PME a peu de chances de pouvoir en bénéficier de manière substantielle. Même pour les entreprises innovantes, les start-up et les sociétés de taille moyenne, les nouveaux instruments ne sont pas faciles à utiliser et il subsiste des différences considérables d’un pays à l’autre en fonction du niveau de développement des marchés des capitaux locaux et de l’existence ou non d’une législation adéquate. Par conséquent, il conviendrait de veiller à créer les conditions requises pour que ces sociétés puissent être financées par les banques.

3.1.10.

Le CESE invite la Commission et les États membres à mettre tout en œuvre pour lever les obstacles à l’investissement et créer un climat favorable à cet égard. Outre les problèmes évoqués ci-dessus, on relèvera à titre d’exemple le règlement relatif au fonds de capital-risque et la poursuite du développement du fonds d’entrepreneuriat social, la «seconde chance» pour les entrepreneurs en situation d’échec, l’amélioration des procédures d’insolvabilité ou encore la mise en place des systèmes de restructuration préventive. Stimuler la participation des banques et accroître leur efficacité opérationnelle doit constituer l’un des piliers du développement des activités d’investissement.

3.1.11.

Dans de précédents avis, le Comité a déjà souligné que l’achèvement de l’union de l’énergie, la stratégie pour un marché unique numérique et le plan d’action pour l’économie circulaire ouvriront des débouchés de choix pour les investissements. En outre, il convient d’envisager de nouvelles possibilités d’investissements écologiques en vue de combattre le changement climatique. La dynamisation de ces domaines dépend également des accords commerciaux internationaux — dont certains pourraient souffrir d’un changement d’attitude dans la politique mondiale — et de l’accessibilité des marchés qui en découle.

3.2.    Poursuivre les réformes structurelles

3.2.1.

Le CESE considère que les réformes structurelles devraient être équilibrées du point de vue économique et social. Les réformes structurelles qu’il convient en premier lieu de mener devraient être non seulement celles qui favorisent la croissance de la productivité, mais aussi celles qui renforcent la sécurité de l’emploi et le système de protection sociale, et ce, dans le respect de la négociation collective et de l’autonomie des partenaires sociaux. Les réformes structurelles sont indispensables pour accroître la transparence et l’intégrité dans l’administration publique et offrir des services de haute qualité aux citoyens et aux entreprises.

3.2.2.

Le CESE prend acte des initiatives proposées par la Commission dans la feuille de route pour l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, et élabore actuellement un avis spécifique sur ce train de mesures (7). Le Comité continuera à contribuer aux discussions entre les dirigeants de l’Union européenne sur l’évolution future de l’UEM, dans le cadre du débat sur l’avenir de l’Europe. Cependant, le Comité déplore que la plupart des problèmes de renforcement de la convergence et de l’intégration entre les États membres abordés dans l’EAC concernent presque exclusivement des pays de la zone euro. La convergence des pays qui ne sont pas membres de la zone euro devrait faire l’objet d’une attention et d’efforts similaires. Il convient de promouvoir une nouvelle stratégie et un nouveau plan d’action pour faire en sorte que les États membres dont la productivité est plus faible puissent rattraper leur retard en stimulant la croissance de leurs propres investissements de qualité. De même, des mesures doivent être prises pour favoriser la relance de certaines zones au moyen de projets de revitalisation intégrant une croissance et des investissements de qualité.

3.2.3.

Le rôle des partenaires sociaux dans la conception, l’élaboration et la mise en œuvre raisonnable et équilibrée, aux plans social et économique, des réformes structurelles est particulièrement important. Il doit notamment reposer sur un nouveau départ pour le dialogue social, qui s’inspirerait du dialogue actuel mais serait doté d’instruments participatifs renforcés. L’engagement social responsable dépend en grande partie d’une communication compréhensible et directe, et le CESE se réjouit de l’intention de la Commission d’associer les partenaires sociaux de manière approfondie et systématique au cycle du semestre européen.

3.2.4.

Le CESE partage l’avis du Parlement européen selon lequel un marché de l’emploi qui fonctionne bien est extrêmement important pour l’émergence d’une conjoncture économique positive (8). Il devrait s’agir d’une des priorités des réformes. Cependant, le CESE estime également que la dimension sociale du marché unique européen, y compris des systèmes de sécurité, doit être renforcée, et que le socle européen des droits sociaux doit être à la base de cette démarche.

3.2.5.

Afin de permettre aux États membres de relever les défis structurels auxquels ils doivent faire face sur le marché du travail, la Commission devrait tenir compte de leurs différents stades de développement économique et les mesures proposées devraient être productives, inclusives, acceptables et applicables dans leurs sociétés.

3.2.6.

L’accès à une éducation et à une formation de qualité doit être un droit fondamental pour tous. Il est aujourd’hui d’une importance cruciale pour le développement de l’économie européenne de pouvoir compter sur une main-d’œuvre bien formée, informée des nouveautés et qualifiée. De nombreux signaux émanant d’organisations d’employeurs indiquent que le principal obstacle à l’augmentation de la production et à la création d’emplois est l’absence des compétences appropriées requises par les entreprises. Les syndicats, pour leur part, demandent la mise en place d’urgence d’un cadre approprié qui leur permette d’actualiser les compétences qui leur sont nécessaires au fil de leur carrière (par exemple, le droit à des congés de formation rémunérés) — engageant de la sorte la responsabilité de tous: les personnes individuelles, les entreprises (en fonction de la taille de l’entreprise) et la collectivité dans son ensemble. Ces divers aspects doivent être traités sans plus tarder par les mesures adéquates proposées dans l’EAC, conformément à la nouvelle stratégie en matière de compétences pour l’Europe (9).

3.2.7.

Le projet de rapport conjoint sur l’emploi expose le constat que «[…] la croissance des salaires reste modérée dans la plupart des pays […] au cours de la période 2014-2016, la croissance des salaires réels a été inférieure à la croissance de la productivité. Il s’agit là d’une tendance inscrite dans la durée: entre 2000 et 2016, la productivité réelle par personne occupant un emploi a augmenté de 14,3 % dans l’Union européenne, tandis que la rémunération réelle par salarié y augmentait de 10,2 % (10).» Alors que, dans la plupart des pays, le taux de croissance des salaires est inférieur à la croissance de la productivité, dans d’autres, il lui est supérieur. Cette hétérogénéité conduit le CESE à insister sur le fait que l’augmentation réelle des salaires, y compris des salaires minimaux lorsqu’ils existent, devrait être en adéquation avec la croissance de la productivité. De l’avis du CESE, une redistribution équitable des revenus et des richesses résultant des gains de productivité devrait accroître l’égalité et exercer une incidence positive sur la demande intérieure et globale au sein de l’Union. Il convient de doper cette demande intérieure, sachant qu’il s’agit là d’une condition essentielle pour soutenir la croissance, surmonter la crise et stimuler l’emploi. L’augmentation des salaires, en particulier celle des salaires les moins élevés, constitue l’un des instruments les plus importants pour réaliser ces objectifs dans l’économie et la société européennes (11).

3.2.8.

Le CESE a souligné à maintes reprises la nécessité de soutenir les PME (12), qui — avec les ouvriers et les employés concernés — souffrent le plus des déficiences du marché, alors qu’elles sont susceptibles d’apporter une contribution majeure à l’économie européenne. Le Comité se félicite dès lors de la volonté exprimée par la Commission de favoriser la diffusion des nouvelles technologies parmi les PME. Dans le même temps, il importe que la Commission prenne également en considération les problèmes d’accès au financement pour les PME, leur hétérogénéité en tant que groupe, et la nécessité de soutenir les petites entreprises traditionnelles et familiales (13).

3.2.9.

La mise en place d’un système d’incitations qui crée des conditions de concurrence équitables, soutient davantage la croissance et limite les possibilités d’abus doit faire partie intégrante du processus de réforme. Une attention particulière devrait être accordée à l’amélioration du cadre administratif et réglementaire. Le CESE partage le point de vue exprimé dans l’EAC selon lequel la défense est un secteur où un marché unique pourrait apporter de nombreux avantages aux citoyens européens, mais rappelle à nouveau qu’il considère que les fonds budgétaires européens n’ont pas vocation à être utilisés pour financer des instruments militaires ou des actions opérationnelles.

3.2.10.

Le CESE souligne qu’il est nécessaire de continuer à stimuler la compétitivité de l’Europe au sens large, c’est à dire d’une manière qui va bien au-delà de la simple compétitivité des entreprises. Il importe de renforcer son poids économique à l’échelle mondiale et de prendre des mesures pour mieux la préparer à affronter ses concurrents sur la scène planétaire.

3.3.    Des politiques budgétaires responsables

3.3.1.

La reprise observée de l’économie européenne contribue à améliorer la situation des finances publiques, qui étaient en difficulté pendant et après la crise financière et économique. Dans le même temps, la faiblesse des taux d’intérêt et de la croissance économique offre de bonnes chances de faire baisser, le cas échéant, les niveaux d’endettement excessifs. Le ratio dette publique/PIB est très inégal dans l’Union européenne, et les pays connaissant des niveaux élevés d’endettement sont de ce fait exposés à d’éventuels risques de taux d’intérêt, ce qui entraînerait d’importants coûts de financement si les taux d’intérêt commençaient à augmenter en cas d’abandon progressif de la politique monétaire accommodante.

3.3.2.

Dans ce contexte, le CESE apprécie que l’un des piliers sur lesquels la Commission fonde sa politique économique et sociale soit celui des politiques budgétaires responsables. Il souhaite toutefois souligner qu’une politique responsable en matière de dépenses publiques ne s’apprécie pas toujours uniquement à l’aune d’un résultat comptable tel que le déficit, mais aussi de son impact sur l’économie réelle et la société en général.

3.3.3.

Le CESE souscrit pleinement à l’approche selon laquelle la politique budgétaire doit être adaptée à la situation de chaque pays. L’éternel dilemme entre, d’une part, la nécessité de maîtriser durablement les niveaux de déficit et d’endettement et, d’autre part, des dépenses publiques propices à la croissance est toujours difficile à résoudre, et l’équilibre ne sera pas le même en fonction de la situation spécifique de chaque pays. Le CESE est favorable à la flexibilité, en particulier lorsque celle-ci permet de consentir des investissements publics pour dynamiser des secteurs porteurs d’avantages à long terme (éducation, formation et soins de santé) ou des investissements visant à créer les conditions d’une transition économique vers un modèle durable afin de lutter contre le changement climatique, ou à définir des mesures de soutien aux entreprises victimes de défaillances du marché.

3.3.4.

Le CESE appelle avec vigueur de ses vœux une lutte constante et bien coordonnée contre la fraude et l’évasion fiscales, afin de garantir une imposition équitable des entreprises multinationales et de l’économie numérique. Il rappelle en outre l’importance de lutter contre la fraude fiscale, notamment grâce à une transparence accrue (14), et contre toutes les formes de concurrence fiscale déloyale entre les États membres (15).

3.4.    Le socle européen des droits sociaux

3.4.1.

Le CESE se réjouit du consensus interinstitutionnel obtenu à l’occasion de la proclamation du socle européen des droits sociaux lors du sommet social de Göteborg en novembre 2017.

3.4.2.

Le socle européen des droits sociaux est avant tout une déclaration politique, comprenant des propositions législatives et non législatives. Le soutien unanime apporté par les États membres constitue un signe important et encourageant quant à son application. En tant que cadre d’initiatives tant législatives que non législatives, le socle européen des droits sociaux devrait contribuer à encourager les réformes et à mettre davantage l’accent sur le progrès social dans le cadre du semestre européen.

3.4.3.

Le CESE estime que le socle européen des droits sociaux doit s’accompagner d’une feuille de route détaillant sa mise en œuvre, appuyant la réalisation de ses objectifs au niveau national (16).

3.4.4.

Le CESE plaide en faveur d’un Semestre qui tienne pleinement compte de la dimension sociale. Il souhaite que les objectifs du socle européen des droits sociaux soient intégrés dans les politiques et les décisions prises.

3.4.5.

Comme le CESE l’a déjà souligné précédemment (17), l’Union européenne ne pourra garantir son avenir que si elle combine une base économique solide à une forte dimension sociale. L’Union européenne doit viser en priorité à assurer une croissance économique équilibrée et inclusive, le progrès social et l’intégrité environnementale, susceptibles d’accroître le bien-être des citoyens.

3.4.6.

Le paquet d’automne de la Commission comprend un tableau de bord social, un nouvel outil dans le cadre du semestre européen pour surveiller la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux, dont les résultats devraient être intégrés dans l’analyse réalisée en vue des prochains rapports et recommandations par pays.

Bruxelles, le 14 février 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Rapport conjoint sur l’emploi.

(2)  JO C 173 du 31.5.2017, p. 73.

(3)  Règlement (UE) no 2017/825.

(4)  COM(2017) 572 final.

(5)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 44.

(6)  JO C 173 du 31.5.2017, p. 33.

(7)  ECO/446 (pas encore publié au JO).

(8)  JO C 173 du 31.5.2017, p. 73.

(9)  COM(2016) 381 final.

(10)  Projet de rapport conjoint sur l’emploi, p. 4.

(11)  ECO/444 (pas encore publié au JO).

(12)  JO C 345 du 13.10.2017, p. 15.

(13)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 1.

(14)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 62.

(15)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 131.

(16)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 145.

(17)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 145.


28.6.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 227/101


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 92/66/CEE du Conseil établissant des mesures communautaires de lutte contre la maladie de Newcastle»

[COM(2017) 742 final — 2017/0329 COD]

(2018/C 227/15)

Consultation

Parlement européen, 14.12.2017

Conseil de l’Union européenne, 22.12.2017

Base juridique

Article 43, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en session plénière

14.2.2018

Session plénière no

532

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

151/2/5

Ayant estimé que le contenu de la proposition est entièrement satisfaisant et que par ailleurs il avait déjà en partie fait l’objet de son avis CES4014-2013 (NAT/611), adopté le 16 octobre 2013 (*1), le Comité, lors de sa 532 session plénière des 14 et 15 février 2018 (séance du 14 février 2018), a décidé, par 152 voix pour, 2 voix contre et 5 abstentions, de rendre un avis favorable au texte proposé et de se référer à la position qu’il avait soutenue dans le document susmentionné.

Bruxelles, le 14 février 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(*1)  JO C 67 du 6.3.2014, p. 166.


28.6.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 227/102


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2016/1139 en ce qui concerne les fourchettes de mortalité par pêche et les niveaux de sauvegarde pour certains stocks de hareng de la mer Baltique»

[COM(2017) 774 final — 2017/0348 COD]

(2018/C 227/16)

Consultation

Parlement européen, 15.1.2018

Conseil de l’Union européenne, 19.1.2018

Base juridique

Article 43, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en session plénière

14.2.2018

Session plénière no

532

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

193/1/3

Ayant estimé que le contenu de la proposition est satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 532e session plénière des 14 et 15 février 2018 (séance du 14 février 2018), a décidé, par 193 voix pour, 1 voix contre et 3 abstentions, de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 14 février 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


28.6.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 227/103


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil abrogeant le règlement (UE) no 256/2014 du Parlement européen et du Conseil concernant la communication à la Commission des projets d’investissement relatifs à des infrastructures énergétiques dans l’Union européenne»

[COM(2017) 769 final — 2017/347 (COD)]

(2018/C 227/17)

Consultation

Parlement européen, 15.1.2018

Conseil de l’Union européenne, 11.1.2018

Base juridique

Article 194 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en session plénière

14.2.2018

Session plénière no

532

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

192/0/2

Ayant estimé que le contenu de la proposition est entièrement satisfaisant et n’appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 532e session plénière des 14 et 15 février 2018 (séance du 14 février 2018), a décidé, par 192 voix pour et 2 abstentions, de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 14 février 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS