ISSN 1725-2431

doi:10.3000/17252431.C_2011.218.fra

Journal officiel

de l'Union européenne

C 218

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

54e année
23 juillet 2011


Numéro d'information

Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

471e session plénière des 4. et 5. mai 2011

2011/C 218/01

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Les effets de la crise économique et financière sur la répartition de la main-d’œuvre entre les secteurs de production, avec une attention particulière aux PME(avis exploratoire)

1

2011/C 218/02

Avis du Comité économique et social européen sur Le rôle de la politique familiale dans le processus de changement démographique afin de partager les meilleures pratiques dans les États membres(avis exploratoire)

7

2011/C 218/03

Avis du Comité économique et social européen sur Études d’impact de développement durable (EID) et politique commerciale de l’Union européenne

14

2011/C 218/04

Avis du Comité économique et social européen sur les Machines agricoles et équipements de construction et de manutention: comment sortir de la crise ? (avis d’initiative)

19

2011/C 218/05

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Volet extérieur de la politique industrielle européenne — La politique commerciale de l'UE prend-elle correctement en compte les intérêts de l'industrie européenne? (avis d'initiative)

25

2011/C 218/06

Avis du Comité économique et social européen sur Les entreprises publiques des pays tiers dans les marchés publics de l’UE (avis d’initiative)

31

 

III   Actes préparatoires

 

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

 

471e session plénière des 4. et 5. mai 2011

2011/C 218/07

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Une politique industrielle intégrée à l’ère de la mondialisation. Mettre la compétitivité et la durabilité au centreCOM(2010) 614 final

38

2011/C 218/08

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la mise en œuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euroCOM(2010) 524 final — 2010/0278 (COD)

46

2011/C 218/09

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des mesures d’exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques excessifs dans la zone euroCOM(2010) 525 final — 2010/0279 (COD) et la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiquesCOM(2010) 527 final — 2010/0281 (COD)

53

2011/C 218/10

Avis du Comité économique et social européen sur le Livre blanc: les régimes de garantie des assurancesCOM(2010) 370 final

61

2011/C 218/11

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission concernant la surveillance et la communication des données relatives à l’immatriculation des voitures particulières neuvesCOM(2010) 657 final

66

2011/C 218/12

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 2006/2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateursCOM(2010) 791 final — 2011/0001 (COD)

69

2011/C 218/13

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des exigences techniques pour les virements et les prélèvements en euros et modifiant le règlement (CE) no 924/2009COM(2010) 775 final — 2010/0373(COD)

74

2011/C 218/14

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commercialeCOM(2010) 748 final/2 — 2010/0383 (COD)

78

2011/C 218/15

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2003/71/CE et 2009/138/CE en ce qui concerne les compétences de l’autorité européenne des marchés financiers et de l’autorité européenne des assurances et des pensions professionnellesCOM(2011) 8 final — 2011/0006 (COD)

82

2011/C 218/16

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur les suites données au rapport du groupe d’experts sur l’évaluation intermédiaire du septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration et au rapport du groupe d’experts sur l’évaluation intermédiaire du mécanisme de financement avec partage des risques COM(2011) 52 final

87

2011/C 218/17

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — La politique antiterroriste de l’UE: principales réalisations et défis à venirCOM(2010) 386 final

91

2011/C 218/18

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi saisonnierCOM(2010) 379 final — 2010/0210 (COD)

97

2011/C 218/19

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers dans le cadre d’un détachement intragroupeCOM(2010) 378 final — 2010/0209 (COD)

101

2011/C 218/20

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l’utilisation des dossiers passagers pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, ainsi que pour les enquêtes et les poursuites en la matièreCOM(2011) 32 final — 2011/0023 (COD)

107

2011/C 218/21

Avis du Comité économique et social sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant modification du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les relations contractuelles dans le secteur du lait et des produits laitiersCOM(2010) 728 final — 2010/0362 (COD)

110

2011/C 218/22

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricolesCOM(2010) 733 final — 2010/0353 (COD)

114

2011/C 218/23

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les normes de commercialisationCOM(2010) 738 final — 2010/0354 (COD)

118

2011/C 218/24

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiquesCOM(2010) 759 final — 2010/0364 (COD)

122

2011/C 218/25

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement (UE) no …/… du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil relatif au financement de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CE) no 165/94 et (CE) no 78/2008 du ConseilCOM(2010) 745 final — 2010/0365 COD

124

2011/C 218/26

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n 485/2008 du Conseil relatif aux contrôles, par les États membres, des opérations faisant partie du système de financement par le Fonds européen agricole de garantieCOM(2010) 761 final — 2010/0366 (COD)

126

2011/C 218/27

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux attaques visant les systèmes d’information et abrogeant la décision-cadre 2005/222/JAI du ConseilCOM(2010) 517 final — 2010/0273 (COD)

130

2011/C 218/28

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Conseil relative à la gestion du combustible usé et des déchets radioactifsCOM(2010) 618 final

135

FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

AVIS

Comité économique et social européen

471e session plénière des 4. et 5. mai 2011

23.7.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 218/1


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Les effets de la crise économique et financière sur la répartition de la main-d’œuvre entre les secteurs de production, avec une attention particulière aux PME»

(avis exploratoire)

2011/C 218/01

Rapporteur: M. PEZZINI

Corapporteur: M. HAVLÍČEK

Le 15 novembre 2010, le représentant permanent de la République de Hongrie auprès de l'Union européenne, M. Péter GYÖRKÖS, a demandé au Comité économique et social européen, au nom de la future présidence hongroise, un avis exploratoire sur le thème

«Les effets de la crise économique et financière sur la répartition de la main-d'œuvre entre les secteurs de production, en portant une attention particulière aux PME».

La commission consultative des mutations industrielles, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 4 avril 2011.

Lors de sa 471e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 4 mai 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 153 voix pour, 5 voix contre et 11 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le CESE se félicite de l'attention que la présidence hongroise porte aux effets de la crise économique et financière actuelle sur la main-d'œuvre et sur sa répartition entre les secteurs de production, en plaçant l'accent sur les PME; ce thème est en effet capital pour la société civile organisée.

1.2   Le CESE rappelle par ailleurs qu'il a eu à maintes reprises l'occasion de se prononcer sur les problématiques des PME, qui, avec le secteur public et l'économie sociale, constituent le tissu conjonctif de l'économie et de l'emploi en Europe.

1.3   Les PME ont été gravement touchées par les conséquences de la crise économique et financière mondiale, même si elles ont souvent réagi en faisant preuve d'une souplesse accrue et en fournissant des réponses novatrices.

1.4   Le CESE considère que l'UE peut faire davantage pour soutenir les PME, mis à part les déclarations de principe. Il est aujourd'hui absolument nécessaire que l'UE mène une action cohérente et coordonnée, qui soit axée sur un éventail de priorités, vise à soutenir l'amélioration des conditions de fonctionnement du marché intérieur et cible également l'internationalisation des PME.

1.4.1   Parmi les actions prioritaires, le CESE distingue le développement des potentialités des nouveaux entrepreneurs, surtout féminins, l'emploi des jeunes et le soutien à l'objectif phare «Jeunesse en mouvement».

1.4.2   Recommande l'organisation régulière d'une conférence annuelle des PME destinée à réaliser le bilan de la situation européenne des PME, notamment au regard de l'emploi. Cette conférence exemplaire devrait associer diverses organisations professionnelles nationales et européennes et toutes les institutions européennes.

1.5   Le CESE demande en particulier de mettre en œuvre une feuille de route afin de garantir immédiatement les conditions nécessaires au développement de nouvelles entreprises innovantes et au soutien des PME existantes, de contribuer à la création de nouveaux emplois, nécessaire pour sortir de la crise, et de relancer une croissance durable; les actions prévues doivent être programmées au niveau européen, national et régional et inclure tant les entreprises commerciales et non commerciales que celles de l'économie sociale. Outre cette feuille de route, il convient de prévoir une formation pour les chômeurs et les jeunes afin qu'ils aient accès aux nouveaux emplois.

1.5.1   L'UE pourrait soutenir, en accord avec les pays membres, dans les régions de la convergence, l'utilisation de fonds structurels visant à soutenir les PME.

1.6   De l'avis du CESE, il y a lieu d'accélérer le processus d'internationalisation des PME, en accroissant leur accès à de nouveaux marchés et, partant, leur capacité de création d'emplois.

1.6.1   L'accès aux nouveaux marchés doit être précédé d'accords commerciaux solides prévoyant des protocoles de procédure simples prêts à l'emploi par les PME.

1.7   Le CESE considère qu'il est essentiel de diffuser la culture d'entreprise et l'esprit d'initiative dans un environnement qui soutienne davantage les entrepreneurs, qui soit conscient des risques du marché et qui valorise le capital humain.

1.8   La formation, le transfert de connaissances et de qualifications, les nouvelles méthodes de travail et le développement des aptitudes au changement doivent être encouragés, surtout en cette période de crise, pour garantir la préservation des emplois et pour consolider le rôle des travailleurs en tant qu'instrument de renforcement des entreprises.

1.9   Le CESE souligne l'importance des marchés publics par rapport aux normes sociales et environnementales en tant qu'instrument de soutien à la survie des entreprises et à l'emploi local. «Penser d'abord aux petits» devrait être obligatoire dans une crise ou c'est une grande partie de l'emploi qui est en jeu: une utilisation correcte, responsable et judicieuse de la demande publique devrait stimuler une concurrence ouverte et l'innovation.

1.10   D'après le CESE, il y a lieu de renforcer les groupes d'innovation et les groupes sectoriels de PME. Le partage de contrats et de connaissances entre grandes et petites entreprises pourrait imprimer des dynamiques novatrices, en utilisant des systèmes en réseaux, notamment au niveau sectoriel.

1.11   Afin de tirer un bénéfice maximal des initiatives sectorielles de pointe, le CESE préconise que le développement de ces dernières fasse l'objet d'une meilleure coordination pour ce qui a trait aux aspects de la technologie, de l'emploi, de l'investissement et de la valorisation des ressources humaines.

1.12   Il faut reconnaître la nécessité de mettre au point de nouveaux mécanismes financiers: le CESE estime que le défi financier et les autres facteurs de la crise pour les PME ont été rendus plus aigus par l'incapacité de programmer de nouvelles interventions, même en renforçant des instruments comme Jeremie, Jasper et Jessica.

1.13   Selon le CESE, la Commission devrait accélérer le contrôle de la qualité de la législation existante, et donner ainsi l'exemple aux États membres, afin de réduire les effets cumulatifs de la législation, les contraintes et les coûts.

1.14   Le CESE estime que les nouvelles propositions législatives devraient être soumises à une analyse préventive visant à établir leur impact sur la compétitivité, à l'aide de fiches d'impact opérationnelles, communautaires et nationales.

1.15   Le CESE invite la Commission à accroître ses interventions de promotion des technologies à basses émissions de carbone et de l'économie verte, qui sont source de nouveaux emplois de meilleure qualité.

1.16   Il serait utile de soutenir et de favoriser la diffusion de réseaux internationaux, notamment sectoriels, pour les protagonistes de la créativité et de l'innovation. Recommande à cet égard que le réseau «Enterprise Europe Network» remplisse non seulement des fonctions d'info-conseil général mais aussi sectoriel et qu'il se voie attribuer des fonctions administratives de guichet unique.

1.17   Le CESE demande d'accélérer l'adoption du Statut européen des PME et la mise en œuvre, au niveau des États membres, du Small Business Act, sur lesquels le Comité s'est déjà prononcé.

2.   Introduction

2.1   Avec la crise économique de 2008, la tendance positive enregistrée entre 2002 et 2008 par les PME a subi un arrêt entraînant selon des estimations la perte de 3,25 millions d'emplois pour la période 2009-2010 (1).

2.2   Le taux de chômage dans l'UE s'est élevé à 9,6 % en 2010, étant particulièrement accentué dans les secteurs de l'administration publique, des transports et des télécommunications. On a assisté à une légère expansion dans les secteurs de la vente au détail et de l'industrie manufacturière, tandis que le marché du travail des jeunes - de 15 à 24 ans - reste moribond, avec un taux de chômage autour de 21 %, soit son niveau le plus élevé depuis le début de la crise.

2.2.1   Par ailleurs, la crise économique ainsi que des facteurs tels que la mondialisation, le progrès technologique, le vieillissement de la population et le passage progressif à une économie à basses émissions de carbone et de particules, ont profondément contribué à des changements rapides au niveau des qualifications et des compétences requises sur le marché du travail, et à l'essor marqué de nouvelles professions.

2.3   Au niveau sectoriel, la récession semble avoir accéléré la tendance actuelle au transfert d'emplois des activités manufacturières primaires et de base vers le secteur des services, les projections indiquant des réductions substantielles de l'emploi dans l'industrie primaire et dans l'agriculture, alors que des pertes d'emplois sont attendues dans les industries manufacturières et productives pour la période 2010-2020, tandis qu'une croissance de l'emploi est prévue dans les services, en particulier dans les services à l'industrie et dans les services de marché, de même que des augmentations sont prévues dans la distribution et dans les transports ainsi que dans les secteurs de l'hôtellerie, de la restauration, du tourisme, de la santé, de l'instruction et de la sécurité.

2.4   S'agissant des profils professionnels, la tendance qui devrait se consolider et augmenter d'ici 2020 favoriserait les compétences de niveau moyen à élevé (40 %), telles celles de personnel dirigeant et de professions libérales et techniques, qui constituent des emplois à forte intensité de connaissances et de compétences.

2.4.1   La plus importante diminution est prévue pour les travailleurs dotés de qualifications formelles peu élevées. Il apparaît que l'emploi dans les secteurs qui produisent des biens d'investissement est plus vulnérable aux crises économiques générales, parce que les compétences sont particulièrement importantes, et qu'à ces secteurs sont souvent associées des compétences spécifiques.

2.5   Le Comité a rappelé à maintes reprises (2) que «l'importance des petites et moyennes entreprises (PME) pour l'économie de l'Union européenne est reconnue par tous» et a réaffirmé (3) que «dans la mesure où les performances économiques, l'innovation et l'emploi sont de plus en plus liés aux PME, le développement de l'esprit d'entreprise des jeunes devrait avoir rang de priorité».

2.6   Il y a dans l'UE plus de 20 millions d'entreprises indépendantes, dont plus de 99 % sont des PME, avec moins de 250 salariés. Les microentreprises, comptant moins de 10 employés, constituent la grande majorité (92 %) de ces sociétés. De même, en ce qui concerne l'emploi, la part des PME atteint plus de 67 % dans l'UE (4). Parmi ces PME, nombreuses sont celles qui n'ont survécu à la crise que grâce à l'engagement de leur personnel.

2.7   Par ailleurs, il y a lieu de tenir compte de multiples obstacles tels que:

un environnement inadapté au développement et à la culture d'entreprise,

des difficultés d'accès au crédit,

des difficultés d'internationalisation et d'accès aux marchés,

une transmission insuffisante des connaissances ou des capacités de gestion, et

une protection lacunaire de la propriété intellectuelle,

qui sont susceptibles de freiner tant l'émergence d'une nouvelle culture d'entreprise que la création et le développement rapide de PME novatrices, et de faire obstacle à la politique de plein emploi.

2.8   En 2009, le nombre de grandes entreprises dont le volume d'emploi s'est contracté a été deux fois plus important que celui des petites entreprises et trois fois plus que celui des microentreprises. Ces données confirment la capacité des microentreprises et petites entreprises à jouer un rôle de stabilisateur des cycles économiques.

2.9   Les évolutions du marché du travail dans l'UE restent toutefois marquées par de fortes disparités entre les États, avec des taux inacceptables de chômage des jeunes. S'il est vrai que le taux moyen européen atteint au cours de la période 2010-2011 des niveaux critiques dépassant 10 %, la répartition de la main-d'œuvre entre secteurs, entre territoires et, surtout, entre tranches d'âge suscite des inquiétudes nettement plus fortes.

2.9.1   Le récent rapport sur «L'emploi en Europe 2010» indique que les jeunes sont les principales victimes de la crise, le taux de chômage dans la tranche d'âge des 15-24 ans atteignant et dépassant dans certains États membres 30 %.

2.10   L'analyse de l'évolution de la distribution de la main-d'œuvre européenne dans les différents secteurs (5) – y compris sa répartition par âge, sexe et typologie d'entreprise – indique:

un taux d'emploi général UE-27 (6) qui est passé de 62,2 % en 2000 à 64,6 % en 2009;

un taux d'emploi chez les jeunes (7) qui, durant la même période, est passé de 37,5 % à 35,2 %;

un taux d'emploi féminin qui, en général, est passé de 53,7 % à 58,6 %, et pour les jeunes, de 34,1 % à 33,1 %;

un taux d'emploi dans l'UE-27 qui, dans le secteur industriel, est passé de 26,8 % en 2000 à 24,1 % en 2009;

un taux d'emploi dans les services qui est passé de 65,9 % en 2000 à 70,4 % en 2009;

un taux d'emploi dans l'agriculture qui est passé de 7,3 % en 2000 à 5,6 % en 2009.

2.11   Dans l'UE-15, les chiffres mettent en évidence une situation légèrement meilleure, tant en ce qui concerne le taux d'emploi général (63,4 %/65,9 %) que le taux d'emploi féminin (54,1 %/59,9 %).

2.12   Enrichir les compétences des jeunes des deux sexes et leur donner de nouvelles qualifications est l'un des objectifs de l'initiative «Jeunesse en mouvement», même si cette visée peut apparaître modeste par rapport à l'importance considérable du problème et doit être combinée avec d'autres initiatives visant à créer de nouvelles activités et de nouvelles entreprises.

2.13   Le Comité, notamment par le biais de sa commission consultative des mutations industrielles (CCMI) a pu donner son avis sur l'impact de la crise en termes d'emplois dans le secteur manufacturier, dans l'industrie automobile, textile, d'usinage des métaux, aéronautique, des secteurs culturel et créatif, de l'industrie navale et de la construction navale, du charbon et de l'acier, de l'électroménager et d'autres encore, comme par exemple dans les secteurs forestier, agricole et des services.

2.14   Dans tous les secteurs, à côté des grandes entreprises l'on observe une présence importante de PME, comme dans le secteur manufacturier (sur 2 376 000 entreprises européennes, 2 357 000 sont des PME), dans le secteur de la construction (2 914 000 PME sur 2 916 000), du commerce de gros et de détail, de la réparation de voitures et de motocycles et des biens de consommation des familles (au total, 6 491 000 PME sur 6 497 000 entreprises), sans oublier les secteurs des services immobiliers, de la restauration, de l'hôtellerie et des transports.

2.15   Le CESE souligne la totale complémentarité entre les grandes, les moyennes et les petites entreprises, qui se traduit souvent par la qualité de la sous-traitance, l'efficacité de l'externalisation et par la création d'entreprises essaimées innovantes.

2.16   La possibilité de créer de nouveaux emplois, en tant qu'instrument pour lutter contre la crise et soutenir une croissance économique durable et compétitive grâce aux petites et moyennes entreprises des secteurs public et privé et de l'économie sociale, intéresse tout particulièrement certains domaines de services (8):

entreprises essaimées de la recherche et du développement,

secteur informatique et activités connexes,

activités d'entretien et de restructuration du patrimoine immobilier,

activités auxiliaires à l'intermédiation financière,

secteur de l'hôtellerie et de la restauration,

secteur touristique et culturel,

secteur des postes, des télécommunications et des transports,

secteur de la fourniture d'électricité, du gaz et de l'eau,

secteurs repris par l'initiative sur les marchés porteurs: santé en ligne, construction durable, tissus intelligents, produits d'origine biologique, recyclage, énergies renouvelables et économie verte.

2.17   Pour ce qui est de la ventilation géographique de la contribution qu'apportent les PME à la valeur ajoutée et à l'emploi dans l'UE sur la période 2002-2007, on remarquera que du point de vue de l'emploi, les différences n'apparaissent pas fort importantes, tandis que pour ce qui concerne la valeur ajoutée, leur apport semble présenter de fortes divergences entre l'UE des Douze et celle des Quinze, leur différentiel de productivité par rapport aux grandes entreprises étant plus élevé dans les nouveaux États membres que dans les anciens.

2.18   En plus de créer des emplois supplémentaires, les PME contribuent par ailleurs, pour une bonne part, au dynamisme de l'économie et à ses performances en matière d'innovation, dans la mesure où elles constituent un vecteur important pour traduire les connaissances scientifiques et technologiques en applications, via le transfert et la commercialisation des idées et des découvertes. À cet égard, on se doit de souligner qu'au niveau européen, les nouvelles approches énoncées dans les principes du «penser en priorité aux PME» ou dans le Small Business Act n'ont pas pu être pleinement appliqués, surtout au niveau régional et national.

2.19   De l'avis du Comité, il y a lieu de déployer des «groupes (“clusters”) d'innovation de PME à haut potentiel de développement», qui doivent déclencher des sauts technologiques grâce à des systèmes en réseau susceptibles d'arriver rapidement sur le marché avec des produits de grande qualité et apportant des bénéfices importants.

2.20   S'agissant de renforcer le développement et la compétitivité des PME, l'élément cardinal consiste à favoriser leur internationalisation sur les marchés mondiaux et le développement de leurs potentialités dans le marché intérieur, en garantissant des conditions équitables de concurrence et d'exploitation.

2.21   Alors qu'en moyenne, elles concourent au PIB national à hauteur de 50 %, leur contribution moyenne aux exportations extra-UE n'est que de 30 %, même si leur apport ne se situe bien souvent que dans les maillons intermédiaires des chaînes globales de valeur.

2.22   Par ailleurs, on a souvent insisté pour un accès plus simple au crédit: l'UE a soutenu des gouvernements, des institutions financières et des grandes entreprises au cours de la crise, alors que peu voire aucun effort n'est consenti pour favoriser les PME et la création d'emplois productifs et durables au niveau local. Il serait opportun de renforcer des programmes comme Jeremie, Jessica ou Jasper.

2.23   Le CESE estime que les gouvernements de l'UE doivent soutenir de manière résolue:

les programmes nationaux et régionaux de soutien à l'esprit d'entreprise,

les instruments pour préserver l'activité des PME,

le développement de nouvelles activités, liées à l'intelligence des produits et des services,

la réduction des contraintes bureaucratiques,

la formation des chômeurs et des jeunes afin qu'ils accèdent aux nouveaux emplois,

la qualification et la formation continue de la main-d'œuvre,

le dialogue social,

un meilleur accès aux programmes de l'UE, avec une attention particulière au financement des PME,

la lutte contre l'évasion fiscale et le travail clandestin,

la réduction et la simplification des charges administratives, en renforçant les guichets uniques et les réseaux sectoriels.

2.24   Le CESE préconise notamment d'accélérer la révision en cours, afin de faciliter l'accès aux programmes de recherche et d'innovation de l'UE.

2.25   Il y a lieu de pallier les défaillances du marché, qu'il s'agisse d'encourager la création de postes de travail à caractère permanent, de développer l'esprit d'entreprise, d'innover ou encore d'assurer une croissance économique durable, en recourant à des jeux de mesures dynamiques, propres à prendre en compte et accompagner la naissance des entreprises, leur essor et leur sortie du marché, dans des conditions qui présentent la clarté et la transparence requises.

3.   Observations

3.1   C'est à la demande de la présidence hongroise que le CESE élabore le présent avis d'initiative, qui étudie la question des répercussions de la crise économique et financière actuelle sur la main-d'œuvre et sa répartition entre les différents secteurs de production, en portant une attention particulière aux petites et moyennes entreprises.

3.2   Le CESE estime que si l'Europe veut sortir de la crise et jouer un rôle de protagoniste dans la mondialisation, il est nécessaire de mener une action commune immédiate, cohérente et coordonnée, qui soit axée sur un éventail de priorités et qui dépasse les seules intentions mais soit effective, en faveur de l'amélioration des conditions de travail, sur le marché intérieur comme sur les marchés mondiaux, et qui encourage l'innovation dans les petites et moyennes entreprises, insuffle une nouvelle vigueur à l'esprit d'entreprise, sache repérer de nouvelles voies pour former le personnel et le doter de qualifications et adapte le marché du travail aux nouveaux défis.

3.3   Pour pouvoir concrétiser pleinement leur apport positif à l'emploi, y compris dans le nouveau contexte de la mondialisation et malgré la crise internationale en cours dans les pays industrialisés, les PME doivent pouvoir évoluer dans un environnement qui soit équitable sous tous les angles, notamment:

établir une feuille de route pour créer les conditions voulues afin de garantir que les PME puissent contribuer pleinement à créer de l'emploi, développer les capacités d'innovation des petites et moyennes entreprises et soutenir les réseaux, les districts productifs, les services et parcs technologiques (9),

assurer l'accès aux marchés extérieurs, au financement et au renforcement des assurances et garanties de paiement dans les échanges internationaux,

prévoir des structures intelligentes d'appui économique pour les marchés (10), avec une pleine réciprocité de l'ouverture entre celui de l'Europe et ceux de l'extérieur,

garantir le respect des normes sociales et environnementales et de la propriété industrielle et intellectuelle,

prendre des mesures contre l'asymétrie d'information dans l'accès au crédit, en fournissant des offres adéquates de crédits, de prêts et d'accès au capital-risque,

instaurer des filières de formation continue, tant pour développer l'entrepreneuriat et la gestion d'entreprises que pour obtenir une main-d'œuvre qualifiée dans un cadre de flexicurité négocié entre les partenaires sociaux,

nouer un dialogue social au niveau national et européen qui reconnaisse la spécificité des PME, en leur donnant la garantie d'être représentée adéquatement au niveau de l'Union, mais également un dialogue qui permette aux partenaires sociaux de répondre de manière appropriée aux conséquences de la crise,

lutter contre l'économie informelle et renforcer la politique de la concurrence s'agissant des aides d'État.

3.4   Le CESE juge que dans une démarche qui traduise pleinement et concrètement les principes du «penser en priorité aux PME» et de la loi sur les petites entreprises, il est nécessaire de rationaliser et de simplifier les obligations administratives et réglementaires touchant à la création d'entreprises, surtout au niveau des États membres, afin de garantir que des firmes existantes puissent tirer profit des ouvertures technologiques et commerciales pour se développer et que de nouvelles PME soient en mesure de créer de nouveaux postes de travail, en appliquant pleinement et concrètement le principe «Penser d'abord aux petits» et le Small Business Act.

3.4.1   Il est également nécessaire d'adopter le Statut des PME européennes et de mieux étudier la société coopérative européenne afin d'en accroître la diffusion.

3.5   Il y a lieu de faciliter le processus d'internationalisation des PME, en accroissant la participation des entreprises aux partenariats de recherche et en leur assurant l'accès aux marchés extérieurs.

3.5.1   Il y a lieu de poursuivre cet objectif y compris par une stratégie qui favorise la mise en place de réseaux internationaux entre les acteurs protagonistes des secteurs de la créativité et de l'innovation: cadres, chercheurs, membres des professions libérales, afin de favoriser des synergies et une internationalisation plus poussée des professions libérales.

3.6   Il s'impose par ailleurs de diffuser la culture entrepreneuriale et de renforcer l'esprit d'initiative et l'entrepreneuriat féminin, en développant les compétences nécessaires en matière de stratégie et de gestion et en consolidant la formation.

3.6.1   Il apparaît également opportun d'introduire un tableau de bord assorti de statistiques semestrielles relatives aux variables économiques et sociales des PME européennes.

3.7   La formation continue de l'encadrement et des personnels doit permettre de fournir une main-d'œuvre qualifiée et à jour, dans un cadre qui encourage l'égalité des sexes. Le CESE demande que soit menée une action prioritaire à l'échelon de l'UE, national et régional pour lutter contre le chômage des jeunes, en multipliant les possibilités d'apprentissage, de stages de qualité, de parrainage des diplômés, notamment dans les disciplines scientifiques, et que l'on organise une campagne de valorisation des activités industrielles et manufacturières et de l'initiative entrepreneuriale, surtout féminine.

3.8   Le CESE est convaincu qu'il y a lieu de stimuler les capacités à assimiler l'innovation: les réseaux de compétences et de connaissances doivent être renforcés et il convient de développer les districts industriels de nouvelle génération, ainsi que les infrastructures pour le transfert des technologies et la mobilité des ressources humaines entre l'industrie, les centres de recherche et les universités, notamment dans le cadre de l'Institut européen de technologie (IET), qui doit intégrer les PME.

3.9   De l'avis du Comité, il conviendrait de mieux coordonner le développement des initiatives sectorielles de pointe, dans leurs aspects ressortissant à la technologie, à l'investissement et à la formation, ainsi qu'à la valorisation des ressources humaines.

3.10   Les marchés du travail européens sortiront profondément modifiés de la crise: aussi convient-il que les travailleurs et les chefs d'entreprise soient prêts, avec les qualifications et les soutiens appropriés, à s'adapter à une réalité en mutation: «La crise a anéanti les progrès accomplis par le passé, il nous faut donc d'urgence réformer les marchés du travail, veiller à ce que les compétences concordent avec la demande et que les conditions de travail soient propices à la création d'emplois (11)

Bruxelles, le 4 mai 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Rapport 2010 – «SMEs under pressure» (Les PME sous pression).

(2)  Cf. Avis CESE sur «Les différentes mesures politiques, hormis un financement approprié, susceptibles de contribuer à la croissance et au développement des petites et moyennes entreprises», JO C 27 du 3.2.2009, p. 7; avis CESE sur «Les moyens de soutenir l'adaptation des PME aux mutations des marchés mondiaux», JO C 255 du 22.9.2010, p. 24 et avis CESE sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, “Think Small First”: Priorité aux PME - Un “Small Business Act” pour l'Europe», JO C 182 du 4.8.2009, p. 30.

(3)  Cf. Avis CESE sur «La stratégie de Lisbonne après 2010», JO C 128 du 18.5.2010, p. 3.

(4)  Source Eurostat.

(5)  Eurostat – Indicateurs du marché du travail – Union européenne 27 – 2010.

(6)  Classification Eurostat tranche d'âge 15-64.

(7)  Classification Eurostat tranche d'âge 15-24.

(8)  Cf. Hartmut Schrör: Créations, survies et cessations d'entreprises – Les effets de l'emploi (Enterprise births, survivals and deaths - employment effects) (EUROSTAT, Statistiques en bref, 44/2008).

(9)  Voir les avis CESE sur «Les districts industriels européens face aux nouveaux réseaux du savoir», JO C 255 du 14.10.2005, p. 1, sur «Les parcs technologiques dans la transformation industrielle des nouveaux États membres de l'UE», JO C 65 du 17.3.2006, p. 51 et avis CESE sur le thème «Mutations industrielles, développement territorial et responsabilité des entreprises», JO C 175 du 28.7.2009, p. 63.

(10)  Voir l'accès et les structures simplifiées de la base de données «Accès aux marchés» (MADB).

(11)  László Andor, membre de la Commission européenne responsable de l'emploi, IP/10/1541, 23 novembre 2010.


23.7.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 218/7


Avis du Comité économique et social européen sur «Le rôle de la politique familiale dans le processus de changement démographique afin de partager les meilleures pratiques dans les États membres»

(avis exploratoire)

2011/C 218/02

Rapporteur général: M. BUFFETAUT

Corapporteure générale: Mme OUIN

Par lettre en date du 15 novembre 2010, M. Péter GYÖRKÖS, ambassadeur, a demandé au Comité économique et social européen, au nom de la présidence hongroise et conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, d'élaborer un avis exploratoire sur le thème

«Le rôle de la politique familiale dans le processus de changement démographique afin de partager les meilleures pratiques dans les États membres».

Le 7 décembre 2010, le Bureau du Comité a chargé la section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté» de préparer les travaux du Comité en la matière (rapporteur: M. BUFFETAUT, corapporteure: Mme OUIN).

Compte tenu de l'urgence des travaux, le Comité économique et social européen a décidé au cours de sa 471e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 4 mai 2011) de nommer M. Stéphane BUFFETAUT rapporteur général et Mme Béatrice OUIN corapporteure générale, et a adopté le présent avis par 183 voix pour, 3 voix contre et 8 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Les politiques familiales menées en Europe ont des inspirations et des contenus divers mais un but commun: le soutien aux familles. Les politiques nationales et régionales plus globales, les politiques d'investissement et de formation, de logement et d'emploi peuvent faire de tel ou tel Etat membre ou de telle ou telle région un territoire attractif pour les familles et constituer un environnement favorable à celles-ci.

1.2

La comparaison des systèmes mis en place est intéressante car elle permet de discerner les bonnes pratiques mais il est constant que pour qu'elles soient pleinement efficaces, il faut que l'offre de services et les mécanismes de soutien, répondent aux attentes des familles et des parents ou futurs parents. Ces attentes peuvent varier d'un État membre à l'autre en fonction de la culture nationale, des habitudes sociales et des traditions. Il convient donc que les pouvoirs publics se gardent d'a priori idéologiques mais proposent les dispositifs qui donnent réellement aux individus la possibilité de choisir de fonder une famille et à celle-ci d'avoir le nombre d'enfants qu'ils souhaitent.

1.3

Bien que les politiques de la famille ne soient pas de la compétence de l'Union européenne, celle-ci peut néanmoins légiférer dans des domaines qui concernent la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle, dans le domaine de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, ainsi que dans la protection et le développement de l'enfance.

1.4

L'UE peut aussi jouer un rôle utile sur la connaissance des situations et des évolutions démographiques et l'échange des bonnes pratiques entre États membres.

1.5

Aujourd'hui, un certain nombre d'initiatives et de financements qui y sont attachés se développent sous la houlette de l'Union européenne et les fonds structurels ou le Fonds social européen ont déjà et peuvent soutenir des politiques en faveur des familles.

1.6

Il serait souhaitable de mieux les intégrer et de les placer sous l'autorité, ou à tout le moins la coordination d'un organe chargé de définir une politique d'ensemble et de déterminer les axes d'action et d'étude. Ce rôle de chef d'orchestre et de coordonnateur pourrait être confié, d'un point de vue plus politique et de la gestion à la Commission européenne, notamment grâce à l'Alliance européenne pour les familles et, du point de vue scientifique, à Eurofound.

1.7

Il serait souhaitable que les associations représentant les familles soient associées à l''élaboration des politiques familiales ou ayant une influence sur les familles, tant au niveau de l'UE que des États membres.

1.8

Beaucoup de politiques décidées au niveau européen ont un impact direct sur la vie des familles. Le CESE recommande dès lors que la dimension familiale soit appréhendée de façon transversale par toutes les politiques européennes, notamment lors de la réalisation des études d'impact désormais nécessaires pour toute législation européenne (1) et intégrée dans toutes les évaluations des politiques existantes qui doivent être révisées.

1.9

Le Comité soutient fermement l'idée de faire de l'année 2014 l'année européenne des familles.

2.   Introduction: état des lieux démographiques

2.1

Les familles européennes sont en pleine mutation: fécondité abaissée bien en dessous du seuil de remplacement des générations depuis plusieurs décennies (2), recul de l'âge à la première maternité, augmentation du taux de séparation, du pourcentage des ménages monoparentaux et des familles sans revenus stables, allongement de la durée de la vie, accroissement du nombre de personnes âgées dépendantes surtout dû à l'héritage démographique. L'évolution des structures familiales soulève de nouveaux défis dont il faut tenir compte dans la conception et la coordination des politiques familiales, puis dans leur mise en œuvre.

2.2

Le déclin de la famille étendue au profit de la famille «nucléaire», en raison, entre autre, de l'urbanisation et des changements de mode de vie, a été accompagné d'attitudes plus individualistes, de l'émergence de nouveaux groupes sociaux à risque et d'exclusion sociale plus fréquente. Il s'agit des chômeurs de longue durée, des familles mono parentales, des travailleurs pauvres et des enfants pauvres ou menacés par la pauvreté. Ces phénomènes affectent malheureusement toutes les sociétés européennes. On estime que 17 % des Européens sont frappés par la pauvreté et l'exclusion sociale, ce qui n'est pas sans conséquences pour les politiques familiales.

2.3

Bien que l'indice de fécondité soit en dessous du seuil de remplacement dans toute l'Union européenne, la diversité est manifeste tant sur le plan de la situation démographique des États membres, de leurs différentes régions, que sur celui des politiques en faveur des familles. On notera également que la densité démographique est elle-même très variable au sein même de chaque État membre, certaines régions étant très denses et d'autres désertifiées, ce qui pose la question de l'aménagement du territoire et du maintien des services publics, y compris ceux destinés aux familles. La devise de l'Union européenne «unis dans la diversité» est donc particulièrement justifiée en la matière. Le vieillissement de la population européenne, c'est-à-dire l'augmentation de la proportion de personnes âgées, s'explique certes par un aspect positif; la hausse de l'espérance de vie et de la vie en bonne santé des personnes âgées; mais sa seconde cause est négative: la baisse importante de la natalité qui conduit au non remplacement des générations.

2.4

Aucun État membre n'atteint le seuil de simple remplacement des générations (3) même si deux, la France et l'Irlande, en sont très proches. Les États-Unis d'Amérique ont une fécondité qui atteint presque ce seuil, alors que la fécondité moyenne de l'Union européenne demeure inférieure d'un quart à celui-ci.

2.5

Dans ce cadre général, les contrastes sont forts. Dix-huit États membres ont un solde naturel positif, donc avec des naissances excédant les décès, alors que neuf ont un solde négatif, donc un nombre de décès supérieur à celui des naissances (dans l'ordre croissant: Portugal, Estonie, Italie, Lettonie, Lituanie, Hongrie, Roumanie, Bulgarie, Allemagne).

2.6

Le renversement de tendance dépend principalement d'une nette amélioration de l'indice synthétique de fécondité (total fertility rate). Les flux migratoires ont également une influence, mais ne sauraient suffire car les immigrés ne s'installent pas nécessairement là où l'indice de fécondité est plus bas et ils vieillissent aussi. De surcroît, l'immigration implique de mener des politiques d'intégration actives pour éviter des difficultés de cohabitation entre communautés, plus sensibles encore dans des pays d'accueil dont le dynamisme démographique est faible.

3.   L'impact de la crise sur les familles

3.1

La crise économique a eu une série d'effets qui ont affecté les conditions de vie de certaines familles et rendu plus difficile la réponse à la demande de soutien qui s'avérait nécessaire. La situation économique a affecté en premier lieu l'emploi et les ressources de nombreux ménages.

3.2

Cette crise et la situation critique des finances publiques dans nombre d'États membres peuvent aussi amener les gouvernements à modifier ou à retarder la mise en place de certaines dispositions des politiques familiales.

3.3

La plupart des politiques intérieures des États concernent directement les familles ou ont un impact sur elles. Il en est ainsi des politiques de lutte contre l'exclusion, des politiques de formation, de logement, de transport public, d'énergie, d'assistance sociale, d'éducation, d'emploi etc. Ceci démontre la nécessité d'avoir un suivi transversal de ces politiques sous l'angle de leur impact sur les familles (family main-streaming) (4).

4.   Des politiques en faveur des familles variées

4.1

Une politique familiale d'ensemble comprend des mesures fiscales et des allocations pour les familles, des actions en faveur de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, des services pour l'accueil et les soins aux enfants et personnes dépendantes, des droits familiaux dans les régimes d'assurance vieillesse, et la possibilité de concilier vie familiale et vie professionnelle: congés parentaux, temps partiel choisi. De telles politiques existent dans toute l'Union européenne même si, d'un pays à l'autre, l'accent est mis sur tel ou tel aspect ou si elles sont conçues comme des politiques sociales plus que familiales. Cette diversité n'est pas surprenante car les traditions, les besoins, les approches sociales, voire philosophiques, sont différentes d'un pays à l'autre, tout comme les attentes des familles.

4.2

L'inspiration de ces politiques varie également: elle est parfois d'ordre moral et civique, en d'autre cas plus économique ou politique, ou encore à visée nataliste. Quelle qu'en soit l'origine, le bien-être moral, sanitaire et éducatif des enfants en est un élément essentiel tout comme le fait de permettre aux parents d'élever le nombre d'enfants qu'ils désirent et de concilier leurs responsabilités familiales avec leur vie professionnelle et sociale.

4.3

Les pays scandinaves ont porté une attention particulière à l'égalité entre les pères et les mères, tant dans leur vie professionnelle que dans les tâches familiales, et ont mis en œuvre des politiques sociales et de formation professionnelle permettant une meilleure conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale, ainsi qu'une plus grande facilité de retour à l'emploi après un congé parental et ceci dès les années 1970. En Suède, ces politiques ont reposé sur des réformes importantes en matière de congés parentaux, de services d'accueil publics pour les jeunes enfants, de fiscalité spécifique pour les familles (suppression de l'imposition conjointe dès 1971) et de législation familiale. La politique familiale mise en place repose sur trois dimensions: une aide aux familles proprement dite, une aide aux parents qui travaillent sous la forme de congés parentaux rémunérés et le partage des droits aux congés parentaux payés entre père et mère. Le résultat a été un haut degré de travail féminin, une participation accrue des pères aux soins des jeunes enfants, des indices de fécondité supérieurs à la moyenne de l'Union européenne et une diminution de la pauvreté des enfants. En Finlande, une allocation pour la garde des enfants à la maison a été créée en 1988 et une allocation similaire a été créée en Norvège en 1998 afin de donner une reconnaissance et des ressources aux parents qui élèvent leurs enfants à plein temps.

4.4

Aux Pays-Bas, l'aspect fondamental est celui du développement du travail à temps partiel afin de pouvoir consacrer plus de temps à l'éducation des enfants, temps partiel plus utilisé que partout ailleurs par les pères. Néanmoins, si 73,2 % des hommes occupent un emploi à temps plein, seulement 45,9 % des femmes sont dans ce cas. 19 % des pères utilisent leur possibilité de temps partiel parental, ce qui est beaucoup plus que dans tout le reste de l'Europe, alors que le pourcentage s'élève à 41 % pour les mères. Cette disposition peut être utilisée jusqu'aux huit ans de l'enfant et s'accompagne d'une réduction d'impôts de 704 EUR par mois. Le crédit d'heure est égal à 26 fois le nombre d'heures de travail hebdomadaire, il s'entend par enfant et est donc cumulable. De ce fait, les services de garde d'enfants peuvent être utilisés à temps partiel.

4.5

En France, la politique familiale est ancienne et marquée par une grande stabilité dans la durée, quelles que soient les majorités politiques, et par la combinaison d'allocations financières, d'un régime fiscal équitable pour les familles, des dispositions dans les régimes de retraite, dans le droit de travail créant des congés spécifiques rémunérés, de système de garde pour les 0-3 ans et l'école maternelle gratuite dès trois ans. Son importance tient aussi à ce qu'elle est assumée tant par l'État que par les départements et les villes, quelles que soient leurs tendances politiques. Les départements et les villes complètent la politique nationale par de nombreuses politiques familiales locales, portant sur les systèmes de garde ou l'aide aux familles. Les allocations familiales proprement dites sont destinées à compenser les charges supportées par la famille pour chaque enfant et favorisent les familles nombreuses. Elles ne sont pas soumises à conditions de ressource en vertu de ce principe d'universalité. Elles sont destinées à l'enfant, ce qui distingue une politique familiale d'une politique sociale. Il en résulte que la France est un des pays européens où le taux d'emploi des femmes et l'indice de fécondité sont les plus élevés. La question du libre choix du mode de garde est essentielle dans la politique familiale française, mais pour qu'il y ait libre choix, encore faut-il qu'il y ait choix, c'est-à-dire une offre de systèmes de garde suffisante.

4.6

Au Royaume-Uni, les politiques sont plus axées, avec efficacité, sur la lutte contre la pauvreté des familles et des enfants et il est généralement admis que l'État n'a pas à interférer dans les choix de vie individuels. Ces politiques s'inscrivent dans un contexte où la souplesse du marché du travail permet aux mères de retrouver assez aisément du travail et cette grande souplesse permet aussi de répondre au caractère très hétérogène des attentes des familles. L'indice de fécondité des femmes plus centrées sur la vie familiale est environ deux fois plus élevé que celui des femmes plus impliquées dans la vie professionnelle.

4.7

L'Allemagne, qui est confrontée à une situation démographique critique, a lancé une politique ambitieuse depuis quelques années pour parvenir à une réconciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale dans les faits et sans doute aussi dans les esprits car il était assez mal considéré de travailler en ayant des enfants. Des systèmes de garde plus développés et dans des horaires adaptés ont été mis en place, ainsi qu'un congé parental de quatorze mois rémunéré à hauteur des deux tiers du salaire. Ces mesures ont été accompagnées d'aides spécifiques et ciblées pour lutter contre la pauvreté des enfants en apportant un complément de revenu.

4.8

Quoiqu'il en soit, il ressort clairement des études réalisées qu'un taux élevé d'emploi féminin s'accompagne souvent d'un indice de fécondité élevé ou relativement élevé lorsque des possibilités sont offertes pour concilier la vie professionnelle et la vie familiale. Comme si après la période de transition démographique qui voit chuter le nombre d'enfants par femme quand les taux de mortalité, notamment infantile, infanto-adolescente et maternelle, sont considérablement abaissés et que des comportements d'hygiène se sont diffusés, ainsi que la possibilité de choisir le moment des naissances, la période post-transitionnelle se traduit par une situation comportant une activité professionnelle des deux parents en dehors du domicile. Toutefois le taux d'emploi à plein temps des pères demeure plus élevé que celui des mères, en particulier quand les conditions d'accès aux services et aux congés parentaux rémunérés sont insuffisants.

5.   Différents scénarios

5.1

Dans l'état démographique actuel de l'Union européenne, il est fort important de discerner les incidences des politiques menées sur les niveaux de fécondité. En effet plusieurs scénarios d'évolution démographique sont envisageables.

5.2

Un premier scénario consiste à envisager une évolution selon les tendances actuelles. L'Union européenne demeurerait dans une situation avec un indice de fécondité en dessous du seuil de remplacement des générations et inégale d'un État membre à l'autre, mais une légère augmentation de la population se constaterait en raison des effets d'inertie propre aux logiques démographiques, effets qui finiraient toutefois par s'estomper, de par la hausse de l'espérance de vie des personnes âgées et de par un solde migratoire positif. Dans un tel cas, l'UE connaîtrait à la fois un fort vieillissement de la population en dépit des apports migratoires (effet de «structure»), une forte augmentation du nombre de personnes âgées, appelée «gérontocroissance» (effet de «tendance»), et une possible baisse de la population active, malgré l'augmentation de l'âge de départ à la retraite. En outre, dans environ la moitié des pays de l'Union européenne, l'on pourrait assister à une diminution de la population.

5.3

Cette situation finirait par accentuer les disparités démographiques selon les États membres et risquerait de mettre à mal la cohésion de l'Union européenne car les politiques à mettre en œuvre et les revendications des populations pourraient devenir très différentes d'un pays à l'autre en raison de leurs caractéristiques démographiques.

5.4

Le scénario «catastrophe» est celui où l'hiver démographique s'intensifierait, engendrant un nombre de naissances largement inférieur à celui des décès! Dans ce cas, se cumuleraient un très fort vieillissement par le bas, dû à une très basse fécondité, inférieure de moitié au seuil de simple remplacement des générations, niveau de fécondité déjà constatable dans certaines régions de l'Union européenne, et peut-être un vieillissement par le haut dû à la longévité accrue au-delà de 65 ans. En effet, cette société très vieillie n'aurait peut-être plus les moyens d'assurer le financement des revenus et des soins sanitaires nécessaires aux personnes âgées.

5.5

Ces deux éléments du scénario «catastrophe» entraîneraient une émigration des jeunes diplômés qui quitteraient une Union européenne vieillissante pour des pays plus entreprenants, tandis que l'immigration aurait tendance à diminuer, l'Europe devenant moins attirante parce que moins dynamique, plus pauvre et confrontée à de grandes difficultés budgétaires et d'équilibre des comptes sociaux.

5.6

Le résultat d'une telle situation serait que l'Union européenne connaîtrait une pyramide des âges très déséquilibrée avec beaucoup plus de personnes âgées que de jeunes et une population active en forte diminution et très vieillissante.

5.7

Enfin un troisième scénario plus souriant est celui du renouveau démographique, donc d'un «printemps démographique». En ce cas de figure, l'indice de fécondité remonterait pour s'approcher du seuil de simple remplacement des générations. La hausse des naissances stimuleraient nombre de secteurs économiques. Ensuite, la population active qui diminuait remonterait à la génération suivante. Ce dynamisme démographique se traduirait par un dynamisme économique qui contribue à financer la protection sociale. L'Union européenne redevient attractive pour ses propres citoyens qui ne sont plus tentés d'émigrer, et est attractive pour des immigrés mieux formés.

5.8

Bien entendu, ces scénarios ne sont pas des prévisions, mais de simples hypothèses permettant de concevoir des politiques adaptées pour redresser la situation actuelle et éviter le pire.

6.   Les politiques en faveur des familles expliquent-elles les différences de fécondité ?

6.1

Tous les États membres mènent un ensemble de politiques qui, conjuguées, forment une politique familiale, qu'elle soit ainsi nommée ou non (5). Les politiques menées poursuivent des objectifs variés:

la réduction de la pauvreté et le maintien des revenus des familles;

l'aide à la petite enfance et à l'épanouissement de l'enfant;

favoriser la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale;

répondre à l'exigence de l'égalité entre les sexes;

permettre aux parents ou futurs parents d'avoir le nombre d'enfants qu'ils souhaitent et quand ils le souhaitent et augmenter ainsi le taux de fécondité.

6.2

Si l'on voulait classifier les pays selon les politiques qu'ils mènent et définir des catégories, l'on pourrait dire qu'il existe:

des pays à faible politique familiale et à fécondité inférieure à la moyenne européenne;

des pays à politique familiale inadaptée aux besoins des familles et à fécondité inférieure à la moyenne européenne;

des pays où l'effort pour les familles en termes de PIB apparaît inférieur ou égal à la moyenne de l'Union européenne mais où, néanmoins, la fécondité est supérieure à la moyenne;

des pays à politiques familiales fortes et à fécondité supérieure à la moyenne de l'Union européenne (6).

Ainsi, il apparaît que les politiques menées ont un effet sur la fécondité qui varie selon les éléments qui fondent ces politiques.

6.3

La comparaison des politiques familiales est intéressante car elle permet de discerner les bonnes pratiques mais il est constant que pour qu'elles soient pleinement efficaces, il faut que l'offre de services et les mécanismes de soutien, notamment financier et/ou fiscal, répondent aux attentes des familles et des parents ou futurs parents. Ces attentes peuvent varier d'un État membre à l'autre en fonction de la culture nationale, des habitudes sociales et des traditions. Il convient donc que les pouvoirs publics se gardent d'a priori idéologiques mais proposent les dispositifs qui donnent réellement aux individus la possibilité de choisir de fonder une famille et à celle-ci d'avoir le nombre d'enfants qu'ils souhaitent. Ces dispositifs doivent aussi s'adapter aux diversités de peuplement selon les territoires. À partir de ces constats, et dans le respect de ces différences, il devient possible de développer un système d'information et d'échange des meilleures pratiques. Il reste que l'intervention des pouvoirs publics est pleinement justifiée car la famille, où se crée le capital humain (7), constitue le fondement de tout l'édifice social. On l'a vu avec la crise, où les familles ont souvent joué un rôle d'amortisseur social.

7.   Les éléments clés du succès des politiques familiales.

7.1

Les politiques en faveur des familles diffèrent mais il ressort qu'il existe des points communs aux politiques qui réussissent:

la mise en œuvre de dispositifs qui permettent de concilier la vie professionnelle et la vie familiale (mode d'accueil de qualité pour les enfants, en particulier infrastructures publiques d'accueil des jeunes enfants, mesures de soutien aux familles dans l'accueil et les soins de toute personne dépendante, flexibilité dans l'organisation du travail, congés spécifiques), en sachant que ces dispositions doivent être adaptées aux conditions nationales et répondre aux attentes des pères et des mères, ainsi qu'aux besoins et à l'épanouissement affectif, psychologique et physique de l'enfant;

la prévention et la lutte contre la pauvreté des familles;

la pérennité des politiques mises en œuvre, au delà des alternances politiques et leur universalité. Elles sont conduites dans l'intérêt de l'enfant en dehors de toute considération de revenu familial. Cet aspect de permanence est un élément de grande importance car un projet familial se bâtit dans le long terme. Une politique familiale adaptée et pérenne est un élément de développement durable;

la reconnaissance de la famille et la valorisation de son rôle ainsi que de la réussite familiale. La réussite a surtout été conçue dans la société contemporaine comme individuelle et professionnelle; or il existe d'autre de formes de réussite personnelle, c'est-à-dire reliée aux autres et au bien commun, dont la réussite familiale, la réussite associative ou culturelle, qu'il conviendrait de valoriser davantage, notamment dans les médias (8) et dans les systèmes éducatifs nationaux.

la prise en compte de la situation particulière des familles nombreuses.

7.2

À côté des éléments de politique familiale stricto sensu, deux politiques apparaissent clairement très importantes: celles de l'emploi et du logement (9). Sans emploi et sans logement, il est difficile de s'engager dans un projet familial. Pour fonder une famille, il faut un minimum de confiance dans l'avenir. Un taux élevé de chômage des jeunes ou des contrats de travail précaires peuvent avoir des incidences importantes sur le remplacement des générations, car s'il faut longtemps pour élever des enfants, l'âge favorable à la grossesse, lui est court. Raison pour laquelle il faudrait porter attention à la situation des étudiants et des jeunes gens qui sont parents ou souhaitent le devenir.

7.3

Lorsque les politiques familiales sont menées dans la durée et répondent réellement aux attentes des familles, elles ont des effets favorables pour l'épanouissement des enfants et des parents, l'harmonie de la vie sociale et le retour à un meilleur indice de fécondité.

7.4

Une enquête récente, réalisée auprès de 11 000 mères par le Mouvement mondial des mères, indique qu'elles souhaitent:

en premier lieu la réconciliation du travail avec la vie de famille;

en deuxième lieu la reconnaissance par la société de l'importance de leur rôle de mère;

en troisième lieu la nécessité d'avoir plus de temps pour s'occuper de leurs enfants.

7.5

Une enquête similaire auprès des pères serait intéressante car les trois priorités qui ressortent pourraient fort bien les concerner aussi et notamment la reconnaissance de leur rôle, ce qui ne pourrait que les engager à s'investir davantage dans la vie familiale (10). À cet égard les propositions récentes visant à encourager les pères à prendre des congés parentaux, voire à rendre obligatoire et rémunéré un congé paternel, sont intéressantes car elles s'inscrivent dans la nécessaire revalorisation de la paternité comme dans la tout aussi nécessaire responsabilisation des pères en particulier en cas de divorce. De ce point de vue il serait utile de collecter les bonnes pratiques d'entreprises qui mettent en place des organisations du travail adaptés aux responsabilités parentales. La responsabilité sociale des entreprises s'étend aussi aux mesures visant à aider à un bon équilibre entre le travail et la vie de famille. C'est au sein des entreprises qu'elles sont concrètement mises en œuvre. Il serait intéressant de mettre en place un label pour les entreprises «amicales» aux familles, comme il en existe en Espagne, avec le support du Ministère de la santé et des affaires sociales (11).

7.6

Le Comité à proposé dans un précédent avis (12)«d'envisager des initiatives pour permettre aux grands-parents et à d'autres parents proches de s'occuper des enfants si les parents qui travaillent le souhaitent aussi et pourvu que ce soit dans l'intérêt de l'enfant.» Concernant le temps familial, le CESE a déjà adopté le principe selon lequel «chacun doit pouvoir (…) disposer d'un nombre d'années suffisant de crédit “temps” pour ses activités familiales, (…). Il devrait être possible de choisir de reculer son âge de départ à la retraite si l'on préfère prendre du temps (financé comme la retraite) pendant sa vie active» (13). Ainsi, si le temps de travail à l'extérieur est partiel ou temporairement interrompu, le revenu, lui, ne serait pas excessivement amputé. Il conviendrait de faire un calcul économique précis notamment pour déterminer les économies réalisées en matière de systèmes collectifs de garde, qui pourraient être consacrées à la prise en compte du temps accordé à l'éducation des enfants pour le calcul du montant des retraites. Il importe également de garantir les droits des grands-parents à l'égard de leurs petits-enfants.

7.7

Mener des enquêtes sur les aspirations des jeunes, sur les changements liés à la plus grande mobilité des familles, sur le rapport entre l'accès des jeunes au logement et la décision de fonder une famille, ou sur les incidences sur la fécondité des nouvelles formes de familles permettrait aussi de bâtir des politiques familiales adaptées aux besoins. De telles enquêtes seraient utiles dans la mesure où elles permettraient de mieux discerner les attentes des familles, ce qui est une des clés des politiques menées.

8.   Quel rôle pour l'Union européenne?

8.1

Les politiques de la famille ne sont pas de la compétence de l'Union européenne. Au demeurant l'article 9 de la Charte des droits fondamentaux précise bien que le droit de la famille est régi par les droits nationaux. Néanmoins, l'UE peut légiférer dans des domaines qui concernent la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle, et les partenaires sociaux négocier des accords qui deviendront des directives. On l'a vu avec le congé parental et lors des débats sur la durée du congé de maternité. L'UE peut aussi légiférer dans le domaine de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, l'une des composantes de toute politique familiale ainsi que dans la protection et le développement de l'enfance sur la base du récent programme de la Commission européenne sur les droits des enfants (14).

8.2

La stratégie Europe 2020 fixe un objectif de taux d'emploi pour les hommes et les femmes qui ne pourra être atteint que s'il est conjugué avec une politique familiale permettant aux hommes et aux femmes d'élever le nombre d'enfants qu'ils souhaitent en travaillant, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, dans la plupart des États de l'Union.

8.3

L'Union européenne peut aussi jouer un rôle utile sur la connaissance des situations et des évolutions démographiques à toutes les échelles géographiques, l'évaluation des politiques en faveur des familles, qu'il s'agisse de politiques des États ou de politiques familiales déployées par les autorités locales, et l'échange des bonnes pratiques entre États membres.

8.4

L'Alliance européenne pour les familles lancée sous la dernière présidence allemande avait prévu la mise en place d'un Observatoire qui n'a jamais vu le jour.

8.5

Aujourd'hui, un certain nombre d'initiatives et de financements qui y sont attachés se développent sous la houlette de l'Union européenne:

le groupe des experts sur les questions démographiques;

le forum européen sur la démographie;

les ateliers de meilleures pratiques;

le réseau sur les politiques familiales;

le portail internet de l'Alliance européenne pour les familles;

des séminaires régionaux.

Le total des financements de ces actions est d'environ 500 000 euros, ce à quoi s'ajoute le projet de recherche FAMILYPLATFORM, qui touche à sa fin, d'autres projets de recherche qui, s'occupant de démographie, touchent également aux questions liées à la famille, et la base de données sur la famille de l'OCDE.

8.6

Il serait souhaitable de mieux intégrer toutes ces initiatives et de les placer sous l'autorité, ou à tout le moins la coordination d'un organe chargé de définir une politique d'ensemble et de déterminer les axes d'action et d'étude. Puisque l'heure n'est pas à la création de nouveaux organes autonomes dans l'Union européenne, ce rôle de chef d'orchestre et de coordonnateur pourrait être confié, d'un point de vue plus politique et de la gestion à la Commission européenne, via l'Alliance européenne pour les familles et, du point de vue scientifique, à Eurofound qui, en tant qu'agence tripartite de l'Union européenne, serait tout à fait indiquée pour le faire. Une véritable banque de données pourrait ainsi être mise à la disposition des États membres grâce à la bonne coordination de toutes les initiatives déjà menées sur le plan de l'Union européenne. De plus, l'Alliance devrait développer des contacts et une coopération avec les structures et les actions de la méthode ouverte de coordination sociale, sur laquelle une réflexion est en cours de la part de la Commission européenne avec les parties prenantes.

8.7

Le Fonds social européen et le Fonds de développement régional ont déjà contribué à la mise en place des mesures de politiques familiales dans certains États membres. Il conviendrait d'envisager comment développer ce type d'intervention. La politique familiale doit également faire partie de la Plateforme de lutte contre la pauvreté.

8.8

Dans le même esprit, il conviendrait de prévoir dans le programme de recherche (15) et d'innovation un financement pour les études et la recherche démographiques, mais aussi pour la sociologie, l'anthropologie et la philosophie dont relèvent également les questions familiales. Il conviendrait par ailleurs de mener des études sur l'efficacité et l'impact des politiques menées en direction des familles. À cet égard, il est souhaitable que l'activité de la FAMILYPLATFORM ne s'arrête pas mais, au contraire, soit pérennisée comme le souhaitent toutes les associations et parties prenantes agissant dans le domaine familial.

8.9

Il serait souhaitable que les associations représentant les familles soient mieux associées à l''élaboration des politiques familiales ou ayant une influence sur les familles, tant au niveau de l'Union européenne que des États membres.

8.10

Tous les Européens ont été ou sont membres d'une famille quelle que soit la destinée ou l'histoire de celle-ci et quelle que soit l'évolution générale des familles dans les dernières décennies. Personne ne naît par génération spontanée et toutes les enquêtes d'opinion montrent que les solidarités familiales sont encore parmi celles qui demeurent au sommet de la liste des valeurs fondamentales des citoyens européens. Or, beaucoup de politiques décidées au niveau européen ont un impact direct sur la vie des familles (libre circulation des personnes, emploi et protection sociale, protection de l'environnement et des consommateurs, détermination des taux de TVA sur les articles de la première enfance (16), politique des medias ou encore programmes d'éducation ou programmes culturels ou sociaux).

8.11

Dans ces conditions, le CESE recommande que la dimension familiale soit appréhendée de façon transversale par toutes les politiques européennes, notamment lors de la réalisation des études d'impact désormais nécessaires pour toute législation européenne (17) et intégré dans toutes les évaluations des politiques existantes dans une optique de révision. En Espagne, la tarification de l'eau prévoyait un coût du mètre cube s'accroissant avec la consommation, pour réduire la consommation d'une ressource rare. Or, ce mécanisme était très défavorable aux familles nombreuses, car une famille de cinq personnes consomme «mécaniquement» plus d'eau qu'un célibataire ou qu'un ménage sans enfants. À la suite d'une action en justice ce système de tarification a été abandonné (18). Il serait donc souhaitable que, sur le plan européen, une étude d'impact des législations sur la vie des familles soit systématiquement menée, afin d'éviter d'éventuels effets pervers défavorables aux familles.

8.12

En outre, il convient de souligner à quel point les politiques régionales, les politiques d'investissement et de formation, de logement et d'emploi sont liées entre elles et font de tel ou tel Etat membre ou de telle ou telle région un territoire attractif pour les familles et les jeunes, au-delà même des politiques familiales stricto sensu, et peuvent concourir à obtenir un dynamisme démographique global soutenu.

8.13

Le Comité soutient fermement l'idée de faire de l'année 2014 l'année européenne des familles et de célébrer le vingtième anniversaire de l'année internationale de la famille des Nations Unies. En effet, l'avenir des sociétés réside dans les générations futures et celles-ci voient le jour au sein des familles. Mais il convient de souligner en conclusion qu'il existe un facteur déterminant dans la décision de fonder une famille: l'espoir d'un avenir meilleur. Les gouvernements sont comptables de l'espoir des peuples qu'ils gouvernent. C'est la grandeur et le poids de leur mission.

Bruxelles, le 4 mai 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Avis du CESE sur «Promouvoir la solidarité entre les générations»JO C 120 du 16.05.2008, p. 66, point 4.8.

(2)  Soit ce que les démographes appellent un phénomène «d’hiver démographique».

(3)  Celui-ci est de 2,1 enfants par femme dans l’Union européenne. Le 0,1 enfant par femme s'explique parce qu’il faut compenser les effets de la sur-masculinité des naissances et ceux résultant des filles qui décéderont avant d’atteindre l’âge de la maternité.

(4)  Avis du CESE sur «Promouvoir la solidarité entre les générations»JO C 120 du 16.05.2008, p. 66, point 4.8.

(5)  Avis du CESE sur «La famille et l'évolution démographique»JO C 161 du 13.07.2007, p. 66, point 7.

(6)  «Communication au Groupe de réflexion sur l'avenir de l'Union européenne (présidé par M. Felipe Gonzáles)» - Gérard-François Dumont, «UE Prospective démographique» – http://www.diploweb.com/UE-Prospective-demographique.html

(7)  Avis du CESE sur «La famille et l'évolution démographique», JO C 161 du 13/07/2007, p. 66, point 6.4 et sur «Promouvoir la solidarité entre les générations», JO C 120 du 16.05.2008, p. 66, point 3.11.

(8)  Avis du CESE sur «La famille et l'évolution démographique», JO C 161 du 13/07/2007, p. 66, point 8.15 et sur «Promouvoir la solidarité entre les générations», JO C 120 du 16.05.2008, p. 66, point 3.13.

(9)  Avis du CESE sur «La famille et l'évolution démographique»JO C 161 du 13.07.2007, p. 66, point 4.6.

(10)  Avis du CESE sur «La famille et l'évolution démographique», JO C 161 du 13/07/2007, p. 66, point 8.11.

(11)  http://www.en.aenor.es/aenor/certificacion/resp_social/resp_efr.asp

(12)  Avis du CESE sur «Promouvoir sécurité et santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail», JO C 277/102 du 17.11.2009, point 1.12.

(13)  Avis du CESE sur «Egalité des sexes, croissance économique et taux d'emploi», JO C 318/15 du 23.12.2009, point 4.2.6.2.

(14)  COM(2011) 60 final.

(15)  Avis du CESE sur «La famille et l'évolution démographique», JO C 161 du 13/07/2007, p. 66, point 4.5.

(16)  Le Comité s'était exprimé en ce sens pour une réduction de celle-ci, notamment pour les couches pour bébés. Voir avis du CESE sur «Promouvoir la solidarité entre les générations»JO C 120 du 16.05.2008, p. 66, point 4.7.

(17)  Avis du CESE sur «Promouvoir la solidarité entre les générations»JO C 120 du 16.05.2008, p. 66, point 4.8.

(18)  http://sentencias.juridicas.com/docs/00285332.html


23.7.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 218/14


Avis du Comité économique et social européen sur «Études d’impact de développement durable (EID) et politique commerciale de l’Union européenne»

2011/C 218/03

Rapporteure: Mme Evelyne PICHENOT

Le 22 avril 2010, la Commission européenne, a décidé, conformément à l’article 262 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur

«Études d’impact de développement durable (EID) et politique commerciale de l’Union européenne».

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 7 avril 2011.

Lors de sa 471e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 5 mai 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 161 voix pour, 3 voix contre et 4 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

Pour améliorer les performances des études d’impact de développement durable (EID) liées à la politique commerciale de l’Union européenne, le CESE recommande à la Commission une révision du dispositif répondant davantage aux préoccupations de la société civile et au contexte de la mondialisation. Le CESE propose de remodeler l’outil EID en l’intégrant dans un cycle cohérent d’évaluation.

1.1   Pour ce faire le CESE considère qu’il est essentiel que tout accord commercial comporte désormais un mécanisme de suivi avec la participation de la société civile, seule garantie d’un contrôle des engagements pris et d’une vigilance sur les risques et opportunités d’une ouverture commerciale en matière de développement durable. Un tel mécanisme est indispensable dans l’approche dynamique proposée en permettant, à échéances données, la réévaluation des risques et opportunités révélés dans l’étude initiale.

1.2   Pour mettre en cohérence le dispositif avec les objectifs du développement durable, le CESE recommande que l’EID:

s’intègre dans une évaluation ex ante, in itinere et ex post,

soit articulée avec l’étude préalable en amont du mandat de négociation et réalisée dans des délais utiles,

accorde une priorité à la détection des risques sociaux et environnementaux, en complément de l’évaluation économique servant en pratique principalement à justifier la volonté de l’UE d’établir un accord commercial,

privilégie, à la mesure des effets agrégés de la libéralisation sur chacun des piliers du développement durable, une évaluation plus spécifique, détaillée au niveau des secteurs ou des ménages, particulièrement dans le cas d’économie à grande proportion d’activité informelle,

devienne une référence au service du débat public devant le Parlement européen sur «l’analyse des conséquences»,

implique les autres politiques de l’Union européenne dans les mesures d’accompagnement.

1.3   Pour accroître la pertinence de l’information fournie, le CESE recommande un ajustement des EID par les dispositions suivantes:

un rééquilibrage entre les trois piliers,

les consultants doivent puiser dans un large éventail de méthodes disponibles notamment qualitatives, de façon à renseigner les aspects non économiques de l’accord commercial en jeu,

les approches écologiques (analyse du cycle de vie, empreinte carbone, mesure des services écosystémiques) doivent être développées,

l’équipe de consultants en charge de l’étude devrait rechercher systématiquement à inclure des experts issus du pays partenaire dans l’accord commercial en jeu,

les partenaires sociaux, les spécialistes des questions environnementales et les représentants des milieux d’affaires doivent être sollicités pour des entretiens directs et approfondis,

la prise en compte de l’impact sur l’égalité entre les sexes,

l’analyse des conditions d’exercice des professions juridiques et de santé, et en particulier l’indépendance et la garantie de l’intégrité physique de leur représentants, devrait constituer un volet de l’EID.

1.4   Pour organiser un processus participatif renouvelé le CESE recommande que:

l’étude reste accessible à tous les stades pour toutes les parties intéressées et les pays partenaires, et soit accompagnée d’un rapport concis,

la consultation soit adaptée aux différentes phases du cycle et ouverte à toutes les parties intéressées de la société civile et soit assortie des moyens financiers adéquats,

le CESE puisse collaborer en amont de l’EID par un avis sur le choix des indicateurs, l’identification des organisations de la société civile à consulter et proposer des modalités de consultation,

le CESE soit saisi pour avis sur «l’analyse des conséquences» présentée au Parlement européen et au Conseil,

le CESE soit reconnu comme un partenaire important pour l’organisation des consultations et du suivi avec les sociétés civiles des pays partenaires en concertation avec les délégations de l’UE,

le CESE agisse comme facilitateur pour faire en sorte que la consultation de la société civile dans le cadre de l’analyse d’impact soit articulée avec la mise en place future des mécanismes de suivi institués dans les accords,

le dispositif d’évaluation ex post prenne en compte les rapports intermédiaires du comité de suivi.

2.   Les études d’impact de développement durable: un outil nécessaire mais une refonte indispensable

2.1   Dans sa communication «Commerce, croissance et affaires mondiales» (1), la Commission européenne précise qu’elle veut intensifier ses consultations avec les parties prenantes et la société civile, pour mieux mesurer l’impact des politiques commerciales sur le développement durable. Conscient du rôle pionnier joué par la DG Commerce par l’introduction d’étude d’impact de développement durable (EID), le CESE se félicite que la Commission ré-ouvre le débat pour analyser les acquis de la méthode mais aussi tenter de dépasser ses limites ou insuffisances. Dans cet avis exploratoire, le CESE se concentre sur des propositions qui visent à améliorer les performances du dispositif et à en clarifier les finalités. Il tend à répondre au questionnement sur l’utilité sociétale et politique des EID.

2.2   Avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le Parlement européen a accru ses compétences et se retrouve sur un pied d’égalité en matière de politique commerciale avec le Conseil de l’UE. Pour la première ratification consécutive à l’entrée en vigueur du traité, celle de l’accord avec la Corée du Sud en mars 2011, les parties prenantes en particulier dans les secteurs sensibles ont pu tester l’importance de ce nouveau pouvoir détenu par les députés. Il devient donc nécessaire d’articuler la formule précédente de dialogue avec la société civile avec ce changement institutionnel.

2.3   Le CESE relève avec grand intérêt les modifications apportées au dispositif par la récente communication précitée de la Commission. Subsiste l’EID liée à la consultation de la société civile et assortie d’un engagement formel de la réaliser durant les négociations et d’en dégager les enseignements dans un «papier de positionnement». S’y ajoute une phase nouvelle: la Commission annonce que pour surveiller l’incidence des accords commerciaux, il sera procédé à une évaluation ex post de ceux-ci. Enfin une étape-clé du débat politique apparaît, après négociation et avant signature de l’accord, la Commission établissant une «analyse des conséquences» qui sera transmise au Parlement et au Conseil. Dorénavant, l’EID ne peut plus se concevoir comme un simple outil limité à la négociation: il vient articuler l’ensemble du cycle d’élaboration, de mise en œuvre et de suivi des politiques. Ceci confère une actualité et une plus grande portée aux propositions de refonte du dispositif contenues dans cet avis.

2.4   Faute d’une conclusion positive au niveau multilatéral, ce sont les Accords de libre échange (ALE) bilatéraux ou régionaux qui, tant par le recours à un cycle plus complet d’évaluation (ex ante et ex post) que par leur contenu - chapitres développement durable incluant des engagements environnementaux et sociaux - intègrent de plus en plus d’éléments relatifs à une gouvernance plus «durable» du commerce mondial.

2.5   Un dialogue structuré (2) existe déjà entre la DG Commerce et la société civile qui inclut des séances d’information et d’échanges à différentes étapes des négociations commerciales. Il répond à une obligation de consultation tant des organisations de la société civile européenne que de celles des pays partenaires pour l’élaboration des EID par les consultants. Il s’agit d’une expérimentation à grande échelle d’un dialogue civil auquel le CESE souhaite participer davantage.

2.6   Dans la phase actuelle de développement ou de reprise des négociations commerciales bilatérales ou régionales, cette formule d’information/consultation suscite des espoirs mais rencontre aussi des critiques (3). Dans les EID elles-mêmes, l’usage répandu de modèles de simulation mathématique tels que les modèles d’équilibre général calculable conçus pour évaluer l’efficacité des politiques macroéconomiques et non leur impact environnemental et social, de surcroît désagrégé, tend à accorder un poids considérable à l’évaluation économique. Les résultats de la modélisation présentés dans les EID sont souvent conformes à l’intuition, sans grande qualité informative pour les négociateurs ni les parties intéressées faute de constater des impacts significatifs ou suffisamment ciblés. Rendu difficile par l’absence ou le manque de fiabilité de données statistiques dans le secteur informel, l’EID ne rend pas suffisamment compte des répercussions éventuelles dans ce secteur.

2.7   Sur la procédure, plusieurs études (4) démontrent les limites de l’élaboration de ces EID et de l’organisation des consultations. Survenant trop tard dans le processus de négociation, les EID ne permettent ni d’influencer véritablement son contenu, ni de sensibiliser à temps les acteurs concernés par les impacts les plus problématiques. L’identification et le choix des acteurs clefs consultés durant la procédure manquent de règles claires.

2.8   Lorsque, sous l’effet des conséquences de la crise financière et économique, les valeurs de certains indicateurs sociaux connaissent des changements substantiels, il conviendra de compléter ou de modifier l’étude initiale afin de mettre à jour les données et scénarios utilisés et d’accroître la pertinence des mesures d’accompagnement suggérées.

3.   Intégrer les EID dans un cycle cohérent d’évaluation

3.1   Parce que les EID n’ont pas donné satisfaction en fournissant des informations trop tardives, sans grande nouveauté pour la négociation, et sans implications politiques claires ni consultations appropriées, le CESE propose de les refonder dans une approche dynamique. En premier lieu, il convient de centrer le mandat des EID sur la détection de risques (environnementaux et sociaux) particuliers et sur l’évaluation et le suivi de ces risques au cours du temps. Dans la fourniture de cette information sur les risques anticipés et observés réside le cœur de la valeur ajoutée des EID.

3.2   L’évaluation est donc à la fois ex ante (risques anticipés), in itinere (évolution des risques) mais aussi ex post (impact observé). Plus qu’une méthode ou un outil diagnostic, l’EID acquiert ainsi un caractère dynamique. Elle ne doit donc plus être conçue comme un outil statique grâce auquel, se calcule la valeur arithmétique des trois piliers, mais comme un processus de coproduction et de partage d’informations ciblées. Celles-ci acquièrent une valeur de «signal» ou d’alerte, portée à la connaissance de la société civile et des négociateurs à qui incombe un devoir de vigilance.

3.3   Pour être efficace, le processus EID doit s’intégrer dans un cycle cohérent d’évaluation des politiques de l’UE, dont la finalité commune est le développement durable.

3.3.1   Cohérence entre les trois piliers d’abord, avec le renforcement nécessaire de la perspective environnementale et climatique, mais aussi, sur le volet social, des considérations explicites de respect des droits de l’Homme et des conditions de travail décent (5).

3.3.2   Cohérence ensuite entre les politiques et mesures d’accompagnement envisagées et les risques et opportunités identifiés. Les recommandations doivent impliquer le plus large éventail des politiques et mesures de l’UE (fonds structurels et programmes spécifiques, aide au développement, fonds d’ajustement à la mondialisation, instrument européen pour la démocratie et les droits de l’Homme – IEDDH, financement BEI). Réciproquement, ces instruments doivent prendre en compte les EID dans leur programmation.

3.3.3   Cohérence enfin entre les différentes évaluations mises en place par la Commission. En particulier, le lien entre l’étude d’impact préalable au mandat de négociation et l’EID doit être clarifié. Le mandat d’une EID peut être au besoin adapté et révisé selon qu’elle aura été précédée d’une étude préalable ambitieuse ou au contraire modeste et incomplète sur les risques sociaux et environnementaux.

3.4   Les élus du Parlement européen, les représentants des États membres, ainsi que la société civile devraient être associés tout au long du processus, bien davantage qu’ils ne le sont actuellement. La rédaction par la Commission d’une «analyse des conséquences» de l’accord commercial pour transmission au Parlement européen et au Conseil prend une dimension stratégique dans le cycle, et sa prise en compte par les institutions offre l’opportunité de cristalliser le dialogue civil autour d’un moment clef du débat politique.

3.5   Il paraît nécessaire de généraliser et d’adapter les EID aux actuels et futurs mandats de négociations d’accords de libre échange avec nos partenaires économiques stratégiques (États-Unis, Chine, Russie, Japon, Inde, Brésil), en couvrant plus précisément des aspects relatifs au Protocole des droits économiques et sociaux de l’ONU ainsi qu’aux droits de propriété intellectuelle, aux codes des marchés publics et aux accords d’investissement.

4.   Accroître la pertinence de l’information fournie

4.1   Transmettre les résultats aux négociateurs à un stade précoce des discussions constitue un impératif pour une réelle prise en compte des conséquences positives ou négatives potentielles. Il convient de maintenir les études accessibles à tous les stades d’avancement pour toutes les parties intéressées et pays partenaires. Bien que la durée de réalisation de l’étude ait été ramenée à neuf mois, ce délai doit être aménagé pour renforcer le processus consultatif dans les pays partenaires.

4.2   Pour répondre à la critique sur l’utilité de l’EID, il convient de renoncer aux généralités et à la mesure qualitative d’effets agrégés (économique versus environnement versus social). Priorité doit être donnée au ciblage de risques spécifiques environnementaux et sociaux, ainsi que des potentiels dans ces domaines, en complément de la mesure nécessaire des opportunités économiques qui, par construction dans la plupart des modèles s’avèrent positives. Elles ont motivé de fait la négociation des accords en question dès l’étude d’impact préalable au mandat.

4.3   L’appréciation des risques environnementaux et sociaux doit être conduite avec le plus large échantillon de méthodes disponibles, depuis celles quantitatives jusqu’à celles plus qualitatives conçues explicitement pour renseigner un aspect non économique des politiques commerciales en jeu, comme l’impact sur l’égalité des sexes, la sécurité alimentaire ou la sécurité sanitaire des aliments. En particulier, les approches plus écologiques comme les analyses du cycle de vie, l’empreinte carbone, l’effet sur la biodiversité, mériteraient d’être développées. Un autre volet consiste à recourir à des méthodes qualitatives pour évaluer les conséquences sociales dans les secteurs ciblés, en termes d’emploi et de travail décent.

4.4   A ce sujet, des spécialistes des questions sociales et/ou environnementales devraient être explicitement sollicités par la Commission dans les termes de référence de l’appel d’offres. Impliquer davantage les experts des pays partenaires et ceux de l’OIT voire de l’OMS ou de la FAO le cas échéant, particulièrement dans le cas d’économies à grande proportion d’activité informelle, est vivement recommandé. En outre, les consultants doivent procéder à une analyse des conditions d’exercice des professions libérales juridiques et médicales pour fournir une information sur la protection légale de leurs intérêts et de leur intégrité physique.

4.5   L’impact intra-européen ne doit pas être négligé, surtout dans les EID qui concerneraient les partenaires stratégiques, notamment en matière d’emploi ou de restructuration. Dans ce domaine, l’implication des partenaires sociaux est essentiel y compris pour cerner d’éventuelles tensions entre objectifs sociaux et environnementaux dans une perspective de transition juste et de croissance verte et inclusive. La quête d’informations sectorielles auprès de la Commission Consultative des Mutations Industrielles du CESE et des comités européens de dialogue social sectoriel qui inscrivent les échanges commerciaux à leur agenda doit être systématiquement recherchée. L’apport d’un entretien direct avec les partenaires sociaux conférera une légitimité accrue aux résultats de l’étude d’impact.

4.6   En outre, les engagements volontaires et/ou négociés de responsabilité sociale des entreprises (RSE) d’entreprises multinationales, ainsi que les accords cadres internationaux (ACI), devront progressivement devenir des éléments d’information pour les EID.

4.7   Les moyens financiers et humains dédiés au renforcement des capacités des pays partenaires (expertise – en particulier environnementale et sociale, mécanismes de consultation) sont une clef pour la qualité des EID et l’amorce du groupe de suivi. La coordination sur ce sujet entre la DG Développement et coopération et la DG Commerce doit être approfondie et développée en y associant la programmation du nouveau Service européen pour l’action extérieure.

4.8   L’impact de l’ALE sur les pays extérieurs à l’accord commercial ou sur les régions ultrapériphériques devrait être progressivement intégré avec l’apport d’experts locaux et de la société civile, afin d’y mesurer les conséquences écologiques et sociales de la modification des flux commerciaux.

4.9   Cette approche d’un diagnostic utile pour les négociateurs ainsi que pour les futurs évaluateurs, devra se traduire par une révision du guide pratique des EID élaboré par la Commission en 2006 (6), avec une forte implication des experts de la DG Développement et Coopération, de la DG Emploi, de la DG Environnement, de la DG Climat et de la DG SANCO dans cette révision ainsi que dans la mise en œuvre de celui-ci.

5.   Réviser le processus de participation de la société civile

5.1   Nombre de ces préconisations répondent aux attentes exprimées par les contributeurs à la consultation publique lancée par la DG Commerce en 2010 sur la nouvelle politique commerciale qui ont émis un jugement critique dans cette consultation. De même que les EID doivent s’inscrire dans un cycle cohérent d’évaluation des politiques, la consultation doit donc être repensée de manière dynamique, comme un processus adapté aux différentes phases du cycle et devrait s’appuyer sur un inventaire des bonnes pratiques.

5.2   Dans le cadre des consultations institutionnelles, le CESE pourrait s’impliquer plus en amont dans l’élaboration d’une EID précise, en élaborant un avis sur le choix des indicateurs sociaux ou environnementaux ou pour l’identification de mesures d’accompagnement ainsi que pour proposer les mécanismes de consultation les plus appropriés.

5.3   Dans «l’analyse des conséquences» devant le Parlement européen, la société civile attend que la Commission rende compte de la façon dont les conclusions des EID ont été intégrées par les négociateurs et des modifications apportées à certains chapitres pour éviter les écueils identifiés.

5.4   Il est nécessaire d’insérer l’étude initiale dans un dispositif de suivi et d’évaluation précoce (2 à 3 ans) permettant, en étroite association avec la société civile, de préciser et au besoin réviser les impacts observés, ainsi que d’identifier de nouveaux risques. Le suivi et l’évaluation doivent se concentrer sur les risques et leurs changements au cours du temps ainsi que sur l’efficacité des mesures d’accompagnement.

5.5   Pour répondre au nouveau cycle d’évaluation intégrant l’EID, le CESE dispose d’un réseau de relations stabilisées avec de larges composantes des sociétés civiles des pays tiers. Il peut donc jouer un rôle d’interface pour les consultations. Il a déjà acquis une expérience dans certaines phases de négociations pour organiser le dialogue avec les sociétés civiles des pays partenaires.

5.6   Ces groupes permanents géographiques du CESE d’échange avec la société civile des pays tiers constituent un atout majeur pour organiser avec toutes les composantes de la société civile les embryons des comités de suivi des accords. Détenteurs d’une expérience de dialogue et de confrontation sur différents aspects d’accords d’association ou de partenariat, ces organes de travail du CESE deviennent des lieux privilégiés de débat sur les équilibres obtenus dans l’accord commercial. Chaque structure conjointe apporte sur une base géographique une expertise de terrain sur les liens empiriques entre commerce international et développement durable.

5.7   Le mécanisme de suivi contenu dans l’accord Cariforum constitue une réponse à la surveillance de l’ensemble de l’accord par un regard croisé des sociétés civiles sur son application. Celui de la Corée du Sud permet de suivre le chapitre Développement durable de l’accord. La mise en place de ces mécanismes de suivi constitue un levier décisif pour la crédibilité des engagements européens en termes de développement durable. De la qualité de l’EID dépendra la validité ultérieure du suivi et la confiance entre les parties dans ce processus consultatif. C’est la raison pour laquelle le CESE réitère son intérêt pour l’introduction d’un comité de suivi dans tous les accords commerciaux.

5.8   Le CESE soutient la démarche coopérative de la DG Commerce visant à inclure dans chaque accord un chapitre «développement durable» contenant des engagements en matière sociale et environnementale. L’EID participe à cette démarche incitative en indiquant de manière empirique et pratique les opportunités offertes par le commerce dans ce domaine, ainsi que les dispositions transitoires ou les mesures d’ajustement, de compensation ou de sauvegarde nécessaires, visant à écarter ou réduire les risques sociaux et environnementaux, en conformité avec les engagements de l’accord.

5.9   Le CESE engagé comme pivot du suivi de l’Accord Cariforum s’appuiera sur les liens avec la société civile qui se sont construits préalablement. Il développera également un partenariat avec la société civile sud coréenne pour poursuivre la veille sur les mécanismes de suivi qui doivent se mettre en place. Pour revoir le processus participatif, il convient de tirer les enseignements de la première évaluation ex post de l’accord avec le Chili.

Bruxelles, le 5 mai 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  COM(2010) 612 du 9.11.2010.

(2)  Rapport d’activité 2010 de la DG Commerce sur le dialogue avec la société civile http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2010/february/tradoc_145785.pdf

(3)  Rapport final 2010 sur la consultation publique concernant la nouvelle politique commerciale de l’Union européenne http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2010/september/tradoc_146556.pdf

(4)  Anne Chetaille (2005). Les études d’impact des accords commerciaux sur le développement durable: bilan et perspectives. Gret, Paris.

Ruddy and Hilty (2007). Impact assessment and policy learning in the European Commission. Sciencedirect.

Pascal Gabriel (2008). Problématiques environnementales, emploi et cohésion sociale. Un examen des développements politiques au niveau international. Syndex/DG Emploi.

Ekins and Voituriez (2009). Trade, Globalisation and Sustainability Impact Assessment, Earthscan, London.

(5)  Rapport d’information, Travail décent et développement durable en Méditerranée, CESE septembre 2010

(6)  Guide pratique sur les EID, DG Commerce: http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2006/march/tradoc_127974.pdf


23.7.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 218/19


Avis du Comité économique et social européen sur les «Machines agricoles et équipements de construction et de manutention: comment sortir de la crise ?» (avis d’initiative)

2011/C 218/04

Rapporteur: M. RANOCCHIARI

Corapporteur: M. PESCI

Le 15 juillet 2010, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur les:

«Machines agricoles et équipements de construction et de manutention: comment sortir de la crise?»

La commission consultative des mutations industrielles, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 4 avril 2011.

Lors de sa 471e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 4 mai 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 151 voix pour, 3 voix contre et 8 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Les industries européennes des équipements de construction et des machines agricoles ont été frappées de plein fouet par la crise, au cours d’une période déjà marquée par un changement important de la demande mondiale. Néanmoins, le secteur appartient à un domaine d’activité de pointe très compétitif.

Il convient toutefois, pour assurer la pérennité et la compétitivité du secteur et éviter qu’il ne présente à long terme une surcapacité de production, de prendre au niveau de l’UE un certain nombre de mesures nécessaires, telles que:

un cadre juridique qui ne bride pas la capacité des constructeurs à innover et à concevoir des équipements répondant aux besoins des clients;

des conditions équitables au sein de l’Europe, grâce à une surveillance effective du marché. Il convient que les organes de surveillance du marché et les autorités douanières fassent effectivement appliquer le règlement no 765/2008 et durcissent les contrôles sur le marché européen;

une législation sur les produits et une politique commerciale qui assurent un accès libre aux marchés mondiaux;

une législation européenne qui tienne compte de la baisse relative du rôle des marchés européens. En effet, le centre de gravité du marché mondial se déplace de manière croissante vers l’Amérique du Sud et l’Asie; il convient donc d’envisager toutes les mesures nécessaires pour maintenir les usines des constructeurs européens dans l’UE, notamment une réduction des contraintes bureaucratiques et un soutien aux mesures volontaires prises par le secteur;

une harmonisation – à l’échelle européenne et mondiale – des exigences en matière de sécurité routière et de protection de l’environnement;

une amélioration des conditions de travail et des mesures d’application dans l’ensemble de l’UE afin de prévenir d’éventuels problèmes de sureffectifs et d’encourager le développement de nouveaux produits et d’idées novatrices sur l’organisation du travail, à partir des connaissances de toutes les parties prenantes;

un programme de financements et de mesures incitatives pour soutenir la compétitivité des PME.

1.2   Suite à l’audition qui s’est tenue le 11 novembre 2010 à Bologne à l’occasion de la manifestation EIMA International (Exposition internationale de machines pour l’agriculture) et a rassemblé de nombreuses parties prenantes, des recommandations complémentaires et plus détaillées sont formulées dans les chapitres suivants.

2.   Contexte de l’avis

2.1   L’industrie des machines agricoles et des équipements de construction fournit des solutions techniques pour répondre efficacement à des besoins élémentaires de l’humanité, tels que nourrir la population mondiale en augmentation, pourvoir aux logements et garantir l’infrastructure nécessaire.

2.2   En raison du coût élevé des terres en Europe, les secteurs européens de l’agriculture et de la construction font face à une demande de solutions hautement efficaces et novatrices, ce qui en fait des leaders mondiaux en matière de technologie.

2.3   Alors que la demande stagne en Europe, les marchés d’Asie, d’Amérique latine, d’Afrique et de la zone CEI sont en pleine croissance et continueront à croître rapidement. D’autres acteurs ont toutefois émergé au niveau mondial et deviennent compétitifs, y compris en dehors de leurs marchés nationaux.

2.4   La crise financière mondiale a considérablement touché les deux secteurs. L’éclatement de la bulle immobilière a conduit à une récession importante du secteur des équipements de construction, au deuxième semestre 2008. Il s’en est suivi une compression drastique des investissements dans le secteur de la construction, dont le chiffre d’affaires a chuté de 42 % en 2009. Cette réduction s’explique en grande partie par le manque de possibilités de financement pour les clients et la diminution des activités de construction.

2.5   Concernant le secteur des machines agricoles, les effets de la crise s’y sont fait ressentir plus tardivement. Toutefois, s’il a connu une baisse moins prononcée en 2009 (– 22 %), il n’a pas connu de reprise en 2010, contrairement à d’autres secteurs d’activité. Selon les estimations, la baisse du chiffre d’affaires est de 9 % pour l’ensemble de 2010. Là encore, le principal facteur a été le manque de possibilités de financement pour les clients, combiné à l’incertitude.

2.6   Nous assistons à un infléchissement croissant de la demande de produits: alors que les marchés extra-européens, soumis à des obligations légales beaucoup moins rigoureuses, sont en croissance, la demande de produits de l’UE, qui répondent à des normes environnementales et de sécurité toujours plus contraignantes, enregistre une baisse. Cela tend à complexifier davantage la gamme des produits disponibles, déjà complexe, et conduit à un déplacement des sites de production, les produits destinés à des marchés hors UE étant désormais produits plus près de l’origine de la demande, ce qui cause des pertes d’emplois dans l’Union.

3.   Machines agricoles et équipements de construction: importance stratégique du secteur, défis à venir, structure du marché

3.1   Des produits en quantité réduite, mais d’une grande diversité – une dépendance forte envers les fournisseurs

Les deux secteurs présentent de nombreuses similitudes, concernant la taille de leurs constructeurs et l’étendue de leur production.

De grandes entreprises multinationales produisent de vastes gammes de produits, correspondant à tous les types d’engins les plus largement utilisés, tels que les tracteurs agricoles, les excavatrices ou les chargeuses-pelleteuses.

Il existe en même temps des constructeurs de toutes tailles, depuis des entreprises régionales de taille appréciable jusqu’à des PME, qui produisent les types d’équipements les plus courants, mais parviennent à survivre en fournissant le marché en produits de niche hautement spécialisés.

Le degré de spécialisation et la variété des produits fournis sur le marché sont souvent disproportionnés par rapport à la taille réelle du fabricant. Il est relativement fréquent de rencontrer des fabricants qui présentent jusqu’à 200 modèles différents dans leur catalogue, avec des équipements conçus pour des tâches très spécifiques, dont ils vendent moins de 1 000 unités par an. De nombreux autres constructeurs parviennent à survivre en vendant des séries de moins de 100 unités par an pour chaque modèle.

3.2   Emploi et production

3.2.1   Le marché des machines agricoles reflète étroitement les tendances du secteur de l’agriculture.

Sans les derniers modèles de machines, il n’y aurait pas de secteur agricole moderne, efficace et compétitif. Ce sont aujourd’hui plus de 10 millions de personnes qui travaillent dans l’agriculture. Si le nombre de travailleurs du secteur est globalement en baisse, il est encore possible de percevoir des différences majeures entre les pays de l’UE à 15 et les «nouveaux» États membres, qui ont intégré l’Union à partir de 2004.

En effet, dans l’UE à 15, «seulement» 4,0 % des travailleurs sont employés dans le secteur agricole, alors que cette proportion s’élève à 13,4 % de l’ensemble de la main-d’œuvre dans les 12 nouveaux États membres.

Pour cette raison, le Comité est d’avis qu’il faut une PAC forte, non seulement pour les agriculteurs, mais aussi pour l’industrie, en lui permettant de poursuivre ses investissements dans la R&D tout en répondant aux contraintes réglementaires et à la demande des acheteurs.

Dans le secteur des machines agricoles, quelque 4 500 fabricants génèrent un chiffre d’affaires d’environ 28 milliards d’euros (chiffre de 2008). Le secteur représente 135 000 travailleurs, auxquels il faut ajouter 125 000 personnes qui travaillent dans la distribution et la maintenance.

Les deux tiers de la production de machines dans l’UE à 27 se concentrent en Allemagne, Italie, France, Espagne et Royaume-Uni, tandis que l’ensemble des 12 «nouveaux» membres ne représente que 7 % de la production.

3.2.2   Le secteur de la construction emploie 7,1 % de la population active de l’UE.

La production d’équipements de construction suit le même modèle que les machines agricoles: l’Italie, l’Allemagne, la France, l’Espagne et le Royaume-Uni assurent près des trois quarts de l’ensemble de la production européenne. En tout, cela représente environ 1 200 sociétés en Europe, avec un chiffre d’affaire total de 31 milliards d’euros en 2008, qui a chuté à 18 milliards en 2009, soit une baisse de 42 %.

Le secteur employait alors directement 160 000 personnes. Mais l’on estime que 450 000 emplois supplémentaires dépendaient indirectement du secteur, dans la chaîne de production et le réseau de distribution et de maintenance. En 2010, les estimations du secteur font état d’une baisse de 35 % pour les emplois directs et de 20 % pour les emplois indirects.

Il y a toutefois un manque évident de personnel jeune et qualifié. Une enquête sur la main-d’œuvre, réalisée par Industries technologiques de Finlande (Technology Industries of Finland, association de PME), montre qu’il est devenu plus difficile de recruter du personnel qualifié. Cette pénurie concerne des professions très recherchées depuis plus de dix ans: fondeurs, transformateurs de métaux, mécaniciens et ingénieurs.

3.3   Dépendance envers les fournisseurs de composants et de moteurs

Les constructeurs européens des deux secteurs ont toujours dominé le marché mondial en matière de technologie de pointe et de qualité des équipements proposés. Dans les secteurs considérés, les technologies avancées doivent être à la pointe du progrès, depuis les fonctions hautement automatisées ou les systèmes de GPS haute résolution destinés à l’agriculture de précision, jusqu’aux transmissions à variation continue et aux composants électroniques.

D’autre part, la nécessité d’opérer dans des conditions extrêmes (poussière, boue, glace, chaleur ou froid extrêmes) implique qu’on ne peut pas utiliser de composants standards, qui ne répondent pas aux exigences requises et ne permettent pas d’atteindre les niveaux de performance spécifiques attendus.

Il y a une inquiétude croissante quant à l’éventualité de connaître à l’avenir une pénurie de partenaires européens indispensables pour la fourniture de composants, capables d’assurer grâce à leur travail commun le maintien de la position dominante de l’Europe en matière de technologie.

Seules les grandes entreprises multinationales disposent de structures permettant la production de moteurs, qui sont les composants clés pour le développement de produits et leur conformité à la législation.

Le nombre de motoristes indépendants est en baisse, et leur position sur le marché est marginale; pour résoudre ce problème, la majorité des équipementiers doit souvent se résoudre à dépendre de fournisseurs de moteurs qui sont aux mains de leurs concurrents.

3.4   Importance du réseau de distribution et de maintenance

La réussite d’un constructeur dépend largement de la qualité de son réseau de revendeurs et de maintenance. Des machines d’une complexité si extrême peuvent présenter des risques pour la sécurité et la santé, à défaut d’une utilisation et d’une maintenance appropriées. Il faut pouvoir disposer d’un système de distribution bien rodé, qui puisse aider à sélectionner les technologies les plus appropriées et fournir un niveau de maintenance et de réparation de haute qualité, afin d’assurer le service rapide et fiable qu’exigent les équipements complexes, les attentes élevées des consommateurs en termes de performances, mais aussi les conditions climatiques de certaines zones, où les pics saisonniers et les délais stricts sont des paramètres importants.

3.5   Les effets de la crise économique sur la croissance et la production

La crise économique a frappé les deux secteurs de plein fouet, à un moment où la demande mondiale était à un niveau très élevé. Pour les équipements de construction, la demande s’est effondrée à l’échelle mondiale au dernier trimestre 2008. En 2009, l’ensemble des ventes des constructeurs européens a chuté de 42 %, avec pour conséquence des stocks énormes et une utilisation très faible des capacités. Sur l’ensemble de 2010, une baisse supplémentaire de 9 % a été enregistrée, comme il a déjà été indiqué, tandis que fin 2010, la demande asiatique a connu une reprise.

Dans le secteur des machines agricoles, les effets de la crise se sont fait sentir plus tard, l’agriculture étant moins dépendante des tendances économiques générales. Toutefois, les ventes du secteur ont chuté de 22 % en 2009, et ont connu une baisse supplémentaire de 9 % en 2010.

Pour les deux secteurs, l’on prévoit en 2011 une croissance à un seul chiffre, c’est-à-dire très inférieure à ce qu’il faudrait pour revenir aux niveaux d’avant la crise.

Pendant la crise, le principal facteur limitant a été le manque de disponibilité de crédit, surtout pour les clients, incapables de financer l’achat de nouvelles machines, mais également pour les constructeurs. S’ajoute évidemment à cela le ralentissement de l’activité, qui a, particulièrement dans le secteur de la construction, restreint la demande de nouveaux équipements. Dans les deux secteurs, la demande s’est montrée très volatile.

4.   Difficultés et défis à affronter après la crise

La crise économique a mis en évidence certaines particularités des deux secteurs et les a conduits dans une situation très difficile qui exige une intervention au niveau politique.

4.1   Insuffisance du nombre de fournisseurs et du savoir-faire

Il importe de souligner que le secteur des équipements de construction est actuellement confronté à des changements substantiels et radicaux.

Le centre de gravité du marché mondial se déplace petit à petit vers l’Amérique du Sud et l’Asie.

L’Europe, qui enregistrait 20 % de la demande mondiale d’équipements de construction en 2005, ne représentera que 14 % de cette demande en 2014 (1).

Le changement le plus spectaculaire concerne la Chine et l’Inde. Selon les estimations, la demande chinoise d’équipements de construction représentera 34 % de la demande mondiale en 2014, contre seulement 18 % en 2005, soit un doublement de cette demande sur neuf ans.

Les conséquences d’un tel changement sont d’une importance capitale puisque les États-Unis et l’UE ne représenteront plus à eux deux que 29 % de la demande mondiale.

En raison de la crise, la tendance à délocaliser massivement la production en la rapprochant des nouveaux marchés extra-européens s’est considérablement accélérée. En conséquence, le nombre de fournisseurs européens de composants clés a lui aussi connu une baisse spectaculaire. Il ne s’agit pas seulement d’un transfert de sites de production, mais aussi du savoir-faire nécessaire.

Les marchés étrangers ayant des besoins et des spécifications différents des marchés européens, il y a une inquiétude croissante quant à l’éventualité de connaître à l’avenir dans l’UE une pénurie de fournisseurs de composants essentiels, capables de répondre aux besoins européens à coût raisonnable.

Un autre problème est celui de l’approvisionnement en acier dans le contexte actuel de reprise économique mondiale: les augmentations de prix et les mesures protectionnistes pourraient avoir un effet négatif sur le secteur, comme les chiffres d’avant la crise le montrent.

4.2   Les effets sur l’emploi: main d’œuvre vieillissante, manque de personnel qualifié et fuite des cerveaux

Le secteur de la construction mécanique emploie 3,6 millions de personnes en Europe (2).

Parmi celles-ci, 10 % travaillent dans les secteurs des machines agricoles et des équipements de construction. Cette main-d’œuvre est généralement vieillissante: seulement 20,1 % des travailleurs ont moins de 30 ans, alors que cette proportion est d’environ 25 % en moyenne dans les autres secteurs de production de biens non financiers.

Du côté des utilisateurs, les agriculteurs connaissent un problème similaire: seuls 7 % de l’ensemble des agriculteurs européens ont moins de 35 ans. Le secteur de l’agriculture et de la construction attire moins de personnes que d’autres, le travail étant plus fatigant et moins rémunérateur que bien d’autres emplois en Europe.

Le secteur souffre: d’une mauvaise image auprès du grand public, qui méconnaît son importance pour l’ensemble de la communauté; de la raréfaction des ouvriers et ingénieurs qualifiés; du déséquilibre entre les compétences recherchées et celles qui sont disponibles sur le marché du travail; de la diversité et de la disparité des nomenclatures des qualifications et des titres nationaux pour différents diplômes; de l’absence de formation d’élite en sciences naturelles et sciences de l’ingénieur. Ces traits négatifs ont encore été renforcés par la crise économique.

Le secteur a essayé autant que possible de limiter les pertes d’emplois. Toutefois, comme il a déjà été indiqué, la main-d’œuvre employée dans l’industrie des équipements de construction a été réduite de 35 % par rapport à 2008 (3).

La crise a également engendré une fuite des cerveaux vers l’Asie orientale et l’Amérique du Sud, où les marchés sont plus florissants et où la crise s’est fait ressentir de manière moins criante.

5.   Actions nécessaires au niveau de l’UE

5.1   Garantir l’application des mesures destinées à combattre la concurrence déloyale.

L’importation, la vente et l’utilisation dans l’UE d’équipements de construction qui ne respectent pas les normes reste un problème majeur pour le secteur européen des équipements de construction. Il faut exiger que les matériels introduits pour la première fois sur le marché européen respectent toutes les exigences en vigueur en matière de sécurité et d’environnement. Des matériels ne respectant pas ces exigences sont non conformes, et les États membres doivent empêcher leur introduction sur le marché de l’UE.

Il s’agit là d’une source de concurrence déloyale, qui dissuade les fournisseurs en règle d’entreprendre des activités de R&D. Cela constitue de plus une menace pour la compétitivité du secteur européen des équipements de construction et pour les emplois qu’il procure. Les matériels non conformes sont davantage sujets à causer des accidents et ne respectent généralement pas les normes environnementales imposées par l’UE.

Les constructeurs qui respectent les réglementations de l’UE ont actuellement à faire face à la concurrence de produits introduits sur le marché européen suivant des conditions déloyales et à un prix dérisoire par rapport à celui des produits conformes. Les pouvoirs publics ne disposent pas des moyens et des ressources nécessaires pour combattre cet état de fait, alors même que la législation n’est pas toujours claire dans sa défense des produits légaux.

De plus en plus de matériels non conformes sont introduits sur le marché européen en toute illégalité, sans que les organes de surveillance du marché et les autorités douanières n’engagent d’action efficace, bien qu’une législation plus stricte soit entrée en vigueur le 1er janvier 2010 (règlement no 765/2008).

Recommandation: le CESE appelle la Commission européenne ainsi que les autorités des États membres à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer une concurrence loyale au sein du marché de l’UE et garantir des conditions équitables aux fabricants soumis à la concurrence internationale.

5.2   Il convient de prendre les bonnes décisions pour améliorer l’environnement.

Comme c’est le cas pour le secteur automobile, un des plus grands défis auxquels sont confrontés les deux secteurs est la législation relative aux émissions des engins mobiles. Par rapport au secteur automobile, les coûts de conformité unitaires des engins mobiles sont extrêmement élevés, dans la mesure où le volume de production et de ventes est beaucoup plus bas et où le nombre de modèles existants est beaucoup plus important.

Avec la prochaine phase de réduction des émissions, qui démarre en 2011 (IIIB), puis la phase ultérieure déjà prévue pour 2014 (phase IV), les principaux polluants atmosphériques devront être réduits de plus de 90 % par rapport aux niveaux actuels. Ces modifications concerneront les moteurs, mais imposeront également un redéploiement complet de toute la conception des matériels.

Pour respecter ces niveaux d’émission, il faudra recourir à des technologies qui requièrent l’usage de carburants à teneur en soufre extrêmement basse, difficiles à obtenir en Europe pour le secteur non routier, et absolument introuvables hors d’Europe. Cela empêchera les ventes hors d’Europe, tant pour les équipements neufs que d’occasion.

Pour atténuer l’effet de la crise, le secteur a demandé que soit adopté un instrument législatif permettant d’accroître le nombre de moteurs autorisé dans le cadre du mécanisme de flexibilité des directives existantes. Cela permettrait au secteur de faire des économies de coûts considérables au prix d’une augmentation ponctuelle des émissions de l’ordre de 0,5 %. La Commission européenne s’est montrée favorable à cette demande et a présenté deux propositions de modification des directives concernées. Ces propositions sont à l’examen au Conseil et au Parlement européen. Toutefois, les avancées en la matière sont trop lentes et pourraient en réduire les effets économiques escomptés.

Le CESE recommande que soient adoptées au plus vite, d’une part, les dispositions complémentaires quant à la flexibilité de la nouvelle phase législative sur les émissions des engins mobiles non routiers, et, d’autre part, une proposition similaire pour les tracteurs agricoles.

L’impératif de réduire à l’avenir les émissions de suies et de NOx exigera de recourir à des technologies particulières qui engendreront davantage de consommation de carburant et donc d’émissions de CO2. Les efforts consentis par les constructeurs ont empêché un accroissement véritable de la consommation de carburant grâce à une amélioration de l’efficacité des engins dans leur ensemble. Toute nouvelle législation sur la limitation/réduction des émissions de carbone devrait être harmonisée avec la législation en cours et n’être introduite qu’après un certain délai à l’issue de la phase de réduction d’émissions en cours.

Recommandation: avant d’envisager de mettre en place des mesures législatives nouvelles ou plus contraignantes pour de mêmes produits, il conviendrait de réaliser une évaluation d’impact au niveau de l’UE, en prenant en considération les éventuelles conséquences négatives de cette législation pour la compétitivité du secteur sur le marché mondial, et l’éventualité d’une amélioration très réduite en pratique pour ces équipements.

5.3   L’âge avancé des équipements utilisés - nécessité d’un programme de mise à la casse pour les engins mobiles

Les engins utilisés dans l’agriculture et la construction ont une longue espérance de vie. La durée de vie moyenne des tracteurs dépasse 15 ans. Par conséquent, l’amélioration constante des performances environnementales des nouveaux équipements n’a qu’un effet limité et lent à se faire sentir sur la performance environnementale globale des équipements utilisés. Des mesures incitatives pour retirer du marché les équipements très anciens et polluants permettraient d’obtenir des résultats plus rapides. Cette approche présente également des avantages évidents par rapport à la mise aux normes de vieux matériels avec des systèmes de post-traitement. Par ailleurs, adapter des filtres sur des anciens équipements crée nombre de problèmes supplémentaires et est inefficace tant sur le plan de la sécurité que de la performance.

Le CESE recommande de recourir à un programme de mise à la casse, qui serait une solution appropriée pour résoudre le problème des matériels anciens et polluants et contribuer à un environnement plus sain et à des conditions de travail plus sures.

Le CESE estime que tout programme de mise aux normes des pots d’échappement constitue une solution inadaptée au problème des matériels polluants utilisés dans les zones urbaines. Loin de résoudre le problème, ces systèmes maintiennent en activité des engins bruyants et peu sûrs, et leur installation par des mains incompétentes est même susceptible d’augmenter les risques.

S’agissant de la remise aux normes, le CESE recommande également d’harmoniser les exigences en matière de systèmes de post-traitement, non seulement parce que leur potentiel de réduction des gaz d’échappement est faible, mais aussi en vue de diminuer les risques qu’ils créent lorsqu’ils sont adaptés sur des équipements agricoles ou de construction.

5.4   Le secteur est capable de répondre au défi du CO2

De même que pour le secteur routier, c’est la consommation de carburant qui contribue le plus aux émissions de CO2 du secteur. Les possibilités de réduction des émissions de gaz à effet de serre doivent être évaluées en fonction des performances spécifiques des équipements en situation de travail, et pas simplement suivant la consommation de carburant au kilomètre, comme c’est le cas pour le secteur automobile.

Les années passées ont permis de parvenir à des améliorations considérables et de produire des machines plus efficaces. La prise en compte des coûts sur toute la durée de vie du véhicule, dont le coût du carburant constitue une large part, est devenue un facteur important dans la décision d’achat des clients.

Toutefois, si l’on veut atteindre une réduction optimale des émissions de CO2, l’optimisation des matériels ne doit pas porter sur le seul moteur, en tant que source d’énergie, mais considérer l’engin dans son ensemble, avec ses usages et les tâches accomplies, en plus de l’efficacité opérationnelle et de l’utilisation possible d’autres sources énergétiques à faible teneur en carbone.

Le CESE appelle les représentants des institutions européennes et des États membres à soutenir une approche globale et fondée sur le marché en vue de réduire les émissions de CO2 des engins mobiles En l’absence de solution universelle, il serait pragmatique et judicieux de mettre au point des solutions adaptées aux types d’engins générant le plus d’émissions (tracteurs, moissonneuses-batteuses, etc.), en mesurant l’efficacité globale de l’engin (par exemple, consommation de carburant par tonne de céréales moissonnée, ou par kilomètre de route asphaltée).

5.5   L’harmonisation en matière de sécurité routière et d’environnement - au sein de l’Europe et à l’échelle mondiale - constitue la clé

Avec le déplacement des marchés hors d’Europe, l’importance d’une législation et d’une normalisation des produits harmonisées à l’échelle mondiale se fait de plus en plus pressante. Cela s’applique également à l’harmonisation des exigences en matière de sécurité routière, qui fait actuellement défaut pour les équipements de construction et certains véhicules agricoles.

De plus, l’industrie européenne est confrontée au défi des exigences de l’UE, toujours plus strictes par rapport au reste du monde, et qui font que les versions européennes des engins sont soit trop chères, soit incompatibles.

S’agissant par exemple de la protection de l’environnement, il serait souhaitable que toute décision de l’UE soit soigneusement pesée avant d’être adoptée et mise en œuvre au sein de l’Europe.

Le secteur des machines agricoles et des engins de construction aide à protéger l’environnement en réduisant les émissions de ses matériels, conformément à la directive 97/68/CE sur les engins mobiles non routiers et la directive 2000/25/CE sur les tracteurs. L’application de celles-ci permettra de réduire considérablement l’émission de particules (97 %), de NOx (96 %) et de CO (85 %).

Le secteur a consenti des efforts similaires concernant les émissions sonores: il a travaillé pendant 10 ans afin de respecter la législation sur les émissions sonores pour 22 types d’engins de construction.

De plus, des normes internationales concernant le cycle de vie des machines sont déjà mises en place par le secteur, qui a lui-même fait la promotion de normes de recyclage pour les engins de terrassement.

Afin de garantir à l’avenir la compétitivité des produits européens, il est d’une importance capitale de parvenir à une cohérence des lois et règlements au niveau international.

Le CESE appelle les représentants des institutions européennes et des États membres à soutenir la mise en place de normes internationales, à s’y investir et s’y employer. À cet égard, la convention CEE-ONU (4) semble être l’enceinte idéale pour mettre au point de telles normes.

5.6   Conditions de travail et dialogue social dans le secteur

Le secteur des machines agricoles et celui des engins de construction comprend une proportion considérable d’entreprises de petite et moyenne dimensions; partant, ils nécessitent des dispositions particulières en matière de dialogue social. La représentation du personnel et les possibilités d’échange transnational d’informations y sont moindres que dans les secteurs comprenant des comités d’entreprise européens. Toutefois, les entreprises diverses qui composent le secteur présentent une certaine unité et ont besoin d’une coordination et d’échanges qui fonctionnent de la même manière. Aussi est-il nécessaire de mettre à niveau le dialogue entre entreprises et salariés.

Dans les secteurs du travail des métaux, comme dans d’autres secteurs, le travail précaire commence à faire son apparition. Il en résulte, entre autres, un appauvrissement de la formation professionnelle continue, et la menace permanente de perdre des ouvriers qualifiés et expérimentés qui se dirigent vers d’autres secteurs. Cette précarisation de l’emploi a également des conséquences négatives sur les conditions de travail.

Recommandation: Il est souhaitable que la Commission européenne encourage la création d’une analyse sectorielle orientée spécifiquement sur le niveau des conditions de travail. Nous recommandons également de mettre en œuvre des mesures pour améliorer les conditions de travail dans l’ensemble de l’UE. Enfin, il serait d’une importance capitale de mettre en place des mesures pour prévenir des problèmes de sureffectifs à l’avenir, comme ceux qui sont apparus pendant la crise, et d’encourager à nouveau le développement de nouveaux produits et d’idées novatrices sur l’organisation du travail, à partir des connaissances de toutes les parties prenantes.

5.7   Il est souhaitable de maintenir une main-d’œuvre jeune et qualifiée en Europe

Le manque de personnel qualifié, la main-d’œuvre vieillissante, la fuite des cerveaux vers d’autres continents font partie des problèmes touchant l’emploi dans le secteur des machines agricoles et des engins de construction. Il est de plus en plus difficile d’attirer des travailleurs jeunes et qualifiés vers ce secteur. Il serait souhaitable que le secteur lui-même et les pouvoirs publics continuent de faire les investissements nécessaires dans la formation, l’enseignement, la formation tout au long de la vie, ce secteur étant essentiel pour l’activité industrielle européenne.

Sans une éducation de grande qualité et sans compétences nouvelles, il n’y a pas d’avenir, or l’innovation technique a besoin d’ingénieurs hautement formés et créatifs. Il convient de mettre en œuvre, à différents niveaux, des programmes à l’attention des travailleurs, pour promouvoir auprès d’eux l’enseignement et la formation professionnelle et leur en montrer l’utilité, mais aussi d’expliquer la valeur ajoutée et les avantages dont peuvent jouir les employeurs lorsqu’ils investissent dans les travailleurs et leurs qualifications. De tels programmes seront mieux acceptés s’ils sont promus par les parties prenantes dans le cadre du dialogue social.

Recommandation: il convient que les États membres soutiennent davantage le secteur en matière d’enseignement et de formation initiale, d’apprentissage tout au long de la vie et d’acquisition de compétences en ingénierie mécanique. Il est vital pour l’avenir de mettre en place des programmes subventionnés de reconversion des travailleurs surnuméraires, avant que la situation ne se présente.

5.8   Les PME doivent rester au centre de l’innovation

Dans sa récente communication intitulée «Une politique industrielle à l’ère de la mondialisation», la DG Entreprise a clairement montré qu’un des principaux défis pour les PME, qui appelle des réponses politiques pour dynamiser les PME des différents secteurs (dont ceux des engins de construction et des machines agricoles) est l’accès aux financements, encore engorgé.

Alors que ce sont souvent les PME qui introduisent des innovations sur le marché, leurs possibilités d’investir dans l’innovation ont été sapées par la réduction de l’accès aux financements, qui est devenu plus difficile dans tous les États membres pendant la crise économique et financière. Plus précisément, les PME du secteur ont connu un resserrement de leurs conditions de crédit, auquel la plupart des gouvernements ont répondu par la mise en place ou l’extension de systèmes publics de garantie ou encore par des aides directes d’État. Cela n’est toutefois pas suffisant.

Aussi recommandons-nous aux États membres et à la Commission européenne de soutenir les PME du secteur des machines agricoles et des engins de construction par la mise en place de projets ou de fonds répondant à leurs besoins.

Bruxelles, le 4 mai 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Données fournies par la société de conseil Off Highway Research: www.offhighway.co.uk.

(2)  Données d’Eurostat: Entreprises européennes – Faits et chiffres («European business - Facts and figures»), édition 2009.

(3)  Données fournies par le Comité européen des matériels de génie civil (CECE).

(4)  Commission économique pour l’Europe de l’Organisation des Nations unies (Genève, www.unece.org).


23.7.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 218/25


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Volet extérieur de la politique industrielle européenne — La politique commerciale de l'UE prend-elle correctement en compte les intérêts de l'industrie européenne?» (avis d'initiative)

2011/C 218/05

Rapporteur: M. PEZZINI

Corapporteur: M. PHILIPPE

Le 16 septembre 2010, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:

«Volet extérieur de la politique industrielle européenne – La politique commerciale de l'UE prend-elle correctement en compte les intérêts de l'industrie européenne?»

La commission consultative des mutations industrielles (CCMI), chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 4 avril 2011.

Lors de sa 471e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 4 mai 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 106 voix pour, 2 voix contre et 3 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le CESE partage pleinement les préoccupations exprimées par la Présidence hongroise de l'UE, selon lesquelles «le monde entier vit actuellement une transformation incroyablement rapide et profonde; l'Europe doit pouvoir faire face à une concurrence mondiale bien plus forte qu'elle ne l'a jamais été.»

1.2   Le Comité demande instamment à l'UE d'adopter une démarche concertée et cohérente en ce qui concerne la dimension extérieure de sa stratégie intégrée de politique industrielle, afin de pouvoir jouer un rôle moteur dans les échanges commerciaux et de suivre une orientation commune dans les accords commerciaux multilatéraux et bilatéraux.

1.3   Le CESE juge indispensable d'instaurer des règles du jeu égales pour tous les acteurs, qui doivent pouvoir opérer dans le cadre d'une concurrence loyale ainsi que d'une croissance économique et sociale durable et compétitive, dans le plein respect des normes économiques, sociales et environnementales internationales, en tenant compte du fait que d'ici à 2015, 90 % de la croissance mondiale sera générée à l'extérieur de l'Europe, dont un tiers par la seule Chine. C'est pourquoi la politique commerciale de l'UE doit également soutenir la politique de développement de l'UE et prendre en compte les inégalités entre les blocs commerciaux et au sein de la société, en particulier dans les pays en développement.

1.4   Le Comité estime nécessaire:

d'établir un cadre commun de «gouvernance européenne renforcée» permettant d'exploiter le potentiel du marché unique en vue de la relance de l'industrie européenne sur la scène internationale;

de parler d'une seule voix au niveau mondial;

de veiller à ce que les États membres affichent une attitude cohérente.

1.5   D'après le Comité, les travaux de longue haleine engagés en 1988 pour la réalisation du marché intérieur doivent se poursuivre et s'intensifier, via notamment l'élaboration d'un droit européen des contrats pour les entreprises, fondé sur un règlement établissant un nouveau régime avancé auquel les entreprises puissent se référer à titre facultatif en ce qui concerne leurs contrats internationaux.

1.6   Le Comité est d'avis qu'il est possible pour l'industrie européenne de se maintenir à la pointe au niveau mondial, non seulement grâce à l'innovation, la recherche et l'application de nouvelles technologies, mais aussi en mettant en place des infrastructures efficaces et en demandant l'application sur le marché mondial d'une réglementation intelligente qui favorise des modes de production et de distribution propres et durables.

1.7   Le Comité considère qu'il convient d'accorder la plus grande attention aux interventions réalisées au niveau européen, national et régional, à l'éducation et à la formation continue des ressources humaines et à la diffusion des connaissances.

1.8   Le CESE recommande de toujours prendre en considération les intérêts de l'industrie européenne et de les défendre fermement lors des négociations, en faisant une utilisation claire, transparente et diversifiée de tous les instruments réglementaires disponibles, y compris les accords commerciaux.

1.9   Le CESE souligne l'importance de mettre à la disposition des entreprises un cadre réglementaire judicieux, prévisible et surtout moins onéreux et d'instaurer un environnement plus favorable aux PME.

1.10   Il est dans l'intérêt des entreprises européennes que les accords et les contacts bilatéraux leur assurent une protection claire et transparente et prévoient:

des dispositions sociales respectueuses des travailleurs, conformes aux conventions internationales,

des dispositions en matière de protection de l'environnement,

des restrictions à l'exploitation des ressources environnementales,

des normes en matière d'économie d'énergie et de lutte contre le changement climatique,

l'utilisation généralisée des labels écologiques,

une culture de la certification Emas,

le respect des normes techniques et réglementaires,

la protection de la propriété industrielle et intellectuelle,

certains instruments efficaces pour la protection commerciale et l'accès aux marchés et aux matières premières stratégiques, permettant de répondre aux préoccupations exprimées par la société civile, des deux côtés, en ce qui concerne la gestion des ressources,

des initiatives visant à faciliter l'activité des PME dans les pays tiers,

des systèmes de dialogue social et de vérification par la société civile, notamment par le biais d'études d'impact ex ante et ex post et

un niveau élevé de protection des consommateurs.

1.11   Le CESE approuve les déclarations du Conseil européen de Bruxelles de décembre 2010 quant à la nécessité de «répondre plus efficacement aux défis liés à la mondialisation et de saisir les possibilités offertes par celle-ci en réalisant des analyses d'impact avant l'ouverture de négociations commerciales […] afin d'assurer des marchés ouverts et des conditions de commerce et de concurrence équitables». La politique commerciale de l'UE devrait en tout cas tenir compte des conditions de concurrence inégales auxquelles est fréquemment soumise notre industrie.

1.12   Le Comité demande que les recommandations du Conseil de l'UE de «renforcer davantage la cohérence et la complémentarité entre sa politique intérieure et sa politique extérieure» (1) fassent l'objet d'un suivi concret.

1.13   Le Comité estime que l'UE doit développer ses avantages compétitifs en vue d'assurer une défense plus efficace et stratégique de ses intérêts et d'améliorer la crédibilité du modèle économique et social européen sur la scène mondiale.

2.   Introduction

2.1   L'industrie considérée dans sa globalité – c'est-à-dire y compris les services spécialisés dont elle est tributaire et ceux qui dépendent d'elle – constitue un ensemble très vaste représentant près de la moitié du PIB de l'UE, à savoir environ 47 %.

2.2   L'industrie est en mesure d'apporter des contributions spécifiques permettant de garantir une croissance plus dynamique de l'économie, grâce:

à une productivité accrue de l'Europe;

à l'exportation de produits manufacturés (2);

au progrès technologique: dans l'UE, plus de 80 % des dépenses du secteur privé en matière de recherche et de développement technologique proviennent de l'industrie manufacturière.

2.3   Le défi de la lutte contre la désindustrialisation consiste à faire converger toutes les politiques de l'UE vers l'objectif de soutien du potentiel de croissance et de compétitivité de l'industrie, avant tout en renforçant sa dimension extérieure.

2.4   Il ne s'agit pas de définir une politique isolée, mais d'intégrer une dimension de compétitivité de l'industrie et des services connexes dans toutes les politiques de l'UE, à commencer par la politique commerciale commune.

2.5   L'ouverture des marchés constitue sans aucun doute la condition sine qua non de la croissance de l'emploi. Toutefois, l'UE doit actualiser sa stratégie afin de mieux soutenir l'internationalisation des entreprises, dans des conditions de symétrie et de réciprocité assurant à tous les acteurs des règles du jeu équitables.

2.6   Une approche cohérente nécessite que l'on se penche sur une série de secteurs susceptibles d'apporter une réelle valeur ajoutée:

La future politique commerciale de l'UE devrait s'inscrire dans le cadre de la stratégie «Europe 2020». À cette fin, il y a lieu d'élaborer un ensemble précis et efficace de règles visant à:

favoriser des marchés ouverts et équitables, en exigeant le respect des mêmes règles pour les pays émergents et en respectant les besoins des pays moins avancés;

protéger la propriété industrielle et intellectuelle;

créer des connaissances nouvelles et mieux intégrées;

décourager la contrefaçon;

défendre et diffuser la valeur de «l'économie sociale de marché» (3);

proposer et exiger un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement et

promouvoir l’euro en tant que monnaie de règlement des échanges internationaux.

L'ouverture du marché mondial et la réciprocité des tarifs douaniers qui en découle sont fortement limitées par les obstacles non tarifaires: il convient de «garantir le respect de nos droits en vertu d’accords bilatéraux et multilatéraux visant à ouvrir les marchés illégalement fermés» (4), pour assurer la symétrie, la réciprocité et des règles du jeu égales.

Il conviendrait de revoir et d'améliorer les initiatives de soutien à l'internationalisation des PME. Les exportations des PME au-delà du marché intérieur représentent aujourd'hui moins de 15 % du total.

La politique de l'UE devrait s'attacher davantage à renforcer les autres moyens de mettre en œuvre l'internationalisation, tels que:

1.

les IDE (investissements directs étrangers);

2.

la coopération technologique;

3.

les activités de sous-traitance.

Les États européens devraient s'engager en faveur du développement d'un dialogue renforcé avec les partenaires sociaux et l'ensemble des acteurs économiques et sociaux.

En matière d'emploi, un nouvel élan devrait soutenir les initiatives sectorielles innovantes, à l'instar des actions pilotes relatives aux «marchés porteurs».

2.7   Il y a lieu de consolider le rôle de l'euro sur la scène internationale en tant que monnaie de règlement des échanges internationaux tant pour les matières premières que pour les produits manufacturés.

2.8   La mondialisation effrénée de l'économie mondiale et le développement des économies émergentes nous imposent de revoir en profondeur les politiques commerciales de l'UE, afin qu'elles prennent pleinement en compte les intérêts de l'industrie européenne, pour que cette dernière puisse conserver et renforcer son rôle dans le village planétaire.

2.9   De manière générale, la mise en œuvre de la politique industrielle de l'UE repose sur les moyens suivants:

des mesures générales visant à développer le marché intérieur;

une politique commerciale extérieure (politique antidumping, négociations commerciales bilatérales et multilatérales ayant une incidence sur différents secteurs industriels);

un éventail de politiques sociales, régionales et environnementales visant à développer les ressources humaines;

une politique de concurrence assortie des instruments juridiques nécessaires pour pallier les défaillances du marché et pour mettre en œuvre les aides d'État;

une politique de recherche et de développement;

des mesures en faveur de l'innovation;

le renforcement de la coopération entre les entreprises européennes;

la recherche du dialogue et de la coopération entre les partenaires sociaux, et leur extension aux pays en voie de développement notamment par la négociation d’Accords Cadres Internationaux;

des efforts en vue de mettre en œuvre des politiques environnementales;

une politique ambitieuse et performante en matière d'éducation et de formation.

2.10   Le commerce, l'économie, le dialogue entre les religions et les cultures et partant, la prospérité des peuples sont conditionnés et déterminés par la qualité des relations entre les États, les gouvernements et les organismes internationaux. Il convient également de tenir compte de la diversité des niveaux de développement et des approches éventuellement suivies pour la résolution de problèmes communs.

2.11   Dans le présent avis, le CESE entend se concentrer sur la dimension extérieure de la politique industrielle.

2.12   Dans ce contexte, l'on reconnaît à la politique industrielle un rôle de premier plan, notamment en raison d'une nouvelle prise de conscience: la nécessité de restituer à l'industrie et aux entreprises la place centrale qui leur revient.

2.13   L'initiative phare «Une politique industrielle à l'ère de la mondialisation» (5) permet de définir quelques priorités visant à améliorer l’environnement des entreprises, notamment des PME, et à soutenir le développement d’une base industrielle forte et durable.

2.14   Une croissance réellement «intelligente, durable et inclusive» (6) est liée au renforcement d'un secteur manufacturier diversifié et innovant, permettant de se positionner avec succès sur les marchés mondiaux.

3.   Domaines d'action entrant en ligne de compte pour une dimension extérieure cohérente

3.1   Les champs d'intérêt et d'intervention mettant en valeur la dimension extérieure de la politique industrielle européenne sont multiples, mais le CESE souhaite se concentrer sur les domaines suivants:

la stratégie européenne pour l'accès aux matières premières;

l'internationalisation des PME;

la normalisation et les droits de propriété intellectuelle (DPI);

le dialogue sur la réglementation;

la politique commerciale commune;

l'image et les perspectives de l'Union;

les initiatives sectorielles: les marchés porteurs et les plates-formes européennes.

3.1.1   L'accès aux matières premières. Il est essentiel que les infrastructures garantissent un accès sûr et aisé aux matières premières, lequel est une condition sine qua non du développement industriel. Les initiatives de l'UE sont indispensables pour:

supprimer toutes les distorsions existantes et établir de nouvelles règles et de nouveaux accords sur l'accès aux matières premières, notamment énergétiques;

exiger des efforts soutenus pour garantir, y compris à l’échelle de l’OMC, que les pays producteurs respectent les normes environnementales et sociales minimales;

améliorer les conditions d'une extraction durable des matières premières en Europe;

soutenir les filières européennes ou nationales de recyclage pour limiter les gaspillages, créer des emplois à haute valeur ajoutée et limiter les effets environnementaux et sociaux des processus d'extraction;

favoriser une utilisation efficace des ressources et le recours aux matières premières secondaires;

renforcer les autorités et les institutions responsables de la gestion des matières premières dans les pays en développement détenant ce type de ressources;

soutenir les recherches déjà en cours pour produire de l'énergie de fusion dans le cadre des projets JET et ITER, à l'aide de matières premières (deutérium, lithium, tritium) très répandues dans la nature, notamment dans l'eau de mer.

3.1.1.1   L'industrie européenne, si elle veut consolider et accroître sa présence et sa compétitivité au niveau mondial, doit se doter d'une stratégie forte et intégrée et prêter particulièrement attention à l'approvisionnement énergétique, en mettant en place une véritable «diplomatie des matières premières».

3.1.1.2   L'accès aux matières premières, notamment énergétiques, doit constituer un pilier fondamental de la nouvelle politique industrielle. Il est essentiel que nous renforcions nos rapports économiques et politiques avec les pays tiers, afin de:

supprimer les disparités dans les conditions d'accès, en menant une action contre les restrictions à l'exportation (7);

soutenir la production de métaux en Europe;

fournir davantage d'efforts concernant les matières premières dont l'Europe dispose déjà;

surveiller la liste des 14 matières premières «stratégiques» pour l'avenir de notre production, à savoir: l’antimoine, le béryllium, le cobalt, le spath fluor, le gallium, le germanium, le graphite, l’indium, le magnésium, le niobium, les métaux du groupe du platine (platine, palladium, iridium, rhodium, ruthénium et osmium), les terres rares, le tantale et le tungstène;

constituer des réserves stratégiques des principales matières premières;

inclure le coton parmi les matières stratégiques;

créer un service géologique européen.

3.1.2   L'internationalisation des PME. Un autre enjeu de taille est celui de la dimension internationale de l'industrie européenne: les petites et moyennes entreprises doivent pouvoir faire face, sur les marchés mondiaux, à la concurrence des grandes industries, tout en valorisant leurs propres zones de production.

3.1.2.1   Il est nécessaire de créer et de renforcer les outils d’aide à la prospection et au financement (assurances, garanties de paiements, …), afin de permettre aux PME de se développer au niveau international.

3.1.2.2   Selon une étude récente de la DG Entreprises, 25 % des petites et moyennes entreprises européennes ont mené des activités d'importation ou d'exportation au cours des trois dernières années. En dehors du marché intérieur européen, 13 % seulement ont entretenu des relations avec des pays tiers, et s'agissant des marchés émergents de la zone BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), ce pourcentage oscille entre 7 et 10 %.

3.1.2.3   L'internationalisation, en effet, est bénéfique à l'entreprise et lui permet de passer à la vitesse supérieure:

s'agissant de la propension au recrutement de nouveaux collaborateurs. Les PME actives au niveau international présentent un taux de croissance de l'emploi de 7 %, contre seulement 1 % pour les autres PME;

s'agissant de la propension à l'innovation. L'introduction de produits ou de services innovants a concerné 26 % des PME actives au niveau international, contre 8 % pour les autres.

3.1.2.4   Il importe d'améliorer les performances en matière de commerce international afin de renforcer la croissance et la compétitivité.

3.1.2.5   Il convient en particulier d'intensifier et de développer les initiatives pilotes pour la création de centres européens de soutien dans les pays tiers – ce que l'on appelle les «European Business Centres» (8) – ainsi que les efforts visant à rendre pleinement opérationnelles les équipes d'accès aux marchés (Market Access Teams).

3.1.3   La normalisation. Il convient de mettre en œuvre une politique solide de normalisation et de défense de la propriété intellectuelle (DPI), en assurant aux processus de normalisation une dimension externe.

3.1.3.1   Il y a lieu d'éviter que les normes ne se transforment en barrières commerciales et que l'augmentation du nombre de normes nationales, en matière de services, ne créent des obstacles au commerce.

3.1.3.2   Le CESE est convaincu qu'il faut introduire une obligation légale, pour tous ceux qui développent des normes, de respecter dans ce cadre les principes de l'OMC/OTC.

3.1.3.3   Un autre aspect fondamental est celui de l'interopérabilité: les services et les applications doivent être réellement interopérables pour pouvoir être acceptés par le marché et répondre aux objectifs fixés.

3.1.4   Le dialogue sur la réglementation. Pour que l'industrie européenne soit vraiment compétitive, il y a lieu de garantir, sur la scène internationale, des conditions équitables en matière de règles et de réglementation.

3.1.4.1   Aux barrières commerciales «tarifaires» s'ajoutent souvent des barrières «non tarifaires» de nature réglementaire. C'est pourquoi le CESE estime qu'il convient d'intensifier les efforts sur divers fronts, à la fois pour abaisser les barrières existantes et pour prévenir l'apparition de nouvelles entraves.

3.1.4.2   Dans ces contextes, le principe du «mieux légiférer» est fondamental pour réduire les coûts élevés souvent dus à un excès de réglementation et bénéficier d'un accès plus efficace aux marchés internationaux, au moyen de mécanismes de reconnaissance mutuelle.

3.1.5   La politique commerciale commune est l'un des piliers des relations extérieures de l'Union européenne. Elle régit les relations commerciales des États membres avec les pays tiers et a pour but principal de garantir une concurrence et des règles du jeu équitables.

3.1.5.1   Il est nécessaire d'améliorer l'efficacité des mesures de lutte contre la contrefaçon et le piratage, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du marché unique, en raison de leur impact fortement négatif sur un nombre croissant de secteurs de plus en plus différenciés.

3.1.5.2   Il importe d'améliorer nos performances, conformément aux nouvelles dispositions du traité de Lisbonne en matière de commerce transfrontalier et international, afin de renforcer la croissance, la compétitivité et la viabilité à long terme des entreprises, en veillant à ce que l'UE parle d'une seule voix.

3.1.5.3   Les instruments de défense commerciale et d'accès aux marchés visent en particulier à protéger les entreprises européennes des obstacles aux échanges. L'Union doit pouvoir garantir un développement harmonieux du commerce mondial, à la fois équilibré et durable, qui tienne compte des différents niveaux de développement des pays tiers, en accompagnant les pays les moins développés sur la voie de l'industrialisation et en exigeant le plein respect des règles par les pays émergents.

3.1.5.4   L'UE doit définir des critères économiques précis en vue de négocier et de conclure des accords de libre-échange et de choisir ses partenaires, en particulier en ce qui concerne le potentiel des marchés, en matière de taille et de croissance économique, en veillant à l'application de dispositifs clairs en matière d'évaluation ex ante (concernant la cohérence politique) et ex post (concernant le plein respect de conditions d'égalité et de réciprocité), avec notamment l'appui du dialogue social européen et de la société civile organisée.

3.1.5.5   Il convient d'accompagner les réductions tarifaires opérées dans le cadre de l'OMC par des efforts visant à améliorer les conditions de travail, conformément aux normes de l'OIT.

3.1.6   L'image et les perspectives de l'Union. Nous avons besoin d'une vision d'avenir, axée sur une logique de développement durable et en mesure de promouvoir des sociétés inclusives, des économies ouvertes et des relations pacifiques dans une perspective mondiale et à long terme.

3.1.6.1   L'image de l'Union européenne, en son sein mais surtout à l'extérieur, doit être mieux soignée; il y a lieu de garantir la cohérence, l'unité et une capacité d'action rapide afin de la mettre pleinement en valeur. Il convient de définir et de mettre en œuvre une action organisée selon des niveaux de synergie cohérents entre eux, pour:

garantir une ouverture équilibrée des marchés, tout en veillant à préserver les ressources limitées de la planète et à rendre sûr et durable l'accès de l'Europe aux ressources qui sont pour elle d'une importance stratégique;

renforcer le dialogue économique avec l'ensemble des grands partenaires, dans le cadre d'une approche multilatérale;

consolider le rôle de l'euro sur la scène internationale;

projeter l'UE en «puissance normative internationale», promotrice d'une élévation des normes dans les domaines de l'industrie et de l'environnement, en matière sociale et pour ce qui concerne les conditions du «travail décent», les marchés publics et la propriété intellectuelle;

relancer les trois principales politiques de développement extérieur de l'UE: l'élargissement, la politique de voisinage et l'Union pour la Méditerranée, ainsi qu'un nouveau partenariat avec l'Afrique dans le cadre des accords avec les ACP (9).

3.1.6.2   Le CESE est intimement convaincu qu'en l'absence d'un exercice de prospective participative, au niveau européen, sur les perspectives globales de la politique industrielle européenne, il ne sera pas possible de développer cette vision stratégique commune, indispensable pour une relance forte et cohérente de la dimension extérieure de la politique industrielle européenne.

3.1.6.3   Le CESE a la conviction que l’intérêt des industries européennes est de croître et que le seul moyen pour y parvenir est de ne pas être soumis en permanence à la concurrence des bas coûts.

3.1.7   Les initiatives sectorielles: marchés porteurs et plates-formes

3.1.7.1   L'Europe doit construire son propre avenir sur ses points forts. Diverses solutions sectorielles sont développées en permanence afin d'améliorer la compétitivité globale de l'Europe et de rendre cette dernière plus attrayante comme lieu de vie et de travail.

3.1.7.2   Parmi les secteurs de pointe figurent les domaines suivants:

infrastructures technologiques,

réseaux d'approvisionnement énergétique,

société de la connaissance et société numérique,

santé et mobilité,

technologies horizontales, nécessaires aux industries de l'UE.

3.1.7.3   Il convient selon le CESE d'inscrire dans un cadre consolidé et cohérent les diverses approches sectorielles existantes, telles que:

les plates-formes technologiques européennes,

les initiatives relatives aux marchés porteurs,

les différents comités consultatifs de haut niveau,

les plates-formes d'innovation, telles que LeaderShip, Cars 21, ICT Task-force,

le groupe de haut niveau de l'industrie chimique.

3.1.7.4   Le CESE estime en outre que certains secteurs particulièrement sensibles et prometteurs mériteraient d'être développés davantage, tels que:

l'espace,

la mobilité durable,

les défis sociaux futurs en matière de changement climatique,

les défis compétitifs, comme l'industrie chimique, l'ingénierie et l'agroalimentaire,

les secteurs à haute intensité énergétique.

4.   La dimension extérieure des politiques de l'UE, clé du succès de l'industrie européenne

4.1   Comme l'a souligné la présidence hongroise, «le monde entier vit actuellement une transformation incroyablement rapide et profonde; l'Europe doit pouvoir faire face à une concurrence mondiale bien plus forte qu'elle ne l'a jamais été.»

4.2   Vingt millions d'entreprises européennes, notamment les petites et moyennes entreprises, guidées par des créateurs, des travailleurs, des artisans et des employeurs, doivent pouvoir innover, développer leur compétitivité et créer des emplois, soutenues en cela par une politique industrielle européenne affichant une dimension extérieure intégrée.

4.3   Le CESE accueille favorablement les conclusions du Conseil européen du 17 décembre 2010 concernant la compétitivité internationale et le marché unique.

4.4   Le CESE souligne notamment l'importance d'offrir aux entreprises un cadre réglementaire pertinent, prévisible et moins onéreux, ainsi qu'un meilleur environnement pour les PME, afin de leur permettre d'inscrire leur action dans une perspective à long terme.

Bruxelles, le 4 mai 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Cf. lettre a) de l'annexe I des conclusions du Conseil européen du 16 septembre 2010.

(2)  Ceux-ci représentent environ trois quarts des exportations européennes; source: DG Entreprises.

(3)  Cf. article 3 du traité de Lisbonne.

(4)  COM(2010) 612 final, chapitre 4.

(5)  Cf. initiative phare 10, COM(2010) 2020 final.

(6)  ibidem.

(7)  Telles que celles imposées par la Chine, l'Inde et d'autres pays.

(8)  En Chine, en Thaïlande, en Inde et au Vietnam.

(9)  Avis du CESE sur «La dimension extérieure de la stratégie de Lisbonne renouvelée», JO C 128/2010, p. 41.


23.7.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 218/31


Avis du Comité économique et social européen sur «Les entreprises publiques des pays tiers dans les marchés publics de l’UE» (avis d’initiative)

2011/C 218/06

Rapporteur: M. ROSSITTO

Corapporteur: M. PAETZOLD

Le 16 septembre 2010, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur

«Les entreprises publiques des pays tiers dans les marchés publics de l'UE».

La commission consultative des mutations industrielles, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 4 avril 2011.

Lors de sa 471e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 4 mai 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 152 voix pour, 4 voix contre et 9 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le CESE considère que l'ouverture des systèmes de marchés publics de tous les pays à la concurrence internationale, sur la base de l'Accord sur les marchés publics AMP/OMC, constitue un atout: cet accord garantit réciprocité et symétrie réglementaire et substantielle et permet de contrer les mesures protectionnistes et les pratiques de concurrence déloyale, adoptées en dépit d'accords spécifiques avec des pays émergents, dans le respect du droit primaire et dérivé de l'UE en la matière et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'UE.

1.2   De l'avis du CESE, l'UE doit accroître son pouvoir de négociation afin d'améliorer – sur la base du droit européen primaire et dérivé – l'accès aux marchés publics des pays tiers, étant donné qu'elle a ouvert plus de 80 % de ses marchés publics, alors que les autres grandes économies développées n'ont ouvert les leurs qu'à 20 %.

1.3   Le CESE demande instamment au Parlement européen, au Conseil et à la Commission de garantir que les intérêts de l'UE soient défendus plus efficacement et de manière plus stratégique en matière d'accès aux marchés publics, tant à l'intérieur de l'Union qu'au niveau international, ce qui renforcera la crédibilité de l'UE sur la scène mondiale, mais aussi la longévité et le développement du modèle économique et social européen.

1.4   De l'avis du CESE, les entreprises contractantes doivent être soumises aux mêmes conditions de concurrence du marché afin de garantir une concurrence loyale à armes égales, sur une base de réciprocité avec les entreprises de pays tiers qui respectent les principes fondamentaux des marchés publics internationaux, et tout spécialement sur le plan de l'interdiction des aides d'État (directes ou indirectes), des méthodes de calcul des prix, du principe de précaution en matière de coûts et de risques.

1.5   Le CESE recommande aux législateurs du marché intérieur européen et aux négociateurs de l'UE sur la scène internationale, s'agissant des marchés publics internationaux, de faire preuve de cohérence et de prendre conscience des possibles conséquences mutuelles que peuvent entraîner leurs activités, en promouvant l'égalité de traitement, la non-discrimination, la reconnaissance mutuelle, la proportionnalité, la transparence, la lutte contre la corruption, le respect de normes sociales et environnementales, et le respect des droits fondamentaux.

1.6   Le CESE juge indispensable que soit mis en place un contrôle systématique de la cohérence des résultats des négociations conduites par la Commission au niveau bilatéral et multilatéral avec mandat des États membres, et que les mesures afférentes adoptées soient appliquées de manière totale et effective par les États membres.

1.7   Le CESE estime qu'il serait opportun de transformer l'accord AMP, qui est plurilatéral, en accord multilatéral, auquel adhéreraient de nouveaux pays et qui s'accompagnerait de mesures transitoires en matière de compensation, de préférence de prix, d'intégration de nouvelles entités ou de nouveaux secteurs, et de nouveaux seuil; il estime aussi qu'il faut résolument reprendre l'idée d'exclure provisoirement de l'AMP les marchés publics faisant l'objet de financements européens, pour les entreprises de pays maintenant des mesures de protection nationales.

1.8   Le CESE demande que soit adoptés rapidement «l'initiative relative à l'accès d'entreprises et de produits de pays tiers aux marchés publics de l'UE» (MASP – Market Access Scheme for Procurement), déjà annoncée, ainsi que des mécanismes d'ouverture réciproque des marchés qui soient clairs, transparents et éprouvés, afin de garantir des accès symétriques aux marchés publics, par une adaptation appropriée du «paquet marchés publics» de 2004.

1.9   Le CESE estime qu'il convient de renforcer l'approche fondée sur la prévention et sur un système d'«alerte précoce» concernant les projets et/ou le lancement par des pays tiers de réglementations trop restrictives en matière de marchés publics, afin d'identifier et de dénoncer à l'échelle internationale des obstacles potentielles dès leur apparition, en affinant la banque de données de la Commission européenne sur l'accès aux marchés de sorte à disposer d'informations fiables et rapidement accessibles sur les appels d'offres, les formalités et clauses techniques particulières des cahiers des charges, en particulier pour les PME de l'Union, accompagnées de bases statistiques et d'indicateurs d'impact sur les phénomènes de distorsion.

1.10   Le CESE recommande d'adopter des mesures d'assouplissement et de simplification des procédures, en adaptant celles-ci aux nouveaux défis de l'UE, afin de garantir que les entités adjudicatrices, à l'intérieur de l'UE comme sur le plan international, profitent de toutes les possibilités que les PME sont susceptibles d'offrir sur le plan économique et de l'innovation, y compris par des actions de formation, d'information et d'assistance destinées aux maîtres d'ouvrage et aux soumissionnaires d'appels d'offres internationaux et sur les marchés des pays tiers, notamment à l'attention de leurs cadres et dirigeants.

2.   Introduction

2.1   Dans l'UE, le volume annuel des marchés publics de biens et de services représente environ 17 % du PIB, soit quelque 2 100 milliards d'euros, dont environ 3 % sont au-dessus de la valeur de seuil de l’AMP (Accord sur les marchés publics conclu dans le cadre de l'OMC) (1). Au niveau mondial, l'importance des marchés publics est estimée entre 10 et 20 % du PIB, étant entendu qu'il n'existe pas de données comparables disponibles pour des pays non membres de l'AMP: le volume global des marchés publics se situe bien au-delà de 10 % du PIB mondial.

2.2   Les entreprises européennes, des grandes multinationales aux PME les plus entreprenantes, luttent pour s'imposer sur les marchés mondiaux mais se heurtent à des difficultés croissantes pour accéder aux marchés publics, moins en raison des obstacles liés aux frontières qu'en raison d'obstacles qui «dépassent les frontières». Ceux-ci sont plus complexes et posent davantage de problèmes du point de vue technique, dans la mesure où leur identification, leur analyse et leur suppression sont plus longues et où les normes et pratiques les concernant sont restrictives, ce qui risque d'empêcher les entreprises européennes de participer efficacement aux appels d'offres publics dans les pays tiers.

2.3   Le présent avis d'initiative concerne un aspect spécifique des marchés publics, comme son titre l'indique. Il s'agit d'étudier et de spécifier – par rapport à la participation d'entreprises publiques de pays tiers à des marchés publics dans l'UE – de quelle manière l'UE peut:

assurer le bon fonctionnement de son marché intérieur s'agissant des marchés publics;

garantir que les entreprises de pays tiers soient autorisées à opérer sur le marché européen en respectant les mêmes conditions et critères d'admission que toutes les autres entreprises;

garantir par ailleurs réciprocité et symétrie d'accès aux entreprises européennes sur les marchés publics de pays tiers.

D'autres aspects des marchés publics font ou feront l'objet d'avis du CESE.

2.4   Le lien entre l'ouverture du commerce extérieur et les réformes du marché intérieur est à double sens: si, dans les deux cas, l'objectif consiste à réduire les coûts découlant d'obstacles réglementaires inutiles qui entravent le commerce des biens, des services et des investissements, l'interdépendance croissante entre le marché intérieur et les marchés internationaux exige que les législateurs du marché intérieur de l'UE et les négociateurs de l'UE dans le domaine du commerce international et des marchés publics internationaux soient conscients des conséquences mutuelles que peuvent entraîner leurs activités et qu'ils suivent une politique cohérente, fondée sur la promotion des principes du droit européen primaire et secondaire, tels qu'ils ont été confirmés par la Cour de justice et par la Charte des droits fondamentaux:

le respect des droits de l'homme,

la lutte contre la corruption,

le respect des normes sociales et environnementales,

la transparence,

la proportionnalité,

l'égalité de traitement,

la non-discrimination,

la reconnaissance mutuelle.

2.5   Dans les secteurs des normes et réglementations, des services, des investissements, des marchés publics, des droits de propriété intellectuelle et des systèmes de certification, nombre de pays qui sont nos partenaires commerciaux continuent à appliquer des procédures onéreuses, à faire preuve d'un certain manque de transparence et à mettre en œuvre des mesures de politique industrielle ayant pour objectif la substitution forcée des importations, les transferts forcés de technologies et l'octroi aux producteurs locaux d’un accès préférentiel aux matières premières.

2.6   Alors que les entreprises européennes sont exposées à une concurrence croissante sur le marché intérieur qui a privilégié une ouverture transparente et consenti d'importants efforts pour créer un marché intérieur européen sans barrières, il apparaît maintenant clairement que cette ouverture laisse le marché intérieur complètement sans défense face à des opérateurs des marchés des pays tiers qui ne se sont pas engagés à pratiquer la même ouverture sur leurs propres marchés.

2.7   L'UE a des règles strictes en la matière, dont l'objectif est de garantir une concurrence loyale à armes égales. Cependant, l'expérience montre qu'aucune de ces règles ne s'applique aux entreprises publiques des pays tiers – en particulier lorsqu'elles participent à des procédures de marchés publics – ce qui est contraire aux principes mêmes qui fondent le marché intérieur et est extrêmement dommageable pour l'industrie et l'économie européennes.

2.8   La CCMI juge nécessaire d'examiner de quelle manière l'UE peut garantir le bon fonctionnement du marché intérieur, y compris lorsque des entreprises publiques de pays tiers sont autorisées à opérer sur ce marché, tout en continuant à lutter avec vigilance contre le protectionnisme et à s'opposer à toutes les formes de dumping social et environnemental (2), à l'opacité des coûts, des prix et des subventions octroyées par l'État, ainsi qu'au non-respect des règles en matière budgétaire et de liberté du marché, dans l'intérêt des consommateurs, des entreprises et des contribuables européens.

2.9   Les marchés publics ont expressément été exemptés de l'obligation de base sur le traitement national dans l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce ainsi que des engagements de l'accord général sur le commerce des services. Il convient cependant de prendre en compte (3) que d'ici à 2015, 90 % de la croissance mondiale sera générée à l'extérieur de l'Union européenne, dont un tiers uniquement par la Chine. Dans les années à venir, nous devrons saisir l'opportunité qu'offrent les niveaux de croissance élevés enregistrés dans les pays tiers, notamment en Asie orientale et méridionale.

2.10   Si notre marché est déjà considérablement ouvert, celui de nos principaux partenaires commerciaux l'est en revanche beaucoup moins, surtout au niveau local et régional. Il suffit, pour s'en convaincre, d'examiner quelques exemples sur différents continents:

2.10.1   En CHINE, l'ouverture du marché est encore bien en deçà de ce qu'elle pourrait être. Avec un PIB de 3 573,8 milliards d'euros en 2009, la Chine a exporté cette même année vers l'UE pour 227 milliards d'euros de biens et services, alors que ses importations de produits de l'UE représentaient 99,7 milliards. Les clauses «achetez local» existent depuis 2003, comme prévu par l'article 10 de la Loi gouvernementale sur les marchés publics, et la politique «achetez chinois» a été renforcée en 2007 par deux décrets qui limitent les possibilités pour les biens étrangers d'entrer en ligne de compte dans le cadre de marchés publics, à moins que les produits locaux ne soient «déraisonnablement» plus chers et de moins bonne qualité. En 2009, l'interprétation de cette règle est devenue stricte, verrouillant toute possibilité, en particulier pour les produits de haute technologie et innovants. Par ailleurs, dans le cadre du plan de relance de 2008 et 2009 pour stimuler la demande intérieure, un contrôle rigoureux a été mis en place concernant les marchés publics dans le secteur de la construction. En novembre 2009, la Chine a introduit une «liste de produits d'innovation d'origine nationale accrédités» et en 2010, le Conseil d'État a proposé des modifications en ce qui concerne les entreprises contrôlées par l'État dans le but d'inciter ces dernières à n'opérer que sur le marché domestique. Dans le même temps, il a toutefois octroyé des aides d'État à l'industrie chinoise de haute technologie pour la rendre plus compétitive sur les marchés étrangers (4).

2.10.1.1   Dans le domaine des marchés de travaux, la Chine a abandonné son système de licences pour la gestion de projets, la gestion de construction et d'autres services de construction, qu'elle a remplacé par un nouveau système à destination des «entreprises de construction entièrement étrangères» (WFOCE – wholly foreign-owned construction enterprise) et des entreprises conjointes (joint ventures), dans le cadre duquel les entreprises étrangères sont de facto exclues des projets faisant l'objet d'un avis d'appel à la concurrence national, et ne sont autorisées à répondre qu'aux rares avis d'appel à la concurrence internationaux concernant des projets en Chine: les deux systèmes – WFOCE et joint ventures – doivent répondre au système de qualification chinois, qui prévoit un capital social d'au moins cinq fois la valeur du projet, un personnel-cadre comprenant au moins 300 employés résidant en Chine depuis au moins un an, des références à d'autres travaux exécutés en Chine, et, pour les joint ventures, la prise en compte du partenaire ayant la qualification la plus basse. (5)

2.10.1.2   L'offre actuelle de la Chine dans le cadre des négociations de l'OMC concernant l'Accord sur les marchés publics (AMP) laisse de côté, aussi bien au niveau des activités que des entités adjudicatrices, la très grande majorité des travaux de construction susceptibles d'intéresser les entreprises européennes.

2.10.1.3   En RUSSIE – qui n'est pas signataire de l'AMP –, une réglementation du ministère du développement économique de décembre 2008 impose des conditions restrictives pour l'accès à des marchés publics gouvernementaux et municipaux en accordant une préférence aux produits et services nationaux, qui peuvent être surévalués jusqu'à concurrence de 15 %, tandis qu'ont été adoptées en 2009 des mesures anticrise du type «Achetez russe».

2.10.2   Au BRÉSIL, la loi sur les marchés publics a été modifiée en juillet 2010 pour permettre aux autorités contractantes de réserver une marge de 25 % aux biens et services produits entièrement ou partiellement au Brésil. En 2009, le Brésil a enregistré un PIB de 1 128,5 milliards d'euros (6).

2.10.3   Aux USA, le Congrès a modifié, en les durcissant, les exigences du chapitre «Buy American» de l'American Recovery and Reinvestment Act (ARRA) (7). Toujours en 2009, les États-Unis avaient un PIB de 10 122,6 milliards d'euros; leurs exportations vers l'UE représentaient 286,8 milliards d'euros de biens et services, contre 323,8 milliards pour ses importations de l'UE (8).

2.10.4   Au JAPON, le 7e marché d'exportations de l'UE avec 36 milliards d'euros d'exportations contre 56,7 d'importations en 2009, les entreprises de l'UE ont des difficultés à accéder aux marchés publics, malgré le fait que le Japon soit signataire de l'AMP/OMC: seuls 4 % de l’ensemble des marchés publics japonais ont été ouverts à des entreprises de l'UE à hauteur de 22 milliards d’euros (2007), soit moins de 0,7 % du PIB japonais. En comparaison, les entreprises japonaises ont eu accès à des marchés publics de l’UE d’une valeur de 312 milliards d’euros (soit 2,5 % du PIB de l’UE) (9).

2.10.5   En avril 2010, le VIETNAM a adopté une directive l'utilisation des produits et matériaux nationaux et les marchés publics relatifs à ces produits, qui sont financés par des fonds de l'État. Le PIB du Vietnam a atteint 66,8 milliards d'euros en 2009, avec des exportations de biens vers l'UE pour un montant de 7,8 milliards, contre 3,8 milliards pour les importations de l'UE.

2.10.6   En AUSTRALIE, deux États ont adopté en 2009 des dispositions sur les marchés publics jugés stratégiques (plus de 250 millions de dollars australiens). Dans l'État de Victoria, 40 % des produits doivent être locaux (australiens/néozélandais), alors qu'en Nouvelle-Galles-du-Sud, une préférence de prix de 20 % a été fixée, à laquelle s'ajoutent, selon les cas, des préférences additionnelles de 2,5 à 5 %. En 2009, l'Australie a enregistré un PIB de 712,8 milliards d'euros; ses exportations vers l'UE représentaient 14,4 milliards d'euros de biens et services, contre 34,1 milliards pour ses importations de l'UE.

2.11   En revanche, en TURQUIE, le système des marchés publics a été amélioré par l'adoption de la loi N. 5812 de 2008 qui a aligné les dispositions internes sur les dispositions communautaires: les marchés de fourniture de biens, de travaux et de services sont basés sur des mécanismes ouverts de concurrence, même s'il convient de perfectionner la transposition des directives de l'UE s'agissant des systèmes de recours (10). Les marchés au-dessus du seuil UE s'élevaient en 2008 à 7 303 millions d'euros pour les travaux; 8 459 pour les services et 8 042 pour les biens.

3.   Le cadre législatif actuel

3.1   Actuellement, le cadre législatif qui régit les marchés publics pour les entreprises européennes se compose des éléments suivants:

le cadre communautaire de base, constitué par les directives sur les marchés publics de 2004: la directive 2004/18/CE relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services et la directive 2004/17/CE portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux, la directive 2007/66/CE sur la révision des procédures de marché public, le code de bonnes pratiques pour favoriser l'accès des PME aux marchés publics (11), ainsi que les directives 89/665/CEE et 92/13/CEE,

le traité qui a introduit dans le droit primaire de l'UE la reconnaissance du droit à l'autonomie régionale et locale avec la possibilité, pour les autorités publiques, de recourir à des instruments propres pour remplir leurs missions de service public, par exemple différentes formes de partenariats public-public,

de nombreux arrêts de la Cour de justice de l'UE en matière de marchés publics,

l'instrument central pour l'ouverture des marchés publics internationaux, à savoir l'Accord plurilatéral OMC sur les marchés publics AMP, actuellement en cours de révision, alors que l'accord général de l'OMC sur le commerce des services (AGCS) exclut les marchés publics de ses principales dispositions sur l'accès aux marchés, sans préjudice du mandat de négociations multilatérales sur les marchés publics de services, dans lequel l'UE joue un rôle moteur concernant les engagements en matière d'accès au marché et d'interdiction de discrimination dans le cadre des marchés publics de services, ainsi qu'une série de normes procédurales communes relatives aux achats,

les clauses «marchés publics» des accords de libre échange (ALE), des accords d'association (AA), des accords de partenariat et de coopération (APC), des accords de stabilisation et d'association (ASA), des accords de partenariat économique (APE), des accords intérimaires pour le commerce et les mesures d'accompagnement (AI) et des accords de coopération commerciale et économique,

l'application du droit européen des marchés publics et des concessions aux partenariats public-privé institutionnalisés.

4.   Observations

Le CESE considère que l'ouverture des systèmes de marchés publics de tous les pays à la concurrence internationale sur la base de l'AMP/OMC est un atout, dès lors que cet accord garantit réciprocité et symétrie réglementaire et substantielle, permettant de contrer les mesures protectionnistes et les pratiques de concurrence déloyale mises en œuvre malgré des accords spécifiques avec des pays émergents.

4.1   Le CESE souligne que, suivant des informations délivrées récemment par la Commission, «d'ici à 2015, 90 % de la croissance mondiale sera générée à l’extérieur de l’Europe, dont un tiers par la seule Chine.» (12)

4.2   Le CESE approuve le principe selon lequel, pour développer ses propres avantages compétitifs, l'UE doit «assurer une défense plus efficace et plus stratégique de [ses] intérêts», en renforçant «la crédibilité de l'Europe sur la scène internationale, mais aussi la longévité et le développement du modèle économique et social européen»: «Pour être plus crédible, l'Europe doit accroître son pouvoir de négociation pour améliorer son accès aux marchés des pays tiers», étant donné que «l'Union a ouvert plus de 80 % de ses marchés publics aux pays tiers, alors que les autres grandes économies développées n'ont ouvert les leurs qu'à 20 %» (13).

4.3   De l'avis du CESE, le cadre réglementaire européen en vigueur concernant les marchés publics est – en principe – adéquat et suffisant pour régler le marché européen sous ses aspects économiques, sociaux et environnementaux. Malheureusement, certains États membres ne profitent pas pleinement des possibilités offertes par ce cadre réglementaire pour garantir une concurrence loyale et risquent d'ouvrir leurs marchés, sur une base non réciproque, à des entreprises publiques de pays tiers qui ne respectent pas les principes fondamentaux des marchés publics internationaux. Il est toutefois indispensable que ces règles soient rigoureusement respectées, de même que les principes fondamentaux du traité et de la Charte des droits fondamentaux (CDF).

4.4   Le CESE considère que la coopération public/public ne doit pas créer des marchés parallèles échappant aux règles des marchés publics et excluant les opérateurs privés.

4.5   L’UE a la vocation d'être une économie ouverte qui encourage le libre échange dans la mesure où elle offre un accès non discriminatoire et sûr sur le plan juridique concernant un grand nombre de marchés publics il faut garantir à la fois confidentialité et transparence pour promouvoir l'innovation et des marchés publics durables qui

privilégient l'offre économiquement la plus avantageuse par rapport à l'offre la plus basse,

et prennent en compte le cycle de vie complet de la réalisation.

4.6   Le CESE estime que les mêmes conditions de concurrence doivent s'appliquer sur le marché à toutes les entreprises contractantes. À cet égard, il nourrit des doutes quant aux conditions de participation des «entreprises d'État» des pays tiers, surtout en ce qui concerne les aides d'État, directes ou indirectes qui sont interdites, la méthode de calcul des prix, la prise en compte du principe de précaution des coûts et des risques. En effet, le marché européen garantit l'accès, sans offrir une protection appropriée contre la concurrence déloyale, entraînant de forts risques de dumping social et environnemental et de non respect de l'ensemble des normes éthiques des traités et de la CDF pratiqués par ces «entreprises» d'État.

4.7   D'après le CESE, il faudrait:

4.7.1

Insister lors des négociations internationales et avec les pays tiers sur le fait que les valeurs, les droits et les principes fondamentaux de l'Union, tel qu'établis par le droit primaire de l'Union sur la base des traités et de la CDF doivent être respectés et ne sont pas négociables.

4.7.2

Parler d'une seule voix, forte, cohérente et solidaire dans les négociations internationales, en évitant des actions nationales individuelles susceptibles de porter préjudice à la position de négociation commune et en procédant à un étalonnage des ouvertures réelles des marchés nationaux dans les conditions et les limites prévues par les accords conclus au niveau européen.

4.7.3

Instaurer une coordination accrue entre les services de la Commission qui traitent des différents aspects des négociations commerciales, industrielles, de coopération, en accord avec les dispositions sur les marchés publics au niveau multilatéral de l'accord AMP de 1994, des ALS de dernière génération, des accords de partenariat et de coopération APC ou des accords d'association AA dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen, et suivre une approche davantage axée sur les barrières non tarifaires et les pressions à exercer pour ouvrir les marchés publics aux entreprises de l'UE.

4.7.4

Transformer l'accord plurilatéral AMP en un accord multilatéral, grâce à de nouvelles adhésions et en l'accompagnant de mesures transitoires en matière de compensation, de préférences de prix, d'introduction d'organismes ou de secteurs, de seuils plus élevés.

4.7.5

Exclure temporairement de l'AMP les marchés financés sur des fonds européens, pour les entreprises des États qui maintiennent des mesures de protection nationale; cette idée a déjà été avancée par le CESE dans nombreux avis précédents (14).

4.7.6

Appliquer de manière précise les principes de réciprocité et de proportionnalité à certains secteurs, dans les «Notes générales et dérogations applicables aux dispositions de l'article III de l'appendice I de la CE» de l'AMP.

4.7.7

Imposer aux entreprises des pays tiers les conditions en vigueur pour les entreprises européennes sur leurs marchés: l'UE ne peut plus continuer à baser les négociations sur la réciprocité formelle au lieu de la réciprocité économique réelle; en cas de déséquilibre, une clause de sauvegarde suspensive de l'accord doit être prévue.

4.7.8

Lorsque des partenaires commerciaux importants de l'UE bénéficient de l'ouverture générale du marché européen, sans réciprocité, l'UE doit envisager d'introduire des restrictions ciblées concernant l'accès à certains secteurs de ses marchés publics afin d'inciter ces partenaires à proposer une ouverture réciproque des marchés.

4.7.9

Adopter dans les meilleurs délais l'initiative concernant les conditions d'«Accès des entreprises des pays tiers aux marchés publics de l'Union (MASP)», assortie de mécanismes clairs, transparents et attestés pour une ouverture réciproque des marchés, et garantir une symétrie de l'accès aux marchés publics dans les économies développées et dans les grandes économies émergeantes, dans les secteurs couverts par la directive 2004/17/CE (15) et par le programme de travail 2011 (16)

4.7.10

Mettre en place une coopération technique plus développée entre les représentants des États membres et la Commission sur l'accès aux marchés et organiser des consultations plus fréquentes avec des représentants du secteur de l'industrie.

4.7.11

Établir des contrôles stricts ainsi que des mesures garantissant leur application réelle, en ce qui concerne l'absence d'aides d'État directes ou indirectes, qui sont interdites dans l'UE, surtout pour les appels d'offres qui bénéficient de financements européens, de la BEI, des fonds structurels ou, pour les réseaux européens, avec un respect total des garanties en matière de normes communautaires sociales et environnementales.

4.7.12

Perfectionner la base de données sur l'accès aux marchés de la Commission afin qu'elle dispose d'informations fiables et accessibles sur les appels d'offres, les formalités et spécificités techniques du cahier des charges qui empêchent de fait une participation dans les pays tiers et fournisse des bases statistiques et des indicateurs d'impact des phénomènes de distorsion.

4.7.13

Renforcer l'approche fondée sur la prévention et sur un système d'«alerte précoce» des projets et/ou de l'adoption de réglementations par les pays tiers, qui seraient restrictives pour les appels d'offres; cette approche permettrait de repérer et de dénoncer à l'échelon international les obstacles potentiels dès la phase initiale et de les traiter à la source en ayant systématiquement recours à la procédure de notification dans le cadre de l'Accord sur les obstacles techniques au commerce;

4.7.14

Introduire des mesures à l'échelon de l'UE destinées aux PME en vue de garantir que les entités adjudicatrices au niveau national et international tirent profit du potentiel économique et d'innovation des PME.

4.7.15

Prévoir des actions de formation, d'information et d'assistance à l'intention des participants à des appels d'offres internationaux et sur des marchés tiers, en particulier à l'intention de leurs cadres dirigeants, en reconnaissant à quel point la défense commerciale, l'accès aux marchés et à l'information, constituent des problèmes pointus par rapport à leur dimension.

4.7.16

Prévoir des modifications à l'art. 55 par. 3 de la directive 2004/18/CE et à l'art 57 par. 3 de la directive 2004/17/CE sur les offres anormalement basses, afin de rendre impossible l'acceptation d'offres présentées par une entreprise d'État qui n'apporte pas la preuve que son offre ne bénéficie pas d'une aide d'État, directe ou indirecte, interdite par la réglementation de l'UE; un tel exemple de «test d'aides d'État» figure à l'annexe 4 du US Millennium Challenge Corporation.

4.7.17

Ajouter comme critère d'exclusion obligatoire à l'art. 45 (17) de la directive 2004/18/CE et à l'art. 54 (18) de la directive 2004/17/CE, la violation des droits de propriété intellectuelle, pour ce qui relève de l'utilisation des brevets ou de données techniques acquises de manière frauduleuse.

4.7.18

Garantir que les futurs instruments juridiques européens relatifs à la libre circulation des travailleurs des pays tiers ne favorisent pas des entreprises d'État de ces pays, bénéficiant d'aides d'État interdites.

4.7.19

Assurer la publication rapide et circonstanciée dans une base de données centralisée de l'UE des dispositions et pratiques restrictives en matière de marchés publics qui empêchent les entreprises de l'UE de participer efficacement à des appels d'offres dans les pays tiers, par exemple: actes législatifs de type «achetez local» ou comportant un pourcentage croissant de «contenus locaux» ou de «mesures de stimulation» concernant les technologies et innovations locales ou pour des raisons de «relance économique» nationale, qui privilégient les opérateurs locaux et limitent les possibilités d'accès au marché d'entreprises d'autres pays;

4.7.20

renforcer encore la cohérence et la complémentarité entre les politiques intérieures et la politique extérieure de l'UE, afin de donner suite aux conclusions du Conseil européen de septembre 2010 pour «réexaminer l'articulation entre politique industrielle et politique en matière de concurrence dans le contexte de la mondialisation et d'encourager la mise en place de conditions de concurrence équitables» (19).

Bruxelles, le 4 mai 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Source: estimations fournies par la Commission européenne dans le document COM(612) final (2010).

(2)  Cf. COM(2010) 612/1.

(3)  V. COM(2010) 612/4.

(4)  Une des principales préoccupations concernant les marchés publics ainsi que la propriété intellectuelle n'est autre que la politique d'«innovation indigène» visant à aider les firmes chinoises à gravir des échelons sur la chaîne de valeur. Le régime d'innovation indigène annoncé pour la première fois en novembre 2009 entrave lourdement l'accès aux marchés publics chinois dans une vaste gamme de secteurs allant des technologies vertes aux télécommunications. V. SEC(2011) 298 final 10/03/2011.

(5)  Cf. la communication de la Commission et le document de l'OMC no S/C/W/286, paragraphes 15 à 19. De plus, lorsqu'une société étrangère fait l'acquisition d'une entreprise chinoise, cette dernière voit ses qualifications annulées et doit repartir de zéro.

(6)  Des amendements 2010/7 à la loi brésilienne sur les marchés publics ont introduit une clause «Achetez brésilien» sur une base «temporaire».

(7)  La législation inclut deux nouvelles mesures «Achetez américain» selon lesquelles "les fonds alloués par la présente loi ne peuvent être utilisés pour un projet relatif à la construction, la transformation, l'entretien ou la réparation d'un bâtiment public ou d'un ouvrage public à moins que l'ensemble du fer, de l'acier et des produits manufacturés utilisés pour le projet soient produits aux États-Unis;- 'les fonds alloués par la présente loi ne peuvent être utilisés pour l'achat par le Département de la sécurité intérieure d'une liste détaillée d'articles textiles sauf si l'article est cultivé et transformé aux États-Unis.

(8)  Un autre exemple est celui de l'interdiction faite à l’administration américaine de passer des commandes auprès d’entreprises dites «inverties», c’est-à-dire des entreprises qui se sont soustraites à la juridiction fiscale américaine en s’établissant dans un pays à régime fiscal différent suscitant de sérieuses préoccupations quant à sa compatibilité avec l'AMP/OMC. Il en résulte qu'une entreprise de l'UE établie dans l'UE ne peut vendre à l'administration américaine même si elle devait être protégée par la couverture de l'AMP.

(9)  V. SEC 2011/298 10/03/2011

(10)  Évaluation des marchés publics en Turquie 2009 -SIGMA (Soutien à l'amélioration des institutions publiques et des systèmes de gestion"), une action conjointe de l'Union européenne et de l'OCDE.

(11)  Cf. SEC(2008) 2193 des services de la Commission.

(12)  Cf. COM 2010/612, paragraphe 1.

(13)  Déclaration commune de la France, de l'Allemagne, de l'Espagne, du Portugal, de l'Italie et de la Pologne pour une meilleure réciprocité entre l'UE et ses partenaires commerciaux, datée du 9 février 2011.

(14)  Avis du CESE sur «Les marchés publics internationaux», JO C 224 du 30.08.2008, p.32.

(15)  COM(2009) 592 28.10.2009.

(16)  COM(2010) 612 et COM(2010) 623, vol. II, par. 36.

(17)  Art. 45 «Situation personnelle du candidat ou du soumissionnaire».

(18)  Art. 54 «Critères de sélection qualitative».

(19)  Voir Conseil «compétitivité» du 10 décembre 2010 – Conclusions du Conseil sur une politique industrielle intégrée à l'ère de la mondialisation, par. 15.


III Actes préparatoires

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

471e session plénière des 4. et 5. mai 2011

23.7.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 218/38


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Une politique industrielle intégrée à l’ère de la mondialisation. Mettre la compétitivité et la durabilité au centre»

COM(2010) 614 final

2011/C 218/07

Rapporteur: M. VAN IERSEL

Corapporteur: M. GIBELLIERI

Le 28 octobre 2010, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Une politique industrielle intégrée à l'ère de la globalisation. Mettre la compétitivité et la durabilité au centre»

COM(2010) 614 final

La commission consultative des mutations industrielles (CCMI), chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 4 avril 2011

Lors de sa 471e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 4 mai 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 119 voix pour, 1 voix contre et 4 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE salue la communication sur la politique industrielle en tant qu'initiative phare de la stratégie Europe 2020. Il soutient vivement l'approche globale et le renforcement des liens entre les différentes politiques de l'UE, ainsi que la coordination industrielle approfondie entre l'UE et les États membres. L'objectif est de soutenir un secteur industriel européen concurrentiel et durable dans l'économie mondialisée.

1.2

Le CESE appelle le Conseil et la Commission à élaborer une liste de priorités et d'échéances sur la base de la communication et des conclusions du Conseil correspondantes (1).

1.3

Le CESE estime que le renforcement des liens devrait conduire à l'adoption d'approches intégrées dans le cadre d'un marché intérieur pleinement développé au sein d'une économie sociale de marché, au moyen d'une législation intelligente, de la recherche, du développement et de l'innovation, de l'accès au financement, d'une économie efficace sur le plan énergétique et à faible émission de carbone, des politiques en matière d'environnement, de transport, de concurrence et d'emploi, de l'amélioration des qualifications et des compétences, du commerce et des matières connexes, ainsi que de l'accès aux matières premières.

1.4

La rationalisation de la planification et de la coordination internes au sein des institutions européennes et l'attention accordée au renforcement des liens entre l'UE et les États membres placent la question de l'amélioration de la gouvernance au cœur de la future politique industrielle. Les États membres devraient améliorer la coordination entre eux, tout comme les régions et les aires métropolitaines. En bref, il faudrait renforcer les liaisons verticales et horizontales à travers l'Europe afin de suivre le rythme des autres continents.

1.5

Le CESE souligne l'importance des rapports annuels de la Commission sur les politiques industrielles nationales qui devraient être centrés sur des objectifs définis en commun. Ces rapports devraient être examinés ouvertement pour améliorer la coordination, favoriser les meilleures pratiques et contribuer à l'établissement de conditions de concurrence équitables au niveau européen.

1.6

Le CESE demande que des ressources financières privées et publiques suffisantes soient allouées à la compétitivité et à l'innovation afin de compenser les réductions budgétaires. Le CESE se félicite de l'amélioration annoncée des conditions transfrontalières pour le capital à risques, ainsi que des propositions de création d'emprunts obligataires européens publics et privés pour le financement de projets en matière d'énergie, de transports et de technologies de l'information et des communications (TIC) (2). Il y a lieu d'envisager le recours aux emprunts obligataires pour financer d'autres projets, comme ceux de recherche et de démonstration. Les fonds structurels et de cohésion doivent aussi s'orienter vers des objectifs de politique industrielle. Il convient de développer des idées novatrices afin d'attirer des capitaux privés dans le secteur industriel.

1.7

La politique industrielle concerne tous les types de fabrication et de services liés. Les frontières entre les secteurs s'estompent. Les PME sont de plus en plus importantes en termes de valeur ajoutée et de création d'emplois. Ces facteurs requièrent une législation et/ou une réglementation horizontale et sectorielle intelligente, ainsi que des mesures complémentaires. Il conviendrait de tenir compte de la complexité des réseaux internationaux et des processus de fabrication intégrés.

1.8

Au regard de cette complexité et des multiples interconnexions, le CESE souligne la nécessité que les acteurs publics et privés s'engagent (conjointement) dans des groupes de haut niveau, des plates-formes technologiques, le dialogue social et des programmes d'éducation.

1.9

Le CESE met en avant les priorités suivantes:

la nécessité d'une réglementation intelligente, d'une stabilité réglementaire, d'analyses appropriées et d'évaluations ex-post;

l'accès au financement de l'UE: PC7/PC8, PCI (3), BEI et FEI, notamment pour les PME;

l'Union pour l'innovation devrait être étroitement reliée à la politique industrielle, notamment en matière de technologies génériques essentielles et d'industries à haute intensité énergétique;

la coordination, tant au sein des chaînes de la connaissance qu'entre elles (centres de recherche, universités et sociétés), devrait être favorisée;

un brevet européen a valeur de test pour la crédibilité de la politique industrielle;

les travailleurs devraient y être associés et y participer;

l'enseignement et la formation à tous les niveaux sont indispensables, de même que la promotion de l'esprit d'entreprise, en vue de garantir des emplois stables et de qualité assortis de salaires appropriés et durables; il convient de communiquer les meilleures pratiques à cet égard;

l'évolution mondiale appelle une politique commerciale active et une surveillance efficace des marchés; cela exige clairement que l'Europe parle d'une seule voix afin d'obtenir des conditions de concurrence équitables à l'échelle mondiale;

l'instauration d'une économie efficace dans l'utilisation des ressources et à faible émission de carbone en Europe suppose que l'UE demande à ses partenaires commerciaux de respecter les mêmes normes;

l'accès aux matières premières et à des sources d'énergie diversifiées devrait être sauvegardé.

2.   Introduction

2.1

La politique industrielle «d'un nouveau type» date d'avril 2004 (4). Après un long processus de libéralisation et de privatisation, une grande diversité de concepts nationaux de politique industrielle subsiste encore.

2.2

Au niveau de l'UE, l'on a accordé de l'importance aux conditions-cadres visant à renforcer les différents secteurs industriels. Des analyses sectorielles ont été menées.

2.3

Le CESE a activement pris part à ce processus, exprimant une série d'observations sur l'intérêt qu'il offrait aux secteurs et sur leurs caractéristiques propres au niveau de l'Union européenne (5).

2.4

Or le contexte ne cesse d'évoluer. En raison de la crise financière et économique, les opinions divergentes sur la gouvernance au niveau de l'UE et les performances industrielles différentes au sein des États membres ont un impact sur la capacité de l'Europe à répondre aux changements.

2.5

Entre-temps, de nouvelles questions et de nouveaux défis sociaux ont vu le jour, tels que le vieillissement de la population, la protection du climat et le développement durable, l'accès à l'énergie, l'intensification de la mondialisation, la société numérique et basée sur la connaissance et les changements sur les marchés du travail.

2.6

L'innovation est à l'ordre du jour, en raison tant des progrès constants de la recherche et des technologies que de la concurrence renforcée sur les marchés nationaux et étrangers.

2.7

Au cours de la dernière décennie, l'enseignement scolaire et la formation professionnelle à tous les niveaux ont été de plus en plus fréquemment élevés au rang de priorités.

2.8

Malgré des progrès indéniables, la fragmentation du marché intérieur et un manque d'attention ont persisté, en partie à cause des différentes approches des entreprises. Le lien entre l'achèvement du marché intérieur et les politiques industrielles est trop souvent négligé. Le CESE a demandé à plusieurs reprises que soient mises en places les conditions adéquates en tenant compte de la nécessité d'établir des règles adaptées aux secteurs et des questions thématiques qui prennent en considération des réseaux de valeur mondiaux très ramifiés.

3.   Nouveaux éléments de la communication

3.1

La politique industrielle vise à maintenir une industrie manufacturière forte en Europe et à sensibiliser la société et les acteurs concernés à la nécessité que l'Union européenne évalue et mette en place des conditions adaptées permettant à l'industrie (de transformation et de services) de se développer avec succès sur les marchés nationaux et étrangers.

3.2

La politique industrielle devrait relever les défis liés aux incertitudes et aux déséquilibres de plus en plus nombreux, à la concurrence féroce et aux agendas d'autres acteurs mondiaux pour définir le cadre d'une base industrielle forte en Europe, source d'investissements et de création d'emplois.

3.3

La politique industrielle est l'une des initiatives phare de la stratégie Europe 2020 parmi d'autres qui couvrent des domaines importants tels que l'innovation, les compétences, le commerce et le marché unique. L'approche globale souligne la nécessité de coordination efficace et de cohérence de toutes les politiques de l'UE. La coordination et la cohérence, y compris la transparence et la visibilité complémentaires des politiques de l'Union, doivent soutenir le progrès technologique et l'innovation (particulièrement les technologies clés génériques), la restructuration, la création d'emplois (6) de qualité et la présence européenne sur les marchés internationaux.

3.4

La proposition de la Commission contient un nouvel instrument, à savoir un «examen de l'incidence sur la compétitivité» au moyen d'une procédure d'évaluation, qui doit aller au-delà de la simple compétitivité des prix ou des coûts et inclure les facteurs d'investissement et d'innovation.

3.5

La dimension externe de la politique industrielle, souvent négligée, est devenue une priorité. Il en va de même pour l'attention grandissante accordée à l'accès aux matières premières en tant que condition de base pour toute politique industrielle.

3.6

De nouveau, l'accent est mis sur une approche horizontale intégrée accompagnée d'applications sectorielles et d'approches adaptées, la nécessité de veiller à l'interconnexion des secteurs et à l'interdépendance des chaînes de valeur et d'approvisionnement (déterminantes pour les PME), des réseaux et des groupements, l'impact des services aux entreprises et l'accès aux moyens financiers.

3.7

Parallèlement aux évolutions et aux restructurations constantes de larges pans de l'industrie européenne, la communication répertorie de nouveaux secteurs qui drainent de plus en plus d'investissements et d'emplois, tels que l'espace (7), les nouveaux services de sécurité et les industries culturelles et créatives.

3.8

Le CESE considère très importante et ambitieuse la proposition de la Commission fondée sur l'article 173 du traité de Lisbonne, qui vise à publier des rapports annuels sur la situation et l'état d'avancement des politiques industrielles nationales censées renforcer les analyses communes ainsi que les approches et les politiques arrêtées d'un commun accord.

3.9

Le CESE relève avec satisfaction que le Conseil «Compétitivité» adhère entièrement au cadre des lignes stratégiques d'action de l'Union européenne, ce qui facilitera une vision commune des priorités. Qui plus est, le Conseil souligne aussi la nécessité de coordonner les politiques industrielles des États membres.

4.   Observations générales

4.1

En raison des circonstances exceptionnelles, le CESE considère que la communication sur la politique industrielle et les conclusions du Conseil viennent à point nommé.

4.2

La politique industrielle, en tant qu'initiative phare de la stratégie Europe 2020, est la preuve que la Commission est résolue à préparer une stratégie coordonnée, tant au niveau de l'Union européenne qu'à celui des États membres. L'engagement des États membres est essentiel et urgent.

4.3

Le CESE souligne l'importance d'une industrie manufacturière compétitive et durable en Europe. Cet objectif exige une base industrielle forte assortie de services vitaux pour l'industrie. Certaines sources fiables mettent en valeur la transition progressive, en matière d'emploi, du secteur manufacturier vers les services liés à l'industrie: non seulement les entrées intermédiaires, mais aussi les services fournis par les fabricants eux-mêmes (8).

4.4

Des politiques fortes sont essentielles pour définir l'avenir: l'énergie intelligente, les nanotechnologies et les sciences de la vie, les nouveaux matériaux, les services aux entreprises et les médias sociaux ainsi que la nécessité d'étendre les TIC. L'Europe n'a ni Apple, ni Google! La Chine est en train de combler rapidement son retard et dépasse déjà l'Europe dans certains domaines.

4.5

L'UE a absolument besoin d'une vision et d'un programme pour améliorer ses investissements productifs et sa productivité. Des principes communs d'action bien définis au sein de l'UE et des États membres devraient inciter les entreprises et les autorités publiques à établir des programmes d'investissement ambitieux.

4.6

La politique industrielle requiert un niveau approprié de ressources financières privées et publiques. Les réductions budgétaires actuelles devraient être contrebalancées par d'autres moyens financiers, définis de commun accord (9).

4.7

Le CESE perçoit trois thèmes majeurs à approfondir dans les prochaines années:

l'interconnexion et l'interaction d'un large éventail de politiques horizontales et sectorielles de l'Union,

les réseaux internationaux complexes et les processus de fabrication intégrés (10);

l'évaluation et la coordination accrue des politiques nationales au niveau de l'UE et entre États membres.

4.8

La rationalisation de la planification et de la coordination internes au sein des institutions européennes et la promotion de liens plus étroits entre l'UE et les États membres placent l'amélioration de la gouvernance au cœur de la future politique industrielle.

4.9

Les États membres développent leurs propres approches et objectifs industriels. Afin de garantir le succès de la politique industrielle «d'un nouveau type», le Conseil devrait partir des conclusions du Conseil «Compétitivité» pour engager une collaboration plus intensive.

4.10

Le CESE approuve pleinement la nécessité d'élaborer une approche globale et intégrée. Le renforcement des liens entre les différentes politiques de l'UE est un concept important pour une économie sociale de marché durable en Europe. Il devrait conduire à une approche intégrée de l'avenir industriel de l'Europe dans le cadre d'un marché intérieur opérationnel au moyen d'une législation intelligente, d'une politique de recherche, du développement et de l'innovation, de l'accès aux financements, d'une politique énergétique pauvre en carbone, de la politique environnementale, de la politique des transports, de la politique de la concurrence, de l'amélioration des qualifications et des compétences, de la politique commerciale et des matières connexes et de l'accès aux matières premières. Les approches sectorielles permettront d'élargir les potentialités. Ces sujets font l'objet de communications distinctes (11).

4.11

Le CESE accueille favorablement l'«examen de l'incidence sur la compétitivité», qui devrait débuter sur une base sélective.

4.12

Il apparaît primordial de maintenir, voire d'accroître les ressources financières de l'UE dans la recherche et le développement. Les grands projets européens, comme ceux en matière d'énergie, ainsi que la réalisation d'une infrastructure paneuropéenne, cofinancés par un ou plusieurs États membres, devraient avoir des effets de levier.

4.13

En général, les groupements industriels apparaissent dans des bassins industriels traditionnels qui se développent continuellement sur la base de nouveaux investissements, des technologies et de l'innovation, des chaînes de valeur, des qualifications et des compétences ainsi que des réseaux régionaux et internationaux (12). Les régions avancées sont les fers de lance de l'Europe.

4.14

Le CESE est d'avis que des politiques et des actions combinées au niveau de l'Union européenne, associées à une information plus transparente, mise à jour et continue sur les évolutions nationales, contribueront largement à la réalisation de conditions de concurrence équitables et d'un marché intérieur solide, qui constituent le cœur de l'intégration européenne.

4.15

Les données et les analyses ont une fonction-clé. Le CESE salue le travail d'analyse détaillé réalisé par la Commission. Des analyses en profondeur et des données précises et comparables au niveau de l'Union européenne sont indispensables pour chaque politique. Un suivi et une évaluation plus précis et prévisionnels nécessitent des données fiables sur les tendances dynamiques actuelles (13). Malgré de nombreux progrès, beaucoup reste à faire.

4.16

À côté des statistiques nationales, Eurostat a un rôle capital à jouer. Eurostat devrait être suffisamment équipé pour récolter les données nécessaires et analyser en temps voulu les tendances et les dynamiques européennes et mondiales. Eurostat devrait recevoir davantage de moyens pour accéder aux données. Les informations devraient être disponibles le plus rapidement et de la manière la plus complète possible.

5.   Gouvernance au niveau de l'UE; approches horizontales et spécifiques: secteurs et réseaux de valeur

5.1

Le regroupement des activités de la Commission en un seul concept met en avant la nécessité de procéder à un décloisonnement afin d'en améliorer la visibilité et l'efficacité.

5.2

Dans une certaine mesure, la politique industrielle reste nationale. La liste des domaines, mentionnés dans la communication, où l'UE (la Commission, le Conseil et le PE) est chargée d'agir ou pourrait intervenir est, elle aussi, impressionnante. Dans ce contexte, le cadre cohérent de la stratégie Europe 2020 offre des possibilités intéressantes.

5.3

Le CESE approuve les intentions politiques de la Commission. Toutefois, le rôle de la Commission n'est pas toujours défini avec précision, ce qui tient en partie à l'absence de compétences formelles dans plusieurs domaines. Dans des secteurs comme l'énergie, des objectifs et des procédures nationaux continuent à prévaloir et les compétences de la Commission et des États membres ne sont pas appliquées de façon cohérente.

5.4

De même, il conviendrait de renforcer l'autorité et l'efficacité du Conseil «Compétitivité», qui est compétent avec la Commission pour fixer les objectifs et établir la réglementation dans un grand nombre de matières.

5.5

Le CESE appelle le Conseil et la Commission à établir une liste opérationnelle des priorités et un calendrier correspondant. Ces priorités doivent également couvrir les infrastructures économiques: les réseaux de transport avancés, les sources d'énergie diversifiées et l'accès à celles-ci, la stratégie numérique et les TIC.

5.6

La dimension externe du marché intérieur et l'objectif d'atteindre des conditions de concurrence équitables à l'échelle mondiale nécessitent de plus en plus une politique commerciale active et un corps diplomatique européen efficace.

5.7

L'industrie connaît une nouvelle fois des mutations fondamentales alimentées par la recherche et le développement, l'innovation, les changements dans les réglementations, les marchés industriels et des services à l'échelle internationale. Ces évolutions concernent tous les secteurs. Les priorités définies dans les programmes de travail successifs de l'UE devraient tenir compte de ces tendances afin de garantir l'établissement de conditions-cadres appropriées et d'inclure un agenda concret qui fourniraient des orientations aux investissements industriels et leur apporteraient de la sécurité. Un cadre réglementaire stable à long terme est nécessaire.

5.8

Le lien entre la politique industrielle et le marché unique est primordial. Le CESE insiste pour que, parallèlement aux politiques industrielles plus spécifiques, le processus de prise de décisions concernant l'Acte pour le marché unique confirme à nouveau clairement le rôle de la Commission et de l'UE, ainsi que la nécessité d'établir des conditions de concurrence équitables au niveau européen.

5.9

Le CESE rappelle la nécessité de maintenir l'objectif de 3 % du PIB consacrés à la recherche et au développement. La réduction des ressources financières ne devrait pas nuire aux forces décisives d'innovation.

5.10

Veillant à l'efficacité et à la valeur ajoutée des politiques et des instruments financiers, le CESE a salué, dans divers avis, les groupes de haut niveau sectoriels, les plates-formes technologiques, la stimulation des pôles d'innovation et la coopération transfrontalière entre les panels et les centres de recherche, qui bénéficient tous de financements de l'UE. Il conviendrait de développer des projets de démonstration et des projets exemplaires.

5.11

L'initiative relative aux marchés porteurs dans six secteurs importants visant à abaisser les barrières pour les produits et les services (14) s'est avérée être une réussite. De la même manière, l'UE devrait s'engager dans de nouveaux projets industriels, par exemple en matière de véhicules propres et économes en énergie, de captage et de stockage du carbone, de réseaux paneuropéens, de projets spatiaux et de technologies génériques essentielles.

5.12

Le CESE considère que l'adoption du brevet européen a valeur de test pour la crédibilité de la politique industrielle de l'UE. S'il est impossible de parvenir à un brevet européen pour l'UE dans son ensemble, à ce stade, un nombre limité de pays devrait toutefois commencer à utiliser ce brevet.

5.13

De manière plus générale, dans le contexte du monde actuel, la protection des droits de propriété intellectuelle constitue une priorité essentielle.

5.14

Il est essentiel d'adopter des approches sectorielles spécifiques pour atteindre une réglementation meilleure et plus adaptée, ainsi que pour développer les instruments et les mesures nécessaires.

5.15

Néanmoins, en raison de la mondialisation, de la fragmentation des chaînes d'approvisionnement transfrontalières et de l'étroite interdépendance entre les différents acteurs, la vision sectorielle «traditionnelle» de l'industrie, d'un point de vue politique, est moins pertinente. Il ne faut pas pour autant nier l'existence de problèmes très spécifiques dans certains secteurs, mais ces difficultés doivent être abordées au cas par cas dans une perspective européenne.

5.16

Une approche sectorielle flexible permet des échanges de vues fructueux et constitue une bonne base pour l'engagement des acteurs publics et privés concernés. Outre la Commission et les représentants des gouvernements, ces acteurs incluent les sociétés, les instituts de recherche, l'enseignement (supérieur), les partenaires sociaux, les ONG et les représentants régionaux.

6.   Questions spécifiques essentielles

6.1

La politique industrielle est un concept général qui comprend un certain nombre de domaines liés et interconnectés.

6.2

L'accès au crédit et au financement constitue une pierre d'achoppement majeure à laquelle il convient de s'attaquer de toute urgence. Le CESE se félicite de l'amélioration annoncée des conditions transfrontalières pour le capital à risques, ainsi que des propositions d'emprunts obligataires européens publics et privés pour financer des investissements dans l'énergie, les transports et les technologies de l'information et des communications (TIC) (15). Il conviendrait d'envisager la possibilité de recourir aux emprunts obligataires pour le financement de projets dans d'autres domaines comme la recherche. Il faudra prendre en considération d'autres mesures, dont des régimes de déductibilité fiscale.

6.3

Les PME ont été les principales victimes de la crise financière. Il convient de développer des idées innovantes pour mobiliser les capitaux privés, comme le «financement collectif solidaire». Le CESE propose à la Commission d'organiser des tables rondes composées d'acteurs externes qui examinent les voies et moyens pour mobiliser les capitaux privés à des fins industrielles. Il convient de tenir compte des pratiques en vigueur à travers le monde et de diffuser les idées et les pratiques productives.

6.4

Le CESE préconise d'encourager les efforts fournis par la Banque européenne d'investissement (BEI) et le Fonds européen d'investissement (FEI) pour élaborer des instruments ciblés en vue d'aider les PME européennes à se développer.

6.5

La BEI joue un rôle d'une extrême importance, servant d'exemple à d'autres investisseurs privés et de catalyseur pour attirer des financements supplémentaires. Ceci inclut également la promotion des investissements à long terme, nécessaires au développement de processus innovants. Il y a lieu d'intégrer les critères sociaux et environnementaux aux prêts de la BEI et de procéder à des évaluations ex post de l'impact des dépenses de la BEI pour l'industrie européenne dans son ensemble et pour la réalisation des objectifs de l'UE.

6.6

Concernant les septième et huitième programmes-cadres, le CESE salue l'attention croissante accordée par la Commission aux projets industriels innovants et à la coopération transfrontalière.

6.7

Actuellement, les financements de l'UE en matière de recherche et de développement se concentrent sur la diffusion et l'approfondissement des connaissances. Il y a lieu de soutenir les projets conformes aux plateformes technologiques de l'Union, ainsi que l'Institut européen d'innovation et de technologie (IET) (16). Le CESE plaide pour une simplification accrue de la mise en œuvre. Il convient d'allouer les financements européens de manière ciblée pour créer un effet multiplicateur des investissements publics ou privés.

6.8

Cela signifie que le huitième programme-cadre, au même titre que la recherche fondamentale, doivent suivre les objectifs de la politique industrielle. Pour les projets industriels d'envergure, une coordination efficace entre le financement de l'UE, centralisé, et le financement national s'avère de toute façon nécessaire.

6.9

C'est aussi le cas du PIC, le programme pour la compétitivité et l'innovation pour les PME en matière d'énergie, de technologies de l'information et de la communication et d'esprit d'entreprise.

6.10

Il y a lieu de revoir entièrement le développement des régions mono-industrielles afin d'encourager plus efficacement la diversification industrielle. Le développement durable sera soutenu par le financement européen de projets à faible taux d'émission de carbone et liés à d'environnement.

6.11

Il existe un lien évident entre l'innovation et la politique industrielle. L'innovation constitue un domaine très large qui couvre aussi des questions non techniques. À juste titre, ces deux initiatives phares partagent largement les mêmes préoccupations et poursuivent des objectifs communs, comme les partenariats dans le domaine de l'innovation. L'efficacité et la visibilité seront ainsi renforcées.

6.12

Il convient d'éviter une éventuelle désindustrialisation en renforçant le lien entre l'innovation et l'industrie (17), notamment en accordant plus de place aux «technologies clés génériques». Il y a lieu d'améliorer les conditions des secteurs industriels à vocation scientifique.

6.13

La politique de recherche et d'innovation, au niveau national et européen, est étroitement liée à la politique industrielle, notamment sous la pression des réductions budgétaires et des efforts consentis dans d'autres continents. La diminution et/ou la délocalisation des dépenses pour la recherche au sein des sociétés est également inquiétant.

6.14

La conversion de la recherche et de la science en produits grâce à des technologies appliquées demeure un point faible en Europe. Même si la recherche fondamentale reste cruciale, le CESE met l'accent sur la nécessité d'opérer une transition efficace, durable et plus rapide du stade «expérimental» à l'économie réelle.

6.15

Les objectifs du processus de transition vers une économie à faible émission de carbone et à énergie réduite peuvent créer des opportunités d'innovation.

6.16

Il importe d'élever au rang de priorité l'amélioration de la coordination, tant au sein des chaînes du savoir qu'entre elles. Des discussions devraient avoir lieu entre tous les acteurs concernés des secteurs public et privé afin de combler les lacunes et de promouvoir la valeur ajoutée et l'efficacité.

6.17

Les universités ne jouent pas encore pleinement leur rôle en tant que partie intégrante du triangle de la connaissance. Il y a lieu de mettre l'accent sur les réseaux ouverts et transfrontaliers entre les universités et le secteur industriel, que l'UE devrait promouvoir.

6.18

Le chapitre social de la stratégie Europe 2020 couvre différents aspects. La création d'emplois grâce aux investissements privés, à la chaîne d'approvisionnement et de valeur et aux PME est capitale. Cet objectif permettrait aussi de faire accepter plus facilement la stratégie par les citoyens.

6.19

Les travailleurs devraient y être associés et y participer. Le CESE souligne la nécessité d'instaurer un dialogue social efficace et de promouvoir des objectifs et des engagements communs dans cette ère de changements dynamiques. Le dialogue social est aussi primordial pour trouver des solutions socialement acceptables et susciter la confiance dans les transformations économiques; en outre, il devrait accroître la sensibilisation et l'acceptation des citoyens.

6.20

Les États membres ont chacun leurs propres traditions dans ce domaine. Le CESE estime que la participation et l'association des travailleurs devraient avoir lieu à l'échelle des entreprises, régionale, nationale et de l'UE pour mieux anticiper et gérer le changement. Au niveau de l'UE, les dialogues sociaux sectoriels constituent un outil très précieux que la Commission devrait continuer à soutenir ou promouvoir lorsqu'ils n'existent pas.

6.21

La formation scolaire et professionnelle à tous les niveaux arrive en tête de liste des priorités. Les analyses du marché du travail à l'échelle sectorielle, devraient servir de base à des lignes directrices pour établir des programmes d'enseignement qui tiennent compte des besoins de compétences professionnelles à moyen et long termes. Il conviendrait d'éliminer les disparités entre les hommes et les femmes. Dans certains domaines, comme l'ingénierie et les professions techniques, le décalage qui existe entre l'offre et la demande sur le marché du travail est inquiétant. Il convient de promouvoir l'esprit d'entreprise.

6.22

Il est nécessaire d'établir des lignes directrices et de diffuser les meilleures pratiques pour élaborer des programmes d'enseignement (supérieur) (18). Le CESE invite la Commission à multiplier ses efforts dans ce domaine.

6.23

L'évolution mondiale plaide en faveur d'une politique commerciale européenne active. La division du travail entre les pays «à valeur élevée» et ceux «à faible valeur» est floue. L'Asie, notamment, est terre de changements économiques et sociaux majeurs et accélérés. Des conditions équitables à l'échelle mondiale sont donc ce qu'il y a de plus important en matière de normes environnementales et sociales, de réciprocité sur le plan de l'accès au marché, de propriété intellectuelle, etc. (19)

6.24

Le CESE insiste sur le fait que le système décisionnel européen et l'évaluation de la législation future doivent tenir compte de la perspective de conditions équitables à l'échelle mondiale. Il conviendrait en parallèle d'améliorer le suivi et le contrôle du marché au niveau de l'UE. Il y a lieu de renforcer les compétences des contrôles douaniers.

6.25

L'importance de la normalisation, en tant qu'instrument essentiel du marché unique, ne saurait être sous-estimée. En général, les sociétés nord-américaines et chinoises, s'alignent spontanément sur ces normes, car ce sont des précurseurs dans le monde.

6.26

Le CESE met en avant le lien qui unit la politique industrielle et la politique commerciale ainsi que les questions qui y sont liées. Il faut lutter contre les barrières artificielles au commerce et aux investissements dans d'autres parties du monde. Les négociations sur ce sujet peuvent sortir du cadre de l'OMC et doivent être menées dans des cadres bilatéraux ou multilatéraux. La dimension extérieure de la politique industrielle implique que l'UE s'exprime d'une seule voix dans tous les forums économiques internationaux (20).

6.27

L'UE doit lutter sans relâche contre les restrictions d'accès aux matières premières imposées par les partenaires commerciaux. Le CESE salue les recommandations d'agir sur le prix des matières premières et de consolider le marché dans le secteur minier. Il conviendrait d'aborder le problème de la spéculation sur les marchés de matières premières.

6.28

Sans préjudice des objectifs et des normes dont l'UE a convenu en matière énergétique et climatique, les instruments politiques doivent être soigneusement évalués et conçus en fonction de leur impact sur la compétitivité des industries (21). L'instauration d'une économie efficace dans l'utilisation des ressources et à faible émission de carbone en Europe suppose que l'UE demande à ses partenaires commerciaux d'atteindre les mêmes normes (22). La meilleure solution réside dans les accords multilatéraux. Il convient d'éviter les sanctions commerciales.

6.29

Quant aux normes sociales, le CESE renvoie à la déclaration de 1998 de l'OIT sur les normes fondamentales du travail, concernant la discrimination, le travail des enfants et le travail forcé, ainsi que la liberté syndicale et le droit de négociation collective (23). Les conventions de l'OIT sont plus concrètes, mais elles n'ont pas été ratifiées et ne sont pas appliquées par toute une série de pays.

6.30

La responsabilité sociale des entreprises (RSE) doit être pratiquée à l'échelle internationale sur la base des déclarations de l'OIT, des principes directeurs de l'OCDE et d'autres instruments internationaux largement reconnus (24). Les sociétés commencent à utiliser la RSE comme un label destiné à soigner leur image.

7.   Lien entre les politiques industrielles nationales et l'UE

7.1

Malgré certaines différences entre les États fédéraux, l'économie nord-américaine fonctionne avec un marché et un gouvernement central. C'est aussi le cas de la Chine et d'autres pays.

7.2

En Europe, au contraire, les États membres mènent chacun leur propre politique industrielle (25). Cette grande diversité s'explique par les différences nationales dans les structures décisionnelles et les traditions en la matière, les relations spécifiques entre les secteurs public et privé et la variété de structures économiques et d'avantages comparatifs. En outre, la crise actuelle peut entraîner la tentation de recourir au protectionnisme caché.

7.3

En raison de toutes ces disparités, les résultats en matière de croissance économique et d'emploi varient fortement d'un État membre à l'autre. Le Conseil souligne l'intérêt d'établir des rapports annuels sur le développement de la politique industrielle nationale. Étant donné les compétences limitées de la Commission dans ce domaine, cette tâche est loin d'être aisée.

7.4

Un des objectifs majeurs de la stratégie Europe 2020 consiste à rapprocher l'UE de ses États membres. Les rapports de la Commission peuvent constituer un aspect supplémentaire de la gouvernance de l'UE. La transparence, les exemples de réussite et les meilleures pratiques peuvent aboutir à une convergence positive des positions des différents gouvernements. Ces éléments devraient donner lieu à des discussions au Conseil sur les différents concepts et leurs résultats pratiques.

7.5

Bien sûr, chaque État membre est libre de définir ses propres points forts et de créer des connaissances et d'autres infrastructures si ses actions respectent les règles de l'UE. Les plates-formes consacrées aux échanges d'expérience peuvent aider à renforcer la coopération entre des groupes d'États membres.

7.6

La surveillance et l'évaluation des performances nationales peuvent ouvrir de nouvelles perspectives entre les gouvernements, entre ces derniers et la Commission et, bien sûr, pour les sociétés, notamment le nombre incalculable de PME en voie d'internationalisation.

7.7

Différents pays possèdent leurs propres plates-formes d'innovation répondant à des objectifs nationaux qui sont rarement en faveur des buts européens communs. Le CESE préconise que l'on examine comment les approches transfrontalières pourraient renforcer l'efficacité. Il conviendrait de diffuser les meilleures pratiques et d'en discuter.

7.8

Les rapports annuels devraient servir à analyser la cohérence entre la politique industrielle de l'UE et les politiques nationales. Depuis peu, certains États membres, comme l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni, l'Espagne et les Pays-Bas, publient des documents d'orientation sur leurs politiques nationales (26). Mais le lien avec les actions et les objectifs européens reste ténu. Le CESE recommande que la Commission procède à une analyse de ces rapports nationaux dans une perspective européenne et l'intègre dans son prochain rapport annuel.

7.9

Les échanges de vues concernant les politiques industrielles souhaitables au sein des États membres s'intensifient également. Il convient de diffuser à travers l'Union tant ce genre de pratiques que les résultats opérationnels, afin de remplacer les visions étriquées des États par des perspectives plus larges.

7.10

Les régions et les zones métropolitaines doivent elles aussi adhérer à cette démarche. Il conviendrait qu'elles soient habilitées à développer des pôles d'activités et à intensifier la coopération entre l'enseignement, les centres de connaissance et l'industrie (en développant des réseaux sectoriels régionaux, par exemple).

7.11

L'évaluation de la Commission devrait englober les performances et les pratiques dans des domaines spécifiques comme les marchés publics, qui représentent 17 % du PIB et où, selon des analyses et contrairement aux directives de l'UE, les objectifs industriels nationaux continuent de prévaloir.

7.12

Un exemple particulier à cet égard réside dans les équipements militaires, trop souvent négligés. Les réductions budgétaires ont souvent un impact négatif sur les dépenses militaires. Des examens indépendants doivent ouvrir la voie à un meilleur rendement des investissements.

7.13

Dans ce domaine, le CESE souligne la nécessité de lever les barrières dans l'UE et, également, de développer des chaînes d'approvisionnement transfrontalières compétitives. Il serait souhaitable de promouvoir les effets d'entraînement et d'émulation entre la production militaire et la production civile. Parallèlement, il y a lieu d'envisager une harmonisation européenne des permis d'exportation.

7.14

Le secteur des «services publics» constitue un autre domaine intéressant. Sur la base d'un inventaire réalisé par la Commission, il convient d'envisager une plus grande ouverture à la coopération transfrontalière et/ou aux meilleures pratiques.

7.15

Les analyses de l'UE peuvent fournir des données intéressantes concernant la qualité d'un large éventail de situations dans les États membres. Il y a lieu d'encourager la simplification des pratiques administratives (sans préjudice de la sécurité des produits et de la protection des consommateurs), et la réduction des charges financières (27). Dans certaines régions et certains pays, ces processus sont en cours.

Bruxelles, le 4 mai 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Conclusions du Conseil adoptées par le Conseil «Compétitivité» du 10 décembre 2010 (réf. 17838/10). Le Conseil européen a pris un bon départ le 4 février 2011 en matière d'énergie et de promotion de l'innovation.

(2)  Voir la section 9 de l'examen annuel de la croissance, COM(2011) 11 final.

(3)  Programme-cadre et programme de compétitivité et d'innovation.

(4)  COM(2004) 274 final.

(5)  Les avis du CESE concernés sont disponibles sur le site http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.en.enterprises-and-industry.

(6)  Voir l'avis du CESE sur le thème «Des lieux de travail innovants: sources de productivité et d'emplois de qualité», adopté le 18.3.2011 (non encore paru au Journal officiel), en particulier le paragraphe 2.6.

(7)  Le CESE souligne l'importance particulière de l'industrie spatiale pour le développement des régions périphériques et rurales.

(8)  Voir, notamment, Les secteurs créateurs d'emploi à court-moyen terme après la crise (novembre 2010 - Centre d'analyse stratégique, organisme rattaché au Premier ministre français).

(9)  L'Allemagne, par exemple, a récemment augmenté de 20 % son budget pour l'innovation.

(10)  Voir l'avis du CESE sur «L'évolution des chaînes de valeur et d'approvisionnement dans un contexte européen et mondial» (JO C 168, du 20.7.2007, p. 1).

(11)  Le premier exemple de l'application de cette méthode figure dans la stratégie «LeaderSHIP 2015» pour le secteur naval européen, lancée en 2005.

(12)  Cette réalité s'illustre à travers des tendances constatées dans certaines régions et aires métropolitaines européennes où les structures industrielles dépassées sont remplacées par des investissements tournés vers l'avenir et par un nouveau dynamisme.

(13)  Le CESE avait déjà soutenu cette idée dans un rapport d'information intitulé «Une étude sectorielle des délocalisations» (2006), qui a démontré la présence d'erreurs dans la comparabilité de données utilisées par la Commission.

(14)  L'initiative relative aux marchés porteurs a défini les marchés suivants: santé en ligne, textiles de protection, construction durable, recyclage, bioproduits et énergies renouvelables.

(15)  Voir la note de bas de page no 2.

(16)  Les trois premières communautés de la connaissance et de l'innovation (CCI) sont en cours.

(17)  Voir, entre autres, «The de-industrialisation of Europe. There is no more time to lose!», Académie Royale de Belgique, 2010.

(18)  Voir l'avis du CESE sur « Des universités pour l'Europe» (JO C 128 du 18.5.2010, p. 48).

(19)  Voir la communication sur la politique industrielle, SEC(2010) 1268.

(20)  Voir les avis du CESE sur les thèmes «Volet extérieur de la politique industrielle européenne – La politique commerciale de l'UE prend-elle correctement en compte les intérêts de l'industrie européenne?» (Voir page 25 du présent Journal officiel) et JO C 128 du 18.5.2010, p. 41

(21)  Voir l'avis du CESE sur «L'incidence de l'évolution actuelle des marchés énergétiques sur les chaînes de valeur de l'industrie européenne», JO C 77 du 31.3.2009, p. 88–95, notamment son paragraphe 1.6.

(22)  Voir l'avis du CESE sur «Les effets des accords internationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre sur les mutations industrielles en Europe» (JO C 185 du 8.8.2006, p. 62).

(23)  Voir la déclaration de 1998 de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail.

(24)  Voir, entre autres, le Pacte mondial et les Normes internationales d'information financière (IFRS) des Nations unies, parmi lesquelles les normes comptables internationales, ou les principes directeurs de l'ONU pour les entreprises et les droits de l'homme, élaborés par John Ruggie.

(25)  En exagérant quelque peu, l'UE compte 27 politiques industrielles et d'innovation différentes.

(26)  In focus: Germany as a competitive industrial nation (Allemagne), Feuilles de route des comités stratégiques de filière (France), Growth Agenda (Royaume-Uni, bientôt suivi par un programme détaillé), Plan Integral de Política Industrial 2020 (Espagne), Naar de top: de hoofdlijnen van het nieuwe bedrijfslevenbeleid (Pays-Bas).

(27)  Groupe Stoiber.


23.7.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 218/46


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la mise en œuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro»

COM(2010) 524 final — 2010/0278 (COD)

2011/C 218/08

Rapporteur: M. FARRUGIA

Le 6 décembre 2010, le Conseil de l'Union européenne a décidé, conformément aux articles 136 et 121 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la mise en œuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro»

COM(2010) 524 final — 2010/0278 (COD).

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 8 avril 2011.

Lors de sa 471e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 5 mai 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 139 voix pour, 10 voix contre et 33 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le CESE reconnaît qu'il est nécessaire d'apporter des réformes au pacte de stabilité et de croissance pour remédier aux problèmes apparus dans le sillage de la crise de 2008, ainsi qu'à ceux qui étaient évidents même avant celle-ci. En outre, le CESE relève que le pacte de stabilité et de croissance n'était parvenu ni à prévenir ni à maîtriser les déséquilibres budgétaires qui résultent d'autres facteurs, entre autres les déséquilibres macroéconomiques et les insuffisances qui affectent les pratiques et la réglementation bancaires et financières.

1.2   Tout en accueillant favorablement la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la mise en œuvre efficace de la surveillance budgétaire, qu'il considère comme une des étapes vers des réformes indispensables, le CESE souligne qu'il est nécessaire de mener un examen adéquat de ses volets préventif et correctif.

1.3   Le CESE est d'avis que les règles budgétaires doivent tout particulièrement tenir compte:

de la problématique de la qualité des mesures budgétaires, lorsqu'il s'agit de renforcer l'action des mécanismes des recettes et des dépenses sur l'offre dans l'économie;

de la viabilité des situations budgétaires et financières, que des approches privilégiant davantage la prévention sur la sanction permettent de mieux garantir;

des meilleures chances de succès des mécanismes reposant sur l'incitation que de ceux qui ne se fondent que sur des mesures punitives,

Ce point de vue ne réduit en rien l'importance du volet correctif, qui est un facteur essentiel pour favoriser la discipline budgétaire.

1.3.1   Cette approche apparaît cohérente avec les objectifs de la stratégie Europe 2020 d'une croissance intelligente, durable et inclusive.

1.4   Concernant le volet préventif, et conformément aux objectifs énoncés dans l'examen annuel de la croissance, il est proposé que la définition d'objectifs numériques en matière de résultats budgétaires se fonde sur un système double, doté à la fois d'une approche descendante et d'une approche ascendante. L'élément descendant porterait sur la définition d'un objectif déterminant l'effort de consolidation budgétaire nécessaire pour l'entièreté de la zone euro, tandis que l'approche ascendante aurait trait à la répartition de cet effort en mesures à entreprendre à l'échelon de chaque État membre. Ce double mouvement permettrait, grâce à une approche formelle, d'appuyer les efforts de la Commission afin de mieux tenir compte de la situation particulière de chacun des pays lors de la mise en œuvre du pacte de stabilité et de croissance.

1.5   Dans le cadre de cette approche, les externalités de crédibilité positive attendues d'une grande zone monétaire peuvent imposer à ses membres qu'ils soient encore appelés à faire des efforts supplémentaires en matière d'assainissement budgétaire, proportionnels à leur taille relative et à leur capacité à entreprendre de tels efforts.

1.6   Le CESE propose en outre que la constitution de dépôts portant intérêt, de dépôts ne portant pas intérêt et l'imposition d'amendes se produisent de manière à ce que ces mesures soient financées prioritairement et directement grâce à une correction des composantes des politiques menées qui conduisent à des situations budgétaires intenables. Ces dernières seraient définies par une évaluation des écarts des composantes des recettes et des dépenses par rapport à la trajectoire de convergence tels qu'ils sont définis dans le volet préventif. De plus, leur valeur serait calculée par rapport au volume des composantes des dépenses et/ou des recettes qui seraient reconnues comme celles qui conduisent directement à la situation intenable de la politique budgétaire. Cette approche conduirait à une amélioration de la qualité de la politique budgétaire.

1.7   Il est en outre proposé que les sanctions entreprises au titre du volet correctif s'accompagnent d'une évaluation d'impact rigoureuse, de façon à pouvoir surveiller qu'une amélioration réelle de la qualité de l'élaboration des politiques budgétaires se produit.

1.8   Afin de trouver un juste équilibre entre les approches incitatives et punitives dans le cadre du volet correctif, le CESE propose que l'État membre concerné puisse obtenir le remboursement des intérêts des dépôts ne portant pas intérêts, dès qu'est acquise une réduction avérée et effective de la dette publique, qui soit à la fois au moins équivalente au montant de ces intérêts et potentiellement durable dans l'avenir. D'autre part, les amendes seraient affectées au mécanisme européen de stabilité.

1.9   Le CESE estime qu'une réforme appropriée de la surveillance budgétaire servira de pierre angulaire pour le renforcement de la gouvernance et pour la restauration de la crédibilité dans la zone euro.

2.   Mise en œuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro

2.1   La crise financière et économique mondiale de 2008 a engendré une vive hausse des déficits budgétaires et de la dette. Ces derniers ont exacerbé les préoccupations à plus long terme quant à la viabilité des finances publiques. Le caractère inégal des résultats budgétaires des États membres, avec la possibilité réelle d'une défaillance sur dette souveraine dans certains cas, constitue un autre défi majeur alors même qu'il n'existe pas suffisamment de coordination budgétaire et de mécanismes compensatoires. Les insuffisances des systèmes bancaire et financier et du cadre réglementaire, ainsi que les possibilités de défaillance qui en découlent ne font qu'aggraver ces préoccupations.

2.2   Le PSC (pacte de stabilité et de croissance), un cadre réglementaire pour la coordination des politiques budgétaires nationales dans l'union économique et monétaire, a été mis en place spécifiquement pour assurer la discipline budgétaire, mais les expériences récentes ont révélé des lacunes et des points faibles persistants dans le système, susceptibles de compromettre gravement la stabilité de l'euro. Cela a lancé un débat sur l'importance de la gouvernance économique de l'UE (1), à l'occasion duquel, en septembre 2010, la Commission a présenté un paquet législatif de six communications. Ce paquet a trait:

au renforcement du PSC par une politique budgétaire prudente (2),

à la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques (3),

à la mise en place de cadres budgétaires nationaux de qualité (4),

et au renforcement de la mise en œuvre (5).

2.3   Le présent avis porte spécifiquement sur la mise en œuvre aux termes de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil: «sur la mise en œuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro» (6). Il y a également lieu de noter que le CESE élabore actuellement un avis sur la communication de la Commission COM(2010) 527 final (7).

3.   Contexte

3.1   Le principal instrument de coordination et de surveillance des politiques budgétaires est le pacte de stabilité et de croissance, qui met en œuvre les dispositions du traité sur la discipline budgétaire. Le Conseil européen de juin 2010 a convenu qu'il était nécessaire et urgent de renforcer la coordination des politiques économiques et, pour cela, a convenu:

(i)

de renforcer les volets préventif et correctif du pacte, y compris les sanctions, tout en tenant dûment compte de la situation particulière de l'un des États membres de la zone euro;

(ii)

d'accorder une importance beaucoup plus grande, dans la surveillance budgétaire, aux niveaux et à l'évolution de la dette et de la viabilité globale des finances publiques;

(iii)

de veiller à ce que les États membres appliquent des règles budgétaires nationales et des cadres budgétaires à moyen terme conformes au pacte;

(iv)

d'assurer la qualité des données statistiques.

3.2   Concernant la mise en œuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro, la proposition à l'examen de règlement du Parlement européen et du Conseil tend à apporter de nouvelles modifications aux règlements no 1466/97 et CE 1467/97, lesquels posent les fondements du PSC (8). En particulier, cette proposition de règlement vise à étayer le volet préventif et à renforcer le volet correctif du PSC.

3.2.1   Concernant le volet préventif, la proposition de règlement indique que les objectifs à moyen terme (OMT) actuels énoncés dans les programmes de stabilité et de convergence seront maintenus, de même que l'exigence de convergence annuelle de 0,5 % du PIB, mais qu'ils seront rendus opérationnels grâce à un nouveau principe de politique budgétaire prudente. Ce principe, suivant la proposition, indique que la croissance annuelle des dépenses ne devrait pas dépasser un taux de croissance prudent du PIB sur le moyen terme, sauf si ce dépassement est compensé par une augmentation des recettes publiques, ou si les baisses discrétionnaires des recettes sont compensées par des baisses des dépenses. En cas d'écarts par rapport à une politique budgétaire prudente, une recommandation sera publiée par la Commission, étayée d'un mécanisme d'exécution au titre de l'article 136 du traité, sous la forme d'une obligation de constituer un dépôt égal à 0,2 % du PIB et portant intérêt.

3.2.2   Le volet correctif est lié à l'obligation, pour les États membres, d'éviter des déficits et une dette excessifs, définis en tant que seuils numériques de 3 % du PIB pour le déficit et de 60 % du PIB pour la dette, même si, pour le critère de la dette, s'approcher de cette valeur à un rythme satisfaisant est aussi considéré comme acceptable.

3.2.2.1   La proposition de la Commission à l'examen reconnaît que l'accent mis sur le solde budgétaire annuel peut conduire à polariser l'attention de manière excessive sur des considérations à plus court terme et que la dette doit être davantage prise en compte en tant qu'indicateur de la viabilité des finances publiques à plus long terme.

3.2.2.2   Dans le volet correctif, la proposition de règlement affirme que la mise en œuvre serait renforcée au moyen de l'introduction d'une nouvelle série de sanctions financières pour les États membres de la zone euro, lesquelles s'appliqueraient plus tôt et de manière graduée. Un dépôt ne portant pas intérêt, de 0,2 % du PIB, serait imposé suite à la décision de placer un pays en déficit excessif. En cas de non-respect, ce dépôt serait converti en amende.

3.2.3   La Commission propose de soumettre les aspects opérationnels tant du volet préventif que du volet correctif à une procédure de «vote inversé»: le dépôt de l'État membre concerné deviendrait exigible sur proposition de la Commission au Conseil dès que serait adressée la recommandation. Cette recommandation resterait en vigueur, à moins que le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, ne décide du contraire dans les dix jours à partir de la date de présentation de la recommandation de la Commission.

3.2.4   La proposition de règlement élaborée par la Commission prévoit que le Conseil ne pourrait décider de réduire le montant du dépôt en question qu'à l'unanimité, ou sur proposition de la Commission à cet effet, en raison de circonstances exceptionnelles ou sur demande motivée de l'État membre concerné. Dans le cadre du volet préventif, le dépôt, majoré des intérêts acquis, serait restitué à l'État membre concerné une fois que le Conseil aurait acquis la certitude qu'il a mis fin à la situation qui en a motivé la constitution. Dans le cadre du volet correctif, la proposition de règlement élaborée par la Commission prévoit que le dépôt ne portant pas intérêt sera libéré dès lors que le déficit excessif est corrigé, les intérêts d'un tel dépôt ainsi que le montant des amendes perçues seront répartis entre les États membres dont la monnaie est l'euro qui ne sont pas en situation de déficit excessif et qui ne font pas non plus l'objet d'une procédure concernant les déséquilibres excessifs.

3.2.5   Cette proposition est formulée alors que se multiplient les appels à élargir davantage l'évaluation macroéconomique afin de déceler ainsi des déséquilibres structurels qui ont un effet négatif sur la compétitivité. À cet effet, deux propositions de règlement du Parlement européen et du Conseil ont également été publiées, l'une établissant des mesures d'exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques excessifs dans la zone euro (9), l'autre portant sur la prévention et la correction des déséquilibres économiques (10).

3.3   Il convient de compléter une surveillance budgétaire efficace au niveau de la zone euro en accordant une attention particulière aux cadres budgétaires nationaux.

3.4   Ces propositions font partie d'une réforme plus large de la gouvernance économique stimulée par les objectifs formulés dans la stratégie Europe 2020. Il est prévu que la coordination des politiques économiques, y compris la surveillance de la situation budgétaire par l'adhésion à des règles budgétaires et à des réformes structurelles, soit intégrée au semestre européen, une période durant laquelle les politiques budgétaires et structurelles des États membres seront examinées pour détecter des incohérences ainsi que des déséquilibres émergents, et pour renforcer la coordination durant la préparation des décisions budgétaires importantes (11).

4.   Observations générales

4.1   Il est nécessaire de réformer le pacte de stabilité et de croissance afin de s'attaquer aux faiblesses du système pour remédier aux lacunes qui sont apparues clairement avec la crise exceptionnelle de 2008, mais aussi pour agir sur les problèmes qui étaient apparus avant celle-ci.

4.2   En effet, de nombreuses années avant la crise, certains pays de la zone euro avaient des déficits budgétaires supérieurs à la valeur de référence de 3 % et des ratios d'endettement public en augmentation (12). Avec le début de la crise économique et financière, les déficits budgétaires se sont nettement accrus; l'on prévoit donc que, fin 2010, le déficit moyen dans la zone euro atteigne 6,3 % du PIB et le ratio de la dette au PIB 84,1 % (13). Le PSC n'avait pas pour vocation de prévenir de tels déséquilibres qui découlent souvent de fortes tensions dans le champ macroéconomique et financier au sens large.

4.3   Il y a lieu de formuler deux observations principales concernant le pacte de stabilité et de croissance. La première est liée aux améliorations qui peuvent être apportées à son mécanisme d'exécution. La seconde a trait à la confiance excessive accordée au critère du déficit budgétaire, sans tenir suffisamment compte de l'endettement. La mise en œuvre du PSC ne tenait pas suffisamment compte des évolutions cycliques de l'économie.

4.3.1   En ce qui concerne les insuffisances de l'exécution, un certain nombre de pays ont, au fil des années, violé les règles relatives au déficit et à la dette. L'absence de sanctions a engendré un comportement budgétaire qui ne méconnaissait pas seulement la viabilité des finances publiques à l'échelon des États membres, mais qui ne tenait non plus aucun compte des incidences d'un comportement budgétaire non viable de l'un des États membres sur l'union monétaire tout entière. L'exécution insuffisante du pacte de stabilité et de croissance dans le passé a conduit à l'affaiblir et à mettre à mal sa crédibilité.

4.3.1.1   L'on s'attend à ce que des réformes aux volets préventif et correctif du pacte, étayées par un nouvel éventail de sanctions financières plus dures, remédient à cette lacune. Toutefois, il reste à voir dans quelle mesure une exécution crédible du pacte aura lieu en pratique.

4.3.1.2   D'un certain point de vue, l'on peut faire valoir que cette fois, les enjeux sont tout à fait considérables face au risque que ce paquet soit inefficace. Plus que jamais, les marchés financiers feront montre d'un renfort de précautions quant au suivi par les pays de la zone euro des équilibres budgétaires et macroéconomiques. L'absence d'une exécution crédible signerait l'échec du pacte de stabilité et de croissance et compromettrait gravement, partant, la stabilité de la zone euro.

4.3.1.3   Dans le même temps, il faut tenir compte du fait que les propositions visant à renforcer la surveillance sont entreprises après une crise sans précédent, dans un contexte où la croissance économique reste faible. Les gouvernements ont dû intervenir en injectant des capitaux dans les banques pour empêcher un effondrement total du système financier. Ils ont aussi dû intervenir pour contenir les coûts économiques et sociaux de la crise.

4.3.2   En ce qui concerne la confiance excessive accordée au critère du déficit, notons que la révision de 2005 du pacte de stabilité et de croissance avait pour objectif d'opérer un recentrage vers les déficits structurels afin de tenir compte de la situation cyclique de chaque État membre. Mettre l'accent sur cet aspect, toutefois, n'a pas conduit à prendre en compte la discipline budgétaire dans une perspective à plus long terme. Insister davantage sur le critère de la dette permettra, dans une certaine mesure, de remédier à cette lacune.

4.3.2.1   Dans le cadre de ce mécanisme, toutefois, il y a lieu de se pencher sur les raisons sous-jacentes de l'accumulation des dettes. L'on ne peut pas envisager la dette qui finance des projets de capitaux publics à rendement économique et social élevé de la même manière que celle qui finance des dépenses à bas rendement.

4.3.2.2   En outre, il est prévu que la réforme des mécanismes de surveillance prenne en compte les caractéristiques propres à chaque pays, comme la composition de la dette, les risques liés à la structure de la dette, l'endettement du secteur privé ainsi que les engagements liés au vieillissement démographique, mais il est également important qu'une distinction soit opérée entre dette extérieure et domestique, cette dernière contribuant à la stabilité macroéconomique.

4.3.2.3   Une autre critique du mécanisme de surveillance est liée à l'accent mis sur des valeurs de référence spécifiques, qui sont par essence arbitraires (14). L'on reconnaît néanmoins des mérites à cette approche fondée sur des valeurs de référence, à savoir qu'elle est simple, transparente et facilite la gouvernance.

4.3.2.4   D'autre part, les écarts de chacun des États des membres par rapport à ces valeurs de référence montrent à quel point la convergence reste encore, dans l'UE, insaisissable. Il est souhaitable que cette convergence entre pays se produise rapidement, et il convient de relever la justesse de la récente insistance du Conseil à cet égard. D'autre part, elle exige de chacun des États qu'il respecte un équilibre délicat entre ses nécessaires engagements en matière de discipline budgétaire et ses besoins spécifiques en matière de restructuration, d'investissement et de croissance, qu'il pourrait être nécessaire de satisfaire par des financements publics.

4.4   Il y a lieu de redire ici que la viabilité des finances publiques ne peut pas être envisagée isolément des déséquilibres macroéconomiques. En conséquence, il est tout à fait justifié de procéder à une surveillance macroéconomique plus large pour effectuer le suivi de la correction des déséquilibres.

4.5   L'évolution vers la mise en place de cadres budgétaires nationaux afin d'étayer le pacte de stabilité et de croissance repose sur la reconnaissance du fait que, tandis que la discipline budgétaire est une question d'intérêt commun pour les pays de la zone euro, c'est l'échelon national qui dispose des compétences législatives afférentes à la politique budgétaire.

4.5.1   La mesure dans laquelle une approche plus décentralisée de la discipline budgétaire pourrait être appliquée dépend, en poussant à l'extrême, de modifications adéquates du traité, qui viendraient limiter l'intérêt national en fonction des intérêts communs, mais il serait également possible de mettre en œuvre cette approche au moyen d'arrangements plus souples sur la base d'un accord des États membres. Tant que de telles modifications ne sont pas entreprises, l'intérêt national pourrait avoir tendance à prévaloir, et ce quelle que soit le degré de justification de l'intérêt commun (15). Il importe donc d'étudier la contribution des législations nationales en matière de responsabilité budgétaire au soutien à la discipline budgétaire et qui, appliquées avec succès, peuvent accroître la viabilité budgétaire au sein de la zone euro.

5.   Observations particulières

5.1   S'il y a lieu de se féliciter des objectifs de la proposition de règlement à l'examen qui vise à renforcer le pacte de croissance et de stabilité au moyen d'instruments permettant de l'appliquer efficacement, il convient, de l'avis du CESE, de réexaminer des points spécifiques relatifs à ses volets préventif et correctif.

5.2   En ce qui concerne le volet préventif, la disposition suivant laquelle la croissance annuelle des dépenses ne devrait pas dépasser un taux de croissance prudent du PIB sur le moyen terme néglige de tenir compte des différentes composantes des dépenses publiques, bien qu'un objectif global de dépenses soit utile afin de simplifier et de faciliter la gouvernance. Ceci vaut également pour des règles budgétaires qui se concentrent uniquement sur des indicateurs généraux tels que les critères de déficit et d'endettement. De tels critères négligent de prendre en compte la croissance à long terme de l'offre générée par certaines catégories de dépenses publiques ainsi que l'amélioration de la qualité des dépenses budgétaires et des mécanismes générateurs de recettes de manière générale.

5.2.1   Par conséquent, l'accent doit être mis sur la qualité des finances publiques, au moyen d'une évaluation de la composition et de l'efficacité des dépenses publiques. Cela peut s'avérer tout particulièrement pertinent en matière d'investissements dans le capital humain grâce à des dépenses en matière d'éducation et de santé, de recherche et développement, d'infrastructures publiques et de développement institutionnel (16)  (17). Il est donc proposé que ce type de dépenses soit exclu du plafond de dépenses, notamment lorsqu'il s'agit de dépenses financées par les programmes des fonds de l'UE et de leurs cofinancements nationaux. Afin de préserver la qualité des dépenses en matière sociale, les éléments non discrétionnaires des allocations chômage pourraient être également exclus. En outre, il convient de faire parfaitement coïncider la mise en œuvre de ces objectifs budgétaires avec la réalisation des objectifs de la stratégie Europe 2020, qui visent à une croissance intelligente, durable et inclusive, alors que la réalisation de ces objectifs peut nécessiter un surcroît de dépenses publiques (18).

5.2.2   Afin de ne pas entacher d'incertitude la proposition de règlement à l'examen, le CESE suggère en outre de définir clairement les notions de «politique budgétaire prudente», de «taux de croissance prudent de moyen terme» et de «circonstances exceptionnelles».

5.3   Les mécanismes d'exécution ne devraient pas se déclencher uniquement sur la base d'écarts par rapport à des valeurs chiffrées, mais il conviendrait bien plutôt de conduire une réflexion plus large sur les conditions économiques, politiques et sociales qui prévalent au sein de l'État membre concerné. Cette proposition ne vise pas à saper le volet préventif, mais bien plutôt à permettre de prendre en compte les situations particulières qui prévalent dans chacun des États membres de la zone euro. En effet, cette proposition coïncide avec la proposition de règlement relative aux déséquilibres macroéconomiques dont le mécanisme d'alerte prévoit un réexamen en profondeur de la situation de l'État membre concerné.

5.4   Il est en outre proposé que la constitution de dépôts portant intérêt, de dépôts ne portant pas intérêt et l'imposition d'amendes se produisent dans chaque cas de manière à ce que ces mesures soient financées directement grâce à une correction des composantes de politiques qui conduiraient à une situation budgétaire risquée et intenable, telle que définie par les écarts visés par les dispositions du volet préventif. De plus, leur montant serait calculé par rapport au volume des éléments des dépenses et/ou des recettes que l'on peut identifier comme ceux qui menacent directement la viabilité de la politique budgétaire. Une telle approche permettrait d'éviter que les dépôts et les amendes ne soient financés par des dépenses publiques qui présentent un rendement supérieur. Puisque l'on reconnaît la difficulté de reconnaître si un comportement est viable ou non, il conviendrait de s'efforcer d'établir des définitions claires et pratiques, qui pourraient être utiles dans ce contexte.

5.4.1   En outre, il est impératif que le dépôt constitué ne soit libéré qu'une fois que l'État membre concerné se soit engagé à orienter ces fonds vers des dépenses productives. À cet égard, il serait justifié d'utiliser des approches coûts/bénéfices, semblables à celle que l'on emploie lors de l'attribution du Fonds de cohésion et des Fonds structurels (19).

5.5   En outre, il convient d'accorder toute l'attention voulue aux conséquences des mesures d'exécution lorsque la constitution de dépôts ne portant pas intérêts et les sanctions seraient imposées à un moment où l'on peut considérer que le cadre économique et social de l'État membre est fragilisé. Il en découle que chaque recommandation de la Commission afin de déclencher le volet correctif devrait faire l'objet d'une évaluation des incidences de cette mesure, afin de montrer comment son application conduirait réellement à améliorer la qualité de la politique budgétaire de l'État membre concerné et dans la zone euro en général. Il importe que ces mesures n'entraînent pas davantage de problèmes qu'elles ne tentent d'en corriger.

5.6   L'article 7 du règlement à l'examen prévoit la distribution des intérêts et des amendes perçus par la Commission en proportion de leur part dans le produit national brut des États membres de la zone euro où il n'y a pas de déficit ou de déséquilibre excessifs. Dans ce cas, le système de distribution peut aggraver davantage les déséquilibres au sein de l'union monétaire et pourrait aboutir à l'accroissement des différences entre les États membres de la zone euro, en contradiction avec les exigences d'une union monétaire.

5.7   Afin de trouver un juste équilibre entre les approches incitatives et punitives dans le cadre du volet correctif, le CESE propose que l'État membre concerné puisse obtenir le remboursement des intérêts des dépôts ne portant pas intérêts, dès qu'est acquise une réduction avérée et effective de la dette publique, qui soit à la fois au moins équivalente au montant de ces intérêts et potentiellement durable dans l'avenir.

5.8   L'idée qui sous-tend cette proposition est que le rôle du pacte de croissance et de stabilité est davantage d'inciter à adopter un comportement viable que de sanctionner sévèrement.

5.9   S'il apparaît clairement qu'il convient d'étayer le but ultime d'aboutir à une convergence fondamentale des paramètres économiques et budgétaires sur des objectifs chiffrés communs, on peut faire valoir qu'il pourrait s'avérer nécessaire de faire preuve de souplesse lors de la mise en place d'un objectif en «taille unique» pour juger de la viabilité budgétaire dans le court terme immédiat, au moins jusqu'à ce que l'on atteigne un degré suffisant de convergence des indicateurs économiques fondamentaux des pays, mais également afin de tenir compte des conséquences disparates pour chacun des États membres de la récente période de récession.

5.9.1   Il importe également de créer le cadre qui permettrait aux États membres de bénéficier des externalités de crédibilité positive attendues de l'existence d'une grande zone monétaire. Il est alors envisageable que les pays soient appelés à faire des efforts en matière d'assainissement budgétaire, proportionnels à leur taille relative au sein de la zone monétaire et à leur capacité à entreprendre de tels efforts, de façon à atteindre de manière cohérente l'objectif général valable pour la zone euro. Cette approche profiterait à tous les pays grâce à la crédibilité économique ainsi établie au sein de la zone dans son ensemble et notamment à la politique de ceux qui affichent les meilleures performances.

5.9.2   L'efficacité d'une telle approche dépend fortement des mécanismes de surveillance tels que les propose la Commission, qui visent à garantir que les pays à la traîne déploient tous les efforts possibles pour parvenir à la convergence à une vitesse optimale. Elle nécessite également de mettre tout particulièrement l'accent sur la justesse des mesures statistiques et sur l'amélioration des statistiques et des rapports, de manière à faire en sorte que les données soient fiables et disponibles en temps utile.

5.9.3   En conséquence, le Comité propose, à très court terme et jusqu'à ce que l'on obtienne une convergence suffisante des économies des différents États membres, d'utiliser un dispositif qui intègre à la fois une approche descendante et une approche ascendante en vue de renforcer et de compléter les efforts déployés actuellement pour restaurer la viabilité budgétaire dans la zone euro et qui introduise méthodiquement et en bon ordre les facteurs nécessaires de souplesse.

5.9.4   Cette approche descendante se fonde sur la définition d'un objectif valable pour toute la zone monétaire afin de déterminer l'ampleur des efforts d'assainissement budgétaire nécessaires à cet échelon. Atteindre un tel objectif accroîtrait la crédibilité de la zone euro en général, ce dont profitera chaque État concerné. L'approche ascendante serait constituée par la répartition de cet effort global d'assainissement de la zone euro en tâches que devrait accomplir chacun des États membres. Il serait procédé à cette répartition sur la base d'un certain nombre de critères économiques objectifs, tels que l'état de développement, les besoins d'investissement, l'étendue de la réforme des pensions, l'étendue des réformes structurelles, la qualité des finances publiques et l'efficacité des systèmes d'imposition. En outre, cette approche permettrait d'éviter une application excessivement rigoureuse du PSC qui, dans le cas de certains pays, entraverait la croissance de manière permanente.

5.9.5   Cette approche introduirait d'une part un élément de solidarité justifiable entre les pays de la zone euro, tout en servant d'autre part d'étape vers une amélioration de la coordination et l'intégration budgétaire. Si les indicateurs économiques fondamentaux sont suffisamment convergents, cette répartition des efforts entre États membres dans le cadre de cette approche ascendante serait équivalente à la situation où les différents pays poursuivraient des objectifs chiffrés communs. Entre-temps, il ne serait plus nécessaire d'introduire des assouplissements pays par pays, comme ce fut souvent le cas dans le passé, en apparence sur des bases ad hoc et éventuellement difficilement justifiables, mais ces assouplissements s'inséreraient dans un dispositif cohérent et logique afin de réaliser les efforts nécessaires d'assainissement budgétaire à l'échelle de la zone euro. Cette approche permettrait de progresser grandement sur la voie du maintien de la crédibilité du système.

5.9.6   Une telle approche est assez similaire à celle de dérivation des objectifs adoptée dans le cadre de la stratégie Europe 2020, où les États membres déterminent leurs propres objectifs nationaux, cohérents avec les objectifs généraux définis pour l'UE. De fait, il est souligné dans l'annexe 1 à l'examen annuel de la croissance, qui expose les objectifs provisoires variables des États membres, que le fait que chaque État membre fixe son propre niveau d'ambition par rapport aux objectifs généraux d'Europe est un élément important de cette stratégie. On fait alors valoir qu'il est plus probable que les États s’approprient ces objectifs, étant donné que ceux-ci font l'objet d'un débat politique interne qui permet d'arrêter ces objectifs en tenant compte des positions de départ et des situations qui sont les leurs. Dans ce contexte, il est également envisageable de proposer de définir explicitement des périodes transitoires dans le cadre d'un calendrier réaliste d'assainissement pour les pays où des efforts particulièrement importants sont nécessaires.

5.9.7   L'approche ainsi proposée n'est pas synonyme d'affaiblissement du mécanisme préventif présenté dans la proposition de la Commission, car elle se fonde sur la convergence à long terme de tous les membres de la zone euro vers les mêmes objectifs chiffrés. Elle vise par contre à établir un cadre formel permettant de justifier différentes vitesses de convergence pour chacun des États membres de la zone euro, dans un esprit semblable à celui qui préside aux approches spécifiques pour chaque pays, telles que les propose la Commission elle-même. L'on peut considérer qu'il s'agit là d'un moyen important de renforcer la crédibilité du système en intégrant formellement le facteur de flexibilité dans les plans de convergence spécifiques aux pays.

5.10   En dernier lieu, il convient de noter que le dialogue social a un rôle important à jouer. Au plan national, il joue un rôle important dans la définition d'un cadre national d'action politique en matière de politique budgétaire et de surveillance macroéconomique. Un dialogue politique et social mûr et global permet de se confronter aux défis sociaux et économiques, en particulier ceux de long terme tels que la réforme des pensions et les dépenses de santé. Pour que les pouvoirs publics réalisent des objectifs tels que la viabilité des finances publiques et l'équilibre macroéconomique, un degré élevé de partenariat social et de collaboration doivent exister, y compris avec un consensus politique.

5.10.1   Le CESE a également un rôle important à jouer en permettant un dialogue efficace entre ses membres sur la question de la viabilité des finances publiques. À cet effet, le CESE peut formuler des recommandations et des propositions de réforme, en étroite coordination avec les partenaires du dialogue social au plan national. Comme il l'a proposé dans on avis sur le thème «Améliorer la coordination des politiques économiques au profit de la stabilité, de la croissance et de l'emploi - Des outils pour renforcer la gouvernance économique de l'UE», le CESE pourrait tenir des sessions annuelles spécifiques pour débattre des recommandations et des propositions pour ces réformes. En outre, le CESE a un rôle à jouer pour veiller à ce que les partenaires sociaux et les autres organisations de la société civile agissent en cohérence avec les objectifs de l'Union, qui visent au développement social et économique.

Bruxelles, le 5 mai 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Voir l'avis du CESE dans le JO C 107 du 6.4.2011, p. 7.

(2)  COM(2010) 522 final et COM (2010) 526 final.

(3)  COM(2010) 527 final.

(4)  COM(2010) 523 final.

(5)  COM(2010) 524 final et COM (2010) 525 final.

(6)  COM(2010) 524 final.

(7)  Avis du CESE sur «Les déséquilibres macroéconomiques». Voir pages 53 du présent Journal officiel.

(8)  Les deux règlements précités ont été respectivement modifiés en 2005 par les règlements (CE) no 1055/2005 et (CE) no 1056/2005 et complétés par le rapport du Conseil du 20 mars 2005 intitulé «Améliorer la mise en œuvre du pacte de stabilité et de croissance».

(9)  COM(2010) 525 final.

(10)  COM(2010) 527 final.

(11)  Le semestre européen a été lancé par l'intermédiaire de l'analyse annuelle de la croissance publiée en janvier 2011 – COM(2011) 11 final. Cette analyse annuelle de la croissance rassemble les différentes actions indispensables au renforcement de la reprise à court terme tout en mettant en avant les objectifs de la stratégie Europe 2020.

(12)  Voir les statistiques publiées par EUROSTAT le 16.12.2010.

(13)  Commission européenne, Prévisions économiques européennes de l'automne 2010.

(14)  Wyplosz, C (2002), «Fiscal Discipline in EMU: Rules or Institutions?» (Discipline budgétaire dans l'UEM: règles ou institutions?), Institut universitaire de hautes études internationales de Genève, et CEPR.

(15)  Direction générale des politiques internes – Département thématique A: Economic and Scientific Policies, Economic and Monetary Affairs, Multilateral Surveillance (Politiques économiques et scientifiques, affaires économiques et monétaires, surveillance multilatérale) (Charles Wyplosz).

(16)  Salvador Barrios et Andrea Schaechter, (2008), The Quality of Public Finances and Growth (La qualité des finances publiques et de la croissance), Documents économiques de la Commission, 337.

(17)  António Afonso, Werner Ebert, Ludger Schuknecht and Michael Thöne, (2005), Quality of Public Finances and Growth (La qualité des finances publiques et la croissance), ECB Working Paper Series, no 438.

(18)  Voir l'avis du CESE dans le JO C 107 du 6.4.2011, p. 7.

(19)  Voir: Commission européenne, Direction générale «Politique régionale», «Guide de l'analyse coûts bénéfices des projets d'investissement», juin 2008.


23.7.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 218/53


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des mesures d’exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques excessifs dans la zone euro»

COM(2010) 525 final — 2010/0279 (COD)

et la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques»

COM(2010) 527 final — 2010/0281 (COD)

2011/C 218/09

Rapporteur: M. PALMIERI

Le 1er décembre 2010, le Conseil de l'Union européenne a décidé, conformément aux articles 136 et 121, paragraphe 6 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des mesures d'exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques excessifs dans la zone euro»

COM(2010) 525 final — 2010/0279 (COD) et la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques»

COM(2010) 527 final — 2010/0281 (COD).

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 8 avril 2011.

Lors de sa 471e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 5 mai 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 189 voix pour, 2 voix contre et 11 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement le fait que la Commission européenne ait pris acte – dans le cadre du renforcement de la gouvernance économique européenne – de la nécessité de davantage considérer les déséquilibres de nature macroéconomique, sur le même pied que les déficits budgétaires publics, comme des facteurs d'instabilité économique, financière et sociale des économies des États membres (EM) de l'Union européenne (UE).

1.2   Le CESE reconnaît que la crise économique actuelle a en effet mis à rude épreuve la santé économique, sociale et aussi politique de l'Union européenne en général, et de l'union économique et monétaire (UEM) en particulier. Aux fins de la prévention de la crise, il est apparu qu'il ne suffit pas de s'en tenir à la seule dimension quantitative que présente la croissance économique d'un pays mais qu'il aurait également été nécessaire d'évaluer la qualité de la croissance même, en cernant les facteurs macroéconomiques qui fondent ou non la durabilité de cette dynamique.

1.3   Le CESE espère que le renforcement de la gouvernance économique européenne intervienne en prêtant une égale attention aux exigences de la stabilité et à celles d'une croissance génératrice de nouveaux emplois.

1.4   Pour cette raison, le CESE espère que le renforcement de la gouvernance économique, pierre angulaire des politiques économiques, sociales et de cohésion de l'UE, contribue effectivement à atteindre les objectifs arrêtés au titre de la stratégie européenne 2020 et de la nouvelle politique de cohésion européenne.

1.5   Le CESE entend contribuer à dégager le vaste consensus nécessaire pour renforcer efficacement la gouvernance économique, en mettant en évidence, d'une part, certaines limites et certains risques inhérents à l'approche de la Commission, et d'autre part les grandes potentialités qui en dérivent.

1.6   Si, comme l'a souligné la Commission (1), l'apparition et la persistance de déséquilibres de nature macroéconomique parmi les EM est imputable à des facteurs de compétitivité, et si par compétitivité l'on entend, selon la définition même de la Commission, «la capacité d'une économie à assurer de façon durable à sa population un taux d'emploi élevé et un niveau de vie élevé et en progression» (2), il en dérive la nécessité, soulignée par le CESE, de tenir compte d'un plus large éventail de causes économiques, financières et sociales afin d'évaluer ces déséquilibres.

1.7   Pour cette raison, le CESE estime que le tableau de bord servant à l'évaluation des déséquilibres devrait être composé d'indicateurs économiques, financiers et sociaux. Dans ce contexte, le CESE attire l'attention sur la nécessité de prendre en considération les déséquilibres dérivant de la gravité et de l'accentuation des disparités distributives à l'intérieur des EM qui ont été parmi les causes de la récente crise économique et financière (3).

1.8   Les disparités macroéconomiques sont une conséquence de l'Union monétaire, mais aussi le résultat de l'ouverture du marché intérieur commun. La répartition transfrontière du travail repose sur divers avantages et désavantages concurrentiels caractérisant les différents marchés. Aussi les mesures envisagées ne devraient-elles pas viser à niveler les différences lorsque celles-ci découlent de dynamiques internes du marché et ne produisent pas d'effets négatifs.

1.9   Le CESE souligne la nécessité – s'agissant de l'évaluation des déséquilibres macroéconomiques – de parvenir à une évaluation correcte et équitable tant des facteurs de compétitivité liés aux prix que des facteurs de compétitivité qui n'ont pas de liens avec ces mêmes prix.

1.10   Le CESE formule l'espoir que la réflexion sur les indicateurs qui feront partie du cadre de référence prévu par la Commission soit étendue afin d'y associer – au niveau européen et national – une vaste gamme d'acteurs institutionnels et d'organismes de représentation de la société civile, dont le CESE même et le Comité des régions.

1.11   Le CESE estime que le cadre de référence proposé par la Commission s'inscrivant dans le mécanisme d'alerte, doit être essentiellement considéré comme un instrument de première évaluation en raison des problèmes techniques inhérents à l'approche suivie (fixation des seuils d'alerte, «poids» à attribuer aux différentes sources de déséquilibre, période de temps à considérer). Par conséquent, il devra en tout état de cause être suivi par une évaluation économique plus large et plus approfondie des équilibres de l'EM en question.

1.12   Le CESE souligne le fait que la relation entre l'identification des déséquilibres, l'application des mesures de correction et le rééquilibrage dans des délais raisonnables ne va pas du tout de soi. Dans ce contexte, d'autres facteurs interviennent pour accroître les délais: a) les interrelations complexes entre objectifs et instruments macroéconomiques; b) le contrôle indirect exercé sur les instruments par les décideurs politiques; c) l'inefficacité possible du dispositif de sanctions proposé pour les pays de l'UEM.

1.13   Le CESE souligne le risque que d'éventuelles mesures restrictives de rééquilibrage ne mènent à favoriser une action procyclique, qui amplifierait et prolongerait la phase actuelle de contraction de l'économie. Il est même possible que le mix de politiques prescrites aux différents EM, quoique nécessaire pour remédier aux déséquilibres internes, soit en fait inadéquat pour l'UE dans son ensemble.

1.14   Le CESE estime que – dans le cadre des mesures visant à prévenir les déséquilibres macroéconomiques essentiellement liés à des expositions excessives du secteur privé au niveau des créances – la capacité de supervision et de contrôle susceptible d'être exercés par la Banque centrale européenne (BCE), le Système européen de banques centrales, le Conseil européen du risque systémique et l'Autorité bancaire européenne a été sous-évaluée. Pour cette raison, le CESE demande – dans le cadre d'une coordination entre les organismes précités – la création de conditions permettant de garantir une surveillance efficace, directe ou indirecte, du système bancaire et la mise en œuvre d'interventions opportunes de régulation du crédit, dont les critères (de régulation) devront être définis de manière adéquate.

1.15   Le CESE souligne qu'une réflexion sur le budget de l'UE fait défaut dans l'ensemble législatif proposé pour prévenir et corriger les déséquilibres macroéconomiques. Compte tenu de l'apparition de chocs asymétriques dans les États membres de la zone euro, il apparaît nécessaire de recourir à des instruments d'ajustement du système macroéconomique. Dans ce contexte, le CESE attire l'attention sur l'opportunité de mesurer le potentiel qu'offrirait un système de budget plus flexible et plus généreusement doté que le budget actuel. Cela permettrait d'effectuer les transferts nécessaires des zones favorisées par les chocs vers celles qui en sont affectées, soit au moyen des stabilisateurs automatiques, soit par le biais du financement de projets d'investissement paneuropéens (par exemple via l'émission d'euro-obligations) (4).

1.16   Le CESE répète qu'une coordination efficace des politiques économiques européennes – susceptible de susciter une forte légitimité démocratique chez les citoyens européens – passe nécessairement par un rôle plus incisif du Parlement européen (PE), du CESE et du Comité des régions en tant qu'institutions représentatives des citoyens, des partenaires sociaux et de la société civile (5).

1.17   Le CESE est d'avis que le rôle du PE peut être décisif pour susciter l'adhésion en faveur du cadre macroéconomique de référence, des priorités à fixer parmi les problèmes à affronter et de la détermination des politiques économiques à mettre en œuvre. Dans ce contexte, il peut être le lieu où sera arrêtée – avec les autres organes institutionnels européens - une stratégie commune qui ne se borne pas à énoncer des règles et des procédures formelles mais détaille les politiques concrètes nécessaires pour renforcer la confiance et répondre aux attentes des citoyens européens.

1.18   Le CESE accueille favorablement les conclusions du Conseil européen des 24 et 25 mars 2011 selon lesquelles une «coopération étroite» doit être assurée avec le Comité dans le cadre de la mise en oeuvre du semestre européen, «pour obtenir une large adhésion à ce processus». Le CESE est disposé à coopérer pleinement dans ce domaine et espère pouvoir entamer des discussions avec le Conseil dès que possible.

1.19   Le CESE – en sa qualité de forum du dialogue civil - pourrait mettre en place une session annuelle spécifique (à l'automne), afin de discuter des recommandations aux EM en mettant sur pied un échange de points de vue avec les différents conseils économiques et sociaux nationaux, les parlements nationaux et le Parlement européen, permettant ainsi, tout à la fois, d'évaluer les stratégies adoptées et de les diffuser, pour susciter l'adhésion, au niveau national.

1.20   Le CESE souhaite le développement d'un usage plus intense et plus fonctionnel du dialogue macroéconomique (DME), afin que la prévention et la correction des déséquilibres ne relève pas uniquement de la Commission et des gouvernements des EM. Le MED deviendrait ainsi un instrument grâce auquel les gouvernements et les partenaires sociaux évalueraient de concert la situation économique au niveau de l'UE et les interventions à mettre en œuvre, en lien étroit avec les processus de dialogue social et de concertation au niveau national, afin d'assurer une cohérence entre les dynamiques de l'UE dans son ensemble et celles des EM.

2.   Mesures de correction des déséquilibres macroéconomiques internes proposées par la Commission européenne dans les communications COM(2010) 525 et 527 final

2.1   Le 30 juin 2010, la Commission européenne a présenté une communication intitulée «Améliorer la coordination des politiques économiques au profit de la stabilité, de la croissance et de l'emploi - Des outils pour renforcer la gouvernance économique de l'UE (6)». Par ce document, elle entend poursuivre sur la lancée des considérations déjà développées dans une autre communication, «Renforcer la coordination des politiques économiques (7)».

2.2   Tirant les enseignements de la crise financière internationale, la Commission et la cellule ad hoc mise sur pied par le président Van Rompuy reconnaissent que le respect des indicateurs qui ont été fixés dans le pacte de stabilité et de croissance (PSC) et renforcés ultérieurement lors de la réforme de la gouvernance ne suffisent pas à garantir la stabilité de l'UEM. En effet, l'existence de déséquilibres macroéconomiques risque de porter préjudice au système économique européen dans son ensemble et, partant, de contribuer tant à détériorer les finances publiques qu'à développer des tensions sur les marchés financiers.

C'est sur ces bases que la Commission a présenté, le 29 septembre, un ensemble législatif composé de six propositions (8) visant à établir un cadre réglementaire pour prévenir et corriger les déséquilibres qui affectent le budget des États membres (en rapport avec le pacte de stabilité et de croissance) (9) ou y revêtent un caractère macroéconomique. Le présent avis a pour objet la proposition de la Commission pour la surveillance des déséquilibres macroéconomiques, qui repose sur les documents COM(2010) 525 et 527 final traitant, d'une part, de la procédure pour déséquilibre excessif dans les EM avec des sanctions limitées aux seuls pays de l'UEM et, d'autre part, du mécanisme d'alerte auquel sont assujettis tous les États membres.

2.3.1   Le mécanisme d'alerte pour tous les EM se compose des éléments suivants:

l'évaluation régulière des risques résultant des déséquilibres macroéconomiques dans chaque État membre, qui se fonde sur un cadre de référence (tableau de bord) composé d'indicateurs économiques et de seuils de déclenchement d'alerte,

la détermination par la Commission, sur la base d'une lecture économique et non mécanique du tableau de bord, des États membres dont on estime qu'ils présentent des risques de déséquilibres, afin d'évaluer le degré effectif de gravité de leur situation,

une analyse approfondie de la situation économique générale des États membres dont le tableau de bord fait apparaître une image particulièrement négative,

en cas de risque avéré, l'émission éventuelle d'une recommandation de la Commission à l'État membre concerné qui entend corriger le déséquilibre et s'inscrit dans le cadre des autres recommandations politiques prévues par le semestre européen (art. 121, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne),

en cas de risque de déséquilibre grave ou – dans la zone euro - susceptible de se transmettre à d'autres États membres, mettant ainsi en péril le bon fonctionnement de l'UEM, l'ouverture éventuelle d'une procédure en déséquilibres excessifs (article 121, paragraphe 4, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne).

2.3.2   La procédure en déséquilibres excessifs requiert que les États membres concernés présentent au Conseil de l'UE un plan d'action destiné à les corriger. Si leurs mesures correctives sont jugées adéquates, la procédure à leur encontre est suspendue jusqu'à ce que le plan de mesures correctives arrêté soit appliqué, mais ils devront faire régulièrement rapport au Conseil sur les progrès réalisés La procédure est clôturée quand le Conseil, sur la base d'une recommandation de la Commission, estime que le déséquilibre a été suffisamment réduit pour ne plus être considéré comme excessif.

2.3.3   Pour les seuls pays de l'UEM, des sanctions, atteignant au maximum 0,1 % du PIB, sont décrétées en cas d'inaction face à des déséquilibres excessifs, lorsqu'un État membre a omis, lors de deux échéances successives, de présenter un plan d'action corrective adéquat ou n'a pas exécuté les mesures prévues.

2.4   L'outil essentiel pour enclencher le mécanisme d'alerte sur les déséquilibres macroéconomiques est le tableau de bord proposé par la Commission, qui est complété par une analyse spécifique de la situation économique des États membres et présente les caractéristiques suivantes:

i)

il ne comporte qu'un nombre limité d'indicateurs pour cerner les principaux déséquilibres et problèmes de compétitivité,

ii)

il prévoit des seuils d'alerte, dont le dépassement entraînera la mise sous surveillance,

iii)

il permet une différenciation des seuils selon l'appartenance ou non à la zone euro,

iv)

il revêt un caractère «évolutif», le jeu d'indicateurs devant s'adapter, au fil du temps, aux changements qui se produiront dans les différentes sources de déséquilibre.

2.4.1   D'après les premiers travaux de la Commission sur le choix des indicateurs pour le tableau de bord, ceux indiqués ci-après devraient y figurer – les trois premiers se rapportant à la position de l'État membre vis-à-vis de l'extérieur et les quatre derniers à sa situation intérieure (10):

le solde des comptes courants, rapporté au PIB, qui reflète la position nette, créditrice ou débitrice, du pays par rapport au reste du monde,

la position nette des actifs étrangers, rapportée au PIB, qui représente la contrepartie, sous forme de stock, de la balance courante,

la variation du taux de change effectif réel, fondé sur le coût unitaire de la main-d'œuvre, qui donne un indice synthétique de la compétitivité du pays (avec une différenciation des valeurs seuils pour la zone euro),

la variation des prix réels de l'immobilier, qui permet de contrôler la formation de bulles spéculatives, ou alternativement

la variation de la part du secteur immobilier dans la valeur ajoutée

la dette du secteur privé, exprimée en pourcentage du PIB, pour jauger la vulnérabilité qu'il présente face aux variations du cycle économique, de l'inflation et du taux d'intérêt,

la variation des crédits octroyés au secteur privé, qui représente la contrepartie, sous forme de flux, du stock des dettes privées,

la dette publique en pourcentage du PIB, en tant qu’indicateur traditionnel de l’état des finances des EM.

3.   La persistance des écarts de compétitivité dans la zone euro

3.1   La présence de déséquilibres macroéconomiques internes aux EM est liée aux divergences persistantes entre la demande et l’offre agrégées dans les EM, de taille à conduire à des surplus ou des déficits systématiques dans l’épargne globale d’une économie. Cela découle de multiples facteurs (qui influencent la demande et l’offre agrégées) et tend à avoir une influence négative sur le fonctionnement de l’économie des EM, de l’UEM et de l’UE dans son ensemble.

3.2   Il convient d'accueillir favorablement l'attention avec laquelle la Commission entend désormais aborder les déséquilibres de nature macroéconomique dans les EM, sur le même pied que les déficits budgétaires publics, en tant qu'ils constituent des facteurs d'instabilité économique et financière pour l'UE dans son ensemble.

3.3   Après plus de dix années où l'équilibre des finances publiques avait été l'unique élément qu'elle ait surveillé dans le cadre de l'union économique et monétaire, elle lance ici une démarche qui permet une évaluation indubitablement plus complète des performances nationales. Il apparaît de plus en plus clairement qu'il ne suffit pas de s'en tenir à la seule dimension quantitative que présente la croissance économique d'un pays mais qu'il faut également évaluer la qualité et la durabilité de la croissance même, c'est-à-dire identifier les facteurs macroéconomiques qui étaient ou non à la base de la durabilité de cette dynamique.

3.4   On avait cru, bien à tort, qu'avec l'établissement de l'UEM, les écarts de compétitivité entre les États membres ne présenteraient qu'un caractère transitoire. Or, en plus de révéler qu'ils sont de nature persistante, l'expérience de l'euro a indiqué qu'ils menaçaient les fondements mêmes de cette union, en créant des situations difficilement soutenables, ainsi que les crises financières de ces derniers mois sont en train de le démontrer.

3.4.1   Au cours de la décennie qui a précédé la crise économique, on a notamment pu constater l'apparition, entre les pays appartenant à la zone euro, d'un écart durable de productivité, exprimé sous la forme du taux de change effectif réel, et de compétitivité (évolution des exportations) (voir les figures 1 et 2 de l'annexe) (11). Le caractère exceptionnel de cette situation ne tient pas tant à son occurrence qu'à sa persistance dans le temps, car dans les cas précédents (décennies 1970 et 1980), les divergences s'étaient résorbées rapidement grâce au réajustement des taux de change nominaux des pays concernés.

3.4.2   Ces disparités ont eu des répercussions sur les balances commerciales des États membres. La balance commerciale de l'Allemagne et celle du groupe des pays «périphériques», où l'on trouve le Portugal, l'Irlande, l'Italie, la Grèce et l'Espagne, témoignent d'évolutions croisées, le niveau des déficits semblant correspondre à celui des excédents (tableaux 3 et 4 de l'annexe) (12). La dynamique n'apparaît pas de nature temporaire: au contraire, l'écart tend à se creuser depuis la création de l'union économique et monétaire, même si la crise de 2008 semble les atténuer.

3.4.3   La perpétuation de ces contrastes entre pays au regard de la compétitivité et de l'activité exportatrice tend à se traduire dans leur balance des paiements courants comme dans leur position nette vis-à-vis des actifs étrangers (fig. 5 et 6 de l'annexe) et génère dès lors des situations qui, à moyen terme, sont difficilement soutenables pour certains États membres de la zone euro.

4.   Points critiques de l'intervention proposée

4.1   Face, toutefois, à un contexte aussi problématique, qui nécessite des solutions tout aussi vigoureuses, les réformes proposées par la Commission et les risques qui pourraient en résulter laissent subsister un certain nombre d'interrogations.

4.2   Si, comme l'a souligné la Commission (13), l'apparition et la persistance de déséquilibres internes de nature macroéconomique est imputable à des facteurs de compétitivité et si par compétitivité l'on entend, suivant la définition qu'en donne la Commission, «la capacité d'une économie à assurer de façon durable à sa population un taux d'emploi élevé et un niveau de vie élevé et en progression» (14), le CESE juge opportun de prendre en compte un large éventail de causes économiques, financières et sociales à l'origine de ces déséquilibres macroéconomiques et par conséquent d'indicateurs à intégrer dans le tableau de bord afin de détecter les déséquilibres macroéconomiques potentiels.

4.2.1   Parmi les facteurs de compétitivité figurent ceux qui sont liés aux prix (et dont le taux de change réel effectif fournit une image synthétique) et d'autres, tout aussi importants, qui n'ont pas de liens avec ces mêmes prix. Dans cette dernière catégorie, il faut ranger l'étendue de la gamme des productions, la teneur technologique des biens produits, la qualité de l'offre de produits, celle des services en rapport avec ceux-ci (services d'assistance), etc. Ces éléments constituent toute une série de critères déterminants pour définir la compétitivité d'un système productif; ils sont certes difficiles à quantifier sous la forme d'un indicateur unique mais demanderaient néanmoins que l'on définisse des paramètres propres à en retracer le niveau et l'évolution au sein des États membres de l'union économique et monétaire.

4.2.2   Les premières analyses de la Commission quant au choix des indicateurs semblent montrer une sous-évaluation de l'effet que la gravité des inégalités et leur accentuation produisent pour la naissance entre les EM de déséquilibres sur un laps de temps long, couvrant au moins les vingt dernières années, qui s'est caractérisé par le creusement de fortes disparités dans la répartition des ressources et des rémunérations. On se référera en particulier au rôle de détonateur qu'elles ont joué pour le déclenchement de la crise économique et financière, en rompant les équilibres entre l'expansion globale de l'offre de biens et de services et la détérioration du pouvoir d'achat des consommateurs (15).

4.2.3   L'ensemble des indicateurs devant figurer dans le tableau de bord devrait permettre d'identifier les facteurs susceptibles d'entraîner des déséquilibres de la demande et de l'offre agrégée en raison de phénomènes de nature macroéconomique, financière et sociale. Il pourrait être utile, par exemple, d'intégrer dans le tableau de bord tant le coefficient de Gini sur la concentration de la richesse, dont les valeurs sont particulièrement élevées dans le cas des pays méditerranéens et anglo-saxons (16), que l'écart entre le PIB réel et potentiel d'un pays. Cela permettrait de prendre en compte le cycle conjoncturel du pays en question.

4.2.4   Il apparaît dès lors souhaitable que la réflexion sur les indicateurs à intégrer dans le tableau de bord soit élargie de façon à inclure, au niveau tant national qu'européen, le nombre le plus élevé possible d'acteurs institutionnels et d'organes représentatifs de la société civile organisée, parmi lesquels le CESE et le Comité des régions.

4.3   De surcroît, le parallélisme établi par la Commission entre la gouvernance fiscale et la gouvernance macroéconomique paraît tout à la fois faible et fondé sur des bases scientifiques peu solides. Alors qu'il existe en effet des arguments forts qui plaident pour une mise sous contrôle de la politique fiscale des États membres de l'union économique et monétaire (17), s'agissant des déséquilibres macroéconomiques internes, les raisons et les modalités de la coordination semblent nettement plus prêter à controverse, même si la procédure de surveillance procède assurément d'exigences concrètes (18).

4.3.1   Compte tenu des multiples causes des déséquilibres, les paramètres à suivre simultanément sont nombreux (échanges extérieurs, coûts de production, disparités dans la répartition des ressources, facteurs de productivité liés ou non aux prix, bulles immobilières et spéculatives, etc.) et interagissent par ailleurs avec des éléments culturels et sociaux extérieurs au système de production, comme les préférences et les comportements des consommateurs et épargnants. Outre le problème de la définition et du choix de ces paramètres, se pose également le problème de la détermination des seuils d'alerte et celui de l'évaluation comparative des différentes sources de déséquilibres (19).

4.3.2   À cela s'ajoute le fait que la relation entre l'identification des déséquilibres (au moyen des seuils d'alerte), les mesures de correction et le retour à une situation d'équilibre dans des délais raisonnables ne va pas du tout de soi. Il n'est pas sûr que l'intervention destinée à assurer le rétablissement de l'équilibre macroéconomique permette de trouver les réponses les plus adéquates sur le terrain de la politique économique. Des décisions erronées pourraient au contraire favoriser une action procyclique, qui amplifierait et prolongerait la phase actuelle de contraction de l'économie par des interventions restrictives, alors qu'il faudrait au contraire lancer des initiatives d'expansion, afin de stimuler la demande. Il est même possible que la combinaison de politiques économiques prescrites aux différents États membres afin de restaurer leur équilibre interne soit en fait inappropriée pour l'UE dans son ensemble.

4.3.3   Les indicateurs que semble privilégier la Commission aux fins de la surveillance – essentiellement, les prix et les salaires et, donc, la compétitivité – dépendent au premier chef d'intervenants extérieurs à la sphère publique, en l'occurrence les entreprises et les syndicats, de sorte que la politique économique ne peut exercer sur eux qu'un contrôle indirect et différé, qui passe par des incitants, la réglementation de la concurrence et le dialogue social. Il en résulte que ces variables ne se prêtent guère à des interventions qui recourent à des automatismes et soient effectuées en temps voulu; ce n'est donc nullement un hasard si la Commission soutient qu'il y a lieu de faire preuve de souplesse dans l'application des nouvelles règles et de les faire évoluer en permanence.

4.4   Il manque par ailleurs dans l'ensemble législatif proposé une opportune réflexion sur la politique en matière de monnaie et de crédit, laquelle offrirait un terrain plus fécond pour la recherche d'une coordination renforcée, dans le cadre de la surveillance financière et du contrôle à exercer sur l'accumulation excessive des dettes contractées par le secteur privé (et, symétriquement, des crédits qui lui sont octroyés) (20), thème sur lequel le CESE a déjà formulé plusieurs propositions (21). La proposition n'évoque aucunement le rôle que, sans préjudice de l'autonomie statutaire dont elle jouit à juste titre, la Banque centrale européenne (BCE) pourrait jouer en matière de stabilité économique, aux côtés du réseau des banques centrales nationales et des instances nouvelles que sont le Conseil européen du risque systémique et l'Autorité bancaire européenne.

4.4.1   Ces dernières apparaissent en mesure d'instaurer, du moins potentiellement, une politique européenne de surveillance du crédit qui soit plus prudente et plus attentive qu'il n'en a été par le passé, quand des règles et des pratiques inadéquates ont laissé s'accomplir des excès et plongé certains États membres dans une crise qui a mis en péril l'union économique et monétaire tout entière. Rappelons en effet que des pays aujourd'hui en difficulté comme l'Irlande et l'Espagne respectaient jusqu'en 2007 les contraintes de la politique de stabilité et de croissance et affichaient des budgets équilibrés et une dette publique faible, tandis que sur le front du crédit, ils gonflaient l'offre qui à son tour alimentait la flambée immobilière, sans que cette expansion excessive du crédit n'attire l'attention des autorités monétaires de l'UE. Ces problèmes sont également liés au rôle des agences de notation, et en particulier à l'impact de leurs décisions sur les finances publiques des EM, sujet sur lequel le CESE a déjà exprimé sa préoccupation (22).

4.4.2   C'est la raison pour laquelle il apparaît opportun d'attribuer à l'UE des pouvoirs spécifiques de supervision et de réglementation afin d'empêcher une expansion excessive du crédit dans les États membres, notamment ce qui concerne l'octroi de crédits hypothécaires (23). Dans une zone financière intégrée comme celle de l'UEM, il serait souhaitable de confier les pouvoirs de supervision et de réglementation à un organisme tiers plutôt qu'aux autorités nationales. Des compétences et des pouvoirs pourraient être conférés aux nouvelles autorités financières européennes afin qu'elles puissent exercer efficacement une surveillance directe ou indirecte sur le système bancaire et procéder à des interventions de régulation du crédit, dont les critères (de régulation) devront être définis de manière adéquate.

4.5   Il faut enfin déplorer l'absence, dans l'ensemble législatif proposé, d'une réflexion sur le budget de l'UE. Compte tenu de l'apparition possible de chocs asymétriques dans les États membres de la zone euro, c'est-à-dire de variations de la demande et de l'offre positives ou négatives selon les pays, et de l'impossibilité d'utiliser le levier du taux de change ou du taux d'intérêt (24), il apparaît nécessaire de recourir à d'autres instruments d'ajustement du système économique. En dehors des prix et des salaires, généralement peu flexibles, la théorie économique estime que le seul instrument efficace en l'occurrence est l'existence d'un système budgétaire plus flexible et plus généreusement doté que le système actuel. Cela permettrait d'd'effectuer des transferts des zones favorisées par les chocs vers celles qui en sont affectées, soit au moyen des stabilisateurs automatiques, soit par le biais du financement de projets d'investissement paneuropéens (par exemple via l'émission d'euro-obligations) (25).

4.6   Afin de contribuer à l'équilibre entre les mesures incitatives et les sanctions adoptées pour remédier au déséquilibre macroéconomique excessif de la zone euro, le CESE suggère que les amendes infligées ne soient pas redistribuées entre les États membres en fonction de l'importance de leur revenu national brut comme le propose la Commission, mais qu'elles viennent alimenter le mécanisme européen de stabilité.

4.7   Le Comité tient à rappeler à nouveau (26), dans le présent avis, que règles et automatismes risquent non seulement de s'avérer d'une piètre efficacité pour prévenir les crises graves, car ils découlent presque toujours d'événements extraordinaires et imprévisibles, mais que le danger existe même qu'ils aggravent la situation. D'une part, ils peuvent faire baisser la confiance accordée aux institutions de l'UE, qui, aux yeux des citoyens européens, abdiquent tout choix politique pour s'en remettre aux «technocrates bruxellois», comme il ressort des sondages de l'Eurobaromètre (27). D'autre part, ils sanctuarisent une approche traditionnelle de la résolution des problèmes qui laisse au second plan les problématiques de la croissance, de la justice sociale et de la dégradation de l'environnement, risquant ainsi de tuer dans l'œuf les ambitions de la stratégie Europe 2020.

4.8   Il semble que l'optique même de «court-termisme» qui gouverne les activités financières et qui semblait avoir été pointée comme la cause cachée de la crise soit désormais en train de devenir la clé de voûte de la politique européenne (28). Ce sont les interventions ponctuelles qui prévalent, tant dans les institutions de l'UE qu'à l'échelon intergouvernemental (29), qu'il s'agisse de faire front à des situations critiques, demandant une aptitude à décider promptement, ou pour épouser les évolutions de l'opinion publique dans les États membres les plus stratégiques, que les hommes politiques scrutent avec anxiété, surtout dans un contexte d'échéances électorales en cascade.

5.   Potentialités de l'intervention visant à résorber les déséquilibres macroéconomiques

5.1   Une coordination efficace des politiques économiques européennes, qui n'entend pas se laisser influencer par les dynamiques électorales et les brusques revirements de l'opinion publique, suppose obligatoirement que le Parlement européen (PE), le Comité des régions et le CESE jouent un rôle plus incisif, en tant qu'ils sont les institutions représentatives des citoyens et de la société civile. C'est en leur sein que le processus de coordination prévu par la Commission peut se doter d'une légitimité démocratique forte pour les procédures préventives et correctives et dégager ainsi le vaste consensus qui apparaît nécessaire pour qu'elles soient appliquées efficacement.

5.2   On soulignera en particulier que le semestre européen, tel qu'il est conçu au stade actuel, ne réserve au Parlement européen qu'une mission de second ordre, limitée à la phase initiale du débat et à la première orientation du processus de coordination, alors qu'il pourrait au contraire assumer une fonction plus utile et efficace s'il se coordonnait avec l'activité des Parlements nationaux dans la phase de débat et d'approbation des budgets de chaque État membre. Le Parlement européen peut même intervenir de manière décisive pour susciter l'adhésion en faveur du cadre macroéconomique de référence, des priorités à fixer parmi les problèmes à affronter et de la détermination des politiques économiques à mettre en œuvre. Il peut être le lieu où se conclura une stratégie commune qui ne se borne pas à énoncer des règles et des procédures formelles mais détaille les politiques concrètes nécessaires pour renforcer la confiance et répondre aux attentes des citoyens européens.

5.3   L'accent mis sur les déséquilibres de compétitivité requiert d'accorder davantage d'attention à la négociation entre les gouvernements, les partenaires sociaux et la société civile, surtout dans la zone euro, où les États membres ne disposent plus du levier qu'est l'ajustement du taux de change. Les relations entre les gouvernements, les parties prenantes au dialogue social (syndicats et fédérations d'entreprises) et la société civile devraient donc faire partie intégrante de la stratégie définie par la Commission.

5.4   C'est dans ce cadre, en sa qualité de forum pouvant favoriser le dialogue entre les organisations représentatives de la société civile, que le CESE, dans le respect de son rôle d'organe consultatif des institutions européennes, peut apporter sa contribution au renforcement de la gouvernance économique de l'UE. Sa valeur ajoutée réside précisément dans la représentation en son sein des organisations qui peuvent favoriser, à l'issue d'une analyse attentive, le consensus social sur les politiques économiques dans les EM. Il peut ainsi apporter une contribution notable pour l'engagement et la responsabilisation non seulement des dirigeants politiques mais aussi et surtout des citoyens des États membres et du tissu productif, social et civil sur lequel repose l'UE.

5.4.1   Le Comité pourrait convoquer une session annuelle spécifiquement consacrée au débat touchant aux recommandations visant à dégager un consensus sur les réformes au niveau national et aux moyens d'y parvenir, en tenant compte des retombées sociales des mesures adoptées (30). Cette discussion pourrait se dérouler à l'automne, après l'adoption formelle des recommandations par les États membres, et ses conclusions serviraient de base pour un échange de points de vue avec les différents Conseils économiques et sociaux nationaux, les Parlements nationaux et le Parlement européen, permettant ainsi, tout à la fois, d'évaluer les stratégies adoptées et de les diffuser, pour susciter l'adhésion, au niveau national.

5.5   Il conviendrait en outre d'encourager un usage plus intense et plus fonctionnel du dialogue macroéconomique (DME). Moyennant un saut qualitatif, ce dialogue pourrait devenir un instrument grâce auquel les gouvernements et les partenaires sociaux évalueraient de concert la situation économique au niveau de l'UE et les interventions à mettre en œuvre, en lien étroit avec les processus de dialogue social et de concertation au niveau national, afin d'assurer une cohérence entre les dynamiques de l'UE et les dynamiques nationales, dans le respect des compatibilités sociales.

5.5.1   La prévention et la correction des déséquilibres ne peuvent être confiées uniquement à la Commission et aux gouvernements des États membres (31). Le processus de formation des salaires et des prix représente un élément fondamental de l'ensemble du mécanisme de contrôle des déséquilibres macroéconomiques et toute action politique en la matière doit par conséquent tenir compte de l'article 153, paragraphe 5 du Traité européen et impliquer les partenaires sociaux, et ce au niveau tant national qu'européen. Dans ce contexte, le DME peut être renforcé au niveau européen grâce à une structure et une organisation stables, tandis qu'au niveau national, il peut mieux s'articuler avec le dialogue social et les institutions compétentes. Les gouvernements nationaux devraient soutenir et encourager la présence d'entreprises et de syndicats dans ces organismes et les formes de négociation collective qui y sont pratiquées. Face à la difficulté qu'il y a à corriger les déséquilibres au moyen de réformes nationales et aux retards pris à cet égard, le renforcement du DME pourrait représenter un instrument plus efficace, rapide et coordonné, capable de préserver la cohérence entre les problématiques macroéconomiques et les dynamiques du marché du travail.

Bruxelles, le 5 mai 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Commission européenne, direction générale Affaires économiques et financières, The impact of the global crisis on competitiveness and current account divergences in the euro area («L'incidence de la crise mondiale sur les écarts de compétitivité et de comptes courants dans la zone euro»), Quarterly Report on the Euro Area, 1/2010.

(2)  COM(2002) 714 final.

(3)  OIT-FMI, The Challenges of Growth, Employment and Social Cohesion («Les défis de la croissance, de l'emploi et de la cohésion sociale», document de discussion pour la conférence commune OIT-FMI, Oslo, 13 septembre 2010 (pp. 67-73).

(4)  Monti M., Une nouvelle stratégie pour le marché unique. - Au service de l'économie et de la société européennes, Rapport au Président de la Commission européenne, mai 2010. Delors J., Fernandes S., Mermet E., Le semestre européen: un essai à transformer. Notre Europe, Les Brefs, n. 22, février 2011. Amato A., Baldwin R., Gros D., Micossi S., Padoan P., A new political deal for Eurozone sustainable growth: An open letter to the President of the European Council («Une nouvelle donne politique pour une croissance durable dans la zone euro: lettre ouverte au président du Conseil européen»), VoxEU.org, décembre 2010, disponible en ligne à l'adresse www.voxeu.org/index.php?q=node/5893.

(5)  Les paragraphes 1.15 à 1.18 reprennent certaines des recommandations formulées dans l'avis ECO/282 relatif à la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen et au Comité des régions «Améliorer la coordination des politiques économiques au profit de la stabilité, de la croissance et de l'emploi – Des outils pour améliorer la croissance économique de l'UE», JO C 107 du 6.4.2011, p. 7.

(6)  COM(2010) 367 final, qui fait l'objet de l'avis du CESE “Améliorer la coordination des politiques économiques”, JO C 107 du 6.4.2011, p. 7.

(7)  COM(2010) 250 final.

(8)  Pour plus de détails, on se reportera à la page Internet http://ec.europa.eu/economy_finance/articles/eu_economic_situation/2010-09-eu_economic_governance_proposals_en.htm.

(9)  Avis du CESE sur le thème «La surveillance budgétaire dans la zone euro» (voir page 46 du présent Journal officiel).

(10)  Commission européenne, direction générale Affaires économiques et financières, «A structured framework to prevent and correct macroeconomic imbalances: operationalising the alert mechanism» («Un cadre structuré pour prévenir et corriger les déséquilibres macroéconomiques: mettre en œuvre le mécanisme d'alerte») et «A structured surveillance procedure to prevent and correct harmful macroeconomic imbalances: An explanation of the Commission's proposal of 29 September 2010» («Procédure structurée de surveillance pour prévenir et corriger les déséquilibres macroéconomiques dommageables: explication de la proposition de la Commission du 29 septembre 2010», note à l'attention du comité de politique économique et des suppléants du comité économique et financier, 11 novembre 2010 (cfr. Centro Europa Ricerche - CER, 2011, Vincoli Esteri).

(11)  Commission européenne, direction générale Affaires économiques et financières, Surveillance of Intra-Euro-Area Competitiveness and Imbalances («Surveillance de la compétitivité et des déséquilibres intraeuropéens»), European Economy, 1/2010.

(12)  Altomonte C., Marzinotto B., Monitoring Macroeconomic Imbalances in Europe: Proposal for a Refined Analytical Framework («Le suivi des déséquilibres macroéconomiques en Europe: proposition pour un cadre analytique affiné»), note à l'attention de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, septembre 2010.

(13)  Commission européenne, direction générale Affaires économiques et financières, The impact of the global crisis on competitiveness and current account divergences in the euro area («L'incidence de la crise mondiale sur les écarts de compétitivité et de comptes courants dans la zone euro»), Quarterly Report on the Euro Area, 1/2010.

(14)  COM(2002) 714 final, Communication sur la politique industrielle dans une Europe élargie (p. 2).

(15)  OIT-FMI, The Challenges of Growth, Employment and Social Cohesion («Les défis de la croissance, de l'emploi et de la cohésion sociale»), document de discussion pour la conférence commune OIT-FMI, Oslo, 13 septembre 2010 (pp. 67-73).

(16)  OCDE, Croissance et inégalités: Distribution des revenus et pauvreté dans les pays de l’OCDE, octobre 2008.

(17)  Ils ont trait aux retombées négatives qui, via le taux d'intérêt commun, se propagent des pays fortement endettés à ceux qui ont un comportement vertueux au sein d'une union monétaire. De Grauwe P., Economics of Monetary Union («Économie de l'union monétaire»), Oxford University Press, 2009, chapitre 10.

(18)  Tabellini G., Reforming the Stability Pact: Focus on financial supervision («Réformer le pacte de stabilité: l'accent mis sur la supervision financière»), VoxEU.org, octobre 2010, disponible en ligne à l'adresse www.voxeu.org/index.php?q=node/5622.

(19)  Belke A., Reinforcing EU Governance in Times of Crisis: The Commission Proposal and beyond («Renforcer la gouvernance de l'UE en temps de crise: la proposition de la Commission et au-delà», Deutsches Institut für Wirtschaftsforschung – Documents de discussion du DIW, Berlin, novembre 2010.

(20)  De Grauwe P., Why a tougher Stability and Growth Pact is a bad idea («Un pacte de stabilité et de croissance plus stricte: pourquoi s'agit-il d'une mauvaise idée»), VoxEU.org, octobre 2010, disponible en ligne à l'adresse http://www.voxeu.com/index.php?q=node/5615. Giavazzi F., Spaventa L., The European Commission’s proposals: Empty and useless («Les propositions de la Commission européenne: creuses et inutiles»), VoxEU.org, octobre 2010, disponible en ligne à l'adresse www.voxeu.org/index.php?q=node/5680. Tabellini G., Reforming the Stability Pact: Focus on financial supervision («Réformer le pacte de stabilité: l'accent mis sur la surveillance financière»), VoxEU.org, octobre 2010, disponible en ligne à l'adresse www.voxeu.org/index.php?q=node/5622.

(21)  Avis du CESE «Les implications de la crise de la dette publique pour la gouvernance de l'UE», JO 2011/C 51/03, p. 15 .

(22)  Avis du CESE «Agences de notation», JO 2009/C 277/25, p. 117 et«Agences de notation de crédit», JO 2011/C 54/12, p. 37 .

(23)  Spaventa L., How to prevent «excessive» current account imbalances («Comment prévenir des déséquilibres excessifs de la balance courante»), EuroIntelligence, septembre 2010, disponible en ligne à l'adresse www.eurointelligence.com/index.php?id=581&tx_ttnews[tt_news]=2909&tx_ttnews[backPid]=901&cHash=b44c8f9ae0.

(24)  Si ces variations positives et négatives s'équilibrent au niveau de l'union monétaire, la Banque centrale de l'Union n'a aucune raison d'intervenir sur la politique monétaire (cf. De Grauwe P., Economics of Monetary Union («Économie de l'union monétaire»), op. cit., chapitre 1).

(25)  Monti M., A New Strategy for the Single Market. At the Service of Europe’s Economy and Society («Une nouvelle stratégie pour le marché unique au service de l’économie et de la société européennes»), Rapport au Président de la Commission européenne, mai 2010. Delors J., Fernandes S., Mermet E., Le semestre européen: un essai à transformer. Notre Europe, Les Brefs, no 22, février 2011. Amato A., Baldwin R., Gros D., Micossi S., Padoan P., A new political deal for Eurozone sustainable growth: An open letter to the President of the European Council («Une nouvelle donne politique en faveur d'une croissance durable au sein de la zone euro: lettre ouverte au Président du Conseil européen»), VoxEU.org, décembre 2010, disponible en ligne à l'adresse www.voxeu.org/index.php?q=node/5893.

(26)  Cette observation a déjà été formulée dans l'avis CESE «Améliorer la coordination des politiques économiques», JO 2011/C 107/02, p. 7.

(27)  Cette évaporation de la confiance concerne moins les institutions européennes en tant que telles que la conviction qu'il est utile de faire partie de l'Union. Données de l'Eurobaromètre 73 – Premiers résultats, question QA9a et QA10a.

(28)  Monti M., Europe must buck short-term tendencies («L'Europe doit jeter les tendances “court-termistes” par-dessus bord»), Financial Times, 13 décembre 2010.

(29)  Il suffit d'évoquer le «pacte de compétitivité» présenté par les gouvernements français et allemand le 4 février 2011.

(30)  Comme cela a été proposé dans l'avis du CESE «Améliorer la coordination des politiques économiques».

(31)  Watt A., Economic Governance in Europe: A Change of Course only after Ramming the Ice («Gouvernance économique en Europe: un changement de direction ne sera possible qu'après le passage du brise-glace»), Social Europe Journal, 30 juillet 2010, consultable en ligne à l'adresse www.social-europe.eu/2010/07/economic-governance-in-europe-a-change-of-course-only-after-ramming-the-ice. Watt A., European economic governance: what reforms are to be expected and what are needed?, article pour European Alternatives, 2010 («Gouvernance économique européenne: les réformes auxquelles il faut s'attendre et celles qui sont nécessaires»), consultable en ligne à l'adresse www.euroalter.com/wp-content/uploads/2010/11/Watt-ENG.pdf.


23.7.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 218/61


Avis du Comité économique et social européen sur le «Livre blanc: les régimes de garantie des assurances»

COM(2010) 370 final

2011/C 218/10

Rapporteur: Joachim WUERMELING

Le 29 avril 2010, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le:

«Livre blanc: les régimes de garantie des assurances»

COM(2010) 370 final.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 5 avril 2011.

Lors de sa 471e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 5 mai 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 148 voix pour, 7 voix contre et 10 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le CESE salue le livre blanc de la Commission européenne sur les régimes de garantie des assurances. Il appuie les efforts déployés par la Commission afin de proposer, au sein de l'UE, des mesures visant à protéger les preneurs d'assurance.

1.2   Le CESE soutient les efforts menés par la Commission pour fixer des règles harmonisées en matière de régimes de garantie. Il conforte la Commission dans son intention de proposer une directive européenne offrant un niveau de protection élevé sous la forme d'une harmonisation minimale, afin que les systèmes nationaux puissent également prévoir une protection plus étendue. Le régime de garantie doit intervenir en dernier ressort, lorsque le recours à d'autres instruments, par exemple de contrôle prudentiel, est épuisé.

1.3   Ce faisant, il convient de garder à l'esprit qu'au cours des dernières années, l'on a assisté à une nette amélioration des dispositions relatives à la solvabilité des compagnies d'assurance grâce à la surveillance et aux exigences en matière de capital propre. Si l'expérience montre que le taux de faillite dans les assurances est faible, les mesures proposées devraient le faire baisser davantage. Il convient de prendre en considération cet aspect lors de la conception des systèmes de garantie, afin de parvenir à un rapport équilibré entre coûts et efficacité. Le CESE se prononce dès lors en faveur de dispositions européennes permettant d'une part d'atteindre l'objectif de sécurisation des consommateurs et des salariés, et d'autre part de limiter les dépenses pour les entreprises et les assurés.

1.4   Le CESE est d'avis que la Commission a raison d'aborder, dans le livre blanc, la problématique d'une couverture illimitée des systèmes de garantie. Il faut éviter que des compagnies d'assurance sérieuses ne soient elles-mêmes mises en difficulté en raison d'obligations de garantie illimitées. Aussi le CESE se félicite-t-il que la Commission envisage, dans le livre blanc, de fixer des limites en matière de réparations.

1.5   En cas d'initiative législative, la Commission devrait se pencher plus particulièrement sur la question du moment auquel il peut être fait appel au système de garantie. Celui-ci ne devrait toutefois pas intervenir avant que toutes les possibilités d'intervention prudentielle n'aient été épuisées. Dans ce contexte, le seul fait que le capital minimum requis prévu par Solvency II ne soit pas atteint doit être suffisant pour activer le régime de garantie.

1.6   Le CESE recommande que l'on examine à nouveau les différentes possibilités en matière de financement des régimes de garantie, sur la base des résultats de la cinquième analyse d'impact quantitative (QIS 5) de la directive Solvabilité II. Il serait souhaitable de définir un niveau de protection déterminé à l'échelon de l'UE, et de fixer la dotation spécifique en fonction du risque national respectif et du risque de chaque branche.

1.7   Eu égard aux systèmes existants de garantie dans les États membres, il convient que la réglementation européenne prévoie un niveau de protection élevé et approprié. Les questions de conception peuvent ensuite être laissées aux États membres, par exemple en ce qui concerne le montant détaillé des contributions, le moment du financement, la décision concernant un transfert de portefeuille ou l'octroi d'indemnités et la mise en place de systèmes de garantie spécifiques pour chaque branche.

2.   Introduction

2.1   Les assurances couvrent pour le consommateur des risques élémentaires tels que la maladie, les accidents ou la responsabilité civile, et pourvoient à ses besoins à la fin de sa vie (1). La disparition d'une compagnie d'assurance peut donner lieu à une perte irréparable de la totalité ou d'une bonne partie de la fortune d'un usager, le conduisant à la pauvreté.

2.1.1   La question de la nécessité d'un régime de garantie se pose de différentes manières dans les différentes branches de l'assurance. Tandis que dans les assurances vie, le risque de disparition du capital épargné existe régulièrement, ce n'est pas le cas des assurances dommages.

2.1.2   L'assurance vie sous forme de constitution de capital permet de prévoir, à long terme, des ressources pour sa vieillesse ou ses survivants. En cas de disparition, et en l'absence de protection contre l'insolvabilité, c'est une partie non négligeable de la prévoyance privée qui se trouverait dévalorisée. Dans les cas graves, les systèmes de sécurité sociale de l'État devraient intervenir. Aussi le CESE estime-t-il que c'est dans cette branche que l'introduction de systèmes de garantie est la plus urgente.

2.1.3   Dans le cas des assurances dommages et des assurances responsabilité civile obligatoires, il y a lieu de protéger les preneurs d'assurance qui pouvaient prétendre à une réparation pour un dommage n'ayant pas encore été réglée au moment précis de l'insolvabilité. Pour les autres assurés en revanche ne se pose pas le problème de la signature d'un nouveau contrat auprès d'une autre compagnie d'assurance à des conditions moins intéressantes, en raison du fait que le preneur d'assurance a entretemps vieilli, ou que son état de santé s'est dégradé. Une nouvelle couverture peut généralement être trouvée sur le marché, à des conditions comparables.

2.2   Les chiffres de la Commission indiquent que depuis 1994, sur les 5 200 compagnies d'assurance (2008), seules 130 entreprises se sont trouvées en défaut de paiement. Il convient de noter à ce sujet que les entreprises sont légalement tenues de réserver un capital propre permettant en pareil cas de pouvoir satisfaire, intégralement ou tout du moins en partie, les demandes des preneurs d'assurance.

2.3   Par conséquent, il n'a jusqu'ici pas été jugé nécessaire de prévoir des régimes de garantie à l'échelle européenne pour les rares cas d'insolvabilité d'une compagnie d'assurance. La Commission avait certes commencé en 2001 les travaux préparatoires à l'élaboration d'une directive, avant que le projet ne soit reporté. Bien que les systèmes de garantie collective ne soient pas la norme dans les économies de marché, ils ont été largement mis en place dans le secteur financier, eu égard aux risques particuliers pour le consommateur.

2.4   Dans le domaine bancaire, il existe depuis 1994 un système de garantie des dépôts à l'échelon européen en raison du risque de «panique bancaire» susceptible de déstabiliser en profondeur les marchés financiers (2). Son actualisation est en cours (3). Cependant, le secteur des assurances est exposé à des risques différents de ceux qui caractérisent le secteur bancaire. En particulier, le premier ne connaît ni risque de panique, ni besoin de refinancement. Aussi un système de garantie efficace doit-il être conçu de manière structurellement différente selon qu'il s'agit du secteur des assurances ou de celui des banques.

2.5   Afin de protéger le client contre la perte de ses droits, le législateur a prévu dans le domaine des assurances des mesures très complètes: une surveillance globale et proactive, des exigences élevées en matière de capital propre, des règles strictes pour les investissements en capital, et la protection des droits dans le cadre du droit des faillites. La mise en œuvre de la directive Solvabilité II réduit encore davantage le risque de difficultés financières des assureurs (4).

2.6   Les risques liés à l'assurance directe sont en outre spécialement couverts par des réassurances, ce qui limite encore le risque de faillite. Le regroupement et la diversification d'un grand nombre de risques au niveau de la réassurance renforcent les liens entre assureurs, et contribuent ainsi à une protection supplémentaire des consommateurs.

2.7   Par ailleurs, à la suite de la crise sur les marchés financiers, l'Union européenne a fondé le contrôle financier sur une base entièrement nouvelle, à l'échelon européen. La création de la nouvelle «Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles» (AEAPP) fait également partie de ce dispositif pour le domaine des assurances.

2.8   Dans une large mesure, le secteur de l'assurance est resté stable pendant la crise financière. Bien que n'en étant pas à l'origine (5), il a été touché par ses conséquences. Les assureurs européens ont dû procéder à des amortissements. Dans le contexte de taux d'intérêts maintenus à un faible niveau par les opérations de sauvetage et la politique monétaire, les compagnies d'assurance éprouvent des difficultés à générer les rentes nécessaires sur leurs actifs. Les faillites spectaculaires dans ce secteur, par exemple de l'AIG ou, plus récemment, de l'Ambac, aux États-Unis, n'étaient pas dues à l'activité d'assurance classique, mais aux opérations permettant de se prémunir contre les risques de crédit assimilables à l'activité bancaire. Cela pourrait se reproduire à l'avenir, en particulier dans le cas des entreprises et des conglomérats financiers exerçant à la fois des activités de banque et d'assurance.

2.9   12 États membres sur 27 disposent déjà de systèmes de garantie pour les assurances (6). Ceux-ci sont très complexes: dans beaucoup d'États membres, l'assurance ne concerne que certaines branches. En outre, l'ampleur de la couverture de ces systèmes varie. Il existe parfois aussi des garanties de l'État.

2.10   Les groupes d'assurance actifs à l'échelle européenne opèrent généralement sur les marchés nationaux grâce à des filiales nationales autonomes, qui contribueraient aux systèmes de garantie nationaux respectifs. Si une grande entreprise européenne était en proie à de graves difficultés financières, les régimes de garantie nationaux seraient généralement suffisants pour protéger les usagers. Le CESE préconise toutefois l'instauration d'un régime européen de garantie pour les entreprises d'assurance exerçant des activités transfrontalières, pour les cas où les régimes de garantie nationaux ne seraient pas suffisants.

2.11   Les coûts générés par un régime de garantie sont au final répercutés sur les preneurs d'assurance, qui paient des primes plus élevées. Certes, il protège le consommateur individuel du risque d'insolvabilité. Mais c'est l'ensemble des utilisateurs qui en supporte les coûts.

3.   Remarques au sujet des réflexions de la Commission au chapitre 3 du livre blanc

3.1   Nature de l'action envisagée par l'Union européenne (paragraphe 3.1 du livre blanc)

Les marchés nationaux de l'assurance divergent grandement du point de vue de la structure des produits et du risque. Il conviendrait par conséquent de choisir l'instrument de la directive d'harmonisation minimale, afin de permettre aux États membres de prendre dûment en considération les spécificités nationales en matière de droit de l'insolvabilité, de droit des contrats, de droit fiscal et de droit social, ainsi que l'option du maintien des structures existantes ayant déjà fait leurs preuves quant à leur compatibilité avec les dispositions de la directive.

3.2   Niveau de centralisation et rôle des régimes de garantie des assurances (paragraphe 3.2 du livre blanc)

3.2.1   En premier lieu, il convient de veiller à ce que l'on ne soit pas confronté à une situation d'insolvabilité d'une compagnie d'assurance. Pour ce faire, il faut avant tout disposer d'un système de surveillance efficace. En cas d'échec, les régimes de garantie peuvent entrer en jeu.

3.3   Champ d'application territorial (paragraphe 3.3 du livre blanc)

La Commission favorise à juste titre le principe du pays d'origine qui concorde avec les principes de l'autorité européenne de surveillance des assurances: le contrôle de l'ensemble des activités des assureurs autorisés au sein de l'UE s'effectue, conformément à la directive Solvabilité II, dans le pays d'origine. Cela vaut également pour les activités menées dans le cadre de la liberté d'établissement au moyen de filiales, ou dans le cadre de la libre circulation des services au moyen de services transfrontaliers.

3.4   Polices d'assurance couvertes (paragraphe 3.4 du livre blanc)

3.4.1   En raison des différences entre les assurances vie et dommages, il est sage de prévoir des structures de garantie séparées pour chacune de ces branches. Au sein d'une branche, le risque est passablement homogène. La justification d'une intervention réciproque entre branches reste défendable. En revanche, il serait difficile de justifier pourquoi les affiliés d'une assurance habitation, par exemple, devraient contribuer à un régime de garantie dont les fonds seront utilisés pour le sauvetage d'une compagnie d'assurance vie. Étant donné que cela peut dépendre de spécificités nationales, telles que la question de l'obligation ou non d'une séparation juridique des entreprises des différentes branches de l'assurance sur les différents marchés (ce que l'on appelle le principe de la séparation des branches d'assurance), le législateur européen devrait laisser aux États membres leur liberté d'action dans ce domaine.

3.4.2   En ce qui concerne l'assurance automobile, et souscrivant à l'avis du CEIOPS, le CESE estime qu'il y a lieu de l'inclure dans le champ d'application de la prochaine directive sur les régimes de garantie pour des raisons de clarté, d'équilibre concurrentiel et pour faciliter une meilleure compréhension de la part des consommateurs.

3.4.3   Les propositions de la Commission ne concernent pas la protection des systèmes de pensions professionnelles, car ces systèmes ne sont pas toujours des assurances. Seuls les régimes de pensions professionnelles classiques sont couverts par le système de garantie. Le CESE estime cependant que des mesures doivent être prises en ce qui concerne les autres systèmes de pensions professionnelles et propose que cette question soit abordée dans le cadre du suivi du livre vert sur les pensions.

3.4.4   Une participation adaptée et supportable des preneurs d'assurance les incitera efficacement à s'informer au sujet du sérieux de l'entreprise, pour autant que cela soit possible pour le consommateur.

3.4.5   Il serait judicieux de prévoir des plafonds ou d'autres formes de limitation pour les prestations des régimes de garantie, tels que des seuils de minimis ou des sommes à charge de l'assuré, comme le propose dans son avis le comité européen des contrôleurs des assurances et des pensions professionnelles (CECAPP), en veillant toutefois à ne pas accabler les preneurs d'assurance avec une pléthore de limites. Il en résulterait un allègement notable des systèmes de garantie qui se répercuterait sur les prix. La communauté des assurés, à qui revient en définitive la prise en charge les coûts, en profiterait dès lors également.

3.5   Requérants éligibles (paragraphe 3.5 du livre blanc)

3.5.1   La Commission a parfaitement raison d'indiquer qu'une garantie qui couvrirait tous les acteurs du marché représenterait des coûts élevés disproportionnés. À la première phrase du livre blanc, les systèmes de garantie sont présentés comme une mesure de protection des consommateurs. Cela ne veut pas dire pour autant que le groupe de personnes protégées devrait se limiter aux consommateurs; d'autres entités qui bénéficient, dans plusieurs droits nationaux, de la même protection que celle accordée aux consommateurs, que ce soit en tant que preneurs d'assurance, assurés ou bénéficiaires, devraient également être couvertes.

3.5.2   Il convient de laisser aux États membres la possibilité d'exclure d'emblée du champ d'application des systèmes de garantie les assurances purement commerciales couvrant par exemple les arrêts d'activité ou les transports. De même, les États membres devraient décider s'il leur apparaît judicieux d'inclure les petites entreprises dans le champ d'application de la directive.

3.6   En cas d'initiative législative, la Commission devrait se pencher plus particulièrement sur la question de savoir à quel moment il peut être fait appel au système de garantie et qui peut en décider. La Commission n'envisage pas seulement le recours au régime de garantie en cas de faillite, mais également pour éviter que celle-ci ne se produise. Selon le CESE, effectivement, pour être efficace et correspondre à sa nature et aux fins pour lesquelles il a été conçu, le seul fait que le capital minimum requis prévu par Solvency II ne soit pas atteint doit être suffisant pour activer le régime de garantie.

3.7   Financement (paragraphe 3.6 du livre blanc)

3.7.1   Le calendrier de financement (paragraphe 3.6.1 du livre blanc)

3.7.1.1   La question du choix d'un système ex post, ex ante ou d'un mélange des deux est sujette à controverse. Tous les systèmes présentent des avantages et des inconvénients.

3.7.1.2   Un financement ex post prive le marché de moins de liquidités, ce qui réduit d'autant les primes des preneurs d'assurance, les coûts étant moins élevés. Il évite le problème du stockage intermédiaire des fonds collectés. Dans le cas d'un financement ex post, l'on n'utilise pas une partie des fonds alloués à la gestion avant même qu'un cas d'insolvabilité ne se produise.

3.7.1.3   Un financement ex post complique en revanche la question du traitement de l'aléa moral. Étant donné que les acteurs fragiles du marché en ont précisément déjà été éliminés à la suite d'une insolvabilité, ils ne peuvent plus participer à la répartition des coûts au moment du financement.

3.7.1.4   L'avantage du financement ex ante réside principalement dans le fait que les contributions au risque d'insolvabilité peuvent être déterminées avec précision. Les acteurs du marché exerçant des activités risquées devront apporter une contribution plus élevée. De même, la situation du financement ex ante permet d'éviter les effets procycliques, au contraire de celle du financement ex post.

3.7.1.5   La question du calendrier de financement peut avoir un grand impact sur l'efficacité d'un système de garantie. Les avantages d'un système de financement ayant un effet ex nunc compensent largement les inconvénients et le Comité ne voit pas en quoi les spécificités, traditions et particularités nationales justifieraient de laisser la décision finale aux États membres. L'efficacité du système exige une forme unique de financement ayant un effet ex nunc consacrée dans la directive.

3.7.2   Niveau cible (paragraphe 3.6.2 du livre blanc)

3.7.2.1   Il convient de limiter les contributions financières aux systèmes de garantie, comme le demande le CECAPP dans son avis. Une obligation de couverture illimitée rendrait les risques financiers imprévisibles pour chaque entreprise. Cela reviendrait à rendre chaque assureur responsable de l'ensemble du marché (7). La gestion des risques de chaque entreprise ne dépendrait alors plus de ses propres décisions, mais avant tout du comportement à risques de ses concurrents.

3.7.2.2   Dans un premier temps, la Commission a fixé l'objectif de dotation des structures de garantie à environ 1,2 % des primes brutes encaissées. Le CESE souhaiterait que les différentes possibilités soient à nouveau examinées sur la base des chiffres actuellement disponibles concernant la directive Solvabilité II. Dans ce contexte, il convient également de garder à l'esprit que la directive Solvabilité II et d'autres mécanismes d'intervention ont été créés afin de mieux protéger les preneurs d'assurance. Cet aspect a également été souligné par le CECAPP dans son avis.

3.7.2.3   Les calculs de la Commission se basent sur une probabilité moyenne de déclenchement du système de garantie de 0,1 %. Ce faisant, elle se fonde sur des capitaux propres équivalant à 100 % du capital de solvabilité requis (CSR). Si dans certains États membres et dans certaines branches, les capitaux propres sont supérieurs au CSR, le risque de faillite diminuera d'autant. La directive devrait dès lors permettre aux systèmes de garantie nationaux d'évaluer les besoins de financement en fonction du risque de dommages réel sur les marchés nationaux et dans les différentes branches.

3.7.2.4   La Commission n'aborde pas, dans le livre blanc, la question de savoir si une nouvelle contribution doit être apportée au système de garantie après qu'un dommage est survenu. Il convient toutefois de prévoir des règles et des limites claires en la matière, afin d'exclure une responsabilité illimitée et de permettre aux entreprises de connaître leurs obligations à l'avance et de s'y adapter en conséquence.

3.7.3   Contributions (paragraphe 3.6.3 du livre blanc)

3.7.3.1   L'ordre de grandeur de la contribution devrait se fonder sur les données disponibles, de manière à réduire les charges administratives. Pour l'assurance vie, la contribution pourrait être liée aux capitaux présents et pour l'assurance dommages, aux montants des provisions techniques. La dotation en capitaux propres par rapport au capital de solvabilité requis pourrait également être un critère. Le législateur européen devrait définir la méthode et permettre aux États membres de fixer les détails relatifs à l'ordre de grandeur des contributions, afin que ceux-ci puissent tenir compte de leurs spécificités nationales.

3.7.3.2   Avant de recourir aux systèmes de garantie, les assureurs solvables devraient avoir la possibilité de reprendre, sans intervention financière, des entreprises en difficulté s'ils souhaitent récupérer leur clientèle.

3.8   Transfert de portefeuille et/ou indemnisation des requérants (paragraphe 3.7 du livre blanc)

3.8.1   Deux techniques différentes sont envisageables pour les régimes de garantie: soit une indemnisation ponctuelle du preneur d'assurance, soit la poursuite du contrat par l'intermédiaire d'une instance de garantie contre l'insolvabilité, après transfert de la clientèle à cette dernière. Selon le CESE, ce «transfert de portefeuille» est avantageux pour le preneur d'assurance dans le domaine de l'assurance vie. En revanche, en matière d'assurances dommages et d'assurances contre les accidents, les indemnités pourraient suffire à protéger le consommateur. La directive européenne ne devrait en aucun cas empêcher le recours à des systèmes plus avantageux pour le consommateur.

Bruxelles, le 5 mai 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  CESE 1164/2010, paragraphe 1.4.

(2)  JO L 135 du 31.5.1994, p. 5; JO L 84 du 26.3.1997, p. 22.

(3)  COM(2010) 368 final - 2010/0207 (COD) du 12.7.2010.

(4)  JO C 224/11 du 30.8.2008, paragraphe 3.1.

(5)  CESE 1164/2010, paragraphe 1.3.

(6)  Le rapport de l'OCDE no DAF/AS/WD (2010)20 du 10 novembre 2010 donne une vue d'ensemble de ces systèmes dans les pays de l'OCDE.

(7)  CESE 1164/2010, paragraphe 2.7.3.1.


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

L'amendement suivant, qui a recueilli plus du quart des suffrages exprimés, a été rejeté au cours des débats (article 54, paragraphe 3 du règlement intérieur):

Paragraphe 2.10

Modifier comme suit:

«2.10

Les groupes d'assurance actifs à l'échelle européenne opèrent généralement sur les marchés nationaux grâce à des filiales nationales autonomes, qui contribueraient aux systèmes de garantie nationaux respectifs. Si une grande entreprise européenne était en proie à de graves difficultés financières, les régimes de garantie nationaux seraient généralement suffisants pour protéger les usagers. Le CESE préconise toutefois l'instauration d'un régime européen de garantie pour les entreprises d'assurance exerçant des activités transfrontalières, pour les cas où les régimes de garantie nationaux ne seraient pas suffisants.»

Exposé des motifs

Au stade actuel, il semble prématuré d'envisager un renflouage mutualisé de compagnies d'assurance à l'échelle européenne.

Résultat du vote

Voix pour

:

68

Voix contre

:

78

Abstentions

:

13


23.7.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 218/66


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission concernant la surveillance et la communication des données relatives à l’immatriculation des voitures particulières neuves»

COM(2010) 657 final

2011/C 218/11

Rapporteur: M. MANOLIU

Le 10 novembre 2010, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission concernant la surveillance et la communication des données relatives à l'immatriculation des voitures particulières neuves»

COM(2010) 657 final.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 5 avril 2011.

Lors de sa 471e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 4 mai 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 148 voix pour et 4 abstentions.

1.   Conclusions

1.1

Pour le CESE, la mobilité durable doit permettre aux personnes et aux biens de circuler dans toute l'Europe de la manière la plus efficace qui soit, en réduisant les émissions et en économisant du carburant. Cela suppose la disponibilité de l'information et l'accès aux modes de transport les plus appropriés, et aussi des investissements dans la technologie, l'infrastructure et les systèmes de gestion qui encouragent une circulation libre et durable.

1.2

Le CESE considère que la mobilité durable signifie concevoir un cadre réglementaire qui permette à l'industrie automobile européenne de prospérer et de continuer à innover et produire des technologies et des véhicules à faible taux d'émission pour un avenir durable.

1.3

Le CESE met l’accent sur le fait que le cadre législatif mis en place pour atteindre l’objectif applicable aux émissions moyennes des voitures neuves doit être conçu de manière à fixer des objectifs de réduction qui soient neutres du point de vue de la concurrence, socialement équitables et durables, qui respectent la diversité des constructeurs automobiles européens et qui évitent toute distorsion injustifiée de la concurrence entre ces constructeurs.

1.4

Le CESE se félicite de ce que la Commission européenne entende désormais «améliorer la réglementation» et «vise à promouvoir une interaction cohérente entre différents domaines d’action, à assurer la prévisibilité et à protéger l’intérêt général (par exemple l’environnement et la sécurité), tout en s’efforçant de réduire la charge réglementaire qui pèse sur l’industrie».

1.5

Le Comité se félicite de la volonté manifestée de développer une approche globale et d’intégrer à la fois les différentes dimensions du développement de l’industrie et de sa compétitivité et les différentes parties prenantes.

1.6

Le CESE estime important que l’établissement des normes en matière d’émissions prenne en compte les incidences sur les marchés, les consommateurs et la compétitivité des constructeurs, en stimulant l'innovation et en réduisant la consommation d'énergie. Il importe de garantir une sécurité de planification aux constructeurs automobiles.

2.   Contexte

2.1

Le marché européen des voitures particulières neuves a baissé de 5,5 % en 2010. Selon les données fournies par l'Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA), 13 360 599 voitures neuves ont été immatriculées au cours de cette année. Les résultats de 2010 ont été marqués par la fin des programmes gouvernementaux de renouvellement des flottes automobiles dans de nombreux pays de l'UE. 1 009 638 véhicules ont été immatriculés en décembre, soit 3,2 % de moins qu'à la même période de l'année précédente.

2.2

En décembre (– 3,2 %), la demande de voitures neuves a baissé considérablement en Espagne (– 23,9 %), en Italie (– 21,7 %), et au Royaume-Uni (– 18 %). Le marché français est quant à lui resté stable (– 0,7 %), tandis que le marché allemand a connu une croissance de 6,9 %.

2.3

Le segment des voitures particulières comporte une gamme de modèles plus étendue que jamais. De nouveaux types de véhicules polyvalents tels que les familiales sportives, les véhicules multisegments (crossovers) inspirés des véhicules utilitaires sport (SUV) et des familiales font la concurrence aux berlines, aux coupés, aux décapotables, aux cinq portes et aux familiales pour avoir des parts de marché. Ces nouveaux styles de carrosserie se retrouvent dans tous les segments de véhicules, des voitures compactes aux véhicules de luxe.

2.4

C'est une bonne nouvelle pour les acheteurs qui ont un plus grand choix en termes de prix, de style et de fonction. Le comportement des consommateurs a un impact sur les émissions globales des voitures particulières. Il faudrait fournir aux consommateurs des informations leur indiquant si les voitures particulières neuves respectent les objectifs d'émission.

2.5

La mobilité durable consiste à garantir aux consommateurs une véritable possibilité de choix mais également à les encourager à acheter le véhicule qui répond le mieux à leurs besoins et à leur apprendre un mode de conduite écologique afin de réduire une pollution inutile et économiser de l'argent.

2.6

Au niveau de la construction des véhicules, cela signifie trouver des matériaux plus durables, améliorer la logistique dans la chaîne d'approvisionnement pour réduire les déchets et les émissions inutiles, et concevoir davantage de pièces recyclables en fin de vie.

2.7

Les politiques gouvernementales doivent également inclure des dispositifs de réduction du CO2 qui soient plus rentables, des incitations fiscales conjointes, et le développement de carburants de substitution et d'énergies renouvelables ainsi que de leurs infrastructures respectives.

2.8

Il y a donc lieu d'élaborer une nouvelle méthodologie qui prenne dûment en compte les réductions d'émissions de CO2 réalisées grâce aux véhicules à bicarburation et à carburant modulable pouvant fonctionner avec des carburants de substitution.

2.9

L'industrie devra investir encore davantage dans les technologies de réduction des émissions, notamment dans les technologies intelligentes de gestion du trafic, et poursuivre l’amélioration de l’efficacité des moteurs.

2.10

L’UE a établi une stratégie ambitieuse visant à réduire les émissions de CO2 des véhicules routiers et de nombreux résultats concrets ont déjà été obtenus. Le règlement (CE) no 443/2009 établissant des normes de performance en matière d’émissions pour les voitures particulières neuves (1) prévoit qu’un niveau moyen d’émissions de 130 g de CO2/km pour le parc de voitures particulières neuves soit totalement respecté d’ici à 2015.

2.11

Les fabricants de voitures s'efforcent d'atteindre d'ici 2012 des objectifs sévères en matière d'émissions de CO2 pour les voitures neuves et des objectifs encore plus ambitieux d'ici 2020. L'industrie participera activement au débat sur les transports durables.

2.12

Au cours des vingt dernières années, les émissions de CO2 des voitures particulières et des véhicules commerciaux ont fortement chuté (environ 20 % depuis 1995). La Commission européenne a reconnu ce progrès et le fait que l'investissement dans la technologie des véhicules a été son principal moteur; pour permettre de nouvelles réductions majeures, le CESE estime que la société doit aller au-delà de la technologie des véhicules.

2.13

Selon le CESE, il s'agit de l'approche intégrée, qui garantit la compétitivité et la croissance durable de l'industrie automobile afin de maintenir la construction automobile en Europe et de fournir un cadre efficace pour le développement et la mise sur le marché de véhicules propres et économes en énergie.

2.14

Les États membres devraient surveiller le nombre de véhicules immatriculés afin d'évaluer l'impact sur le processus de suivi et le respect de l'objectif d'émissions moyennes de CO2 de l'UE au sein du nouveau parc de voitures particulières, conformément à l'avis du Comité sur le changement climatique.

2.15

Le CESE estime que des objectifs européens pour les voitures neuves sont nécessaires pour éviter la fragmentation du marché intérieur qu’entraînerait l’adoption de mesures différentes au niveau des États membres.

2.16

Des objectifs communs offrent aux constructeurs, pour qu’ils puissent se conformer aux exigences en matière de réduction des émissions de CO2, plus de souplesse et de sécurité de programmation que des objectifs de réduction fixés de façon autonome au niveau national.

3.   Données: transmission, sources, gestion et contrôle

3.1

En vertu de l'article 8 du règlement (CE) no 443/2009, les États membres doivent, chaque année, recueillir et transmettre à la Commission certaines données relatives aux voitures particulières neuves immatriculées sur leur territoire au cours de l'année qui a précédé (2).

3.2

Ces données serviront à déterminer l'objectif d'émissions spécifiques de CO2 qui sera fixé aux constructeurs de voitures particulières neuves et pour évaluer si les constructeurs se conforment à ces objectifs; il est nécessaire d'harmoniser les règles relatives à la collecte et à la communication de ces données.

3.3

Pour pouvoir évaluer pleinement si chaque constructeur respecte son objectif d'émissions spécifiques de CO2 et acquérir l'expérience nécessaire par rapport à l'application du règlement, la Commission a besoin de données détaillées. Les États membres devraient s'assurer que de telles données sont enregistrées et transmises à la Commission.

3.4

Quelle que soit la source de données utilisée par chaque État membre pour établir les données de surveillance agrégées et les données de surveillance détaillées, ces données doivent se baser sur les informations du certificat de conformité des voitures particulières concernées.

3.5

Les principales sources que les États membres doivent utiliser pour obtenir ces données sont les certificats de conformité ou les documents de réception par type. Le certificat d'immatriculation ne peut remplacer le certificat de conformité aux fins de l'immatriculation d'un véhicule. Le certificat d'immatriculation n'est délivré qu'après l'immatriculation du véhicule.

3.6

Il est important que les données d'immatriculation des voitures particulières neuves soient exactes et qu'elles puissent être traitées de manière efficace aux fins d'établir l'objectif d'émissions spécifiques. Les États membres devraient enregistrer et notifier toute information concernant les véhicules qui viennent d'être immatriculés et qui sont conçus pour utiliser des carburants de substitution, y compris le nombre de points d'approvisionnement sur leur territoire.

3.7

Les États membres doivent garantir la gestion, la collecte, le contrôle, la vérification et la transmission des données de surveillance agrégées et des données de surveillance détaillées.

3.8

Les données doivent être surveillées et enregistrées par constructeur. Il importe dès lors que celui-ci soit clairement identifié et différencié de son nom commercial.

Bruxelles, le 4 mai 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO L 140 du 05.06.2009, p. 1.

(2)  Règlement (UE) no 1014/2010 de la Commission concernant la surveillance et la communication des données relatives à l'immatriculation des voitures particulières neuves en application du règlement (CE) no 443/2009 du Parlement européen et du Conseil, JO L 293 du 11.11.2010, p. 15.


23.7.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 218/69


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 2006/2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs»

COM(2010) 791 final — 2011/0001 (COD)

2011/C 218/12

Rapporteur: M. HERNÁNDEZ BATALLER

Le Conseil, en date du 19 janvier 2011, et le Parlement européen, en date du 18 janvier 2011, ont décidé, conformément à l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 2006/2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs»

COM(2010) 791 final — 2011/0001 (COD).

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 5 avril 2011.

Lors de sa 471e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 5 mai 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 104 voix pour, 13 voix contre et 4 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le CESE soutient la proposition de la Commission et accueille favorablement son intention de doter les règles juridiques de l'Union de plus de clarté, de certitude et de sécurité juridique.

1.2   Toutefois, le CESE déplore le contenu limité de la révision proposée et le fait qu'elle n'englobe pas tous les aspects du règlement qu'il y aurait lieu de modifier, compte tenu de l'expérience accumulée depuis l'entrée en vigueur du règlement (CE) no 2006/2004.

1.3   Le CESE demande à la Commission de tenir compte, lors de la prochaine révision du règlement 2006/2004, des suggestions contenues dans le présent document afin d'améliorer le fonctionnement de l'actuelle coopération entre autorités nationales compétentes en matière de consommation.

2.   Contexte

2.1   Le CESE a déjà marqué son accord avec la proposition de règlement (CE) no 2006/2004 (1), tout en regrettant l'existence de certaines lacunes, notamment concernant le système d'assistance mutuelle prévu, ainsi que le système de réciprocité envisagé, lesquels étaient susceptibles de donner lieu à des situations contraires au bon fonctionnement du marché intérieur.

2.2   Le 27 octobre 2004, le règlement (CE) no 2006/2004 (2) relatif à la coopération entre autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs a été adopté, pour l'essentiel suivant les termes de la proposition.

3.   Rapport sur le contrôle de l'application

3.1   Le 2 juillet 2009, la Commission a présenté un rapport concernant l'application du règlement (CE) no 2006/2004 (3). Ce rapport examine le cadre institutionnel et exécutoire de la création du réseau, le fonctionnement propre de celui-ci, ainsi que le cadre de coopération. Dans son avis (4), le CESE déplorait de ne pas avoir été consulté par la Commission sur le rapport d'application du règlement.

3.2   La Commission estime, pour conclure, que le réseau n'a pas encore atteint son potentiel maximal, et qu'il doit rendre son fonctionnement plus efficace grâce à une série de mesures qui pourraient par la suite inclure une révision du règlement 2006/2004; des aspects relatifs aux modalités d'application; l'adoption d'un plan annuel d'action pour l’exécution de la législation; des opérations communes, telles que les «balayages»; la promotion d'une interprétation uniforme de la législation de l'UE, ou sa meilleure définition, afin de donner plus de visibilité au réseau.

4.   Proposition de la Commission

4.1   Le 3 janvier 2011, la Commission a présenté une proposition de modification du règlement (CE) no 2006/2004, laquelle vise à mettre à jour le contenu de l’annexe du règlement relatif à la coopération en matière de protection des consommateurs, de manière à refléter les récentes évolutions de la législation applicable à la protection des consommateurs.

4.2   La mise à jour de l’annexe consistera à en supprimer la législation non applicable à la coopération en matière de protection des consommateurs entre les autorités nationales chargées de veiller à l'application de la législation et à remplacer les références à l'ancienne législation, devenue obsolète, par des références à la nouvelle législation relative à la protection des consommateurs.

4.3   Cela supposera, entre autres, de supprimer certaines références (comme celle à la directive sur la publicité trompeuse et la publicité comparative) (5) et d'en remplacer d'autres (par exemple les directives concernant, respectivement, le crédit à la consommation, les services de communication audiovisuelle, ou le droit d'utilisation d’un bien à temps partagé).

5.   Observations générales

5.1   Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission, considérant que la clarté de la formulation des règles juridiques de l'Union entraîne une plus grande certitude et sécurité juridique pour tous les citoyens. Le CESE se dit toutefois préoccupé par la situation des travailleurs indépendants et des petites entreprises, qui rencontrent des difficultés similaires à celles des consommateurs lorsqu'ils traitent avec les grandes entreprises, notamment pour les industries de réseau.

5.2   Le CESE invite une fois de plus la Commission à encourager d'une manière cohérente cette coopération administrative qu'elle considère nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur et applaudit les efforts réalisés par la Commission en faveur de la transparence avec l'approbation de la recommandation du 1er mars 2011 concernant les «lignes directrices régissant l’application de règles relatives à la protection des données au système de coopération en matière de protection des consommateurs» (6).

5.3   Nonobstant ce qui précède, le CESE estime que cette proposition est excessivement limitée et n'aborde pas nombre des problèmes qui se posent actuellement en termes de coopération entre administrations chargées des questions de consommation. La Commission n'aborde même pas les aspects qu'elle considère comme des «lacunes» dans son rapport concernant l'application du règlement (CE) no 2006/2004.

5.3.1   De l'avis du CESE, la proposition de modification aurait pu prévoir l'une ou l'autre des mesures ci-après.

5.4   Surveillance systématique du marché

5.4.1   Exercer des fonctions de surveillance et d'inspection des biens et services soumis à la réglementation européenne exige d'adopter une planification commune et très précise, tant sur le plan du calendrier que du contenu, dans la programmation des actions qui doivent être entreprises dans chaque cas par les autorités des États membres chargées de la consommation. Il convient de mettre en place des mécanismes de vérification équivalents, pour garantir le respect des dispositions supranationales, en menant des campagnes systématiques de surveillance du marché, visant à maintenir à tout moment un niveau de protection élevé et uniforme des consommateurs, dans le cadre du marché unique.

5.4.2   Cette coordination annuelle de l'activité d'inspection pourrait, notamment en ce qui concerne les réglementations à caractère horizontal, être complétée par des initiatives d'information et d'analyse de marché, en recourant aux contrôles adéquats, qui normaliseraient les «balayages» actuellement menés.

5.5   Procédure de sanctions

5.5.1   Pour éviter un «effet frontière» dans l'application des actions de correction en cas de non-respect de la réglementation européenne en vigueur, il conviendrait d'envisager l'harmonisation minimum des critères communs de la procédure de sanctions et des sanctions qu'imposeront les autorités chargées des questions de consommation, en vue d'atteindre une efficacité et des garanties équivalentes pour l'ouverture et la résolution de dossiers similaires, pour des infractions identiques.

5.6   Le CESE considère que les divergences sur des questions essentielles des régimes de sanctions peuvent entraîner le non-respect des dispositions de l'UE, mettre gravement en danger la protection du consommateur et l'intégrité du marché, fausser la concurrence dans le marché intérieur et, en somme, entamer la confiance des consommateurs.

5.7   Le CESE considère qu'il est indispensable de renforcer la convergence et la rigueur des régimes de sanctions pour éviter le risque de dysfonctionnement du marché unique. Il propose à cet égard d'établir un ensemble de critères communs minimums pour garantir un rapprochement minimal des régimes de sanction nationaux comportant les éléments suivants:

types de sanctions administratives appropriés pour les infractions à des dispositions fondamentales;

publication des sanctions graves;

amendes administratives suffisamment élevées – en tenant compte de l'infraction commise;

critères appropriés à prendre en considération lors de l’application de sanctions;

sanctions pour les personnes physiques comme morales;

instauration éventuelle de sanctions pénales pour les infractions les plus graves;

mécanismes appropriés, à l’appui d’une application effective des sanctions.

5.8   Suivi de la qualité des biens et des services

5.8.1   La méthodologie de suivi des biens et des services et les déterminations analytiques pertinentes ayant pour objet de vérifier le respect des normes correspondantes ainsi que l'information qu'elles accréditent et, en particulier, d'assurer la prévention et la qualité les concernant, constituent un cas particulier dans la mise en œuvre de l'initiative de «surveillance systématique du marché» évoquée plus haut.

5.8.2   Il s'agit d'établir une procédure commune de suivi qui conduise à la convergence méthodologique pour cette pratique, et de concevoir une planification transnationale qui permette d'étendre le spectre du suivi en utilisant de la manière la plus efficace qui soit les ressources disponibles dans chaque administration participante, de sorte à éviter des doublons et des chevauchements pouvant mener à des pressions différentielles indésirables à cet égard.

5.8.3   Outre l'établissement de critères uniformes au niveau de la sélection de produits dont il faut assurer le suivi, il est également nécessaire de déterminer, dans le cadre de la procédure commune, les aspects relatifs à l'identification des échantillons, à la formalisation des documents, à la réalisation des analyses initiales, de manière contradictoire et dirimante, ainsi qu'à tous les autres éléments non envisagés dans les normes de qualité ou toute autre législation pertinente.

5.9   La nécessité de cette initiative est plus qu'évidente sur un marché mondial où la commercialisation transfrontalière est devenue la pratique habituelle chez les consommateurs dans la recherche de biens et de services susceptibles de satisfaire leurs souhaits et leurs exigences.

5.10   Sécurité des produits. Bien qu'il s'agisse certainement là du domaine de coopération par excellence, et qu'il soit dès lors caractérisé par un degré de développement harmonieux plus complet, il présente encore des carences qui échappent au système d'échange rapide d'informations communément appelé réseau d'alerte, système susceptible d'être amélioré et complété grâce à la mise en œuvre d'outils et d'instruments d'évaluation, de gestion et de communication des risques, à l'instar de ce que l'on envisage pour les risques dérivés des produits alimentaires.

5.10.1   Concrètement, l'élaboration périodique d'un Eurobaromètre pour l'analyse de la perception qu'ont les consommateurs des risques associés à des produits non alimentaires est sans aucun doute un avantage au moment d'aborder d'autres aspects connexes dont ceux qui touchent à l'information et à l'éducation des citoyens en matière de consommation.

5.10.2   Une autre mesure à proposer dans ce domaine en vue d'accroître l'efficacité des réseaux d'alerte actuels consisterait à les intégrer dans un seul instrument permettant l'interopérabilité, c'est-à-dire l'échange de données, indépendamment de leur origine et de leur source, tant en termes d'information que d'instances gestionnaires compétentes (sanitaires, agroalimentaires, de consommation, fiscaux, etc.).

5.11   Aspects éthiques et environnementaux s'agissant de l'autorisation de commercialiser des biens et des services. Il est très intéressant et indispensable pour leur mise en œuvre que les procédures liées à la notification d'alerte soient étendues à des produits devant être retirés du marché pour des motifs d'ordre écologique, éthique ou autre liés à des pratiques commerciales contraires à la dignité des personnes ou portant atteinte à l'environnement dans lequel elles évoluent, suivant la liste des infractions visées par les conventions de l'Organisation internationale du travail, ou contribuant à la détérioration de l'environnement ou à l'épuisement des ressources naturelles, entre autres, et ce tant au niveau de la production et de la distribution que de la commercialisation des biens et de la prestation des services correspondants.

5.11.1   Dans le contexte d'une fabrication délocalisée, la méconnaissance par les consommateurs des informations pertinentes sur l'origine des produits (où et comment le produit a été fabriqué et distribué ainsi que l'impact économique et social pour la communauté qui le produit ou le fabrique) est particulièrement critique. Pour cette raison, les consommateurs doivent pouvoir disposer, dans la mesure du possible, sur des sites Internet ou d'autres supports, d'informations sur ces sujets ainsi que d'informations leur permettant de ne pas contribuer à leur insu à la consommation de produits découlant de pratiques illégales. De même, il faut intégrer des contenus qui permettent au consommateur de tenir compte dans leurs décisions d'achat de critères autres que les critères habituels de qualité et de prix, de manière à garantir que les actes qu'ils posent en tant que consommateurs ne contribuent pas involontairement à la perpétuation de pratiques illicites directement ou indirectement liées au produit en question, alors que l'accès à l'information pertinente les aurait sans aucun doute fait renoncer à ce choix.

5.11.2   Ce droit reconnu au consommateur de disposer d'une information intégrale sur les biens offerts, que l'on pourrait appeler «traçabilité sociale des produits», serait tout aussi favorable à la défense de la concurrence qu'à la concrétisation du pouvoir et du rôle de consommateurs sur le marché au moyen des choix qu'ils opèrent librement au moment de prendre la décision d'achat («un achat est un vote»).

5.12   Encourager les bonnes pratiques commerciales dans le cadre de la consommation responsable

5.12.1   La transcendance et la projection qui caractérisent de plus en plus les programmes de responsabilité sociale des entreprises imposent que les politiques de consommation jouent un rôle en la matière, et que les consommateurs participent d'une manière consultative à l'élaboration des déclarations de responsabilité sociale des entreprises.

5.12.2   L'adoption de critères et de politiques communes de promotion s'agissant du contrôle du respect de leurs programmes de responsabilité sociale par les entreprises transfrontalières au niveau de l'incidence qu'ils ont sur la communauté des consommateurs et usagers doit également être complétée par des mécanismes convaincants de reconnaissance de bonnes pratiques tels que l'autorégulation, les codes de conduite, les labels de qualité ou tout autre initiative volontaire visant la convergence des intérêts respectifs.

5.12.3   En outre, ces actions accroissent la compétitivité des entreprises dans le cadre d'un marché où la concurrence est loyale et où il est possible de créer un cercle vertueux offrant des avantages à tous les agents qui y sont actifs (producteurs, distributeurs, consommateurs) au moyen des synergies faisant clairement apparaître que les antagonismes ne sont pas inévitables, en particulier dans des contextes de réciprocité dans l'exercice par chacun de ses activités et de reconnaissance, par les consommateurs et les utilisateurs, de la valeur ajoutée que cela suppose.

5.12.4   Dans le cadre de cette initiative également, il convient de tenir compte de façon spécifique des éléments liés à l'agro-écologie, au commerce équitable, aux achats responsables, à la souveraineté alimentaire, et d'autres thèmes d'actualité tels ceux en rapport avec les organismes génétiquement modifiés.

5.13   Actions collectives

5.14   Les actions collectives en cessation font l'objet d'une réglementation communautaire, ce qui n'est pas le cas des actions collectives de réparation ou de recours, par rapport auxquelles le CESE s'est prononcé à plusieurs reprises en faveur de l'établissement d'un cadre communautaire harmonisé, incluant la possibilité de réclamer des «dommages insignifiants».

5.15   Il convient de prévoir, comme mesures complémentaires aux sanctions à imposer en cas d'infraction grave, la saisie des bénéfices illicites ainsi que des dommages-intérêts punitifs. Les montants correspondants – comme le CESE l'a suggéré à plusieurs reprises (7) – devront être destinés à alimenter un «Fonds d'aide au recours collectif» ayant pour mission de faciliter la conduite par les associations de consommateurs d'actions collectives en vue d'indemnisations ou de réparations. D'autre part, les organisations de consommateurs et les autorités compétentes devraient également participer à la gestion de ce fonds. À cet égard, le CESE (8) rappelle à la Commission qu'il est nécessaire d'adopter une réglementation supranationale pour harmoniser les actions collectives afin d'atteindre un niveau de protection des consommateurs élevé.

5.16   Le CESE rappelle qu'il souhaite l'introduction, dans les dispositions du règlement, d'un article prévoyant la possibilité de renforcer la coopération entre les pouvoirs publics et les organisations de consommateurs, pour permettre à l'autorité nationale compétente de charger d'«autres organismes» de faire cesser ou d'interdire les infractions intracommunautaires.

5.17   Systèmes alternatifs de règlement des litiges

5.17.1   La Commission a publié un document de consultation sur le «recours au règlement extrajudiciaire des litiges pour régler des litiges relatifs aux transactions et aux pratiques commerciales dans l’Union européenne», par rapport auquel le CESE n'a pas été consulté. Le Comité attend donc avec intérêt la proposition de la Commission pour se prononcer, une fois de plus, sur les systèmes complémentaires d'accès à la tutelle judiciaire effective.

5.17.2   À cet égard et en vue de renforcer la confiance des consommateurs, il serait intéressant de réfléchir à la possibilité de créer un «label européen» pour les établissements ou les entreprises adhérant à ces systèmes.

5.18   Réseaux et centres de ressources

5.18.1   Il y a lieu de stimuler les centres européens de ressources au moyen de mesures de développement des réseaux de coopération actuels visant à encourager l'information, la formation et l'éducation des consommateurs (par exemple centres européens des consommateurs, publications, programmes et projets, etc.).

5.19   Traçabilité des prix. Dans un marché unique où les consommateurs partagent des inquiétudes et des problèmes et dont le caractère global peut rendre difficile l'accès à une information fiable, d'une part, et obscurcir les mécanismes de formation des prix des biens, d'autre part, il est intéressant d'établir une méthode de traçabilité des prix d'articles analogues, de première nécessité, qui permette d'accroître la cohésion du marché unique au bénéfice des consommateurs et usagers, et qui procure en particulier une transparence accrue susceptible de renouveler la confiance de ceux-ci, puissant indicateur de la santé économique d'un territoire déterminé, en l'occurrence l'Union européenne.

Bruxelles, le 5 mai 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 108 du 30.4.2004, p. 86.

(2)  JO L 364 du 9.12.2004, p. 1.

(3)  COM(2009) 336 final.

(4)  JO C 18 du 19.1.2011, p. 100.

(5)  La directive 2006/114/CE ne vise à protéger les intérêts des consommateurs qu'en matière de publicité comparative. Seuls les articles pertinents de cette directive feront l'objet d'une référence dans l'annexe du règlement proposé.

(6)  Voir JO L 57, du 2.3.2011, p. 44.

(7)  JO C 162 du 25.6.2008, p. 1, et JO C 175 du 28.7.2009, p. 20.

(8)  JO C 324 du 30.12.2006, p. 1.


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

A)   Le texte suivant de l'avis de section a été modifié à la faveur d'un amendement adopté par l'Assemblée mais a recueilli plus du quart des suffrages exprimés (article 54(4) du règlement intérieur):

«5.7

Le CESE considère qu'il est indispensable de renforcer la convergence et la rigueur des régimes de sanctions pour éviter le risque de dysfonctionnement du marché unique. Il propose à cet égard d'établir un ensemble de critères communs minimums pour garantir un rapprochement minimal des régimes de sanction nationaux comportant les éléments suivants:

types de sanctions administratives appropriés pour les infractions à des dispositions fondamentales;

publication des sanctions;

amendes administratives suffisamment élevées;

sanctions pour les personnes physiques comme morales;

critères appropriés à prendre en considération lors de l’application de sanctions;

instauration éventuelle de sanctions pénales pour les infractions les plus graves;

mécanismes appropriés, à l’appui d’une application effective des sanctions.»

Résultat du vote sur l'amendement

Voix pour

:

82

Voix contre

:

44

Abstentions

:

10

B)   Les amendements suivants, qui ont recueilli plus du quart des suffrages exprimés, ont été repoussés au cours des débats (article 54(3) du règlement intérieur):

Paragraphe 5.11.2

«

»

Exposé des motifs

Il n'est pas possible en pratique, notamment pour les PME, de faire figurer toutes les informations requises sur l'étiquette du produit. Cela occasionnerait des charges (administratives) supplémentaires pour ces entreprises dans leur processus de production de biens et services, et créerait un désavantage concurrentiel ainsi que des difficultés concernant l'importation de produits de pays tiers.

De plus, il serait utile de savoir si les organisations de consommateurs disposent déjà d'études sur l'utilisation de telles informations par les consommateurs et sur la bonne volonté de ces derniers à payer les coûts supplémentaires liés à cet apport d'informations.

Résultat du vote

Voix pour

:

45

Voix contre

:

75

Abstentions

:

4

Paragraphe 5.16

«

».

Exposé des motifs

Il n'est pas acceptable qu'une organisation représentant une partie prenante soit chargée de faire cesser ou d'interdire des infractions intracommunautaires.

Résultat du vote

Voix pour

:

38

Voix contre

:

76

Abstentions

:

8


23.7.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 218/74


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des exigences techniques pour les virements et les prélèvements en euros et modifiant le règlement (CE) no 924/2009»

COM(2010) 775 final — 2010/0373(COD)

2011/C 218/13

Rapporteur: Joachim WUERMELING

Le Parlement européen et le Conseil ont décidé, respectivement le 18 janvier 2011 et le 28 janvier 2011, conformément à l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des exigences techniques pour les virements et les prélèvements en euros et modifiant le règlement (CE) no 924/2009»

COM(2010) 775 final – 2010/0373 (COD).

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 5 avril 2011.

Lors de sa 471e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 5 mai 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 137 voix pour, 8 voix contre et 19 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations du Comité

1.1   Le Comité économique et social européen (CESE) soutient la Commission européenne au sujet de la création de l'espace unique de paiement en euros (SEPA). La possibilité d'effectuer, à partir d'un compte bancaire, des paiements en euros sans frais dans toute l'Europe selon des procédures de paiement uniformes représente une étape importante pour la réalisation du marché intérieur.

1.2   Le CESE estime toutefois qu'il est nécessaire de modifier certains points de la proposition de règlement soumise par la Commission européenne, afin de permettre une transition en douceur dans l'intérêt des consommateurs et des entreprises, en tant qu'utilisateurs, mais aussi des banques, en tant que prestataires de services.

1.3   Les délais fixés dans la proposition de règlement pour la transition obligatoire vers les procédures de paiement SEPA semblent trop courts aux yeux du CESE. Ce n'est que si tous les instituts de crédit ont suffisamment de temps pour se préparer que la capacité de fonctionnement, la sécurité et la convivialité pour les utilisateurs pourront être garantis. Pour les virements, le délai de mise en œuvre fixé ne devrait pas être uniquement d'un an, mais de trois ans après l'entrée en vigueur du règlement. Dans le cas des prélèvements, le délai ne devrait pas être fixé à deux ans après l'entrée en vigueur du règlement, mais à quatre ans.

1.4   Il convient de restreindre clairement ou de supprimer l'habilitation à adopter des actes délégués prévue dans la proposition de règlement, étant donné que l'adaptation des exigences relatives aux procédures de paiement régies par le règlement, afin de tenir compte du progrès technique et des évolutions du marché, entraîne des répercussions pratiques considérables. Ces décisions doivent être prises par le législateur dans le cadre de la procédure législative, avec la participation du CESE.

1.5   Le CESE se félicite expressément que la proposition de règlement interdise strictement à l'avenir les commissions interbancaires multilatérales pour les prélèvements. Cette mesure rend plus claires et transparentes les relations contractuelles complexes relatives aux procédures de paiement. Elle est particulièrement bénéfique pour les petites et moyennes entreprises.

2.   Contexte de l'avis

2.1   L'achèvement de l'espace unique de paiements en euros fait partie des priorités de la Commission européenne dans le cadre de la réalisation du marché intérieur. Grâce aux nouvelles procédures européennes de virement et de prélèvement SEPA, les utilisateurs d'instruments de paiement peuvent recourir à une seule et même procédure pour leurs paiements tant nationaux que transfrontaliers par des moyens autres que les espèces. Ce système simplifie les paiements, réduit les charges administratives et permet à tous les acteurs du commerce intracommunautaire, qu'ils soient consommateurs ou entreprises, de réaliser des économies. À l'avenir, ce sont plus de 500 millions de citoyens et plus de 20 millions d'entreprises au sein du marché intérieur qui devraient profiter des nouvelles procédures.

2.2   Un premier cadre juridique considérable pour le SEPA a déjà été défini au cours des dernières années. La directive 2007/64/CE concernant les services de paiement dans le marché intérieur a harmonisé les conditions et les droits des clients de services de paiement au sein de l'UE. Si cette directive a permis d'ouvrir le marché intérieur aux services de paiement, la diversité des systèmes nationaux et les disparités entre procédures de paiements nationales et transfrontalières ont continué de prévaloir. Une base juridique a toutefois été créée afin d'instaurer une procédure unique pour tous les paiements transfrontaliers.

2.3   Le règlement (CE) no 924/2009 concernant les paiements transfrontaliers dans la Communauté dispose que les commissions pour les prélèvements et les paiements transfrontaliers, d'une part, et nationaux, de l'autre, doivent être égales. En outre, le règlement pose les jalons de l'infrastructure de paiement SEPA.

2.4   Le CESE a rendu un avis sur chacune des deux procédures législatives (1). Il s'est félicité du projet de création, après l'introduction de l'euro, d'un espace unique de paiements en euros.

2.5   Les virements SEPA sont proposés depuis le 28 janvier 2008 par les banques pour le traitement des paiements. Depuis novembre 2009, les délais de traitement pour un virement ne peuvent dépasser trois jours bancaires ouvrables. Dès 2012, ils devraient être réduits à un jour bancaire ouvrable.

2.6   Les prélèvements SEPA sont possibles depuis le 2 novembre 2009. Deux procédures distinctes sont prévues: le prélèvement SEPA de base (SEPA Core Direct Debit) en tant que procédure standard, et le prélèvement SEPA interentreprises (SEPA Business to Business Direct Debit) pour le trafic des paiements entre partenaires commerciaux. Depuis novembre 2010, toutes les banques sont obligées de se rendre accessibles pour les prélèvements SEPA.

2.7   Actuellement, l'utilisation des procédures de paiement SEPA reste faible. Ainsi, au début de 2011, soit trois ans après leur introduction, les virements SEPA représentent quelque 4 % des transactions. Si la tendance se maintient, il faudra encore attendre 25 ans avant de tirer pleinement parti des avantages du SEPA.

2.8   La Commission européenne estime trop limités les progrès réalisés dans le cadre du projet SEPA grâce à l'approche fondée uniquement sur le marché. Elle propose dès lors des mesures législatives visant à rendre obligatoire l'introduction des instruments de paiement SEPA. Les instruments de paiement nationaux devraient être remplacés par les procédures SEPA après une échéance fixée.

2.9   La Commission européenne a fait établir des calculs qui indiquent que les banques, du côté de l'offre, devront investir 52 milliards d'euros pour le passage aux procédures de paiement SEPA. Ces calculs indiquent en revanche que les utilisateurs du côté de la demande bénéficieront de prix plus bas et d'avantages opérationnels.

2.10   La proposition de la Commission européenne du 16 décembre 2010 fixe les échéances pour l'abandon des virements et des prélèvements nationaux et l'utilisation exclusive des instruments de paiement SEPA. Après l'entrée en vigueur du règlement dans les États membres de la zone euro, les procédures de virement nationales devraient rester possibles pendant 12 mois et les procédures de prélèvement nationales durant 24 mois.

2.11   Pour les consommateurs et les entreprises, il existe une différence majeure entre le virement et le prélèvement SEPA et les procédures nationales jusqu'ici en vigueur: même pour les paiements purement nationaux, il faut utiliser non plus le code d'identification et le numéro de compte bancaires nationaux traditionnels, mais le numéro de compte bancaire international (IBAN) et le code d'identification de banque (BIC). Le code IBAN est un numéro de compte bancaire international standardisé, constitué de 34 caractères au maximum. Le code BIC est le code d'identification bancaire international d'un établissement de crédit et se compose de 11 caractères au maximum.

3.   Observations générales

3.1   Le CESE salue la proposition de règlement présentée par la Commission européenne. Celle-ci constitue une étape décisive afin de donner corps à un espace unique de paiement en euros fonctionnant comme il se doit.

3.2   Le marché intérieur est l'un des principaux moteurs de croissance économique dans l'UE. La création de l'euro a constitué une étape importante afin que les États membres puissent poursuivre leur intégration. Le CESE estime dès lors que dans un simple esprit de cohérence, il importe désormais de mener à bien le projet d'espace unique de paiement en euros.

3.3   Le CESE est toutefois d'avis que les échéances relatives à l'abandon des procédures de paiement nationales fixées par la proposition de règlement sont trop ambitieuses. C'est la réussite du projet qui est décisive, et non la rapidité de sa mise en œuvre. Les paiements constituent une question très sensible avant tout pour les consommateurs, mais aussi pour tous les autres acteurs économiques. À l'instar de ce qui a été fait lors de l'introduction de l'euro, il faut prendre toutes les mesures envisageables (procédures de test, phases d'essai, campagnes d'information, etc.) afin de pouvoir exclure toute perturbation, panne, paiement égaré, perte des sommes versées ou autre incident de ce type. Pour ce faire, il est absolument indispensable que l'on dispose du temps nécessaire. Le CESE met dès lors en garde contre une hâte excessive susceptible de menacer la réussite du projet aux yeux des citoyens. Il convient toutefois de prendre également en considération le fait que des périodes de transition trop longues peuvent entraîner des frais supplémentaires.

3.4   Par ailleurs, toutes les questions n'ont pas encore été réglées de manière concluante afin d'assurer une transition sans heurts aux procédures de paiement SEPA. À cet égard, il y a lieu de prendre en compte le fait que de nombreux points ouverts ne peuvent être résolus qu'à l'échelon national, entre les parties participant au projet SEPA. Il faut en particulier parvenir à un équilibre entre les intérêts des banques, du côté de l'offre, et les intérêts des utilisateurs, du côté de la demande.

3.5   Les consommateurs comme les entreprises se demandent souvent pourquoi les procédures de paiement nationales qui ont fait leurs preuves devraient être abandonnées au profit du SEPA. Les procédures nationales utilisées depuis plusieurs décennies, avec leurs anciens numéros de compte et codes d'identification bancaires, sont familières aux utilisateurs. Les nouvelles procédures de paiement SEPA simplifieront certes les virements et les prélèvements transfrontaliers. Cependant, SEPA deviendra également obligatoire pour les procédures de paiement nationales, qui constituent la majorité des transactions. Il appartient ici à la Commission européenne et aux banques de mieux faire état des avantages des nouvelles procédures de paiement SEPA en termes de rapidité et de coûts.

3.6   La réussite du projet SEPA dépend avant tout de l'acceptation des utilisateurs, qu'ils soient consommateurs ou opérateurs économiques. C'est pourquoi il faut avant tout faire davantage connaître les instruments de paiement SEPA et leurs éléments essentiels que sont les codes IBAN et BIC. Le secteur des services financiers doit mener à ce sujet une campagne d'information à plus grande échelle. De telles actions n'ont à ce jour pas été suffisamment menées dans l'ensemble des États membres. Par ailleurs, les exigences des nouveaux produits SEPA restent trop méconnues pour de larges pans de la population, mais aussi pour de nombreuses petites et moyennes entreprises.

3.7   La convivialité du code IBAN, qui peut compter jusqu'à 34 caractères, devrait être accrue en plaçant entre chaque groupe de quatre chiffres un espace vide, un tiret ou un nouveau champ. Il convient de prendre en compte le fait que les nouvelles données et séries chiffrées peuvent être une source de difficultés, en particulier pour les utilisateurs âgés. Les banques devraient dès lors proposer une aide aux consommateurs, par exemple sous la forme de programmes de conversion.

3.8   En outre, il est nécessaire de soumettre les nouveaux instruments de paiement à des tests suffisants. À ce jour, ces tests n'ont pas pu être menés sur tous les produits SEPA, étant donné que l'utilisation des prélèvements SEPA, par exemple, n'a pu être généralisée que depuis l'obligation d'accessibilité de toutes les banques en novembre 2010. Seuls des tests pratiques donnent aux parties concernées, tant du côté des banques que des utilisateurs, la possibilité d'identifier et d'éliminer les difficultés initiales et les obstacles pratiques. Il convient de prévoir des délais d'anticipation appropriés, notamment afin de veiller à ce que les nouvelles procédures de paiement SEPA puissent être traitées de manière automatique et soient applicables à grande échelle.

3.9   Le CESE estime que l'obligation d'introduire le système SEPA doit être assortie de mesures de sécurité suffisantes, tout en garantissant la viabilité pratique des procédures, en particulier pour les opérations de masse. Le payeur, le bénéficiaire du paiement et le prestataire de services de paiement doivent avoir la garantie que les paiements sont traités de manière correcte, rapide et fiable.

3.10   Le passage aux procédures de paiement SEPA pose en particulier des difficultés en ce qui concerne la mise en œuvre à l'échelon national. Ainsi par exemple, en Allemagne, pays où les prélèvements sont de loin les plus utilisés dans toute l'UE, il n'a pas encore été établi si les mandats de prélèvement existants pourront être utilisés dans le cadre des procédures de prélèvement SEPA. Il convient de trouver à ce sujet une solution efficace et sûre sur le plan juridique, qui ne défavorise de manière indue ni les consommateurs ni les entreprises. Il ne serait pas acceptable que tous les clients doivent être contactés et priés d'établir de nouveaux mandats, car il en résulterait des charges administratives et financières disproportionnées. Les consommateurs seraient également desservis par de telles mesures, étant donné qu'ils seraient inondés de lettres d'entités avec lesquelles ils sont liés par contrat.

3.11   En outre, il est nécessaire de mieux associer, au niveau européen et national, les utilisateurs à la conception des procédures de paiement. Cela concerne non seulement la phase de mise en œuvre des instruments de paiement SEPA actuellement en cours, mais aussi l'évolution future de ces procédures. Par la création du Conseil SEPA, la Commission européenne et la Banque centrale européenne ont fait un premier pas vers une plus grande participation des utilisateurs au processus de conception. Cependant, les associations d'utilisateurs représentées au sein du Conseil SEPA ne reflètent malheureusement pas suffisamment les parties prenantes au projet SEPA. Il convient par ailleurs de créer, au sein du Conseil SEPA, un groupe d'experts qui serait composé à parité de représentants des prestataires et des utilisateurs et qui serait chargé de l'évolution technique future des procédures de paiement SEPA.

4.   Observations particulières

4.1   Article 5, paragraphes 1 et 2: délais suffisants pour la migration vers le système SEPA

4.1.1   Le CESE estime que les délais proposés par la Commission européenne pour le passage obligatoire aux procédures de paiement SEPA sont trop courts. Il faut d'abord garantir que les nouveaux produits SEPA sont tout aussi efficaces et sûrs que les procédures de paiement nationales utilisées jusqu'ici.

4.1.2   En ce qui concerne les virements, le délai de mise en œuvre ne devrait pas être fixé à un an seulement, mais à trois ans après l'entrée en vigueur du règlement.

4.1.3   Dans le cas des prélèvements, l'échéance ne devrait pas être fixée à deux ans après l'entrée en vigueur du règlement, mais à quatre ans.

4.1.4   L'allongement des délais est nécessaire, surtout afin de gagner la confiance des consommateurs dans les nouvelles procédures de paiement SEPA. Il faut davantage faire connaître le système SEPA, en particulier en ce qui concerne les codes IBAN et BIC. En outre, il convient de mieux expliquer les avantages des procédures de paiement SEPA. Les nouveaux produits doivent s'avérer efficaces et sûrs dans leur utilisation pratique. Par ailleurs, il reste encore à régler les problèmes qui se posent au niveau national, comme la migration des mandats.

4.1.5   Pour les entreprises, un allongement des délais est nécessaire en raison des modifications coûteuses à apporter aux procédures de traitement. Ainsi les entreprises doivent-elles réaliser des investissements supplémentaires et adapter leurs procédures de fonctionnement et leurs systèmes d'exploitation. Cela concerne par exemple la migration de l'ensemble des bases de données relatives aux clients vers les codes IBAN et BIC. La Commission européenne a elle-même constaté, dans le cadre de l'évaluation d'impact, que le cycle d'investissement habituel pour les systèmes informatiques dans les entreprises varie de trois à cinq ans.

4.2   Article 5, paragraphe 4, en relation avec l'article 12: pas de transfert de compétences excessif

4.2.1   Le CESE estime qu'il est nécessaire qu'à l'avenir également, les grandes décisions relatives à la conception du SEPA soient prises par le législateur européen, avec la participation des organes consultatifs comme le CESE. Aux yeux du CESE, il est excessif d'habiliter de manière générale la Commission à entreprendre toute modification sous la forme d'actes délégués afin de tenir compte du progrès technique et de l'évolution des marchés. De petites modifications apportées aux procédures relatives à l'ensemble des paiements européens peuvent également avoir des répercussions considérables pour les consommateurs, les entreprises et les prestataires de services de paiement; il convient qu'elles fassent au préalable l'objet d'un vaste débat et d'une prise de décision dans le cadre du processus législatif ordinaire.

4.2.2   L'article 290 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit que le pouvoir d'adopter des actes délégués ne peut être transféré que pour compléter ou modifier certains éléments non essentiels de l'acte législatif concerné.

4.2.3   Les exigences applicables aux virements et aux prélèvements SEPA énumérées dans l'annexe de la proposition de règlement sont autant de critères décisifs pour les futurs produits SEPA. Tout modification des exigences, aussi minime soit-elle, est de nature à influencer considérablement les procédures de gestion technique des prestataires comme des utilisateurs. En outre, il ressort également de la liste des exigences annexée à la proposition la nécessité de supprimer les procédures nationales, étant donné qu'elles ne sont plus conformes aux exigences SEPA. Il convient dès lors de s'opposer à toute modification des exigences sans implication suffisante du Parlement européen et du Conseil.

4.3   Article 6: clarté au sujet de la structure des coûts future

4.3.1   Le CESE se félicite de ce que les commissions interbancaires multilatérales pour les prélèvements seront strictement interdites. Il convient de veiller à ce qu'à l'avenir, les commissions de paiement soient transparentes et imputables à des prestations concrètes des banques.

4.3.2   Dès le lancement du projet, la Commission européenne a souligné que les nouvelles procédures SEPA ne pouvaient être plus chères que les anciennes procédures nationales. Le CESE soutient expressément cette exigence et invite instamment la Commission à prendre toutes les mesures nécessaires afin de veiller à ce que les nouveaux paiements SEPA ne deviennent pas plus chers que les anciens virements nationaux en raison d'une augmentation des frais à l'échelle nationale, comme cela s'est produit lors du passage à l'euro. Dans le cas contraire, l'acceptation des nouvelles procédures de paiement ne pourra être garantie, en particulier de la part des consommateurs. Les commissions interbancaires multilatérales ne sont pas habituelles dans tous les pays de la zone euro, et leur introduction dans différents pays de la zone euro parallèlement aux procédures de paiement SEPA reviendrait à envoyer un signal fondamentalement négatif.

4.3.3   Le CESE souligne enfin que, pour les opérations directes qui ne peuvent être correctement exécutées par un prestataire de services de paiement parce que l’ordre de paiement est rejeté, refusé, retourné ou rectifié (transactions R), une commission multilatérale d’interchange ne peut être exigée du consommateur que si ses comptes ne sont pas suffisamment approvisionnés à la date d'échéance du prélèvement. Dans tous les autres cas, une telle commission sera acquittée par le bénéficiaire. Ni le bénéficiaire, ni sa banque, ni celle du donneur d'ordre ne pourront imputer à celui-ci des commissions pour des transactions R dont il n'est pas responsable.

Bruxelles, le 5 mai 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 318 du 23.12.2006, p. 51 et JO C 228 du 22.09.2009, p. 66.


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

Les amendements suivants, qui ont recueilli plus du quart des suffrages exprimés, ont été rejetés (article 54, paragraphe 3 du règlement intérieur):

Paragraphe 3.11 (nouveau)

Ajouter un nouveau paragraphe:

«

»

Exposé des motifs

La sûreté d'un système de paiement paneuropéen est primordiale pour renforcer la confiance des consommateurs dans les services de paiement.

Résultat du vote sur l'amendement:

Voix pour

:

64

Voix contre

:

74

Abstentions

:

13

Paragraphe 3.12 (nouveau)

Ajouter un paragraphe après le paragraphe 3.11:

«

»

Exposé des motifs

Le présent amendement vise à harmoniser le texte avec l'article 62 de la directive sur les services de paiement.

Résultat du vote sur l'amendement:

Voix pour

:

64

Voix contre

:

83

Abstentions

:

10


23.7.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 218/78


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale»

COM(2010) 748 final/2 — 2010/0383 (COD)

2011/C 218/14

Rapporteur général: M. HERNÁNDEZ BATALLER

Le Conseil, en date du 15 février 2011, a décidé, conformément aux articles 67, paragraphe, 4 et 81, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale»

COM(2010) 748 final/2 — 2010/0383 (COD).

Le 1er février 2011, le Bureau du Comité a chargé la section spécialisée «Marché unique, production et consommation» de préparer les travaux du Comité en la matière.

Compte tenu de l'urgence des travaux, le Comité économique et social a décidé au cours de sa 471e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 5 mai 2011), de nommer Bernardo HERNÁNDEZ BATALLER rapporteur général et a adopté le présent avis par 162 voix pour, 1 voix contre et 2 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le CESE soutient la proposition de la Commission, considérant qu'elle peut permettre d'atteindre l'objectif de supprimer les obstacles juridiques, ce qui faciliterait la vie des citoyens et des entreprises, en améliorant le recours effectif à la justice.

1.2   Le CESE invite instamment la Commission à poursuivre son action de suppression des obstacles juridiques dans l'Union européenne, afin d'atteindre la réalisation d'un véritable espace judiciaire européen, en tenant compte de toutes les observations que le Comité a formulées dans ses différents avis en la matière.

2.   Introduction

2.1   Le règlement 44/2001 remplace depuis le 1er mars 2002 la Convention de Bruxelles et, de manière générale, tous les instruments bilatéraux existant entre les différents États membres en la matière. Également appelé «Règlement Bruxelles I», il s'agit jusqu'à présent du plus important acte juridique de l'Union en matière de coopération judiciaire civile.

2.2   En substance, le règlement 44/2001 permet dans certains cas d'attraire devant les tribunaux d'un État membre toute personne physique ou morale concernée par une procédure judiciaire transnationale et domiciliée dans un État distinct de celui où l'action est intentée, en favorisant le lien de connexité le plus proche.

2.2.1   Par ailleurs, l'article 5 du règlement prévoit qu'en matière contractuelle, en particulier s'agissant de vente de marchandises, une action peut être intentée contre une entreprise dans l'État membre dans lequel les marchandises auraient dû ou devraient être livrées.

2.2.2   Ainsi, les domaines dans lesquels la nouvelle règle s'applique se succèdent au long de l'article 5 (responsabilité contractuelle et extracontractuelle, actions de réparation en dommages et intérêts, exploitation de succursales et agences, etc.).

2.2.3   Tout une section du règlement est consacrée à la compétence en matière d'assurances, la troisième, dans laquelle il est prévu que le preneur d'assurance puisse s'adresser aux tribunaux de son domicile pour attraire l'assureur, y compris lorsque le domicile de celui-ci se trouve dans un État membre distinct. Cependant, si l'assureur souhaite attraire le preneur, l'assuré ou le bénéficiaire, il se verra contraint de le faire devant les tribunaux du lieu où ceux-ci sont domiciliés.

2.3   Au fil du règlement 44/2001 se succèdent des attributions expresses de compétences, une attention accrue étant prêtée à certaines familles thématiques dans un souci de protection (contrats conclu par les consommateurs, contrats individuels de travail). En revanche, les règles traditionnelles d'attribution de compétence restent d'application lorsqu'il s'agit de litiges portant sur des immeubles, de la dissolution de personnes morales, d'inscriptions dans les registres et d'exécution de jugements.

2.4   Le règlement 44/2001, après avoir consacré deux sections volumineuses à l'exécution de jugements et à la reconnaissance de documents publics d'autres États membres, conclut par une série de dispositions finales et transitoires qui abordent notamment les liens entre ce nouvel instrument de coopération judiciaire et d'autres conventions plus spécifiques auxquelles tout État membre pourrait être partie.

2.5   Le 21 avril 2009, la Commission a adopté un rapport sur l'application du règlement et un livre vert sur lequel le CESE s'est déjà prononcé (1), en se déclarant favorable à plusieurs propositions de réforme avancées par la Commission.

3.   Proposition de règlement

3.1   La révision a pour objectif général de poursuivre le développement de l'espace européen de justice, en supprimant les derniers obstacles à la libre circulation des décisions judiciaires, conformément au principe de reconnaissance mutuelle. L'importance de cet objectif a été soulignée par le Conseil européen dans son programme de Stockholm publié en 2009 (2). Concrètement, la proposition vise à faciliter les procédures judiciaires transfrontières et la libre circulation des décisions dans l'Union européenne. La révision devrait également contribuer à créer le cadre légal nécessaire à la relance de l'économie européenne.

3.2   Les principaux éléments de la réforme sont les suivants:

suppression de la procédure intermédiaire de reconnaissance et d'exécution des décisions judiciaires (exequatur), sauf pour les décisions rendues dans les affaires de diffamation et les actions collectives en indemnisation, assortie de plusieurs voies de recours pour empêcher, dans des circonstances exceptionnelles, qu'un jugement rendu dans un État membre ne prenne effet dans un autre État membre;

la proposition contient également une série de formulaires standards, destinés à faciliter la reconnaissance ou l'exécution du jugement étranger en l'absence de la procédure d'exequatur, ainsi que la demande de réexamen dans le cadre de la procédure susmentionnée de garantie des droits de la défense.

extension des règles de compétence judiciaires énoncées dans le règlement aux litiges faisant intervenir des défendeurs originaires de pays tiers, y compris pour les cas où une même action est pendante dans l'Union et à l'extérieur de l'Union; La modification garantira que les règles de compétence visant à protéger les consommateurs, les salariés et les assurés s'appliqueront également si le défendeur est domicilié en dehors de l'UE.

effectivité accrue des accords d'élection de for, avec deux modifications:

d'une part, lorsque les parties ont désigné une ou plusieurs juridictions pour trancher le litige, la proposition laisse en priorité la juridiction désignée se prononcer sur sa compétence, qu'elle ait été saisie en premier ou en second lieu;

d'autre part, la proposition introduit une règle harmonisée de conflit de lois en matière de bien-fondé des accords d'élection de for, garantissant ainsi une décision similaire sur cette question quelle que soit la juridiction saisie.

amélioration du lien entre le règlement et l'arbitrage;

amélioration de l'accès à la justice pour certains types de litiges; et

clarification des conditions auxquelles les mesures provisoires peuvent circuler dans l'Union.

4.   Observations générales

4.1   Le Comité accueille très favorablement la proposition de la Commission et appuie une refonte du texte du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil en vigueur concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (Bruxelles I).

4.2   La proposition de la Commission fait clairement apparaître qu'il s'agit d'une initiative nécessaire afin d'améliorer l'espace de liberté, de sécurité et de justice ainsi que le marché intérieur, laquelle ne peut en outre être lancée qu'à partir du niveau supranational, constituant par ailleurs un outil juridique utile dans un contexte mondialisé, dès lors qu'elle facilitera les transactions commerciales internationales et mitigera les conflits suscités par les relations qui débordent du cadre territorial de l'UE.

4.2.1   Il convient de souligner à cet égard que l'ensemble des innovations contenues dans les mécanismes juridiques pertinents proposés ici, de même que la classification de certaines règles et principes déjà appliqués en la matière dans l'UE, découlent des expériences que les opérateurs juridiques transnationaux, les experts et les organes compétents des États membres ont transmis publiquement à la Commission européenne.

4.2.2   Outre qu'il est donc ainsi tenu compte de façon générale du principe de subsidiarité, qui justifie l'action supranationale vu l'absence de compétence des États membres s'agissant de modifier unilatéralement certains aspects du règlement Bruxelles I en vigueur, comme l'exequatur, et les dispositions en matière de compétence et de coordination entre les procédures judiciaires des États membres, ou entre celles-ci et les procédures d'arbitrage, l'importance de ce que l'on appelle la subsidiarité fonctionnelle est également reconnue, celle-ci faisant partie intégrante du principe de démocratie participative consacré dans le TUE suite au traité de Lisbonne. Le CESE s'est déjà prononcé, par le passé, en faveur de plusieurs des propositions actuellement formulées par la Commission (3).

4.3   La proposition préconise en termes réalistes, pondérés et flexibles des solutions techniques à des problèmes rencontrés au long des années d'application du règlement Bruxelles I, en synthèse: suppression de la procédure d'exequatur, sauf pour les décisions rendues dans les affaires de diffamation et les actions collectives en indemnisation; application du règlement aux litiges faisant intervenir des défendeurs originaires de pays tiers; efficacité accrue des accords d'élection de for; amélioration du lien entre le règlement et l'arbitrage; classification des conditions dans lesquelles les mesures provisoires et conservatoires rendues par un tribunal dans un État membre peuvent s'appliquer dans d'autres États membres; et, en somme, amélioration de l'accès à la justice et du fonctionnement de certaines procédures pendantes devant les juridictions internes.

4.3.1   Il n'y a aucune raison de fond d'exclure les actions collectives de la suppression de l'exequatur de la proposition. Par conséquent, la formulation de l'article 37 s'avère insatisfaisante. Le CESE s'est déjà prononcé, à maintes reprises, en faveur d'une réglementation supranationale des actions collectives. Il convient que la Commission envisage une éventuelle modification de l'article 6 du règlement 44/2001, de telle sorte à admettre la concentration procédurale d'actions engagées par des demandeurs, pour autant que les motifs de leur demande soient liés par une relation à ce point étroite qu'il serait opportun de les traiter et de les juger simultanément afin d'éviter des décisions contradictoires susceptibles de découler de jugements séparés.

4.3.2   Quant à l'exclusion de la diffamation, l'article 37-3, a) donne en réalité une interprétation plus large, incluant les décisions rendues dans un autre État membre sur les obligations non contractuelles qui découlent d'atteintes à la vie privée et aux droits de la personnalité. Il convient que la Commission examine la portée de cette exception et la possibilité de la supprimer, afin qu'elle ne s'applique pas à des aspects de la vie quotidienne des citoyens.

4.3.3   Afin d'approfondir la réflexion sur les changements qu'il convient d'apporter aux mécanismes et procédures judiciaires dont traite la proposition, il convient en tout état de cause de formuler plusieurs observations en vue de leur prise en considération future par la Commission.

4.3.4   Ainsi, en ce qui concerne l'article 58, paragraphe 3, du texte consolidé du règlement, qui prévoit, s'agissant des recours contre la décision relative à la demande de déclaration constatant la force exécutoire d'un jugement et des décisions rendues sur ces recours, que la juridiction compétente «statue à bref délai», la durée maximale de ce délai pourrait être davantage précisée, de sorte à éviter des retards injustifiés ou des lenteurs préjudiciables au justiciable.

4.3.5   Dans ce sens, il pourrait être établi soit un délai de 90 jours, tel que prévu au deuxième paragraphe du même article 58 pour les décisions prises sur des recours contre la décision relative à la demande de déclaration de force exécutoire, soit un délai intermédiaire compris entre les six semaines prévues à l'article 11, paragraphe 3 du règlement 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 (relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale) et les 90 jours visés plus haut.

4.3.6   De même, il pourrait être envisagé de reformuler le texte relatif au nouveau mécanisme de coopération judiciaire établi à l'article 31 du texte consolidé du règlement, en vue de renforcer le rôle de la juridiction compétente au fond et de prévenir des agissements de mauvaise foi qui retarderaient le règlement du litige.

4.3.7   En effet, le devoir assez large de «coordination» entre la juridiction compétente au fond et la juridiction d'un autre État membre saisie d'une demande de mesures provisoires ou conservatoires, que cette disposition limite au devoir pour le second de s'informer de toutes les circonstances pertinentes de l'espèce (telles que le caractère urgent de la mesure sollicitée ou un éventuel refus d'une mesure similaire prononcé par la juridiction saisie sur le fond), pourrait être complété par une autre disposition établissant le caractère exceptionnel de la recevabilité de telles mesures, voire prévoyant de manière générale un désistement en faveur du juge du fond.

4.3.8   Cela serait d'ailleurs tout à fait cohérent avec le rôle central que, pour des raisons de rapidité et eu égard au principe de reconnaissance mutuelle, la Cour de justice reconnaît à l'organe compétent pour trancher sur le fond l'interprétation de normes connexes telles le règlement 2201/2003 susmentionné.

4.4   Il convient de s'attarder sur le maintien de la clause d'ordre public (article 34, paragraphe 1, du règlement Bruxelles I en vigueur, et article 48, paragraphe 1, de la proposition de codification), uniquement dans les cas où la procédure d'exequatur est supprimée, qui permet aux organes juridictionnels de l'État membre requis de ne pas reconnaître, lorsqu'elles sont manifestement contraires à son ordre public, les décisions rendues dans un autre État membre.

4.4.1   Il s'agit sans nul doute d'une faculté qui pourrait donner lieu à des interprétations et des applications discrétionnaires par les juges sollicités. Cependant, comme le montre la pratique suivie depuis l'entrée en vigueur du règlement Bruxelles I, le risque est actuellement très mitigé en raison de trois limites juridiques au moins: les critères établis en la matière par la Cour de justice (4), le caractère contraignant de la Charte des droits fondamentaux de l'UE en vigueur et la consolidation d'une vaste et abondante jurisprudence de la Cour même qui subordonne la notion d'ordre public à celle de l'effet utile du droit de l'Union.

4.4.2   Cependant, le Comité invite la Commission européenne à prêter une attention particulière au comportement des organes juridictionnels des États membres, en vue d'une application correcte du principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires relatives à la compétence juridictionnelle à la lumière de critères d'ordre public.

4.5   Si la proposition de codification du règlement établit de façon tangentielle, quoique novatrice, une règle de reconnaissance des conventions d'arbitrage qui désignent un for situé dans un État membre de l'UE, atténuant par là les risques de tourisme juridique («forum shopping»), il ne semble pas que cela soit toutefois suffisant.

4.5.1   Vu le recours généralisé et croissant à cette modalité de résolution des conflits, surtout en matière commerciale, et son essor souhaitable dans d'autres domaines essentiels pour les intérêts des citoyens (par exemple le droit de la consommation et le droit du travail), le Comité invite la Commission à envisager dans de brefs délais la création d'un instrument juridique supranational pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales. En effet, quoique la proposition ouvre la voie à un contrôle judiciaire, l'arbitrage reste expressément exclu de son champ d'application (article 1, paragraphe 2, d)).

4.6   De même, dans un souci de clarification de son contenu et de célérité dans l'adoption des jugements, la Commission pourrait entamer l'élaboration d'une communication ou d'un guide sur l'interprétation de l'article 5 de la proposition, peu ou prou identique aux termes de l'article en vigueur du règlement Bruxelles I.

4.6.1   Selon les deux dispositions, la compétence en matière contractuelle revient au tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée, sauf pour la vente de marchandises, cas dans lequel est compétent le tribunal de l'État membre où les marchandises ont été ou auraient dû être livrées, et pour les prestations de services, où la compétence appartient au tribunal de l'État membre où les services ont été ou auraient dû être fournis.

4.6.2   La jurisprudence de la Cour de justice qui interprète les notions de «service» et «marchandise» par rapport aux libertés du marché intérieur ne s'applique pas dans le cadre du règlement Bruxelles I, et par conséquent, la Cour a jusqu'à présent résolu les questions interprétatives sur la portée de l'article 5 au moyen de références à des réglementations internationales qui ne lient ni l'UE ni tous les États membres et ne sont donc pas des règles communes s'appliquant aux contrats intracommunautaires.

4.7   Paradoxalement, les motifs de célérité procédurale semblent être à l'origine même du nouveau libellé de l'article 24, paragraphe 2, de la proposition de codification, dès lors que celui-ci subordonne simplement l'application du paragraphe 1 du même article (qui octroie une compétence de caractère général aux tribunaux d'un État membre devant lequel le défendeur comparaît) à la condition que l'acte introductif d'instance comporte des indications informant le défendeur de son droit de contester la compétence de la juridiction et des conséquences d'une comparution. Cette disposition, facilement mise en œuvre au moyen de l'inclusion de clauses de style, peut être préjudiciable aux droits des parties les plus faibles à un contrat, à plus forte raison en raison du fait que l'article 24, paragraphe 2 limite son application aux contrats d'assurance, aux contrats conclus par les consommateurs et aux contrats individuels de travail.

4.7.1   Vu qu'il appartiendra au tribunal recevant la demande de vérifier si ces informations ont été transmises au défendeur, sans qu'aucune prescription particulière ne soit établie à cet égard, le Comité entend souligner la situation d'incertitude et de discrétionnalité susceptible de découler de l'application de ce dispositif dans les 27 juridictions souveraines de l'UE. Il invite dès lors la Commission européenne à reconsidérer le libellé de cette disposition afin de renforcer la position juridique des consommateurs et des travailleurs et de garantir des modèles uniformes de conduite des tribunaux compétents.

Bruxelles, le 5 mai 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 255 du 22.9.2010, p. 48.

(2)  Adopté lors de la réunion du Conseil européen des 10 et 11 décembre 2009.

(3)  JO C 117 du 26.04.2000, p. 6.

(4)  Arrêt de la Cour du 28 mars 2000, aff. C-7/98, Krombach, Recueil de jurisprudence. p. I-01935.


23.7.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 218/82


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2003/71/CE et 2009/138/CE en ce qui concerne les compétences de l’autorité européenne des marchés financiers et de l’autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles»

COM(2011) 8 final — 2011/0006 (COD)

2011/C 218/15

Rapporteur: M. WUERMELING

Le 3 février et le 2 mars 2011, respectivement, le Parlement européen et le Conseil ont décidé, conformément à l'article article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2003/71/CE et 2009/138/CE en ce qui concerne les compétences de l’autorité européenne des marchés financiers et de l’autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles

COM(2011) 8 final — 2011/0006 COD.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 5 avril 2011.

Lors de sa 471e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 5 mai 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 111 voix pour, une voix contre et quatre abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE se félicite vivement de la proposition de la Commission européenne de directive modifiant les directives 2003/71/CE et 2009/138/CE. Il soutient les efforts de la Commission pour modifier la législation sectorielle afin de permettre au Système européen de surveillance financière (SESF) de fonctionner efficacement. Le Comité renouvelle son ferme soutien aux nouvelles règles de surveillance en matière d'assurance («Solvabilité II»), en particulier au vu des expériences de la récente crise financière.

1.2

Toutefois, la recherche de normes de solvabilité saines devrait tenir compte de la nécessité d'assurer une réduction des capacités des marchés d'assurance à gérer les risques de leurs clients et à assumer leur rôle de pourvoyeurs de financement des collectivités et entreprises de toutes tailles.

1.3

Le CESE accueille favorablement la modification apportée à la directive Solvabilité II concernant les règles transitoires s'ajoutant à la prorogation de deux mois de la date de mise en œuvre.

1.4

Le CESE souligne qu'il convient que soit acquis le principe d'une transition du système actuel (Solvabilité I) vers le nouveau système (Solvabilité II). Il y a lieu que la transition vers le nouveau régime se fasse en douceur. Il convient d'éviter que le marché ne soit désorganisé, et ce en adoptant une approche qui lie de manière cohérente les mesures de surveillance à des règles transitoires. Solvabilité II ne doit pas donner lieu à une concentration du marché, surtout pour les assureurs petits et moyens.

1.5

Les mesures transitoires telles qu'énoncées dans la proposition actuelle doivent permettre un processus d'introduction/suppression progressives qui tienne compte de la capacité des entreprises à mettre en œuvre les changements. La durée de la transition est définie comme un maximum susceptible d'être raccourci par la Commission si suffisamment d'éléments tangibles le permettent et lorsque ce sera le cas. Il est évident que les périodes transitoires seront différentes selon les domaines.

1.6

Le calendrier de mise en œuvre devrait refléter de manière réaliste les capacités des autorités de surveillance comme celles des entreprises d'assurance, y compris celles de petite taille, afin d'atteindre les objectifs fixés par la directive Solvabilité II. Le CESE invite instamment la Commission et l'AEAPP à s'assurer que le nouveau régime n'engendre aucune surcharge administrative et qu'il ne soit pas d'une complexité ingérable, ce qui pourrait avoir un impact négatif sur la qualité du service fourni aux consommateurs.

1.7

Le CESE approuve la légitimation démocratique de la future réglementation européenne («règlement uniforme») à l'intention des assureurs. La définition du champ d’application qu’il convient de donner aux normes techniques est aussi à considérer comme un instrument supplémentaire de convergence prudentielle et en vue de l’élaboration d'un règlement uniforme.

1.8

Le CESE estime qu'il y a lieu de poser une distinction claire entre, d'une part, les questions purement techniques et, de l'autre, les questions politiques qui relèvent des institutions communautaires investies d’un mandat politique.

1.9

Cependant, le CESE souligne le statut d'organe autonome de l'AEAPP. Dans le cadre de sa mission visant à contribuer à l'élaboration d'un règlement uniforme, l'AEAPP agit conformément au mandat lui ayant été conféré par les instances législatives dotées de responsabilité politique.

1.10

Le CESE estime que le secteur de l'assurance doit continuer à proposer aux consommateurs des pensions à long terme garanties, et doit rester un partenaire fiable pour les assurances-vieillesse. Par conséquent, une courbe des taux adéquate est indispensable pour le calcul du capital de solvabilité. Le CESE est en faveur d'une solution permettant de pérenniser la viabilité économique de ces produits.

1.11

Le CESE recommande en outre que les méthodes utilisées pour de tels calculs ne soient pas considérées comme une question purement technique, mais soient définies sous le contrôle du Parlement et du Conseil, pour refléter les incidences politiques que la définition de telles méthodes est susceptible d'avoir pour le niveau global de préparation des citoyens face à l'accroissement de l'espérance de vie et au niveau bas du taux de remplacement par les générations plus jeunes.

1.12

Le CESE insiste sur l'importance d'une consultation continue des groupes de parties intéressées de l'AEAPP, qui incluent des représentants des syndicats du secteur, des consommateurs de services financiers ainsi que des universitaires spécialistes de la réglementation et de la surveillance.

2.   Contexte et observations générales

2.1

Le 19 janvier 2011, la Commission a adopté une proposition de directive visant à modifier deux directives antérieures relatives aux activités du secteur des services financiers, la directive sur le prospectus et la directive Solvabilité II. Cette proposition est intitulée «Directive Omnibus II», car c'est la deuxième directive qui regroupe diverses modifications à des directives existantes afin de les adapter à la nouvelle structure européenne de surveillance financière.

2.2

La directive Solvabilité II a trait à l’accès aux activités de l’assurance directe et de la réassurance et leur exercice. Cette réforme minutieusement préparée de la surveillance de l'assurance en Europe vise à renforcer durablement le secteur de l'assurance et à accroître sa compétitivité: les exigences en matière de capital pour les assureurs seront bien davantage fondées sur le risque (premier pilier). Les exigences en matière de gestion qualitative des risques (deuxième pilier) et les informations devant être communiquées par les assureurs (troisième pilier) seront aussi modernisées.

2.3

La directive Omnibus II vise à adapter le dispositif de surveillance européen, suite aux conclusions du groupe de haut niveau présidé par M. Jacques de LAROSIÈRE et à la communication de la Commission de mai 2009, qui proposait de mettre en place un Système européen de surveillance financière (SESF), consistant dans un réseau d'autorités nationales de surveillance travaillant de manière coordonnée avec les nouvelles autorités européennes de surveillance.

2.4

Le CESE a adopté des avis (entre autres CESE 100/2010 et 446/2010) sur la nouvelle architecture de surveillance, a exprimé un large soutien aux réformes et a insisté sur la nécessaire distinction à poser entre questions techniques et questions politiques, lesquelles ont été considérées comme étant du ressort des institutions communautaires dotées d'un mandat politique. Les avis du CESE ont souligné que les nouvelles autorités devaient maintenir un dialogue avec les organes représentatifs des secteurs des services financiers, les syndicats, les consommateurs de services financiers et, de même, avec le CESE en tant que représentant de la société civile organisée en Europe.

2.5

Le CESE a fait part de son soutien général aux travaux menés par la Commission pour doter les autorités récemment mises en place de compétences leur permettant de définir des normes techniques et de résoudre les divergences entre organes nationaux de surveillance, ce que la proposition à l'examen entend faire dans le domaine des marchés financiers, des assurances et des pensions professionnelles.

2.6

Le CESE salue les objectifs généraux de la directive, qui sont de protéger tous les consommateurs de services financiers et garantir la stabilité des marchés par une approche flexible; il se félicite aussi de l'engagement exprimé par la directive en faveur des principes de nécessité et de proportionnalité dans la progression vers la convergence prudentielle, ainsi que de l'élaboration d'un règlement uniforme. Ces objectifs sont susceptibles de contribuer au processus consistant à faire en sorte que le marché unique trouve davantage sa traduction dans la réalité et que l'Europe conserve un rôle de précurseur en matière de normes internationales, sans perdre le contact avec la réalité des marchés des services financiers internationaux.

2.7

Omnibus II modifie principalement la directive Solvabilité II, conférant de nouvelles compétences pour des normes techniques contraignantes et alignant les procédures en matière de mesures d'exécution avec le traité de Lisbonne. La proposition comporte des modifications de portée générale qui sont communes à la plupart des législations sectorielles, notamment la directive «Omnibus I», et nécessaires au bon fonctionnement des directives compte tenu des nouvelles autorités, par exemple modifier le nom «CECAPP» en «AEAPP» et garantir l’existence de canaux adaptés pour l’échange d’informations.

2.8

Elle ajuste aussi le régime existant de compétences d'exécution («niveau 2») au traité de Lisbonne. La directive Solvabilité II est entrée en vigueur avant le nouveau traité. Par conséquent, il y a lieu de procéder à la transformation des mandats de niveau 2 existants en mandats pour les actes délégués, les mesures d'application ou les normes techniques de réglementation. Il convient de prévoir des procédures de contrôle appropriées.

2.9

Des dispositions transitoires sont introduites dans la directive Solvabilité II aussi. Elles s'avèrent nécessaires pour permettre que la transition vers le nouveau régime se fasse en douceur. Il convient d'éviter que le marché ne soit désorganisé, et il devrait aussi être possible de tenir compte des incidences qui se feront jour sur l'éventail des produits d'assurance importants.

3.   Modifications apportées à la directive Solvabilité II

3.1

Dans son avis consacré à la directive Solvabilité II (CESE 976/2008), le CESE saluait les efforts déterminants fournis pour renforcer le secteur de l'assurance et le rendre plus compétitif grâce à une meilleure allocation des capitaux, une meilleure gestion des risques, et une amélioration de la communication d'informations. À cet égard, aux yeux du CESE, Solvabilité II représente aussi la réponse adéquate au vu des expériences de la récente crise financière. Il soutient la Commission dans son approche consistant à n'apporter aucune modification fondamentale à la directive Solvabilité II. Toutefois, dans les cas où l'aménagement des mesures d'exécution semble inapproprié, de plus amples changements peuvent s'avérer nécessaires dans des domaines particuliers dont le champ est limité.

3.2

Au fil du temps, la crise causée par l'échange de dérivés de crédit ayant soulevé des inquiétudes quant au bien-fondé de toutes les activités financières, un certain nombre de craintes sont apparues concernant le fait que les ajustements des normes de solvabilité applicables aux activités d'assurance ne se ressentent des hypothèses inspirées par une tendance à un souci extrême d'éviter les risques. Le CESE prend acte des déclarations faites par la Commission pour confirmer son attachement à une vision équilibrée concernant ces normes. Il exhorte la Commission à éviter de créer des problèmes de volatilité dans un secteur où les engagements à long terme constituent la règle.

3.3

Plusieurs vagues d'études d'impact quantitatives ont été réalisées depuis le lancement du processus de réforme de Solvabilité II, dont la plus récente, désignée par le nom de QIS 5, a vu la participation de près des deux tiers du marché européen de l'assurance. Les résultats ont récemment été publiés par l'AEAPP et nécessitent une analyse complémentaire plus poussée. Grâce aux études d'impact qui ont été effectuées, il apparaît toutefois clairement que la date retenue et l'ampleur de la migration vers le nouveau régime sont susceptibles d'avoir de graves conséquences sur la disponibilité et l'accessibilité économique de l'assurance pour les collectivités, les entreprises et les ménages, ainsi que sur les conditions de fonctionnement des entreprises d'assurances.

3.4

Le Comité renouvelle le soutien qu'il a apporté précédemment aux principes de proportionnalité et de flexibilité. Il a insisté sur le fait que cette approche devrait conduire à des exigences claires et appropriées, tandis que la diversité du marché de l'assurance, tant sur le plan de la taille que de la nature des entreprises d'assurances, justifierait que l'on y accorde l'attention voulue. Au stade actuel, le CESE s'inquiète de ce que la mise en œuvre de Solvabilité II n'introduise un degré de complexité que les petites et moyennes compagnies d'assurances ne seront pas en mesure de supporter.

3.5

Pour garantir la stabilité des marchés d'assurance, il sera nécessaire de concevoir de manière adéquate les règles transitoires de Solvabilité II et la surveillance financière de l'UE. Ces objectifs seront mis en péril si l'on ne s'oriente pas dès à présent dans la bonne direction.

Report au 1er janvier 2013

3.6

Le CESE approuve la prorogation de deux mois de la date de mise en œuvre de Solvabilité II, qui entrera désormais en vigueur le 1er janvier 2013.

3.7

Le CESE convient avec la Commission qu'il est plus indiqué de lancer le nouveau régime Solvabilité II et ses nouvelles exigences de calcul, de rapport et autres au moment qui marque le début normal de l'exercice pour la plupart des entreprises d'assurance (soit le 1er janvier) plutôt que de démarrer Solvabilité II en cours d'exercice, ainsi qu'il était proposé dans la directive Solvabilité II (soit le 1er novembre). Par la suite, les autres échéances prévues par la directive Solvabilité II, notamment en ce qui concerne les dispositions transitoires et la clause de réexamen, doivent elles aussi être repoussées de deux mois, comme prévu dans Omnibus 2.

Régime transitoire

3.8

La proposition de la Commission répond à la demande de rendre la transition entre les normes renforcées de Solvabilité I et les normes de Solvabilité II plus harmonieuse et d'éviter de désorganiser le marché. Les groupes ayant des activités tant au sein de l'UE qu'à l'extérieur devraient pouvoir gérer plus efficacement le développement de leurs affaires.

3.9

Il est important que la transition concerne à la fois les trois piliers de Solvabilité II: le CESE convient avec la Commission qu'il devrait être possible de mettre en place des dispositions transitoires en ce qui concerne les calculs, la gouvernance et les informations communiquées. Il est nécessaire de tenir compte des effets de la transition sur les produits d'assurance les plus importants pour les marchés nationaux. La cinquième étude d'impact quantitative (QIS 5) devrait être considérée comme une source essentielle de réflexions pour les dispositions transitoires. Cette étude révèle qu'un concept transitoire cohérent (entrée et sortie progressives) est nécessaire de toute urgence afin que les compagnies et les autorités de surveillance disposent de suffisamment de temps pour se préparer à cette fin.

3.10

Le CESE préconise de procéder à une évaluation en bonne et due forme de la façon dont ces dispositions transitoires pourraient être articulées de manière cohérente avec l'action des autorités de surveillance en cas de non-respect des nouvelles règles. Une transition harmonieuse devrait également tenir compte des niveaux actuels de contrôle qui garantissent que la protection des assurés ne sera pas moindre que ce qu'elle est aujourd'hui.

3.11

Le CESE recommande que la transition fasse plus explicitement référence aux normes renforcées de Solvabilité I à titre de niveau minimum (optionnel).

3.12

En ce qui concerne la communication d'informations, le CESE préconise de définir de façon plus détaillée non seulement les méthodes mais aussi le contenu et le calendrier de la communication d'informations au cours de la période transitoire. Compte tenu du fait qu'il existe des doutes quant à ce qui devrait figurer dans les rapports trimestriels voire dans la déclaration initiale, il semble plus indiqué de permettre un ajustement des normes relatives à la communication des informations au-delà de la date du 1er janvier 2013. Cela sera capital pour les petites et moyennes entreprises. Plus particulièrement, les mutuelles et autres assureurs n'ayant pas accès au marché des actions ne devraient pas se voir imposer les mêmes obligations en matière de communication d'informations que les compagnies internationales cotées qui ont appliqué d'emblée le système IFRS, ni devoir travailler avec le même calendrier serré.

Veiller à des garanties de long terme pour les retraites

3.13

Le CESE a souligné l'importance que revêtent des assurances-pension saines et bien gérées et autres formes d'assurance-vieillesse dans le contexte de sociétés européennes vieillissantes, et tout dernièrement dans son avis consacré au livre vert de la Commission intitulé «Vers des systèmes de retraite adéquats, viables et sûrs en Europe» (CESE 72/2011).

3.14

La formulation des politiques sur le calcul des taux d'intérêt pour les retraites revêt une importance capitale pour les conditions dans lesquelles une telle protection pourra être obtenue par les consommateurs. Le CESE est préoccupé par la courbe des taux actuellement en débat. Elle conduira probablement à une chute marquée de l'offre et à une augmentation des prix des produits de retraite.

3.15

À cet égard, le CESE adopte une position critique vis-à-vis du fait que, selon la proposition Omnibus II présentée par la Commission, la courbe des taux et la prime d'illiquidité ne seront pas arrêtées par des organes législatifs. La courbe des taux et le risque de taux d'intérêt déterminent l'avenir de l'assurance-vieillesse privée. Une décision politique aussi importante ne saurait être prise uniquement au niveau administratif de l'AEAPP.

Défis pour l'AEAPP

3.16

De manière plus fondamentale, puisqu'aussi bien la proposition que les mesures d'exécution doivent encore être adoptées, le calendrier pour le lancement effectif de Solvabilité II apparaît comme une véritable gageure. Les compagnies d'assurance ne peuvent être tenues responsables pour des instructions qui doivent être publiées à un stade tardif. Le CESE encourage donc la Commission à publier ces instructions sans délai ou à prévoir des périodes d'adaptation raisonnables.

3.17

De même, le CESE est bien conscient de la charge de travail considérable que l'AEAPP s'est imposée, en particulier parce qu'elle se trouve toujours dans une phase d'expansion et n'a pas encore atteint les niveaux d'effectifs envisagés. C'est pourquoi le CESE estime que la proposition à l'examen est susceptible d'excéder les capacités disponibles de cette Autorité, et il attend de la Commission qu'elle prenne dûment en considération l'équilibre des priorités qui doivent être fixées.

3.18

Le CESE est d'avis qu'il convient d'examiner avec soin si l'AEAPP disposera, au moment où Solvabilité II entrera en vigueur, des ressources suffisantes pour les pouvoirs et les missions qui lui ont été confiés par la seconde directive Omnibus, notamment en ce qui concerne les données techniques d'entrée et la médiation à caractère contraignant. La proposition visant à ce que l'AEAPP élabore des projets de mesures d'exécution pour le 31 décembre 2011 au plus tard apparaît quelque peu ambitieuse.

3.19

Le CESE est conscient du fait que l'AEAPP est en train d'augmenter ses effectifs et ses connaissances. Le régime transitoire devrait être en rapport avec les ressources octroyées à l'AEAPP afin d'éviter des perturbations. Les ressources devraient être en adéquation avec les pouvoirs et les tâches.

3.20

Cela pourrait affecter l'équilibre des responsabilités entre les organes de surveillance des États membres, qui doivent mener à bien la surveillance quotidienne des compagnies relevant de leur compétence de manière cohérente, et la nouvelle Autorité.

3.21

Plus particulièrement, le CESE estime que le contrôleur du groupe devrait se voir confirmer dans son rôle de chef de file s'agissant de l'approbation des modèles internes pour l'ensemble du groupe, et que la directive ne devrait laisser planer aucun doute quant aux pouvoirs et responsabilités respectifs en place.

3.22

Le CESE est convaincu que la Commission aborde à juste titre les différents rôles, variés, des autorités nationales de surveillance et de la nouvelle autorité de surveillance des assurances de l'UE, l'AEAPP. Il est important d'inscrire la possibilité pour l'AEAPP de régler les différends de façon équilibrée dans les domaines dans lesquels la directive Solvabilité II ou d'autres législations sectorielles prévoient d'ores et déjà une prise de décision conjointe.

Compétence d'exécution

3.23

Le CESE défend le point de vue selon lequel pour fonctionner, le «système Lamfalussy» d'application de la réglementation financière à différents niveaux juridiques nécessite un système en cascade cohérent pour garantir que les normes techniques s'appuient sur les mesures d'exécution, afin qu'aucune question ne soit réglementée sans base politiquement responsable, notamment eu égard à la subsidiarité, et que l'élément central des mesures d'exécution demeure uniforme et clair.

3.24

Le CESE prend bonne note de la proposition de la Commission relative aux normes techniques contraignantes (niveau 3) dans les domaines où les mesures d'exécution (niveau 2) ont déjà été prévues. Il convient de limiter l'ampleur des normes techniques contraignantes supplémentaires. Il serait souhaitable que le futur équilibre obtenu entre les institutions européennes par délégation de pouvoirs puisse se caractériser par une plus grande clarté.

3.25

Le CESE estime que pour garantir la qualité des règles harmonisées, il peut s'avérer capital de déterminer des priorités parmi les normes techniques contraignantes. Certaines normes techniques d'exécution peuvent ne pas être nécessaires dès le lancement de Solvabilité II et l'AEAPP disposerait ainsi de davantage de temps pour les développer en tenant compte des pratiques du secteur et des expériences des organes de surveillance. D'autres normes techniques d'exécution pourraient quant à elles être traitées comme étant optionnelles («peut») et devraient être mises en place uniquement si un besoin d'harmonisation se fait sentir à l'avenir.

3.26

Il convient d'examiner soigneusement la délimitation des normes techniques. Il convient de soulever la question de savoir si la densité de la réglementation prévue est véritablement nécessaire au niveau européen au regard de la subsidiarité. S'il y a le moindre doute, pour les mesures individuelles d'exécution (niveau 2), aucune norme technique supplémentaire (niveau 3) ne devrait être prévue, par exemple, le niveau 3 pourrait ne pas apparaître nécessaire en ce qui concerne l'évaluation interne des risques et de la solvabilité (ORSA), le classement des fonds propres ou des fonds cantonnés.

3.27

Les règles à plusieurs niveaux ne seraient pas transparentes. En outre, il est possible qu'il existe des écarts nationaux pour les mêmes sujets de réglementation. Cela supposerait une trop grande complexité – notamment pour les PME. Enfin, il convient aussi d'accorder une attention minutieuse à l'extension envisagée de certaines mesures d'exécution sur le plan du contenu.

Bruxelles, le 5 mai 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


23.7.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 218/87


Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur les suites données au rapport du groupe d’experts sur l’évaluation intermédiaire du septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration et au rapport du groupe d’experts sur l’évaluation intermédiaire du mécanisme de financement avec partage des risques

COM(2011) 52 final

2011/C 218/16

Rapporteur général: M. Gerd WOLF

Le 9 février 2011, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur les suites données au rapport du groupe d’experts sur l’évaluation intermédiaire du septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration et au rapport du groupe d’experts sur l’évaluation intermédiaire du mécanisme de financement avec partage des risques»

COM(2011) 52 final.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le…

Compte tenu de l'urgence des travaux (articles 20 et 57, paragraphe 1, du règlement intérieur), le Comité économique et social européen a décidé, au cours de sa 471e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 4 mai 2011), de nommer M. WOLF rapporteur général et a adopté le présent avis par 118 voix pour, 1 voix contre et 3 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le Comité salue le rapport du groupe d'experts et adhère totalement à ses recommandations; il appuie également la réponse de la Commission audit rapport, telle qu'elle est exposée dans la communication à l'examen, sur laquelle il formule des observations spécifiques.

1.2   En se référant également au rapport du groupe d'experts, le Comité recommande en particulier les actions suivantes:

dans le budget global, augmenter celui consacré au soutien de la recherche et de l'innovation de façon qu'il atteigne une part qui témoigne de l'importance et du poids accordés à ce secteur dans la stratégie Europe 2020,

concentrer l'aide sur les missions dont le succès dépend de la coopération transnationale,

préserver et renforcer la recherche collective,

inclure les grandes infrastructures dans le champ de l'assistance,

insister davantage sur les «technologies clés génériques», sans lesquelles nous ne pourrons ni relever les défis de la concurrence mondiale, ni faire droit aux grandes problématiques sociétales,

accroître la participation des États membres qui étaient sous-représentés jusqu'à présent, en assurant une meilleure articulation entre les Fonds structurels et le programme-cadre,

affecter au moins 20 % du budget global du programme à la recherche et au développement gérés par le Conseil européen de la recherche,

simplifier radicalement les procédures administratives et envisager un moratoire sur les nouveaux instruments.

1.3   Le Comité appelle les États membres à respecter définitivement leur «engagement des 3 %», voire à aller bien au-delà de ce seuil s'ils en sont capables, économiquement parlant.

1.4   En ce qui concerne la terminologie que le rapport du groupe d'experts utilise pour qualifier les trois catégories de recherche, le Comité émet des réserves sur la notion de «science pour la science» et suggère plutôt d'utiliser celle de «science pour le savoir».

1.5   Le Comité se félicite de l'avis de la Commission concernant le rapport du groupe d’experts sur le mécanisme de financement avec partage des risques (MFPR). Il souscrit à l'évaluation présentée dans le rapport et estime que le MFPR est un instrument financier très utile et propice à l'innovation.

2.   La communication de la Commission

2.1   Conformément aux décisions du Parlement européen et du Conseil, un groupe d'experts extérieurs a procédé à une évaluation intermédiaire du septième programme-cadre (1). Son rapport contient dix recommandations, aussi claires que judicieuses. Sur ce texte et ses préconisations, la Commission a publié à présent une communication dans laquelle elle répond aux suggestions formulées à l'occasion de cette évaluation intermédiaire.

Par le présent avis, le Comité émet ses observations sur la communication et, partant, sur le rapport du groupe d'experts et ses recommandations.

2.2   Dans sa communication, la Commission concentre notamment son attention sur les recommandations suivantes du rapport d'experts:

1)

«promouvoir les objectifs de l’Espace européen de la recherche (EER) et de l’Union de l’innovation, en réalisant l'intégration des capacités de recherche»,

2)

«concevoir et mettre en place des infrastructures de recherche de grande qualité»,

3)

«le niveau de financement devrait être au minimum maintenu»,

4)

«une stratégie d’innovation bien articulée est nécessaire»,

5)

«la simplification a besoin d'un saut qualitatif»,

6)

«les différents types de mesures existant dans le septième programme-cadre et les programmes qui lui succéderont devraient permettre d’atteindre un nouvel équilibre entre approche ascendante et approche descendante de la recherche»,

7)

«il y a lieu d’envisager un moratoire sur les nouveaux instruments»,

8)

«de nouvelles mesures pour accroître la participation des femmes au septième programme-cadre devraient être prises pendant les années qui restent»,

9)

«ouvrir la voie à une plus forte participation des États membres sous-représentés grâce à de meilleurs liens entre les Fonds structurels et le programme-cadre»,

10)

«ouvrir le septième programme-cadre à la coopération internationale».

2.3   D'une manière générale, la Commission reprend à son compte ces recommandations du rapport du groupe d'experts et s'engage à les prendre dûment en considération dans le prochain programme-cadre. Elle leur imprime cependant quelques petits déplacements de perspective, assez mineurs, et les complète de quelques éléments d'explication ou d'interprétation.

3.   Observations générales

3.1   Le Comité reconnaît que le rapport du groupe d'experts et la réponse que la Commission y apporte dans sa communication forment la base du livre vert (2) dans lequel elle expose les principes de la configuration qui sera donnée à l'aide en faveur de la recherche et de l'innovation. En conséquence, la portée de ces deux textes dépasse celle d'une évaluation intermédiaire classique.

3.2   Le Comité constate avec beaucoup de satisfaction que la plupart des recommandations du rapport du groupe d'experts, mentionnées ci-dessus (voir paragraphe 2.2), recoupent largement les déclarations et recommandations qu'il avait déjà formulées dans des avis antérieurs.

3.3   Concernant les observations émises par la Commission sur certaines des recommandations du rapport du groupe d'experts, le Comité prend position comme suit:

3.3.1   Promouvoir les objectifs de l’Espace européen de la recherche (EER) et de l’Union de l’innovation, en réalisant l'intégration des capacités de recherche.

Le Comité appuie avec enthousiasme le rapport du groupe d'experts lorsqu'il recommande que l'UE concentre son aide sur les domaines où il est primordial d'atteindre une masse critique et dans lesquels la réussite dépend de la coopération transnationale. À son estime, cette observation vaut tout particulièrement pour la recherche collective, qui est un grand succès et dont il convient de préserver et de développer le rôle clé, déterminant et intégrateur.

3.3.2   Concevoir et mettre en place des infrastructures de recherche de grande qualité.

Comme il l'a déjà fait valoir dans des avis précédents, le Comité se rallie totalement à cette idée. Dans la mesure où elles dépassent souvent les capacités des États membres pris isolément, tant pour les financer que pour les faire fonctionner, les grandes infrastructures remplissent les conditions exposées au paragraphe 3.3.1 et méritent dès lors de bénéficier d'un appui fiable de la part de la Commission, en phase de construction comme d'exploitation.

3.3.3   Le niveau de financement devrait être au minimum maintenu.

Si dans son rapport, le groupe d'experts affirmait que «le pourcentage du budget total de l'UE que représentera le septième programme-cadre lorsqu'il viendra à échéance devrait être considéré comme un minimum», position que le Comité estime défendable, la communication de la Commission adopte une attitude encore plus timorée. Le Comité s'inquiète beaucoup de pareille tendance, qui est en contradiction avec toutes les déclarations politiques et objectifs concernant la stratégie UE 2020. Aussi presse-t-il la Commission et tous les décideurs politiques concernés d'octroyer fermement à la recherche et à l'innovation le statut et le poids qui lui reviennent, que ce soit dans le budget européen ou dans ladite stratégie UE 2020.

3.3.4   Une stratégie d’innovation bien articulée est nécessaire.

Le Comité est pleinement d'accord avec cette assertion et demande que l'on se rapporte à ses avis INT/545 (3) et INT/571. Les innovations stimulent le progrès, la croissance, la prospérité, la sécurité sociale, la compétitivité internationale et l'emploi. Elles présupposent et favorisent un climat social de confiance et d'assurance qui, compte tenu du contexte mondial actuel en matière de concurrence, peut être source de progrès ultérieurs et de dynamisme constructif. Pour prospérer, elles requièrent une approche européenne et un marché unique européen qui accordent un rôle clé à l'Espace européen de la recherche et à un puissant programme-cadre de recherche et développement.

3.3.5   La simplification a besoin d'un saut qualitatif.

Le Comité endosse totalement ce jugement et fait référence à l'avis qu'il a consacré au sujet (4), en signalant toutefois que la métaphore du «saut quantique» présente dans certaines versions linguistiques constitue une interprétation erronée du concept correspondant en physique. La diversification croissante des divers programmes partiels et des instruments y liés, qui obéissent parfois à des règles et procédures très différentes, est devenue un problème majeur pour le financement de la recherche dans l'UE. Cette complexité est encore accentuée par les différences parfois très importantes qui existent entre les dispositifs réglementaires des États membres et de leurs organismes de financement respectifs. Il convient dès lors de procéder à une simplification radicale, y compris via l'acceptation des pratiques comptables habituelles.

3.3.6   Les différents types de mesures existant dans le septième programme-cadre et les programmes qui lui succéderont devraient permettre d’atteindre un nouvel équilibre entre approche ascendante et approche descendante de la recherche.

Cette affirmation est exacte si l'on entend par là qu'il conviendrait de donner plus d'importance aux démarches ascendantes. Alors que les approches descendantes procèdent de la perspective stratégique des intervenants majeurs, laquelle se fonde sur l'état actuel du savoir, les approches ascendantes tirent parti du potentiel de créativité des scientifiques et ingénieurs qui travaillent directement sur les questions à explorer ou affiner. Même lorsqu'il en va des grandes problématiques de société, telles que la santé, le climat ou l'énergie, ou que ce sont des technologies clés génériques qui sont en jeu, l'accent devrait porter davantage sur les idées et propositions émanant du vaste vivier formé par la communauté plutôt que sur les injonctions venues d'en haut. La politique d'innovation devrait «viser les innovations organisationnelles» et les pratiques lancées par les salariés eux-mêmes «sur le lieu de travail (5)».

3.3.7   Il y a lieu d’envisager un moratoire sur les nouveaux instruments.

Cette observation est pertinente, comme l'avaient déjà relevé bon nombre d'avis du Comité, qui évoquaient le problème de la multiplication toujours croissante des instruments; elle s'applique également de manière directe au paragraphe 3.3.5. À supposer que les déclarations sans ambages qui figurent dans le rapport du groupe d'experts (6) soient jugées insuffisantes, il conviendrait d'effectuer une analyse des instruments d'aide en recourant à un large éventail d'utilisateurs, pour déterminer ceux qui ont été couronnés de succès et éliminer ou réduire ceux qui se sont avérés d'une moindre utilité.

3.3.8   De nouvelles mesures pour accroître la participation des femmes au septième programme-cadre devraient être prises pendant les années qui restent.

La recommandation est adéquate. En tout premier lieu, elle suppose d'encourager davantage de femmes à entreprendre des études scientifiques et technologiques. En outre, elle vaut pour la problématique des postes professionnels occupés par des femmes, qui ressortit à la thématique générale de l'égalité des sexes. En ce qui concerne les parcours en recherche et développement, un des problèmes particuliers qui se posent consiste à fournir suffisamment de possibilités de carrières en doublé (7), lesquelles revêtent une importance spéciale dans la perspective de la mobilité qui est demandée aux chercheurs.

3.3.9   Ouvrir la voie à une plus forte participation des États membres sous-représentés grâce à de meilleurs liens entre les Fonds structurels et le programme-cadre.

Ces objectifs sont bienvenus; à cet égard, on se reportera également à l'avis que le Comité a consacré au livre vert. Il soutient la Commission lorsqu'elle y affirme (8) qu'«à long terme, une excellence de rang mondial ne peut se développer que dans un système où tous les chercheurs de l'UE disposent des moyens d'atteindre l'excellence et, au final, de prétendre aux premières places. Il faut pour cela que les États membres mettent en œuvre des programmes de modernisation ambitieux pour leur base de recherche publique et assurent un financement public durable. Les financements de l'UE, notamment par l'intermédiaire des fonds de la politique de cohésion, devraient contribuer au renforcement de l'excellence dans les domaines et dans les cas où cette assistance se justifie.»

3.3.10   Ouvrir le septième programme-cadre à la coopération internationale.

La suggestion est judicieuse; le Comité s'est déjà dit favorable à cette importante évolution (9). La coopération internationale exerce une influence bénéfique sur le progrès scientifique et technique mais aussi sur la compréhension mutuelle des nations. Il convient de reconnaître que beaucoup de résultats ont déjà été engrangés dans ce domaine. Toutefois, le succès de cette collaboration internationale sera également fonction du pouvoir d'attraction de l'espace européen de la recherche et des performances des universités et institutions de recherche en Europe.

3.4   Le Comité se félicite de l'avis de la Commission concernant le rapport du groupe d’experts sur le mécanisme de financement avec partage des risques (MFPR). Il souscrit à l'évaluation présentée dans le rapport et estime que le MFPR est un instrument financier très utile et propice à l'innovation. À cet égard, il renvoie également à ses demandes en matière de capital risque, en particulier dans le contexte de la création d'entreprises, par exemple au paragraphe 4.8 de son avis sur «Une Union de l'innovation» (10).

4.   Observations spécifiques

4.1   Dans ce chapitre de son avis, le Comité souhaite aborder certains aspects qui, à son estime, n'ont pas bénéficié d'un traitement adéquat dans la communication de la Commission ou pour lesquels il est nécessaire de commenter le rapport du groupe d'experts.

4.2   Les technologies clés génériques

La Commission a déjà consacré une communication – et le Comité un avis (11) – à l'enjeu que représente pour la compétitivité au plan mondial l'acquisition d'une position de chef de file dans le domaine des technologies clés génériques. Leur développement et leur disponibilité constituent un préalable essentiel si l'on veut que l'économie européenne affronte la concurrence planétaire et relève les tâches exigées par les grands défis de société. La communication à l'examen omet néanmoins de se montrer suffisamment attentive à cette problématique capitale. Le Comité recommande dès lors qu'il lui soit donné plus de poids et de visibilité dans la préparation du huitième programme-cadre.

4.3   Le Conseil européen de la recherche

Que ce soit dans les recommandations du rapport du groupe d'experts ou dans la communication qui y répond, on déplorera l'insuffisance de l'attention qui devrait être prêtée tant au succès que remporte d'ores et déjà le programme Ideas, évalué et géré par le Conseil européen de la recherche, qu'au niveau élevé de qualité que présentent les travaux réalisés dans son cadre. Aussi le Comité réitère-t-il sa recommandation prônant de consacrer à ce programme 20 % du budget total du huitième programme-cadre.

4.4   Terminologie

Dans la perspective de relever les grands défis, le rapport du groupe d'experts préconise la structure de programme suivante:

la science pour la science – fixation des priorités par les chercheurs,

la science pour la compétitivité – fixation des priorités par l'industrie,

la science pour la société – fixation des priorités par les acteurs de la société civile.

Le Comité trouve que ces intitulés sont soigneusement réfléchis et bien choisis mais redoute qu'ils ne rendent pas suffisamment compte des rapports complexes entre la démarche ascendante et descendante, ou encore, entre la recherche fondamentale et appliquée. Sur ce point, il demande que l'on se réfère à son avis INT/571 et souhaite simplement souligner qu'il n'existe pas de recherche menée au nom de «la science pour la science» mais qu'il s'agit toujours de «la science pour le savoir». La problématique autour de laquelle sont axées les trois catégories énumérées dans le rapport du groupe d'experts consiste plutôt à déterminer si oui ou non et, dans l'affirmative, jusqu'à quel point il est permis de considérer que les connaissances nouvelles qui sont censées découler des résultats de la recherche sont d'emblée pertinentes et utilisables pour régler les différents problèmes qui devraient se poser.

4.4.1   Le Comité fait également référence aux thèses qu'il avait développées dans son avis INT/545 sur les innovations incrémentales et les innovations révolutionnaires, dont il ressort clairement que par le passé, ces dernières, qui constituent de véritables percées, n'ont pas, ou dans de rares cas seulement, trouvé naissance dans les industries existantes mais ont abouti en revanche à créer des branches d'activité ou secteurs totalement neufs.

4.4.2   En conséquence, le Comité recommande que l'on envisage un réexamen de cette terminologie, toute prégnante qu'elle soit, afin de parer à tout risque de malentendu susceptible de produire des décisions malencontreuses et de déboucher sur une mauvaise allocation des ressources.

Bruxelles, le 4 mai 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  L'évaluation peut-être consultée en ligne à l'adresse http://ec.europa.eu/research/evaluations.

(2)  COM(2011) 48 final.

(3)  JO C 132, 3 mai 2011, p. 39 («Une Union de l'innovation»).

(4)  Par exemple JO C 48, 15 février 2011, pp. 129-133.

(5)  JO C 132, 3 mai 2011, p. 22.(“Des lieux de travail innovants”), paragraphe 2.6

(6)  Voir, dans le rapport du groupe d'experts, les paragraphes 5.8 et suivants.

(7)  CESE 305/2004, notamment le paragraphe 5.5.5.2, JO C 110, 30 avril 2004, p. 3.

(8)  COM(2011) 52 final.

(9)  JO C 306, 16 décembre 2009, p. 13.

(10)  JO C 132, 3 mai 2011, p. 39 («Une Union de l'innovation»).

(11)  JO C 48, 15 février 2011, p. 112.


23.7.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 218/91


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — La politique antiterroriste de l’UE: principales réalisations et défis à venir»

COM(2010) 386 final

2011/C 218/17

Rapporteur: M. PÎRVULESCU

Le 20 juillet 2010, la Commission a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — La politique antiterroriste de l’UE: principales réalisations et défis à venir»

COM(2010) 386 final.

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 24 mars 2011.

Lors de sa 471e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 5 mai 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 167 voix pour, 2 voix contre et 1 abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Alors que les effets de la crise économique actuelle se font pleinement ressentir, le CESE attire l’attention sur le risque accru de radicalisation, s’agissant du terrorisme à motivation religieuse aussi bien qu’idéologique. Le respect des droits fondamentaux doit constituer un critère majeur d’évaluation de la politique antiterroriste, tant dans ses phases de projets que dans sa mise en œuvre.

1.2   Le CESE préconise de reconsidérer la composante de la prévention et de lui ajouter une dimension en amont, qui viserait à développer des relations de coopération et à désamorcer les tensions à un stade précoce. Il s’agit d’une dimension transversale qui concerne aussi bien la politique antiterroriste que d’autres politiques de l’UE et des États membres, par exemple celles qui ont trait à la jeunesse, à la culture, à l’éducation ou à la participation à la vie politique et civique.

1.3   Le CESE recommande d’utiliser dans les documents officiels de l’Union européenne et des organismes spécialisés l’expression «terrorisme motivé par le fanatisme, le racisme et la xénophobie» plutôt que «terrorisme islamiste».

1.4   Le CESE suggère que toutes les institutions de l’UE, ainsi que les gouvernements nationaux, conçoivent leurs politiques à partir des données qualitatives et quantitatives disponibles sur la dynamique du terrorisme. Eu égard à la diversité du phénomène, ce serait une erreur de concevoir une politique appliquée indistinctement à toutes les situations, d’autant qu’elle serait coûteuse et inefficace à appliquer. De même, il y a lieu de faire usage du principe de proportionnalité, de manière que tant la réaction que les efforts et les dépenses consentis restent en rapport avec la dimension des menaces de ce type.

1.5   Le CESE préconise qu’en plus des quatre domaines d’action (prévention, protection, poursuite et réaction) et des aspects transversaux (respect des droits fondamentaux, coopération internationale et partenariats avec des pays tiers, financement), les documents stratégiques relatifs à la politique antiterroriste de l’UE reprennent également une typologie du terrorisme en fonction de ses motivations et de son incidence (séparatiste, ressortissant à l’extrême gauche ou à l’anarchisme, ou encore à l’extrême droite, lié à une cause particulière, et enfin terrorisme à motivation religieuse). Cette structuration stratégique aidera les gouvernements nationaux, les institutions européennes et les autres acteurs concernés à adapter leur vision et les instruments qu’ils utilisent aux défis spécifiques des différents types de terrorisme.

1.6   Le CESE émet la suggestion que, dans le cadre de la stratégie spécifique de l’UE visant à lutter contre la radicalisation et le recrutement de terroristes et du plan d’action correspondant, des mesures concrètes soient également prévues pour réduire les inégalités et la discrimination. Ces mesures devraient s’appuyer entre autres sur les travaux de l’Agence européenne des droits fondamentaux.

1.7   Le CESE invite la Commission européenne et les gouvernements nationaux à procéder à une évaluation détaillée de l’impact économique que produisent les mesures de sécurité sur les activités des opérateurs privés. Il tient à signaler que le développement de technologies coûteuses et l’alourdissement des procédures peuvent avoir un effet négatif sur l’activité des agents économiques et celle des citoyens.

1.8   Le CESE avertit que, combinée avec les pouvoirs accrus des autorités, l’utilisation illégale ou inappropriée de données personnelles, qui sont souvent délicates, peut aboutir à discriminer et à stigmatiser des personnes ou des groupes déterminés.

1.9   Dans le but de renforcer la crédibilité des politiques antiterroristes et la pertinence de la problématique du respect des droits fondamentaux, le CESE recommande à la Commission européenne de donner suite à la requête du Parlement européen qui, dans sa résolution de 2007 sur l’utilisation alléguée de pays européens par la CIA pour le transport et la détention illégale de prisonniers, demandait qu’il soit procédé à une évaluation de la législation antiterroriste, au niveau des États membres, et des autres procédures susceptibles de contribuer aux actions de ce type.

1.10   Le CESE prône que dans des pays où la politique antiterroriste pourrait mettre à mal la démocratie et le respect des droits fondamentaux, l’Union européenne promeuve avec plus de détermination un modèle de lutte contre le terrorisme qui soit basé sur des normes et des procédures démocratiques.

2.   Introduction

2.1   La communication de la Commission à l’examen fournit les éléments essentiels d’une évaluation politique de la stratégie actuelle de l’UE visant à lutter contre le terrorisme, conformément à la demande du Parlement européen, et constitue une étape préparatoire importante dans le cadre de la stratégie plus large de sécurité intérieure.

2.2   Il est d’autant plus important de dresser le bilan des réalisations antérieures et de se préparer aux défis à venir que le traité de Lisbonne est entré en vigueur et qu’un nouveau programme de travail pluriannuel et un plan d’action pour les domaines de la justice, de la liberté et de la sécurité (le «programme de Stockholm») ont été adoptés. C’est pourquoi une telle évaluation est nécessaire. La communication exploite et complète les mesures et initiatives en matière de lutte contre le terrorisme définies dans le programme de Stockholm (1) et le plan d’action de mise en œuvre de ce programme (2), décrivant dans les grandes lignes les actions futures de l’UE.

2.3   La stratégie de lutte contre le terrorisme adoptée par l’UE en 2005 (3), qui reste le cadre de référence principal pour l’action de l’Union en la matière, repose sur quatre domaines d’action: la prévention, la protection, la poursuite et la réaction. La communication de la Commission suit la même structure. Pour chacun de ces quatre domaines d’action, des réalisations importantes sont mises en avant et des défis à venir sont recensés.

2.4   Le CESE accueille favorablement l’évaluation intégrée de la politique antiterroriste de l’Union européenne et considère qu’il s’agit d’une avancée importante en vue d’établir une vision équilibrée tant des menaces terroristes que des instruments destinés à les combattre.

2.5   Le CESE demande que la stratégie antiterroriste révisée, tout comme la stratégie pour la sécurité intérieure qui a été récemment lancée, fixe des objectifs et des instruments grâce auxquels les impératifs de la sécurité des individus n’affectent en rien la protection des libertés et des droits fondamentaux. Ces libertés et ces droits, qui forment la pierre angulaire de tout État de droit et de toute société démocratique, ne peuvent en aucun cas être suspendus ou limités.

2.6   Le CESE a antérieurement émis deux avis qui concernaient directement la problématique de la politique antiterroriste. Ces deux textes se concentraient sur la prévention et, plus particulièrement, sur la lutte contre la radicalisation. Chacun faisait apparaître la position du Comité dans ses lignes générales. Le présent avis entend réviser et reformuler celles-ci, de manière à contribuer au réajustement de la politique antiterroriste à la lumière des nouvelles tendances du phénomène.

3.   Observations générales

3.1   La crise économique a touché dans leurs structures non seulement les économies européennes mais aussi les relations sociales, politiques et culturelles au sein de l’Europe. Elle a affaibli les liens de solidarité entre les citoyens, les groupes humains et les institutions politiques. Dans ce contexte, la méfiance et l’intolérance envers les minorités se sont répandues rapidement, incitant ces dernières à adopter une posture défensive.

3.2   Le CESE estime que la politique antiterroriste de l’Union européenne constitue un domaine complexe et sensible, qui exige que les impératifs du maintien de la sécurité, du développement technologique et des instruments législatifs soient encadrés par un système solide de protection des droits fondamentaux.

3.3   Compte tenu de la diversité du phénomène terroriste et de ses causes profondes, le CESE recommande de compléter la politique antiterroriste de l’UE par une perspective d’intégration et de coopération politique qui permettrait de vider les actions terroristes de toute justification. Dans le débat sur la prévention, il devient pertinent d’entreprendre immédiatement de renforcer certains objectifs, telle que l’inclusion sociale, la lutte contre la pauvreté, l’égalité des sexes et l’amélioration qualitative des emplois, notamment dans le cadre de la dimension sociale de la stratégie Europe 2020.

3.4   Le dernier rapport d’Europol contient diverses données pertinentes concernant la dynamique du phénomène terroriste dans l’Union européenne (4). En 2009, on a enregistré une baisse du nombre d’attaques terroristes, qu’elles aient échoué, aient été empêchées ou aient été réalisées. Leur nombre a chuté de moitié par rapport à 2007, en suivant une courbe clairement à la baisse.

3.5   Ce n’est pas seulement l’incidence des attaques terroristes qui a changé, mais aussi leur structure. En 2009, le genre d’attaque terroriste le plus répandu était celui de type séparatiste (257 attaques), suivi par celles émanant d’extrémistes de gauche ou anarchistes (40 attaques), puis d’extrême droite (4 attaques), et enfin, celles liées à une cause particulière (2 attaques). Il convient de remarquer que le terrorisme à motivation religieuse, perçu par le grand public comme le type d’attentat le plus répandu et le plus dangereux, est en fait le plus rare, avec une seule attaque enregistrée en 2009 (en Italie).

3.6   Le CESE regrette les pertes de vies humaines et les dégâts matériels qui sont causés par les activités terroristes. La courbe descendante de l’incidence du terrorisme montre cependant que ce phénomène peut être endigué, si l’on adopte une combinaison intelligente et judicieuse de politiques et de mesures. Il doit être abordé de manière spécifique par les politiques antiterroristes en fonction de son aire d’attestation, de ses motivations, de son type et de ses causes.

3.7   Compte tenu des différences significatives qui existent entre la perception du terrorisme par le grand public et ses manifestations concrètes, le CESE demande aux gouvernements et aux institutions européennes de contribuer à informer dûment les citoyens sur ses causes, ses dimensions et ses effets. Il met en garde contre les risques d’une information incorrecte et incomplète sur le phénomène et souligne par ailleurs le danger que la menace terroriste soit transformée en argument justifiant l’exclusion sociale, l’intolérance la discrimination. L’objectif du terrorisme étant de répandre la peur, exagérer l’ampleur des menaces terroristes peut servir objectivement les intérêts des auteurs potentiels de telles actions. D’autre part, il y a lieu de contrer le «marché du terrorisme» qui tend à se développer et serait de nature à susciter l’intérêt particulier chez les différents acteurs économiques et institutionnels dans le domaine de la lutte contre les menaces terroristes.

3.8   En ce qui concerne les poursuites et la répression des infractions associées au terrorisme, il existe une dynamique intéressante. La majorité des arrestations ont été effectuées sur la base de l’appartenance des suspects à des organisations de type terroriste, et non à la suite d’infractions directement liées à la préparation ou au lancement d’attaques terroristes. Ce fait montre que les autorités nationales réussissent à faire obstacle à l’organisation ou à l’exécution d’attaques terroristes alors qu’elles sont encore dans une phase embryonnaire.

3.9   L’évolution et l’utilisation de la technologie dans ce domaine, notamment en matière de surveillance, de collecte et de stockage des données, doivent être ajustées au degré de gravité des menaces. La politique antiterroriste ne doit pas se traduire par une présence envahissante dans la vie privée des citoyens. En effet, une telle intrusion pourrait contribuer à répandre un sentiment général d’insécurité au lieu de le contenir, tout en générant une perte de confiance envers l’action des gouvernements nationaux et des institutions européennes.

3.10   Le CESE considère que la société civile européenne a un rôle important à jouer dans l’endiguement des menaces terroristes. Il convient qu’en dépit de sa forte diversité, du point de vue des valeurs, des modalités d’organisation et des moyens d’action promus, elle soit associée à toutes les dimensions de la politique antiterroriste, et notamment à son stade de prévention. Elle pourrait de même avoir un rôle à jouer dans l’élaboration d’un modèle de communication, de coopération et de solidarité en amont de la prévention proprement dite, phase durant laquelle les individus sont déjà en situation d’être pris dans l’engrenage d’actions de type terroriste (5). Le CESE pense que la manière la plus efficace de combattre le terrorisme consiste à en traiter les causes plutôt que les effets.

3.11   Le CESE estime que la société civile européenne a la capacité de se placer à l’interface entre les citoyens, les gouvernements nationaux et locaux, et les communautés ou groupes susceptibles d’engager des actions terroristes. Elle peut jouer un rôle particulier, complémentaire aux interventions publiques, en s’appuyant sur des instruments et des programmes spécifiques, par exemple en matière de médiation ou d’éducation.

4.   Observations particulières

Principales réalisations de l’UE et défis à venir

4.1   Prévention

4.1.1   Le CESE se félicite que la stratégie ait été récemment réorientée vers un axe de prévention. Dans le cadre du programme de Stockholm, ce domaine d’action va être renforcé dans les cinq années à venir, s’agissant de la recherche en matière de sécurité, mais aussi des aspects politiques et sociétaux. Il estime également judicieux que le problème de l’utilisation d’Internet à des fins terroristes, pour la communication, le financement, la formation, le recrutement et la propagande, soit traité comme une priorité. La surveillance des échanges sur Internet ne doit toutefois pas se transformer en instrument susceptible d’avoir un impact sur la vie privée des citoyens.

4.1.2   Le CESE a appuyé l’initiative d’élaboration d’une stratégie spécifique de l’UE visant à lutter contre la radicalisation et le recrutement de terroristes (6), laquelle a trois objectifs: entraver les activités des réseaux et des individus qui attirent de nouvelles recrues dans les rangs terroristes, garantir que la voix de l’opinion majoritaire l’emporte sur celle de l’extrémisme et promouvoir la démocratie, la sécurité, la justice, la démocratie et l’égalité des chances. Le CESE attend avec intérêt les résultats des évaluations intermédiaires de la mise en œuvre de la stratégie et se déclare prêt à contribuer à son ajustement à la lumière de ces conclusions. On relèvera par ailleurs que le dernier plan d’action de lutte contre le terrorisme ne comporte aucune initiative relevant de la rubrique «traquer les inégalités et les discriminations là où elles existent et favoriser […] l’intégration à long terme s’il y a lieu (7)».

4.1.3   Le CESE se félicite de l’attention accordée à la prévention mais souligne que celle-ci ne permet pas de traiter les causes du terrorisme de manière appropriée. Comme le Comité l’a déjà fait observer, «L’on peut […] expliquer nombre de dérives terroristes comme étant l’aboutissement de processus d’aliénation, de radicalisation et de recrutement alimentés par des inégalités horizontales entre des groupes coexistant sur un même territoire, des phénomènes d’exclusion et de discrimination (sociale, politique ou économique)» (8). Aussi propose-t-il d’intensifier le dialogue en vue de dégager, en réaction au développement du phénomène terroriste, des réponses de type politique, qui devront reconsidérer les rapports politiques, institutionnels, sociaux et économiques au niveau des États membres et viser à une pacification effective des tensions liées à l’histoire.

4.1.4   Le CESE salue la création par la Commission européenne, en 2008, du réseau européen d’experts en matière de radicalisation (ENER), car il estime qu’une contribution qui, émanant des institutions, prend en considération la spécificité de chaque société et de chaque type d’acte terroriste peut aider à l’ajustement des politiques de l’UE et des États membres dans ce domaine.

4.1.5   Prenant acte que la majorité des actions terroristes enregistrées dans l’Union européenne ont un fondement de type historique ou sont liées à la problématique séparatiste, le CESE estime qu’il convient d’associer davantage le Comité des régions au débat européen, en tant qu’il constitue l’organe de l’UE qui rassemble les représentants des collectivités locales et régionales et avec lequel il est très désireux de nouer un dialogue.

4.1.6   Le CESE est favorable au projet la Commission de lancer une communication sur les bonnes pratiques des États membres en matière de lutte contre la radicalisation et le recrutement des terroristes. Le Comité recommande à la Commission de prendre en compte dans cette prochaine communication des conclusions et des recommandations qu’il a formulées dans son avis sur le rôle de l’UE dans le processus de paix en Irlande du Nord (9). Les bonnes pratiques répertoriées aideront tous les acteurs concernés à mieux comprendre les différents types de terrorisme, classés suivant leur motivation et leur incidence. Il s’agira d’une avancée dans l’élaboration de politiques spécifiques à chaque État membre et à chaque type de menace terroriste en particulier.

4.2   Protection

4.2.1   Le CESE salue les efforts déployés par la Commission européenne, les États membres, la communauté scientifique et le secteur privé pour protéger la vie des citoyens et l’intégrité des infrastructures. Ce domaine d’action, qui comprend des activités telles que l’évaluation des menaces à l’échelle de l’UE, la sécurité de la chaîne d’approvisionnement, la protection des infrastructures critiques, la sécurité des transports et le contrôle des frontières, ainsi que la recherche en matière de sécurité, est le plus complexe et le plus coûteux de tous. Le développement des systèmes de protection doit cependant être proportionnel à la gravité des menaces et adapté aux différents types de terrorisme.

4.2.2   La sécurité des transports sur le territoire des États membres constitue un domaine clé. Le marché intérieur est fondé sur la liberté de circulation des biens, des capitaux, des services et des personnes. La mobilité des citoyens des pays membres, à l’intérieur comme à l’extérieur de leurs frontières, est une composante importante des économies et des modes de vie européens. Cette mobilité facilite la connaissance mutuelle, la communication et la tolérance. Le CESE considère que la sécurité des transports, sous tous ses aspects, exige une attention soutenue de la part des institutions européennes et des gouvernements nationaux.

4.2.3   Le CESE prend note des efforts déployés par la communauté scientifique dans le domaine de la sécurité, en vue développer des technologies qui protègent l’intégrité des personnes et des infrastructures. Cette même communauté doit néanmoins être consciente de l’impact potentiel de la technologie sur la vie et l’intimité des individus et garantir que la technologie ne puisse pas être utilisée de manière abusive ou au détriment de la dignité et des droits des personnes.

4.2.4   Le CESE se félicite que le secteur privé (par exemple, les filières des technologies de l’information et de la communication ou de l’industrie chimique) coopère à la lutte contre les menaces terroristes. De même, il salue l’ouverture dont font preuve les opérateurs privés de transport à des mesures de sécurité renforcées, dont l’application risque d’occasionner des pertes économiques. À cet égard, le CESE recommande fortement à la Commission européenne et aux gouvernements nationaux de procéder à une évaluation détaillée de l’impact économique que produisent les mesures de sécurité sur les activités des opérateurs privés. Il tient à signaler que le développement de technologies coûteuses et l’alourdissement des procédures peuvent avoir un effet négatif sur l’activité des agents économiques et celle des citoyens.

4.2.5   Étant donné que c’est en coopération avec des intervenants privés que s’effectuent en Europe nombre d’activités liées à la protection des transports de personnes, il apparaît nécessaire d’intégrer ces acteurs dans les programmes d’instruction et d’information, afin que les procédures de sécurité ne portent pas atteinte à l’intégrité ou à la dignité des passagers.

4.3   Poursuite

4.3.1   Le Comité est satisfait des développements récents concernant ce domaine d’action, lequel porte sur la collecte et l’analyse d’informations, les mesures destinées à empêcher les terroristes de se déplacer et d’agir, la coopération policière et judiciaire et la lutte contre le financement du terrorisme. Pour ce secteur d’intervention, tous les acteurs concernés peuvent faire valoir leur vision quant à la mise en place de réponses aux menaces terroristes, en fonction de leur typologie.

4.3.2   Le Comité estime que la réussite de la lutte contre les menaces terroristes dépend également de la collaboration bilatérale des autorités nationales entre elles et avec les agences européennes spécialisées. À cet égard, il est nécessaire d’attirer l’attention sur la problématique délicate de la collecte et de l’utilisation des informations à caractère privé. La protection du droit à la vie privée doit être une préoccupation constante dans le cadre des efforts de lutte contre le terrorisme. Le contrôleur européen de la protection des données (CEPD) a relevé que, combinée avec les pouvoirs accrus des autorités, l’utilisation illégale ou inappropriée de données personnelles, qui sont souvent délicates, peut aboutir à discriminer et à stigmatiser des personnes ou des groupes déterminés (10).

4.3.3   Une composante importante de la lutte contre le terrorisme consiste également à limiter son accès à des financements. Le CESE prend acte que la législation de l’UE relative aux procédures d’inscription de citoyens sur la liste des personnes et entités en lien avec le terrorisme a été modifiée de manière à respecter les droits fondamentaux. Il estime que les procédures de sanctions individuelles et de gel des avoirs doivent être adéquates, claires et transparentes. Il convient que les personnes suspectées aient la possibilité de se défendre et de contester les décisions des autorités.

4.3.4   Le Comité convient que la transparence, la bonne gouvernance et la responsabilité sont essentielles pour les ONG. Des procédures volontaires à l’échelon européen pourraient être utiles mais ne devraient pas donner lieu à l’instauration d’une nouvelle série de règles qui, générant des obstacles réglementaires ou financiers impraticables, seraient en contradiction avec la législation des États membres et pourraient obérer les capacités du secteur ou l’engagement des citoyens à œuvrer en faveur des bénéficiaires de leur action. Le Comité est prêt à coopérer à la recherche de solutions en vue d’établir une stratégie commune en matière de politique antiterroriste et pour favoriser le droit et le souhait des citoyens de s’organiser en associations indépendantes, liberté fondamentale qui doit être respectée.

4.4   Réaction

4.4.1   Le Comité est satisfait des évolutions récentes concernant ce domaine d’action, qui porte sur la capacité civile de réaction pour gérer les effets d’un attentat terroriste, sur les systèmes d’alerte précoce, sur la gestion générale des crises et sur l’aide aux victimes du terrorisme. Il estime que les États membres doivent renforcer leur capacité de réaction, en visant à protéger efficacement la vie et la sécurité des personnes dans les situations de crise.

4.4.2   Le Comité salue les efforts accomplis en vue de limiter l’accès aux matières chimiques, biologiques, radiologiques ou nucléaires (CBRN) qui sont susceptibles d’être utilisées à des fins terroristes. Il convient de poursuivre prioritairement la mise en œuvre du plan d’action CBRN de l’UE, qui reprend 130 actions spécifiques dans les secteurs de la prévention, de la détection et de la réaction touchant aux incidents qui impliquent ces matières, en prenant toutefois en considération les effets potentiels des mesures proposées sur le secteur économique concerné. Il y a lieu de procéder à des consultations élargies avec les représentants dudit secteur.

4.4.3   Le CESE se félicite également des efforts que la Commission européenne a consentis en matière d’assistance aux victimes du terrorisme, en consacrant environ 5 millions d’euros à les soutenir et en apportant son appui à un réseau d’associations de ces personnes. Le Comité estime que ce soutien doit être poursuivi et amélioré.

Questions horizontales

4.5   Respect des droits fondamentaux

4.5.1   Le Comité se félicite que le respect des droits fondamentaux soit traité comme une priorité horizontale. Cependant, l’engagement de la Commission à l’égard du respect des droits fondamentaux doit s’accompagner d’une mobilisation similaire de la part des gouvernements nationaux. De même, la protection des droits fondamentaux ne doit pas être cantonnée à la phase de conception et d’élaboration des instruments, mais couvrir aussi leur mise en œuvre.

4.5.2   Le système européen de protection des droits de l’homme est juridiquement solide et cette réalité devrait mieux se refléter dans les communications et les actions de la Commission. Il importe que les gouvernements nationaux fassent preuve d’une plus grande détermination dans l’utilisation des instruments spécifiques. Les engagements pris au niveau politique doivent se refléter dans leurs actions. Les pratiques revenant à tolérer ou à organiser la torture sur le territoire des États membres doivent être sanctionnées et définitivement abolies. Il convient de respecter le principe de non-refoulement. Les pratiques discriminatoires expressément identifiées et sanctionnées par la législation internationale, européenne et nationale doivent être poursuivies et combattues.

4.5.3   Le Comité suggère à la Commission d’identifier les mécanismes de suivi et de prise de décision les plus rapides concernant le respect des droits fondamentaux, en rapport avec la politique antiterroriste. À cette fin, il est possible de mobiliser davantage le potentiel de la société civile européenne, qui est par essence soucieuse de protéger les droits et les libertés des citoyens.

4.6   Coopération internationale et partenariats avec les pays tiers

4.6.1   Le terrorisme, en particulier celui qui repose sur des motivations religieuses, présente une importante dimension internationale. Il convient que l’Union européenne collabore avec des pays tiers pour limiter les menaces terroristes, même si, comme on l’a souligné, elle n’est plus la cible privilégiée de ce type de dangers.

4.6.2   L’Union européenne doit promouvoir, en coopération avec les pays tiers, des procédures et des normes démocratiques de lutte contre le terrorisme. Dans l’Union européenne, il existe de multiples systèmes qui garantissent et promeuvent véritablement les droits de l’homme. En revanche, la politique antiterroriste risque, dans bon nombre de pays tiers, d’être dévoyée et de nuire à la qualité de la démocratie et au respect des droits fondamentaux.

4.7   Financement

4.7.1   Le Comité se félicite de l’existence du programme «Sécurité et protection des libertés», auquel est intégré le programme spécifique de prévention, de préparation et de gestion pour les conséquences du terrorisme. La pondération des dépenses relatives à chacun des quatre axes définis au sein de la stratégie (prévention, protection, poursuite et réaction) doit être rééquilibrée et l’engagement politique en faveur de la prévention assorti des ressources budgétaires correspondantes. De même, il importe d’accorder une attention accrue aux relations public-privé dans le cadre de la lutte contre les menaces terroristes. Le Comité attend avec intérêt les résultats des évaluations intermédiaires dudit programme et espère que l’accessibilité des fonds disponibles aura été bonne et que leur utilisation aura permis d’atteindre les résultats escomptés.

5.   Perspectives

5.1   Avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, il est possible d’approfondir la coordination entre les politiques des États membres, y compris en matière de politique antiterroriste. En vertu de ce même traité, l’Union européenne a vu ses compétences accrues dans le domaine des droits de l’homme. Il est dès lors possible d’élaborer une politique antiterroriste qui prévoie à chaque étape de son déroulement, y compris celle de la mise en œuvre, que les normes et les procédures les plus avancées s’appliquent en matière de droits de l’homme. Le Comité estime qu’il convient d’ajuster la politique antiterroriste en fonction de l’évolution concrète du phénomène mais que l’accent doit être résolument placé sur la prévention, entendue au sens large, comme la prise en compte directe de ses causes sociétales, politiques et économiques.

Bruxelles, le 5 mai 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 115 du 4.5.2010, p. 1.

(2)  COM(2010) 171 final du 20 avril 2010.

(3)  Doc. no 14469/4/05 du 30 novembre 2005.

(4)  Le rapport 2010 d’Europol sur la situation et les tendances du terrorisme en Europe (TE-SAT) est disponible à l’adresse http://www.europol.europa.eu/publications/EU_Terrorism_Situation_and_Trend_Report_TE-SAT/Tesat2010.pdf.

(5)  JO C 128, 18.05.2010, p. 80.

(6)  Stratégie de l’UE visant à lutter contre la radicalisation et le recrutement de terroristes, révisée en novembre 2008 (CS/2008/15175).

(7)  Conseil de l’Union européenne, Plan d’action européen pour combattre le terrorisme, 17 janvier 2011.

(8)  JO C 211, 19.08.2008, p. 61.

(9)  Avis du CESE sur «Le rôle de l’UE dans le processus de paix en Irlande du Nord», adopté le 23.10.2008, JO C 100 du 30.4.2009, p. 100.

(10)  Avis du contrôleur européen à la protection des données sur la communication de la Commission européenne sur la politique antiterroriste de l’UE - Counter-Terrorism Policy and Data Protection (Politique antiterroriste et protection des données), contribution de M. Giovanni Buttarelli à l’audition organisée par le CESE, 9 février 2011.


23.7.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 218/97


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi saisonnier»

COM(2010) 379 final — 2010/0210 (COD)

2011/C 218/18

Rapporteure: Mme Christa SCHWENG

Le 29 septembre 2010, le Conseil a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi saisonnier»

COM(2010) 379 final — 2010/0210 (COD).

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 24 mars 2011.

Lors de sa 471e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 4 mai 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 165 voix pour, 3 voix contre et 9 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité accueille favorablement la proposition de directive à l'examen, car elle s'insère dans l'effort mené au plan européen pour développer une approche globale de l'immigration légale. Cette proposition de directive peut contribuer à couvrir le besoin d'un surcroît de main d'œuvre pendant certaines saisons, qui ne peut être satisfait en raison de l'insuffisance de l'offre de main d'œuvre dans le pays concerné. Dans le même temps, cette proposition contribue de manière significative à la lutte contre l'immigration illégale.

1.2

Le Comité se félicite tout particulièrement de la simplification et de l'accélération des procédures d'admission, car le travail saisonnier consiste par définition en des activités temporaires et c'est précisément durant ces périodes que les entreprises se trouvent confrontées au manque de main d'œuvre.

1.3

Le Comité approuve la disposition qui prévoit que l'utilisation de chaque examen du marché de l'emploi reste réservée aux États membres. Dans ce contexte, le Comité préconise d'associer les partenaires sociaux à toutes les mesures relatives à l'admission de travailleurs saisonniers ressortissants de pays tiers.

1.4

Le Comité demande au Conseil, à la Commission et au Parlement européen de réexaminer les dispositions concernant la durée maximale de séjour, car celle de six mois par année civile ne correspond pas aux besoins des entreprises, notamment dans les pays qui connaissent deux saisons. Aussi le Comité propose-t-il que des dérogations à la durée maximale de séjour puissent être établies au niveau national, tout au moins dans des cas justifiés, en étroite concertation avec les partenaires sociaux. Il convient de garantir dans ce contexte que le caractère saisonnier du contrat de travail et les possibilités de contrôle afférentes sont bien respectés.

1.5

Le Comité demande d'introduire dans la directive à l'examen des règles qui disposent clairement dans quels secteurs de l'économie des activités saisonnières peuvent être menées. Des dérogations à ces règles devraient pouvoir être établies au niveau national en étroite concertation avec les partenaires sociaux.

1.6

Le Comité attire l'attention sur le fait que les travailleurs saisonniers n'obtiennent qu'un accès temporaire au marché du travail de l'État membre d'accueil. Conformément à l'application du principe de la «lex loci laboris» (assujettissement du travailleur à la législation de l'État membre dans lequel il travaille), ils doivent donc, conformément au droit du travail, bénéficier de l'égalité de traitement avec les ressortissants de l'État membre d'accueil, qu'il s'agisse de droits découlant de la législation, de conventions collectives d'application générale ou de conventions collectives régionales. Il conviendrait cependant de subordonner le principe de l'égalité de traitement en matière de sécurité sociale à l'existence d'accords bilatéraux.

2.   Introduction et contenu de la proposition de directive

2.1

La Commission, dans sa communication intitulée «Programme d'action relatif à l'immigration légale» (1), prévoyait l'adoption, entre 2007 et 2009, de cinq propositions législatives sur l'immigration de main d'œuvre, dont une proposition de directive relative aux conditions d'entrée et de séjour des travailleurs saisonniers. Le programme de Stockholm, adopté par le Conseil des 10 et 11 décembre 2009, réitérait l'engagement de la Commission et du Conseil à mettre en œuvre le programme d'action relatif à l'immigration légale.

2.2

La Commission a soumis sa proposition (2) le 13 juillet 2010 et la justifie par le besoin des États membres en matière de travail saisonnier, secteur pour lequel il est de plus en plus difficile de trouver des ressortissants de l'UE. Malgré la demande croissante de main d'œuvre hautement qualifiée dans l'UE, le besoin structurel de travailleurs peu qualifiés continuera également de croître dans les secteurs d'activités traditionnels. La Commission fait également valoir que certains travailleurs saisonniers originaires de pays tiers sont sujets à une exploitation et à des conditions de travail indignes comportant des risques pour leur santé et leur sécurité.

2.3

Les consultations préparatoires à l'élaboration de la proposition de directive ont révélé la nécessité de règles européennes communes en ce qui concerne les conditions d'entrée et de séjour de certaines catégories clefs d'immigrants économiques, plus particulièrement la main-d'œuvre hautement qualifiée sujette à des transferts internes aux entreprises et les travailleurs saisonniers. Ces conditions d'admission devraient être aussi simples, aussi peu bureaucratiques et aussi flexibles que possible.

2.4

La proposition de la Commission prévoit une procédure simplifiée pour l'admission de travailleurs saisonniers originaires de pays tiers sur la base de définitions et de critères communs. Sous certaines conditions, les travailleurs saisonniers pourraient recevoir un titre unique de séjour et de travail leur accordant le droit de séjour pour une période de six mois par année civile. Les États membres ont la possibilité d'accorder aux travailleurs saisonniers soit des permis plurisaisonniers valables au maximum trois ans, soit une procédure simplifiée de réadmission pour les années suivantes. Les conditions de travail des travailleurs saisonniers sont exposées avec clarté et prévoient qu'ils doivent bénéficier de l'égalité de traitement avec les ressortissants de l'État membre d'accueil.

3.   Observations générales

3.1

Comme le montre l'évaluation d'impact de la Commission, l'ampleur du travail saisonnier accompli par des ressortissants de pays tiers varie considérablement à travers l'UE: ainsi, en 2008, la Hongrie a admis 919 travailleurs saisonniers, la France 2 860, la Suède 7 552 et l'Espagne pas moins de 24 838. Dans de nombreux États membres, les travailleurs saisonniers occupent des emplois peu qualifiés dans des secteurs tels que l'agriculture (60 % des travailleurs saisonniers en Italie, 20 % en Grèce) et le tourisme (en Espagne, 13 % de tous les permis de travail délivrés en 2003 concernaient le secteur de l'hôtellerie et de la restauration). Certaines régions d'Autriche font appel à des travailleurs saisonniers – d'où le quota de 8 000 fixé pour la saison d'hiver 2008/2009.

3.2

Le Comité s'est déjà exprimé dans de nombreux avis sur la question de l'uniformisation des conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers. Lors du processus de consultation pour le livre vert sur les migrations économiques (3), le Comité préconisait des règles spécifiques pour les travailleurs saisonniers et exigeait la production obligatoire d'un contrat de travail.

3.3

La Commission a choisi comme base juridique l'article 79, paragraphe 2, points a) et b). De l'avis du Comité, elle aurait également pu envisager de fonder sa proposition de directive sur l'article 153, étant donné qu'il s'agit aussi de réglementer les conditions de travail et d'emploi. Les partenaires sociaux auraient également dus être consultés dans ce contexte. Toutefois, le Comité est conscient que conformément à la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, une proposition de directive qui poursuit une double finalité, dont l'une de celles-ci est identifiable comme principale ou prépondérante, doit être fondée sur la base juridique exigée par la finalité principale ou prépondérante.

3.4

Une procédure commune de permis de travail et de séjour valable pour les ressortissants des pays tiers dans toute l'Union européenne contribuerait grandement à ajuster les pics saisonniers de demande de main-d'œuvre à l'offre disponible. Les entreprises ont besoin – et auront besoin à l'avenir – de main-d'œuvre à la fois peu et hautement qualifiée. Malgré la hausse du chômage du fait de la crise, la main-d'œuvre de l'Union disponible dans certains pays, secteurs et professions n'est pas suffisante pour couvrir les besoins saisonniers.

3.5

Le Comité rappelle que les travailleurs européens, qu'ils travaillent ou non en tant que travailleurs mobiles ou saisonniers dans un pays autre que leur pays d'origine, sont aussi bien soumis au droit européen qu'au droit national de l'État où ils travaillent. La directive pour les travailleurs saisonniers ressortissants de pays tiers ne doit pas déboucher sur la création d'une catégorie particulière de travailleurs. Le droit du travail de l'État où le travail est accompli doit pleinement s'appliquer.

3.6

Le Comité estime avec la Commission qu'une procédure unifiée à l'échelle de l'UE peut également aider à garantir des emplois légaux pour les travailleurs saisonniers et empêcher l'exploitation qui existe dans certaines régions. Il convient aussi à cet égard de tenir compte de la directive sur les sanctions (2009/52/CE) (4), qui oblige les employeurs à s'assurer que leurs employés sont en possession d'un titre de séjour valable et prévoit des sanctions en cas de non-respect de cette disposition. La possibilité pour les travailleurs saisonniers ressortissants de pays tiers de séjourner illégalement à l'expiration de leur titre de séjour est écartée par la «directive retour» 2008/115/CE: cette dernière prévoit que la cessation du séjour irrégulier de ressortissants de pays tiers doit passer par une procédure transparente et équitable, tout en privilégiant le retour volontaire sur l'expulsion.

3.7

Sept parlements nationaux (5) ont procédé à une série de contrôles approfondis sur le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité par la proposition de directive, et ont exprimé des critiques, notamment, sur la durée de l'autorisation de séjour et sur la question de l'hébergement.

3.8

Pour prendre en compte les inquiétudes des parlements nationaux relatives au respect du principe de subsidiarité, le Comité propose que la durée du séjour soit régie au niveau national en fonction de la situation de chaque pays. Dès lors, les États membres qui ont besoin de davantage de travailleurs saisonniers tant en hiver qu'en été pourraient eux aussi maintenir leurs règlementations existantes.

4.   Observations particulières

4.1

Le Comité relève que les définitions des termes «travailleur saisonnier» et «activités soumises au rythme des saisons» comportent une large marge d'appréciation et laissent donc aux États membres la liberté de décider quels sont les secteurs qui entrent dans cette catégorie. Cette situation n'est pas tout à fait cohérente avec le considérant no 10, lequel précise clairement que les activités soumises au rythme des saisons concernent généralement des secteurs tels que l'agriculture, pendant la période de plantation ou de récolte, ou le tourisme, pendant la période des vacances. Il y a lieu dès lors d'introduire dans la directive une disposition claire pour définir quels sont les secteurs dans lesquels peuvent être entreprises des activités saisonnières. Des dérogations nationales à ces règles devraient pouvoir être établies en étroite concertation avec les partenaires sociaux.

4.2

La formulation selon laquelle une «activité soumise au rythme des saisons» occasionne des besoins de main-d’œuvre à ceux qui sont nécessaires dans le cadre des activités courantes est une question d'interprétation et crée dès lors une certaine incertitude sur le plan juridique. De l'avis du Comité, il serait préférable de parler d'une «augmentation » ou d'une «augmentation» de la demande de main-d'œuvre. Il appartiendrait à l'autorité compétente, en conjonction avec les partenaires sociaux nationaux de déterminer si cette «augmentation (substantielle)» se justifie dans la pratique.

4.3

Le Comité se félicite expressément de la disposition qui subordonne la délivrance d'un titre unique de travailleur saisonnier à l'obligation de produire un contrat de travail à durée déterminée valable ou une offre d'emploi ferme qui précise le montant de la rémunération et le nombre d'heures de travail. Cette disposition permet à l'autorité responsable de la délivrance du permis de séjour d'examiner la base contractuelle de l'emploi de ressortissants de pays tiers. Elle assure également le respect de la législation nationale en matière d'emploi.

4.4

Une demande d'admission peut être rejetée, notamment, si l’employeur a été sanctionné conformément à la législation nationale pour travail non déclaré et/ou pour emploi illégal. Le Comité condamne avec vigueur le travail non déclaré, mais note que ce motif de refus pourrait être interprété de telle façon que même une infraction mineure déboucherait sur un refus permanent d'admission. Dans l'intérêt de la sécurité juridique, et dans l'esprit de la directive sur les sanctions, il convient de préciser clairement que les motifs de refus ne peuvent être invoqués que pendant une période donnée, qui doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction, après l'imposition de la sanction.

4.5

Le Comité constate avec satisfaction que les États membres qui le souhaitent peuvent continuer à procéder à un examen du marché de l'emploi. De même, il accueille favorablement la possibilité de rejeter une demande pour des raisons liées au nombre de ressortissants admis. Il estime toutefois que les partenaires sociaux et les agences publiques pour l'emploi de l'État concerné doivent être associés à l'examen du marché de l'emploi et à la fixation des quotas d'admission. Les quotas devraient être établis de manière à ne pas prolonger indéfiniment la durée de la procédure pour les autorisations individuelles.

4.6

De l'avis du Comité, la disposition de l'article 11 qui prévoit que les travailleurs saisonniers sont autorisés à séjourner pendant une période maximale de six mois par année civile est trop peu flexible et pourrait entrer en contradiction avec le principe de subsidiarité: permettre aux entreprises dans les États membres qui connaissent deux saisons de recourir pendant les deux saisons à des travailleurs saisonniers originaires de pays tiers suppose de donner aux États membres la possibilité de prévoir des dérogations à la durée maximale des permis de séjour et de travail à l'intérieur d'une période donnée. Cela devrait se faire en étroite concertation avec les partenaires sociaux nationaux. Il convient de garantir dans ce contexte que le caractère saisonnier du contrat de travail et les possibilités de contrôle afférentes sont bien respectés.

4.7

Le fait de prendre comme base de référence l'année civile n'est pas réaliste et ne prend pas en compte les zones touristiques qui connaissent une saison d'hiver et une saison d'été. Une telle disposition forcerait les employeurs et/ou les employés à soumettre une nouvelle demande d'admission au cours de la période d'emploi.

4.8

De même, le Comité estime que l'article 11 paragraphe 2, qui stipule que «pendant la période mentionnée au paragraphe 1 (…), les travailleurs saisonniers sont autorisés à prolonger leur contrat ou à être embauchés en tant que travailleurs saisonniers par un autre employeur» n'est pas clair, et qu'il soulève plusieurs interrogations. À titre d'exemple, l'expression «la période mentionnée au paragraphe 1» fait-elle référence à l'année civile ou bien aux six mois mentionnés? Dans la pratique, cela signifie-t-il qu'un travailleur saisonnier peut prolonger son permis de séjour à onze mois par année civile?

4.9

Le Comité préconise de ne fixer la disposition qui permet de changer d'employeur qu'à certaines conditions et en tenant compte du droit national applicable: les travailleurs saisonniers sont généralement engagés pour pourvoir aux besoins de main-d'œuvre d'un employeur donné. Ce besoin correspond à la durée de leur titre de séjour. Le changement d'employeur devrait en tout cas être notifié à l'autorité compétente à des fins de contrôle.

4.10

Le Comité accueille favorablement dans les grandes lignes la simplification de la procédure de réadmission. Cette disposition permet en effet aux employeurs d'engager à nouveau des travailleurs saisonniers dont ils se sont montrés satisfaits par le passé. La proposition à l'examen prévoit que les employeurs qui n'ont pas rempli leurs obligations découlant du contrat de travail et qui ont fait l'objet de sanctions sont exclus des mécanismes de demande de travailleurs saisonniers. Afin d'éviter que des infractions mineures ne conduisent à l'impossibilité de faire appel à des travailleurs saisonniers, il y a lieu de déterminer si les sanctions en questions ont été imposées pour une infraction à des .

4.11

La proposition de directive prévoit, sous le titre «Garanties procédurales», que les États membres se prononcent sur la demande et informent par écrit le demandeur de leur décision dans les 30 jours. Le Comité se félicite en principe que la prise de décision soit assortie d'un délai mais relève que l'autorité compétente doit avoir la possibilité, au cours de cette période, d'examiner les renseignements qui lui ont été fournis.

4.12

La disposition de l'article 14 qui fait obligation au travailleur saisonnier d'apporter la preuve qu'il dispose d'un logement lui assurant des conditions de vie décentes soulève la question de savoir s'il incombe également à l'employeur de fournir ledit hébergement. Si cette interprétation est exacte, le Comité estime qu'une telle disposition ne serait pas réaliste. Toutefois, si l'employeur fournit un logement, celui-ci doit en tout cas pouvoir être inspecté par l'autorité compétente.

4.13

Le Comité attire l'attention sur le fait que les travailleurs saisonniers n'obtiennent qu'un accès temporaire au marché du travail de l'État membre d'accueil. Conformément à l'application du principe de la «lex loci laboris», ils doivent donc, conformément au droit du travail, bénéficier de l'égalité de traitement avec les ressortissants de l'État membre d'accueil, qu'il s'agisse de droits découlant de la législation, de conventions collectives d'application universelle ou de conventions collectives régionales. Le Comité estime dès lors qu'il y a lieu, à l'article 16 paragraphe 1, second alinéa, de supprimer la référence aux conventions collectives d'application universelle ainsi que la définition de ces conventions.

4.14

La disposition stipulant que les travailleurs saisonniers ont droit à l'égalité de traitement avec les ressortissants de l'État membre d'accueil en ce qui concerne certaines branches de la sécurité sociale – tout au moins en ce qui concerne les retraites, les préretraites, les pensions de réversion, les allocations chômage et les allocations familiales – ne devrait être en principe d'application que si des accords bilatéraux existent en la matière. Néanmoins, l'obligation de verser des cotisations aux organismes sociaux d'un État doit également entraîner la possibilité pour ces personnes de faire valoir des droits aux prestations correspondantes.

4.15

En outre, il y a lieu d'encourager les États membres à doter leurs autorités de contrôle (l'inspection du travail, par exemple) des moyens nécessaires et à les former de sorte qu'elles puissent remplir leurs tâches dans le respect des droits fondamentaux.

4.16

Dans chaque État, outre les pouvoirs publics, les partenaires sociaux nationaux jouent un rôle important sur le marché national de l'emploi. C'est pourquoi il convient de se concerter étroitement avec eux lorsque des décisions sont prises pour déterminer des secteurs où le travail saisonnier est autorisé, lors de l'examen du marché de l'emploi et lors des contrôles du respect des dispositions du contrat de travail.

Bruxelles, le 4 mai 2011

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  COM(2005) 669 final.

(2)  COM(2010) 379 final.

(3)  JO C286/20 du 17 novembre 2005.

(4)  JO C 286/20 du 17 novembre 2005.

(5)  http://www.ipex.eu/ipex/cms/home/Documents/dossier_COD20100210.


23.7.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 218/101


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers dans le cadre d’un détachement intragroupe»

COM(2010) 378 final — 2010/0209 (COD)

2011/C 218/19

Rapporteur: M. Oliver RÖPKE

Le 29 septembre 2010, le Conseil a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers dans le cadre d'un détachement intragroupe»

COM(2010) 378 final — 2010/0209 (COD).

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 24 mars 2011.

Lors de sa 471e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 4 mai 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 152 voix pour, 2 voix contre et 6 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le Comité économique et social européen salue les efforts déployés par la Commission européenne afin d'établir, grâce à une proposition de directive sur les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers dans le cadre d'un détachement intragroupe, des conditions transparentes et harmonisées d'admission pour ce groupe de travailleurs temporairement détachés.

1.2   Le CESE émet toutefois de sérieuses réserves en ce qui concerne certains aspects du contenu de la proposition de directive, ainsi que l'approche adoptée par la Commission européenne vis-à-vis des partenaires sociaux européens en amont de la proposition à l'étude.

1.3   Le Comité déplore que l'article 79 TFUE ait été choisi comme unique base juridique de la directive, alors que cette dernière contient des dispositions importantes relatives au statut des cadres, experts et stagiaires diplômés en matière de droit du travail, et qu'elle aura dès lors des répercussions considérables sur le marché du travail des États membres. C'est pourquoi une telle initiative devrait être soumise à une consultation formelle des partenaires sociaux conformément à l'article 154 TFUE, avant que la Commission ne présente de proposition de directive concrète. Une telle consultation aurait non seulement mis en exergue la volonté, inscrite dans le traité de Lisbonne, de renforcer le rôle du dialogue social dans l'Union européenne. Mais elle aurait également été l'occasion de régler en amont, entre partenaires sociaux, certains éléments de la controverse actuelle à ce sujet.

1.4   La proposition de directive, qui fixe les conditions d'entrée des ressortissants de pays tiers et des membres de leur famille dans le cadre d'un détachement intragroupe, ne concerne pas uniquement un nombre relativement limité de cadres, mais aussi des experts et des stagiaires diplômés. Le Comité estime toutefois qu'une directive portant uniquement sur les cadres aurait permis de mieux répondre au statut particulier et aux besoins de ce groupe de personnes. Ce faisant, il est d'autant plus important de faire respecter, pour tous les travailleurs concernés par la directive, le principe d'égalité de traitement et de non-discrimination en ce qui concerne les salaires et les conditions de travail, et d'exclure toute application abusive de la directive.

1.5   Le CESE propose dès lors que l'on prévoie, pour les travailleurs faisant l'objet d'un détachement intragroupe, une égalité de traitement avec les travailleurs du pays hôte ou le personnel permanent de l'entreprise, non seulement en matière de salaires mais aussi de conditions de travail en général. Cette égalité de traitement ne peut se limiter aux conventions collectives qui sont d'application générale, mais doit valoir pour toutes les dispositions légales et liées aux conventions collectives, y compris les accords d'entreprise. Le CESE estime que le regroupement familial devrait être régi par des dispositions analogues à celles de la directive «carte bleue» (directive 2009/50/CE).

1.6   La publication de la proposition à l'examen arrive au cœur de la plus grande crise économique et financière de l'histoire de l'UE. Certains États membres restent encore loin d'une reprise économique et affichent des taux de chômage tellement élevés que l'on peut également s'attendre à un accroissement des flux migratoires à l'intérieur de l'Union. Dans son examen annuel de la croissance 2011 (1), la Commission européenne fait explicitement référence au risque qu'une croissance économique naissante puisse ne pas être accompagnée d'une dynamique nécessaire à la création d'emplois, et indique qu'il pourrait dès lors être nécessaire d'accroître l'usage relativement faible du potentiel de main-d'œuvre disponible au sein de l'UE. Par ailleurs, et conformément au dernier rapport conjoint sur l'emploi 2010, le CESE tient compte du fait que certains États membres et catégories d'emplois connaissent encore un manque de main-d'œuvre.

1.7   Les travailleurs concernés seront également détachés depuis des pays tiers où le niveau des salaires et de la protection sociale reste bien inférieur à celui de l'UE. Il est dès lors nécessaire de prévoir un contrôle effectif du respect de la directive, tout en veillant à éviter de faire peser une charge administrative superflue sur les entreprises. La Commission européenne élabore à cette fin, en coopération avec les États membres, un système électronique d'échange visant à simplifier la coopération administrative transfrontalière dans le cadre de la directive sur le détachement des travailleurs (directive 96/71/CE). Il convient qu'un tel système porte également sur les cas de détachement intragroupe de ressortissants de pays tiers.

1.8   Le CESE estime qu'il convient de clarifier la définition des concepts de «cadres», «experts», et «stagiaires diplômés», afin non seulement d'offrir une plus grande sécurité juridique aux entreprises concernées, mais aussi de veiller à ce qu'elles ne dépassent pas les engagements pris dans le cadre de l'accord général sur le commerce des services (AGCS), ni les accords bilatéraux avec des pays tiers. Les définitions devraient être formulées de sorte à cerner clairement chacune des trois catégories de travailleurs hautement qualifiés dont la directive vise à réglementer le détachement.

1.9   Le CESE est d'avis que la directive, pour autant qu'elle prenne en compte les exigences mentionnées ici, pourrait véritablement contribuer à faciliter le transfert intragroupe de compétences vers l'UE et à renforcer la compétitivité de l'UE.

2.   La proposition de directive

2.1   La directive à l'examen vise à faciliter, pour les groupes disposant d'entités établies dans et hors de l'UE, le détachement de travailleurs ressortissants d'un pays tiers provenant d'une entreprise sise hors de l'UE vers des filiales ou des branches établies dans des États membres de l'UE. De tels détachements devraient être possibles dans le cas de cadres, d'experts et de stagiaires diplômés.

2.2   Par cadre, l'on entend toute personne appartenant à l'encadrement supérieur, dont la fonction principale consiste à gérer l'entité hôte, sous le contrôle ou la direction générale du conseil d'administration ou des actionnaires ou de leurs équivalents.

2.3   Par expert, l'on entend toute personne qui possède des connaissances exceptionnelles, indispensables et propres à l'entité hôte; il est tenu compte non seulement des connaissances propres à l'entité hôte, mais aussi du niveau élevé de compétences de la personne pour un type de travail ou d'activité nécessitant des connaissances techniques spécifiques.

2.4   Par stagiaire diplômé, l'on entend toute personne ayant accompli des études d'au moins trois ans dans un établissement d'enseignement supérieur, détachée dans une entreprise en vue d'enrichir ses connaissances et d'élargir son expérience, dans la perspective d'y occuper une fonction d'encadrement.

2.5   La directive ne s'applique pas aux chercheurs, pour lesquels existe une directive spécifique (directive 2005/71/CE).

2.6   Les États membres peuvent exiger que la personne détachée dispose d'un contrat de travail depuis au moins 12 mois au sein du groupe, et peuvent également fixer un nombre maximum de personnes bénéficiant d'une telle autorisation. La durée maximale d'un tel détachement est limitée à trois ans pour les cadres et les experts, et à un an pour les stagiaires diplômés.

2.7   Une procédure d'admission accélérée et un permis de séjour et de travail unique devraient accroître l'attractivité du dispositif.

2.8   Les travailleurs détachés sont également autorisés à travailler dans toute autre entité établie dans un autre État membre et appartenant au même groupe d'entreprises, ainsi que sur les sites de clients de cette entité hôte dans d'autres États membres, pour autant que la durée du détachement dans un autre État membre n'excède pas douze mois. Cette règle est toutefois assortie d'exceptions.

2.9   Les conventions relatives au salaire minimal et les conventions collectives de l'État de destination doivent être respectées. En outre, la proposition affirme des droits tels que la liberté d'association, la possibilité d'affiliation et d'engagement auprès d'une organisation de travailleurs ou d'employeurs, la reconnaissance des diplômes conformément aux procédures nationales pertinentes, l'accès aux biens et aux services, ainsi que l'accès au système de sécurité sociale. Cependant, il n'est pas prévu que l'ensemble de la législation sociale et du travail de l'État de destination soit applicable.

3.   Introduction

3.1   Depuis le traité d'Amsterdam, la politique migratoire relève partiellement de la compétence de l'UE. L'élaboration d'une politique en la matière a fait l'objet d'appels répétés de la part du Conseil européen comme du Conseil de l'Union européenne (conclusions du Conseil de Tampere en 1999, programme de la Haye en 2004, programme de Stockholm en 2009, pacte sur l'immigration et l'asile).

3.2   À la suite d'une consultation publique sous la forme d'un livre vert, la Commission européenne a présenté en 2005 un «programme d'action relatif à l'immigration légale», dans lequel elle annonçait plusieurs propositions de directive concernant la migration de main-d'œuvre. Le Conseil a adopté dès le 25 mai 2009 une directive (2) relative aux travailleurs hautement qualifiés (directive sur la carte bleue européenne, dite directive «carte bleue»), alors que la directive «permis unique» fait toujours l'objet de négociations au Parlement européen et au Conseil. La Commission européenne a présenté une proposition de directive sur le travail saisonnier en même temps que la proposition à l'examen.

3.2.1   À l'origine, la Commission avait présenté, dès 2001, une proposition de directive horizontale portant sur toutes les formes d'immigration à des fins professionnelles. Un acte juridique horizontal s'étant avéré irréalisable, la Commission a désormais décidé d'opter pour une approche sectorielle.

3.3   Le 13 juillet 2010, la Commission européenne a présenté une proposition de directive sur le détachement intragroupe. Celle-ci a pour objectif d'harmoniser dans toute l'UE les règles régissant l'admission de travailleurs ressortissants de pays tiers détachés par une entreprise dont le siège est situé en dehors de l'UE et envoyés dans une entreprise du même groupe établie au sein de l'UE.

3.4   Le projet de directive définit une réglementation concernant les travailleurs ressortissants et résidents d'un pays tiers, titulaires d'un contrat de travail les liant à une entreprise membre d'un groupe établie dans ce pays, qui sont détachés par cette dernière et envoyés dans une autre entreprise du groupe située dans un État membre de l'UE.

3.5   Dans son exposé des motifs, la Commission européenne explique que la directive prévue est destinée à contribuer à la réalisation des objectifs de la stratégie Europe 2020. Elle doit permettre de répondre rapidement à la demande des sociétés multinationales en matière de détachement intragroupe de personnel d'encadrement et de personnel qualifié provenant de pays tiers, en établissant des conditions transparentes et harmonisées de détachement pour cette catégorie de travailleurs. En ce qui concerne les stagiaires diplômés, un détachement devrait permettre de les préparer à assumer une fonction d'encadrement au sein du groupe. La Commission est convaincue que la directive proposée servira à réduire les obstacles administratifs superflus, tout en protégeant les droits des travailleurs et en offrant des garanties suffisantes, également en période de crise économique.

3.6   En principe, il convient que la politique migratoire européenne vise d'une part à être attrayante pour les «meilleurs cerveaux» et d'autre part à garantir que les normes en matière de droit social et du travail ne puissent être contournées, notamment en étant accompagnées des mesures de contrôles appropriées. Même si la migration durable ne constitue pas l'objectif essentiel de la directive à l'examen, il faudrait veiller à cette exigence.

3.7   La promotion de cette mobilité transnationale exige un climat de concurrence loyale et le respect des droits des travailleurs, notamment à travers l'établissement d'un statut juridique sûr pour les personnes faisant l'objet d'un détachement intragroupe. La proposition confère également certains droits à ces travailleurs détachés au sein d'un groupe, tels que le versement de la rémunération fixée par les conventions collectives de l'État de destination. Toutefois, elle ne prévoit pas l'application de la législation du travail dans son ensemble. Bien que les cadres perçoivent, pour la plupart, des rémunérations supérieures au salaire minimum, il n'en va pas de même pour les experts et les stagiaires.

3.8   Dans son avis sur la «proposition de directive du Conseil établissant les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi hautement qualifié» (3), le CESE a estimé que les dispositions légales relatives à l'admission de travailleurs migrants dépendent entre autres des développements intervenant sur le marché du travail et qu'il appartient dès lors aux autorités nationales de mener à ce sujet un dialogue avec les partenaires sociaux. Par ailleurs, le CESE a indiqué dans son avis sur la «proposition de directive du Conseil établissant une procédure de demande unique en vue de la délivrance d'un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à résider et à travailler sur le territoire d'un État membre et établissant un socle commun de droits pour les travailleurs issus de pays tiers qui résident légalement dans un État membre» (4), que chaque État peut fixer les critères d'admission en concertation avec les partenaires sociaux.

3.9   Dans son avis sur le thème «Intégration des travailleurs immigrants» (5), le CESE a affirmé que l'intégration sur le lieu de travail dans des conditions d'égalité des chances et de traitement constitue également un défi pour les partenaires sociaux, qui doivent promouvoir celle-ci dans les négociations collectives et le dialogue social, également au niveau européen.

3.10   Comme indiqué dans les paragraphes ci-dessus, le CESE est convaincu qu'il convient d'associer les partenaires sociaux à l'élaboration de la réglementation, tant au niveau des États membres qu'à l'échelon européen.

3.11   Dans le contexte des détachements intragroupe, il convient d'examiner, au sujet de la question de la «mobilité sortante», quelles sont les conditions régissant le détachement de ressortissants de l'UE dans des pays tiers. Il convient en particulier de veiller à ce que la directive proposée ne compromette pas la capacité de l'Union à obtenir soit des engagements réciproques dans le cadre du mode 4 de l'AGCS, soit des accords bilatéraux. Cet élément revêt une importance particulière pour des secteurs comme l'industrie de la construction, qui n'est pour l'heure pas «liée» avec l'AGCS.

4.   Observations générales

4.1   Les premières réactions des partenaires sociaux européens à la proposition de directive se sont avérées extrêmement divergentes. Ainsi, BUSINESSEUROPE approuve globalement la proposition, qui contribue à ses yeux à améliorer la transparence et à simplifier les procédures d'admission pour les travailleurs faisant l'objet d'un détachement intragroupe. L'organisation critique toutefois certaines des dispositions proposées, en particulier la possibilité d'exiger du travailleur une ancienneté allant jusqu'à 12 mois dans l'entreprise d'origine préalablement à son détachement. Elle estime en outre que les restrictions imposées aux États membres quant à l'application de dispositions plus favorables pourraient entraîner une détérioration des dispositions nationales actuellement en vigueur.

4.2   La Confédération européenne des syndicats (CES) exprime en revanche de sérieuses réserves à l'encontre de la proposition de directive, qu'elle demande d'ailleurs à la Commission de retirer. Elle critique le choix de l'article 79 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) comme base juridique unique, alors que la directive (à l'instar de la directive relative au travail saisonnier) aura des répercussions considérables sur le marché du travail dans les États membres. La CES plaide pour que ces propositions soient soumises aux partenaires sociaux pour consultation, conformément à l'article 154 du TFUE. Elle estime par ailleurs que la proposition ne garantit pas l'égalité de traitement des travailleurs faisant l'objet d'un détachement intragroupe, pas plus qu'elle ne prévoit de mécanismes de contrôle ou de sanctions en cas de non-respect des dispositions.

4.3   En termes de politique migratoire, l'approche constitue, du moins en partie, le prolongement du concept de «migration circulaire». Il s'agit en tout cas d'un concept lié à la migration transitoire ou temporaire qui est souvent considéré comme un échec du point de vue de la politique d'intégration et du marché du travail. Si un déficit de personnel qualifié et de jeunes habitants devait s'installer durablement en Europe, dans certains pays, secteurs et professions, il conviendrait d'y remédier en premier lieu par une offensive de qualification intraeuropéenne et en tirant profit de la libre circulation des travailleurs au sein de l'UE. Ce n'est qu'ensuite qu'il y aurait lieu d'envisager un recours à l'immigration contrôlée de main-d'œuvre, laquelle se verrait progressivement octroyer des droits plus larges et une forme plus stable de séjour.

4.4   En revanche, pour d'autres, le concept de migration temporaire ou circulaire constitue une bonne mesure permettant de promouvoir dans un premier temps l'afflux en Europe de travailleurs hautement qualifiées, qui pourront ensuite mettre à profit, dans leur pays d'origine, l'expérience qu'ils auront acquise. Dans le même temps, l'Europe peut ainsi créer, dans le contexte de la concurrence mondiale pour les meilleurs cerveaux, des conditions de départ égales à celles de ses concurrents.

4.5   Par le passé, 'des approches spécifiques de la migration temporaire 'se sont déjà soldées par un échec dans certains États membres. En effet, comme la brièveté de cette migration semblait un fait acquis, tout investissement dans des mesures d'intégration avait été mis de côté. Jusqu'à aujourd'hui, ces négligences n'ont pu être totalement réparées.

4.6   La Commission européenne a publié en 2007 une communication importante sur la migration circulaire et les partenariats entre l'UE et les pays tiers (6) qui présentait les avantages de même que les spécificités de ce concept. Le CES a contribué au débat sur cette question de manière objective à travers son avis d'initiative (7), reconnaissant que les accords d'admission temporaires pouvaient également être utiles et que le manque de souplesse actuel de la législation en la matière en Europe constituait une entrave majeure à la migration circulaire.

4.7   Cette situation est naturellement liée à la question du regroupement familial qui prend toute son importance lorsqu'une migration temporaire s'étend sur plusieurs années ou se transforme en immigration durable. Le regroupement familial devrait donc être régi par des dispositions analogues à celles de la directive «carte bleue» (directive 2009/50/CE).

4.8   Enfin, le CESE souligne, dans bon nombre de ses avis, l'importance capitale que revêt l'intégration (8).

4.9   L'Union européenne et les autorités nationales doivent œuvrer ensemble à la promotion de la politique d'intégration. Le CESE a récemment souligné (9) que la politique commune d'immigration doit également inclure l'intégration, qui est un processus social à double sens d'adaptation mutuelle impliquant les immigrés et la société d'accueil, et qui doit être soutenu par une bonne gouvernance dans l'Union européenne, aux niveaux national, régional et local. Dans son avis sur le thème «L'intégration et l'agenda social» (10), le CESE propose de mettre en place un processus de prise en compte à tous les niveaux (mainstreaming) de l'intégration dans les différents instruments politiques, législatifs et financiers de l'UE, en vue de promouvoir l'intégration, l'égalité de traitement et la non-discrimination.

4.10   La proposition de directive à l'examen est toutefois en contradiction avec cette volonté d'intégration, étant donné que, le caractère temporaire de cette migration semblant un fait acquis, les mesures d'intégration pourraient être omises.

4.11   Pour parer à toute concurrence déloyale, les travailleurs faisant l'objet d'un détachement intragroupe doivent au moins jouir de conditions de travail identiques à celles octroyées au «noyau stable» des travailleurs du groupe. En l'occurrence, il ne peut s'agir uniquement du salaire minimum. Le principe doit valoir pour l'ensemble des normes du pays de destination en matière de droit du travail. En d'autres termes, la législation du travail de l'État membre hôte doit s'appliquer dans son intégralité.

4.12   Pour ce qui est des droits, le CESE a déjà constaté dans l'avis sur le «livre vert sur une approche communautaire de la gestion des migrations économiques» (11): «Le point de départ de ce débat doit être le principe de non-discrimination. Le travailleur immigrant doit jouir des mêmes droits économiques, professionnels et sociaux que les autres travailleurs de l'État concerné, quelle que soit la durée de son permis de séjour et de travail».

4.13   Dans son avis sur la directive «permis unique» (12), le CESE a mis en exergue le rôle des partenaires sociaux à différents niveaux (entreprise, secteur, niveau national et niveau européen) s'agissant de la promotion de l'égalité de traitement en matière de travail. Dans ce contexte, les comités d'entreprises européens constituent aussi des acteurs essentiels; d'autant que la proposition de directive à l'examen concernera, dans une large mesure, les grands groupes disposant d'un grand nombre d'entités.

4.14   Le contrôle du respect des dispositions revêt une importance particulière. Dans son avis sur la «proposition de directive du Parlement européen et du Conseil prévoyant des sanctions à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier» (13), le CESE a indiqué qu'en raison du manque d'effectifs des autorités de contrôle, du flou entourant les domaines de compétence des différentes autorités et du grand nombre d'entreprises à contrôler, il ne s'agit pas d'une tâche aisée. Les États membres doivent dès lors veiller à ce que les autorités de contrôle disposent des moyens nécessaires pour mener effectivement à bien leurs tâches.

4.15   Le champ d'application de la directive est défini de manière trop imprécise: il convient en particulier de cerner avec précision la notion d'expert, afin d'éviter que tous les travailleurs d'un groupe ne puissent de facto travailler jusqu'à trois ans au sein de l'entreprise hôte établie dans un État membre donné. Il convient également de se pencher sur la définition des stagiaires diplômés, afin que seules les personnes devant être formées à des tâches d'encadrement bien précises puissent être détachées en cette qualité. La formulation devrait tenir compte de l'offre présentée par l'UE dans le cadre de l'AGCS en 2005.

4.16   Dès lors, il faudrait envisager de retirer certains secteurs du champ d'application de la directive si tant les employeurs que les syndicats du secteur concerné ont convenu d'en faire la demande.

4.17   S'agissant des détachements qui s'effectuent d'un État membre dans un autre, des problèmes se posent en pratique quant au paiement de la rémunération à laquelle le travailleur a droit. Les réserves régulièrement évoquées par rapport au dumping salarial lié aux détachements de travailleurs issus d'autres États membres (dans le cadre de la directive sur le détachement des travailleurs), sont également valables dans le cadre de la proposition de directive à l'examen. Ainsi, dans son avis concernant le détachement des travailleurs (14), le Comité économique et social européen souligne par exemple que l'insuffisance des moyens de contrôle peut être source de problèmes.

5.   Observations spécifiques

5.1   La définition d'un expert est source de confusion et pourrait presque englober toutes les catégories de travailleurs, car dans la version allemande, seules «des connaissances techniques inhérentes au secteur» sont requises (15). Cette définition (qui, dans la version française, s'énonce comme suit: «toute personne qui possède des connaissances exceptionnelles, indispensables et propres à l'entité hôte; il est tenu compte non seulement des connaissances propres à l'entité hôte, mais aussi du niveau élevé de compétences de la personne pour un type de travail ou d'activité nécessitant des connaissances techniques spécifiques») est beaucoup plus large que celle qui figure dans la partie de l'AGCS fixant les obligations de l'UE, étant donné qu'aucune connaissance exceptionnelle n'y est exigée (toujours selon la version allemande). Par conséquent, tout travailleur qualifié peut être détaché, ce qui augmente considérablement le risque de pression salariale.

5.2   Même si, aujourd'hui, ce sont principalement les grandes entreprises multinationales qui recourent aux détachements intragroupes, il conviendrait d'imposer des exigences minimales à l'entité hôte pour empêcher les abus. Ainsi, elle devrait en tout cas avoir une certaine taille, notamment compter un certain nombre d'employés, afin d'éviter d'emblée le cas de figure où le détachement intragroupe donnerait lieu à l'émergence d'entreprises unipersonnelles, composées de l'expert/du cadre détaché. '

5.3   Il importe également de veiller à ce que des entreprises de travail intérimaire appartenant au groupe ne puissent détacher de prestataires dans des entités hôtes.

5.4   La proposition de directive prévoit que les États membres rejettent la demande d'autorisation d'un détachement intragroupe si l'employeur ou l'entité hôte a été sanctionné(e) conformément à la législation nationale pour travail non déclaré et/ou pour emploi illégal. Il y a lieu d'étendre ces dispositions aux cas de rémunération inférieure à ce que prévoient les conventions collectives. Dans un souci de proportionnalité, il convient que les employeurs ne soient exclus du processus que de manière temporaire et non permanente comme le prévoit la proposition. Par ailleurs, il faudrait pouvoir opérer une distinction en fonction de la gravité du délit.

5.5   La simple possibilité d'un retour au sein de l'entreprise établie dans l'État de détachement n'est pas suffisante non plus: il conviendrait plutôt de prévoir un contrat de travail dont la durée dépasserait le détachement pour éviter que les travailleurs ne soient employés dans le but exclusif du détachement.

5.6   Le projet prévoit uniquement le respect des législations nationales en matière de salaire. Dans des domaines sensibles comme celui du détachement intragroupe, il conviendrait cependant d'intégrer dans la directive le principe selon lequel le droit du travail de l'État de destination (tant les dispositions de nature législative que celles qui sont liées aux conventions collectives) s'applique également dans son intégralité aux travailleurs faisant l'objet d'un détachement, sachant que l'entreprise qui les détache ainsi que l'entité hôte devraient s'engager à respecter ces dispositions préalablement au détachement. Il est essentiel d'éviter des relations de travail précaires ainsi que toute différence par rapport au personnel permanent de l'entreprise.

5.7   En pratique, la règle énoncée à l'article 16 a pour conséquence d'octroyer à un État membre le pouvoir de délivrer des titres de séjour et des permis de travail s'appliquant également sur le territoire d'autres États membres. Or les autorités des différents États membres ne sont pas habilitées à émettre de tels permis et autorisations. L'UE elle-même ne peut transférer cette compétence, car la délivrance de titres de séjour ou de permis de travail pour les différents États membres ne relève pas de ses attributions. Par ailleurs, rien n'est prévu pour que le second État membre puisse, de quelque manière que ce soit, vérifier le permis de travail émis par le premier État membre parallèlement au titre de séjour. Par conséquent, il importe de spécifier qu'un permis est uniquement valable dans l'État membre qui l'a lui-même délivré.

5.8   Il n'est en outre pas précisé quel système serait d'application en cas de nouveau détachement dans un second État membre, étant donné qu'il s'agirait alors d'un détachement d'un État membre vers un autre. En tout état de cause, il sera nécessaire de prévoir des procédures spécifiques de coopération administrative entre États membres.

5.9   La proposition prévoit l'introduction de procédures simplifiées. L'on ne sait cependant en quoi devraient consister concrètement ces simplifications. Il ne peut par conséquent être question d'envisager une procédure accélérée qui se déroulerait au détriment d'un examen approfondi des demandes. Il conviendrait en tout cas de continuer à garantir aux autorités la possibilité d'étudier chaque cas avec tout le soin nécessaire et sans retard, notamment en ce qui concerne la rémunération.

5.10   Les détachements sont prévus pour une période maximale de trois ans. Pour une telle durée, il ne peut plus être question d'emplois internes destinés à répondre aux besoins du groupe à court terme. Les travailleurs détachés doivent être intégrés normalement au sein de l'entreprise établie dans l'État de destination. C'est pourquoi il importe que la législation sociale et du travail de ce dernier leur soit appliquée dans son intégralité.

5.11   Dans de nombreux secteurs, les détachements de trois ans dépassent la durée habituelle des contrats de travail. Toutefois, s'agissant de l'immigration des travailleurs hautement qualifiés, la directive-cadre 2009/50/CE (directive «carte bleue») a déjà été adoptée.

5.12   Des salaires minimum ne suffisent pas non plus à empêcher le dumping salarial dans tous les cas. En effet, lorsqu'un travailleur est «détaché une nouvelle fois» dans un second État membre, la proposition prévoit l'application des conditions prévalant dans l'État qui a autorisé son admission. Ainsi, dans le cas des «nouveaux détachements», ce principe aurait pour effet que le salaire minimum octroyé correspondrait au salaire minimum en vigueur dans l'État d'admission, et non à celui du pays où l'activité professionnelle serait prestée (qui pourrait s'avérer plus élevé). En tout état de cause, il est dès lors indispensable de spécifier que le salaire minimum versé au travailleur détaché est le salaire d'application dans l'État où il preste effectivement son activité. Il convient en outre de veiller à l'application de toutes les conventions collectives ainsi que du principe d'égalité de traitement.

5.13   La proposition de directive à l'examen ne prévoit aucune possibilité de recours des travailleurs détachés contre leur employeur devant des tribunaux de l'Union européenne. Pour les travailleurs détachés ressortissants de pays tiers, la juridiction compétente, par exemple en cas de conflit portant sur l'obtention de la rémunération fixée par les conventions collectives de l'État de destination, se situerait en règle générale dans l'État du détachement, et non dans l'État membre de l'UE concerné. Il en résulterait, pour un travailleur détaché au sein d'un groupe souhaitant faire valoir ses droits légitimes, des difficultés inacceptables. Or, l'accès à la justice fait partie des principes fondamentaux d'une société démocratique et doit donc être garanti dans l'État de destination.

5.14   Le CESE invite le Parlement européen et le Conseil à s'atteler à combler, au cours du processus législatif ultérieur, les lacunes de la proposition de directive à l'examen mentionnées ici, afin de s'assurer qu'elle puisse véritablement apporter une contribution positive à la simplification du nécessaire transfert intragroupe de compétences vers l'UE.

Bruxelles, le 4 mai 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  COM(2011) 11 final du 12.1.2011.

(2)  COM(2007) 637 et 638, 23.10.2007.

(3)  JO C 27/108 du 03.02.2009.

(4)  JO C 27/114 du 03.02.2009.

(5)  JO C 354/16 du 28.12.2010.

(6)  COM(2007) 248 final.

(7)  JO C 44/91 du 16.2.2008.

(8)  Voir les avis suivants du CESE: JO C 125/112 du 27.5.2002, JO C 80/92 du 30.3.2004, JO C 318/128 du 23.12.2006, JO C 347/19 du 18.12.2010, JO C 354/16 du 28.12.2010, avis du CESE sur le thème «Les nouveaux défis de l'intégration» (rapporteur: M. PARIZA CASTAÑOS).

(9)  JO C 48/6 du 15.02.2011.

(10)  JO C 347/19 du 18.12.2010.

(11)  JO C 286/20 du 17.11.2005.

(12)  Voir note no 4.

(13)  JO C 204/70 du 09.08.2008.

(14)  JO C 224/95 du 30.8.2008.

(15)  NdT: cette observation vaut uniquement pour la version allemande du texte. Dans la version française, il est bel et bien question de «compétences exceptionnelles».


23.7.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 218/107


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l’utilisation des dossiers passagers pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, ainsi que pour les enquêtes et les poursuites en la matière»

COM(2011) 32 final — 2011/0023 (COD)

2011/C 218/20

Rapporteur général: M. RODRÍGUEZ GARCÍA-CARO

Le 2 mars 2011, le Conseil a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'utilisation des dossiers passagers pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, ainsi que pour les enquêtes et les poursuites en la matière»

COM(2011) 32 final – 2011/0023 (COD).

Le 14 mars 2011, le Bureau du Comité a chargé la section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté» de préparer les travaux du Comité en la matière.

Compte tenu de l'urgence des travaux, le Comité économique et social européen a décidé, au cours de sa 471e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 5 mai 2011), de nommer M. RODRÍGUEZ GARCÍA-CARO rapporteur général et a adopté le présent avis par 80 voix pour, 2 voix contre et 7 abstentions.

1.   Conclusions

1.1   Le Comité économique et social européen accueille favorablement la proposition de directive, moyennant les réserves exprimées ci-après, et fait part de son inquiétude, car l'alternative récurrente du choix entre la sécurité et la liberté ou, plus concrètement, entre l'amélioration de la première et la réduction des droits des citoyens en ce qui concerne la protection des données personnelles ne peut en aucun cas enfreindre les principes généraux qui gouvernent les droits fondamentaux des personnes.

1.2   Le CESE reprend à son compte l'avis général donné par le contrôleur européen de la protection des données, le groupe «Article 29» sur la protection des données, l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne et le Parlement européen. Il considère lui aussi que la proposition n'apporte pas d'arguments suffisants pour justifier qu'il soit nécessaire d'utiliser de manière généralisée et indistincte les données des dossiers passagers (PNR) de tous les citoyens qui empruntent des vols internationaux et il juge dès lors disproportionnée la mesure qu'il est envisagé d'adopter.

1.3   Le CESE soutient en particulier l'observation formulée par le contrôleur européen de la protection des données lorsque, dans son avis le plus récent sur la proposition, il préconise de ne pas faire un usage systématique et indistinct des données des PNR mais d'y recourir au cas par cas.

1.4   Le CESE estime que par rapport à l'option décentralisée envisagée dans la proposition, où chaque État membre disposerait de son unité de renseignements sur les passagers, la formule centralisée, qui n'en prévoirait qu'une seule, peut être moins coûteuse pour les compagnies aériennes comme pour les États eux-mêmes et permettre de mieux superviser et contrôler les données à caractère personnel que contiennent les PNR, en évitant qu'elles ne soient transmises à plusieurs reprises.

2.   Présentation de la proposition de directive

2.1   La proposition de directive a pour objet de réglementer le transfert, par les transporteurs aériens, des données des dossiers passagers (PNR) de vols internationaux à destination ou en provenance des États membres, ainsi que le traitement de ces informations et leur échange entre ces États et avec des pays tiers. Elle vise à harmoniser les dispositions des États membres en matière de protection des données aux fins de l'utilisation des dossiers passagers pour la lutte contre le terrorisme (1) et les infractions graves (2), selon les définitions qu'en donne la législation de l'Union.

2.2   La proposition couvre la définition des modes d'utilisation des dossiers passagers par les États membres, les données qui doivent être recueillies, les buts dans lesquels elles peuvent être utilisées, leur communication entre les unités de renseignements sur les passagers (URP) des États membres, ainsi que les conditions techniques de cette transmission. À cette fin, il a été opté pour un système décentralisé de collecte et de traitement desdits dossiers par chaque État membre.

3.   Observations générales

3.1   Le CESE constitue l'interlocuteur approprié pour exprimer l'avis de la société civile organisée, en tant qu'il en est le représentant légitime. En ce sens, il remercie le Conseil de l'avoir saisi de la proposition à l'examen, ainsi qu'il pouvait le faire à titre facultatif.

3.2   La proposition de directive qui est soumise pour consultation au CESE peut être décrite comme une harmonisation a priori des législations des États membres en la matière, dans la mesure où pour la majeure partie d'entre eux, ils ne disposent pas de réglementation spécifique sur l'utilisation des données des dossiers passagers aux fins qui sont précisées dans le texte à l'examen. À cet égard, le Comité estime qu'il est judicieux d'établir un cadre juridique commun auquel devront se conformer les législations des États membres, de façon que sur tout le territoire de l'Union, les citoyens disposent des mêmes garanties et de la même sécurité en ce qui concerne la protection de ces données.

3.3   Comme la proposition elle-même l'indique, nous avons affaire à une règle grâce à laquelle il sera possible de traiter et d'analyser un vaste éventail de données concernant des millions de citoyens qui n'ont jamais commis ni ne commettront jamais aucune des infractions recensées par la directive, avec pour conséquence que des informations sur des personnes absolument normales vont être utilisées pour repérer des profils de dangereux délinquants. De l'avis du Comité, nous sommes ainsi confrontés à une alternative, où il faut choisir entre la sécurité ou la liberté ou, plus concrètement, entre l'amélioration de la première et la réduction des droits des citoyens en ce qui concerne leurs données personnelles.

3.4   Vu le long cheminement qu'a connu la proposition, des acteurs essentiels dans le domaine ont pu émettre à diverses reprises les avis qualifiés les plus divers à son sujet. Depuis 2007, année de son adoption par la Commission, la proposition de décision-cadre du Conseil relative à l'utilisation des données des dossiers passagers (PNR), qui a précédé la proposition de directive à l'examen, a donné lieu à des prises de position de la part du contrôleur européen de la protection des données (3), lequel a en outre rendu un avis en mars dernier sur le nouveau texte susmentionné, du groupe de travail «Article 29» sur la protection des données, qui s'est également prononcé en avril de cette année (4), de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne et, enfin, du Parlement européen, qui avait adopté une résolution (5) consacrée à la proposition de 2007 et, en ce qui concerne le document proposé actuellement, participe à son élaboration législative, conformément aux prescriptions du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

3.5   Le CESE partage l'appréciation générale de tous ces acteurs qualifiés. Il considère lui aussi que la proposition n'apporte pas d'arguments suffisants pour justifier qu'il soit nécessaire d'utiliser de manière généralisée et indistincte les données des dossiers passagers de tous les citoyens qui empruntent des vols internationaux et il juge dès lors disproportionnée la mesure qu'il est envisagé d'adopter, d'autant que la proposition reconnaît, dans l'exposé des motifs et le contenu que «au niveau de l'UE, il n’existe pas de statistiques précises indiquant dans quelle mesure ces données contribuent à la prévention et à la détection de la grande criminalité et du terrorisme, ainsi qu’aux enquêtes et aux poursuites en la matière (6)». En conséquence, le Comité soutient tout particulièrement l'observation formulée par le contrôleur européen de la protection des données lorsqu'il préconise de ne pas faire un usage systématique et indistinct des données des dossiers passagers mais d'y recourir au cas par cas.

3.6   Conformément aux observations formulées ci-dessus et dans un souci de cohérence avec les avis qu'il a émis précédemment, le Comité se doit de rappeler et d'intégrer dans le présent avis une recommandation qu'il avait adoptée dans son avis sur la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil «Un espace de liberté, de sécurité et de justice au service des citoyens (7)»: «Les politiques de sécurité ne doivent pas s'exercer au détriment ni des valeurs fondamentales (droits de l'homme et libertés publiques), ni des principes démocratiques (État de droit) qui sont communs à l'ensemble de l'Union. Il ne convient pas de faire passer la liberté de la personne après l'objectif de la sécurité collective et de celle de l'État. Certaines propositions politiques reproduisent une erreur déjà commise dans des époques antérieures: sacrifier la liberté pour améliorer la sécurité.»

3.7   En tout état de cause, le texte qui sera produit à l'issue du processus législatif devra assurer un maximum de confidentialité et de protection aux données à caractère personnel qui sont contenues dans les dossiers passagers, en respectant les principes contenus dans la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil relative à la protection des données à caractère personnel traitées dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale (8), ainsi que dans la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (9). Ces règles de nature dérogatoire ne peuvent en aucun cas enfreindre les principes généraux qui gouvernent les droits fondamentaux des personnes.

3.8   Néanmoins, étant donné que la proposition de directive préconise une utilisation assurément dérogatoire de données à caractère personnel, le CESE est d'avis qu'il convient, pour parer à leur usage abusif, de circonscrire au maximum les dispositions plus exceptionnelles qui figurent dans les articles 6 et 7 du texte, en prescrivant de motiver toute demande de données formulée en dehors des règles générales qui sont énoncées dans les articles 4 et 5 de la proposition.

3.9   Dans la perspective de garantir que les données récoltées soient exclusivement utilisées dans les buts mentionnés dans la proposition de directive et qu'il soit possible de savoir à tout moment qui accède aux bases de données des dossiers passagers ou aux données déjà traitées, il y aurait lieu qu'elle fasse état de l'obligation d'établir un système de traçabilité qui donne la possibilité d'identifier l'agent ou l'autorité qui y a eu accès et le traitement ou la manipulation qu'il en a effectuée.

4.   Observations particulières

4.1   Concernant l'article 3

Dans un environnement mondialisé, le considérant 18 de la proposition paraît incongru, sauf s'il répond à la préoccupation de motiver l'option choisie dans l'article 3, à savoir l'adoption d'un modèle décentralisé. Pour le CESE, ce dernier risque d'augmenter les frais supportés par les compagnies aériennes, dans la mesure où elles devront transmettre leurs données aux unités de renseignements de tous les États dans lesquels un vol international aura fait escale. De même, un tel dispositif autorisera le traitement et la transmission des données personnelles par plusieurs unités. Il n'apparaît guère compatible avec les impératifs d'efficacité et de bon fonctionnement auxquels il conviendrait de tendre entre tous.

4.2   Concernant l'article 4, paragraphe 1

Le CESE propose l'adjonction, à la fin du premier paragraphe de cet article, du membre de phrase «… et en informera le transporteur aérien, afin qu'il cesse de les communiquer», car il considère qu'une fois qu'une anomalie a été détectée, des instructions doivent être immédiatement données pour la corriger.

4.3   Concernant les articles 4, paragraphe 4, et 5, paragraphe 4

Le CESE considère qu'une incohérence rédactionnelle existe entre ces deux articles. L'article 4, paragraphe 4, dispose que l'unité de renseignements sur les passagers d'un État membre transfère au cas par cas les données traitées aux autorités compétentes, alors que l'article 5, paragraphe 4, indique que les données des dossiers passagers et les résultats de leur traitement communiqués par ladite unité pourront faire l'objet d'un nouveau traitement par les autorités compétentes. Aux yeux du Comité, il s'impose de remédier à cette contradiction patente ou de l'élucider dûment, afin qu'elle ne donne pas lieu à interprétation.

4.4   Concernant l'article 6, paragraphe 1

Dans la logique de l'observation développée au paragraphe 4.1, le CESE estime que ce dispositif où les données sont communiquées à plusieurs unités de renseignements sur les passagers alourdit les charges administratives des transporteurs aériens, alors même que l'on plaide en faveur de leur allégement, et qu'il accroît leurs coûts d'exploitation dont les consommateurs pourraient faire les frais via le prix final du billet.

4.5   Concernant l'article 6, paragraphe 2

Du point de vue de la sécurité et de la protection des données personnelles des citoyens, le CESE considère que la transmission «par tout autre moyen approprié» qui doit s'effectuer en cas de défaillance des outils électroniques d'envoi ne constitue pas la solution la plus adéquate. Aussi demande-t-il que les moyens de transmission utilisables soient explicités plus concrètement.

4.6   Concernant l'article 6, paragraphe 3

Le Comité pense que l'on gagnerait en efficacité si dans la formulation du début de ce paragraphe, le mot «peuvent» était éliminé, afin que l'application de cet article ne soit pas laissée à la libre appréciation de chaque État. Le texte devrait donc débuter comme suit: «Les États membres autorisent les transporteurs aériens …»

4.7   Concernant les articles 6, paragraphe 4, et 7

Pour le CESE, les libellés du paragraphe 4 de l'article 6 et de l'article 7 dans sa totalité introduisent une série de dérogations successives et d'ampleur croissante qui, abolissant la transmission de données «au cas par cas» prévue à l'article 4, paragraphe 4, aboutissent à une transmission quasi générale, où chacun est habilité à transférer et recevoir l'information des données des dossiers passagers. L'article 7 constitue une somme d'exceptions à la règle.

4.8   Concernant l'article 8

Pour ne pas en arriver à la situation la plus dérogatoire, qui consiste à transférer des données à des pays tiers qui peuvent à leur tour les communiquer à d'autres pays tiers, il conviendrait de préciser dans cet article que leur transfert ne s'effectue qu'après qu'elles ont été traitées par l'unité de renseignements sur les passagers ou l'autorité compétente de l'État membre qui va les transmettre à un pays tiers, et ce, toujours au cas par cas.

4.9   Concernant l'article 11, paragraphe 3

Pour un motif identique à celui qui est développé pour l'article 4, paragraphe 1, le CESE propose que la fin du troisième paragraphe de l'article 11 soit complétée par le membre de phrase «… et en informera le transporteur aérien, afin qu'il cesse de les communiquer».

4.10   Concernant l'article 11, paragraphe 4

Le système de traçabilité que le CESE a proposé dans le paragraphe 3.9 du présent avis peut logiquement se loger dans cet article 11, le but étant d'enregistrer qui accède à l'information, à quelque moment que ce soit.

Bruxelles, le 5 mai 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO L 164, du 22 juin 2002, p. 3.

(2)  JO L 190, du 18 juillet 2002, p. 1.

(3)  JO C 110, du 1er mai 2008.

(4)  Avis no 145, du 5 décembre 2007, et no 10, du 5 avril 2011.

(5)  P6_TA (2008) 0561.

(6)  COM(2011) 32 final, p. 6.

(7)  Avis du CESE sur la “Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil – Un espace de liberté, de sécurité et de justice au service des citoyens”, JO C 128, du 18 mai 2010, p. 80.

(8)  JO L 350, du 30 décembre 2008, p. 60.

(9)  JO L 281, du 23 novembre 1995, p. 31.


23.7.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 218/110


Avis du Comité économique et social sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant modification du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les relations contractuelles dans le secteur du lait et des produits laitiers»

COM(2010) 728 final — 2010/0362 (COD)

2011/C 218/21

Rapporteure: Mme Dilyana SLAVOVA

Le 22 décembre 2010, le Conseil a décidé, conformément aux articles 42 et 43, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant modification du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les relations contractuelles dans le secteur du lait et des produits laitiers

COM(2010) 728 final — 2010/0362 (COD).

La section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 6 avril 2011.

Lors de sa 471e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 4 mai 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 150 voix pour, 3 voix contre et 13 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE fait remarquer que la crise de 2007-2009 a mis le secteur laitier, et notamment ses producteurs, à rude épreuve.

1.2

Le CESE fait remarquer que des déséquilibres existent tout au long de la chaîne d'approvisionnement, en particulier entre les détaillants, d'une part, et les producteurs et transformateurs, d'autre part, et qu'ils empêchent une répartition plus équitable de la valeur ajoutée des produits laitiers en faveur des producteurs. Le CESE recommande à la Commission de faire en sorte que des mesures soient prises pour assurer une transparence égale tout au long de la filière laitière (producteurs, transformateurs, distributeurs, détaillants).

1.3

Le CESE se réjouit que la Commission mette à profit les recommandations formulées par le groupe d’experts de haut niveau sur le lait (GHN) et réponde en temps utile aux défis que rencontre le secteur laitier.

1.4

Le CESE est convaincu qu'une efficacité optimale de la chaîne d'approvisionnement en produits laitiers est dans l'intérêt de toutes les parties concernées et souligne qu'une répartition équitable de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne, avec notamment une augmentation du pouvoir de négociation des producteurs, contribuera à accroître son efficacité, sa compétitivité et sa viabilité globales.

1.5

Le CESE estime que les quatre volets proposés (les relations contractuelles, le pouvoir de négociation des producteurs, les organisations interprofessionnelles et la transparence) sont étroitement liés et interdépendants et qu'il convient donc de les aborder comme un tout.

1.6

Le CESE reconnaît que la structure de la production laitière peut différer considérablement d'un État membre à l'autre et convient par conséquent que le recours aux contrats devrait continuer à s'effectuer sur une base volontaire. Cependant, les États membres devraient être autorisés sur un plan de principe à rendre obligatoire l'utilisation de ces contrats sur leur territoire, en tenant compte de la nécessité de préserver le fonctionnement harmonieux du marché intérieur. Il est d'une importance capitale de souligner que la proposition n'est pas applicable aux coopératives et d'attirer l'attention sur les bonnes pratiques qui ont cours dans certains États membres.

1.7

Le CESE reconnaît que ces contrats devraient comprendre au moins les quatre aspects essentiels suivants, qui doivent être négociés librement entre les parties: 1) le prix à payer ou la formule de prix à la livraison, 2) le volume, 3) les délais de livraison durant la saison et 4) la durée du contrat.

1.8

Le CESE encourage la création d'organisations de producteurs et d'organisations interprofessionnelles, en particulier dans certains des nouveaux États membres où le secteur de la production laitière, étant donné sa fragmentation, n'a qu'un pouvoir de négociation très limité. Il s'accorde à estimer que, dans le secteur des fruits et légumes, les organisations qui renforcent les liens entre les différentes parties prenantes au sein des diverses branches apportent une valeur ajoutée, étant donné qu'elles peuvent améliorer la connaissance et la transparence de la production et des marchés, et considère que la chaîne d'approvisionnement en produits laitiers pourrait améliorer son fonctionnement global si elle bénéficiait des développements analogues.

1.9

Le CESE estime qu'une telle approche exige que l'application des règles de concurrence de l'UE dans le secteur laitier soit clarifiée et étendue, afin que les organisations de producteurs primaires puissent disposer d'un pouvoir de négociation accru.

1.10

Le CESE souligne qu'une transparence accrue peut contribuer à un fonctionnement plus harmonieux de la filière laitière, qui bénéficierait à tous ses acteurs; à cet égard, il est favorable aux recommandations adressées par le GHN à la Commission, en vue de garantir que la transparence ne crée pas de distorsions de concurrence sur le marché intérieur.

1.11

Le CESE accueille favorablement les travaux de la Commission, tout en soulignant que la proposition ne résoudra pas tous les problèmes du secteur laitier.

2.   Introduction

2.1

La production laitière revêt une importance majeure dans l'UE non seulement sur le plan économique, compte tenu du chiffre d'affaires dégagé et du nombre d'emplois concerné, mais également en raison de son rôle en matière d'utilisation des terres et de protection de l'environnement. Dans bon nombre de régions, notamment des zones montagneuses ou défavorisées, elle représente en outre l'un des rares types de production qui aient de réelles perspectives de se développer et de se maintenir.

2.2

Le secteur laitier joue un rôle vital dans la qualité de vie des Européens, en contribuant à leur santé et en assurant une alimentation responsable et sûre aux consommateurs, sans oublier son importance économique pour le développement rural et la gestion durable de l'environnement.

2.3

Les secteurs de la production et de la transformation du lait et des produits laitiers varient considérablement entre les États membres. Les structures de production et de transformation sont très différentes d'un pays de l'Union à l'autre: à une extrémité de ce spectre, on trouve une organisation de type majoritairement coopératif, où les coopératives assurent également la transformation du lait; à l'autre extrême, l'organisation est fondée sur un grand nombre de producteurs individuels et de transformateurs privés. Dans la période de préparation à 2015, il sera nécessaire, même dans les situations les plus organisées, que les producteurs soient à même de se préparer dûment à la nouvelle situation de marché à laquelle ils seront confrontés une fois que les quotas auront été abolis. Il convient de noter que dans la mesure où les pouvoirs publics, au niveau tant européen que national, se retirent de la gestion de la production, les intervenants du secteur auront affaire à un jeu de paramètres totalement neufs, assortis de responsabilités elles aussi nouvelles. Dans un tel environnement, les producteurs doivent avoir l'assurance de pouvoir obtenir un prix de marché équitable.

3.   Contexte

3.1

En octobre 2009, au vu de la passe difficile dans laquelle se trouvait le marché du lait, un groupe d’experts de haut niveau sur le lait (GHN) a été constitué; sa mission consistait à examiner les dispositions applicables à long et à moyen terme au secteur du lait et des produits laitiers, à travailler à l’élaboration d’un cadre réglementaire et à contribuer à stabiliser le marché et les revenus des producteurs.

3.2

Le GHN a recueilli les contributions écrites et orales de grands groupements européens d’opérateurs de la chaîne d’approvisionnement en produits laitiers, représentant les exploitants éleveurs, les transformateurs laitiers, les négociants du secteur, les détaillants et les consommateurs. Il a également reçu les contributions d’experts universitaires invités, de représentants de pays tiers, des autorités nationales chargées de la concurrence, ainsi que de la Commission.

3.3

Enfin, une conférence des parties prenantes du secteur du lait et des produits laitiers s’est tenue le 26 mars 2010, qui a permis d’élargir encore le cercle des acteurs de la filière invités à exprimer leurs points de vue. Le 15 juin 2010, le groupe a rendu son rapport, dans lequel il présente une analyse de la situation actuelle du secteur laitier et formule un certain nombre de recommandations.

3.4

Le GHN a constaté d'importants déséquilibres dans la chaîne d'approvisionnement (producteurs, transformateurs, distributeurs, détaillants) et une inégalité dans la répartition de la valeur ajoutée. Cette situation résulte d'un manque de transparence, de rigidités et de problèmes de transmission du prix d’un bout à l’autre de la chaîne.

3.5

Le rapport et les recommandations présentés par le GHN ont été examinés par le Conseil, dont la présidence a adopté ses conclusions lors de la réunion du 27 septembre 2010, pressant la Commission de présenter pour la fin de l’année sa réaction aux quatre premières recommandations du GHN (concernant respectivement les relations contractuelles, le pouvoir de négociation des producteurs, les organisations interprofessionnelles et la transparence).

3.6

La proposition de la Commission à l'examen porte sur les quatre volets (les relations contractuelles, le pouvoir de négociation des producteurs, les organisations interprofessionnelles et la transparence), dans la mesure où les dispositions en vigueur qui s'y rapportent demandent à être modifiées.

3.7

Concernant les relations entre les producteurs de lait et les laiteries, la concentration de l’offre est bien souvent très inférieure à celle qui prévaut dans le secteur de la transformation. Il en résulte un déséquilibre entre les pouvoirs de négociation respectifs de ces deux paliers. La proposition prévoit, à titre optionnel, le recours à des contrats de livraison de lait cru qui seraient passés à l’avance et par écrit entre l’exploitant et la laiterie et préciseraient les éléments clés de calcul du prix, le calendrier et le volume des livraisons, ainsi que la durée du contrat. Les États membres ont la possibilité de rendre obligatoire l'utilisation de ces contrats sur leur territoire. Les coopératives, en raison de leur nature spécifique, ne sont pas tenues d'utiliser des contrats si leurs statuts comportent des dispositions similaires.

3.8

Pour rééquilibrer les pouvoirs de négociation entre les différents maillons de la chaîne d'approvisionnement, la proposition envisage par ailleurs d’autoriser les exploitants à négocier les contrats de façon collective, par l’intermédiaire des organisations de producteurs. Elle prévoit des limites quantitatives appropriées au volume de ces négociations qui devraient permettre de mettre les producteurs sur un pied d'égalité avec les principales laiteries tout en maintenant une concurrence adéquate pour l'approvisionnement en lait cru. Ces limites sont fixées à 3,5 % de l'ensemble de la production de l'UE et à 33 % de la production nationale et assorties de garanties spécifiques destinées à éviter que certains intervenants ne subissent de graves préjudices, notamment les PME. Il convient que les organisations de producteurs concernées puissent en outre prétendre à la reconnaissance visée à l’article 122 du règlement (CE) no 1234/2007. Il est souhaitable que la Commission soit habilitée, au titre de l’article 290 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, à adopter des actes délégués en ce qui concerne le respect des conditions régissant l’agrément des associations d’organisations de producteurs.

3.9

La proposition prévoit aussi que la législation de l’Union édicte des dispositions spécifiques pour les organisations interprofessionnelles, concernant tous les maillons de la chaîne. Ces organisations peuvent jouer un rôle utile en matière de recherche, d’amélioration de la qualité, de promotion et de diffusion des meilleures pratiques et méthodes de production et de transformation.

3.10

Il est proposé d'appliquer au secteur laitier les règles en vigueur pour les organisations interprofessionnelles du secteur des fruits et légumes, en les adaptant de manière appropriée.

3.11

Les organisations interprofessionnelles contribueraient ainsi à améliorer la connaissance et la transparence de la production comme du marché, notamment en publiant des données statistiques relatives aux prix, aux volumes et à la durée des contrats conclus pour la livraison de lait cru, ainsi qu'en réalisant des études sur les perspectives d’évolution du marché aux niveaux régional ou national.

3.12

La proposition confère à la Commission le pouvoir d’adopter des actes délégués conformément à l’article 290 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de façon à pouvoir compléter ou modifier certains éléments non essentiels des mesures prévues au règlement concerné. Il convient de préciser les éléments pour lesquels ces pouvoirs délégués peuvent être exercés, ainsi que les conditions dans lesquelles cette délégation s'applique.

3.13

Afin de garantir l'application uniforme, dans tous les États membres, des mesures prévues par le règlement à l'examen, il convient que la Commission ait le pouvoir d’adopter des actes d’exécution conformément à l’article 291 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

4.   Observations générales

4.1

La proposition vise à renforcer la position des producteurs dans la chaîne d'approvisionnement en produits laitiers et à préparer le secteur à un avenir davantage orienté vers le marché et le développement durable.

4.2

Elle prévoit la passation de contrats écrits entre les producteurs et les transformateurs de lait, la possibilité de négocier les clauses de ces contrats de manière collective, par l'intermédiaire des organisations de producteurs, afin de rééquilibrer le pouvoir de négociation des producteurs de lait face aux principaux transformateurs, des dispositions spécifiques, ressortissant à la législation de l’Union, pour les organisations interprofessionnelles, et, enfin, des mesures visant à améliorer la transparence du marché. Il est proposé que ces mesures soient en vigueur jusqu'en 2020, avec deux révisions intermédiaires. Le recours à des limites quantitatives appropriées pour les négociations collectives et à d'autres mesures de sauvegarde spécifiques devrait permettre d'atteindre l'objectif de renforcer le pouvoir de négociation des producteurs de lait tout en préservant la concurrence et les intérêts des PME.

4.3

Il est prévu que chaque État membre puisse décider de la manière dont il abordera les relations contractuelles. Il sera libre, dans le cadre du droit des contrats qui est le sien, de décider de rendre obligatoire ou non la conclusion de contrats entre producteurs et transformateurs. Compte tenu de la diversité des situations constatées en la matière dans l’Union européenne, il est opportun, au nom du principe de subsidiarité, que les États membres restent maîtres de cette décision.

4.4

Le CESE convient qu'il est nécessaire de renforcer le pouvoir de négociation des producteurs, mais il s'imposerait de prendre également en compte les différentes situations et caractéristiques nationales.

4.5

Concernant la durée de délégation pour les actes délégués, le CESE estime qu'elle doit toujours correspondre à un laps de temps déterminé (mandat). De plus, il convient de réserver les actes délégués à des domaines exigeant une prise de décisions rapide.

4.6

Il convient de recourir aux actes d'exécution dans les cas où les États membres gagneraient à en harmoniser la mise en œuvre.

4.7

Le CESE croit fermement à la consultation des parties prenantes pendant la phase de préparation de la législation européenne. Ainsi, dans le cadre des efforts destinés à mieux réglementer le marché laitier, si volatil, il importe de consulter les experts des États membres. À cet égard, il est particulièrement important de garantir que cette volatilité n'aura pas un effet néfaste irréversible sur les producteurs du secteur laitier de l'UE. Dans ce contexte, il est évident qu'il faudra envisager une répartition plus transparente et plus équilibrée de la valeur ajoutée entre les différents acteurs du marché et, tout particulièrement, la nécessité d'augmenter le pouvoir de négociation des producteurs.

4.8

Les organisations interprofessionnelles sont actuellement une réalité dans quelques États membres, et elles y jouent leur rôle conformément à la législation de l’Union européenne. Leur efficacité est toutefois limitée par les déséquilibres de la filière laitière.

4.9

Pour le CESE, il apparaît toutefois clairement que les propositions de la Commission ne vont pas résoudre tous les problèmes du marché du lait et ne s'appliquent pas aux coopératives laitières, qui représentent quelque 58 % de la production laitière. Le CESE regrette que les propositions sous examen n’englobent ni l’industrie laitière, ni le grand commerce qui jouent un rôle déterminant en ce qui concerne l’équilibre du marché laitier et la formation des prix.

4.10

Le CESE considère que les limites prévues peuvent s’avérer trop restrictives étant donné la structure du secteur laitier au niveau national, notamment dans les plus petits États membres. Le CESE plaide pour que dans certains cas exceptionnels, la Commission européenne autorise le regroupement de tous les producteurs qui livrent à une même laiterie, afin de constituer des regroupements de producteurs en relation avec la taille de l’acheteur.

4.11

Dans la mesure où la Commission envisage de se retirer de la gestion de la production laitière et de confier cette tâche aux acteurs de terrain, il est primordial que ceux-ci disposent des informations les plus complètes et les plus à jour possible sur les évolutions du marché, qui doit être transparent. Le CESE considère dès lors qu'il est indispensable d'établir un instrument efficace de suivi au niveau européen, condition sine qua non pour donner la possibilité d'assurer un certain suivi de la production.

4.12

Enfin, il devient capital, dans le nouvel environnement, de conserver des outils de gestion du marché, comme l'intervention, le stockage privé ou les restitutions à l'exportation, qui doivent être efficaces et, par ailleurs, d'une mise en œuvre rapide et aisée.

5.   Observations particulières

5.1

Le CESE salue l'effort particulier consenti par la Commission pour présenter au Parlement européen et au Conseil une proposition de règlement portant modification du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les relations contractuelles dans le secteur du lait et des produits laitiers. Le CESE considère tout à la fois que cette initiative est positive et arrive à point nommé pour répondre aux défis majeurs que rencontre ce secteur spécifique de l'agriculture.

5.2

Le CESE souligne cependant que la proposition à l'examen ne suffira pas à résoudre la totalité des problèmes auxquels le secteur laitier est confronté. Un système de suivi donnerait la possibilité d'assurer une transparence égale tout au long de la chaîne des produits laitiers (producteurs, transformateurs, distributeurs et détaillants), de manière à améliorer encore le fonctionnement harmonieux de la filière.

5.3

Pour prospérer au-delà de 2015, le secteur laitier de l'UE aura besoin d'une production de lait très efficace, assurée par des unités de production laitière d'une taille économique appropriée et pourvues d'un capital humain de haut niveau. Il conviendra dès lors de poursuivre les efforts de restructuration, tant dans les exploitations agricoles que dans les laiteries: pour ce qui est de celles-ci, il est crucial, pour les producteurs agricoles, d'avoir accès à des unités efficaces, compétitives et capables d'innover et d'exploiter au mieux les ouvertures du marché. Il conviendra à cet égard de prêter une attention particulière aux zones défavorisées, où ces installations doivent souvent s'accommoder d'un environnement géographique moins favorable pour leur fonctionnement et souffrent dès lors d'un handicap comparatif. Dans ce contexte, il importe de veiller tout particulièrement à une production transparente, efficace, et régionale, qui garantisse un faible impact sur l'environnement, l'information du consommateur et la qualité, en réduisant le nombre d'intermédiaires. L'industrie laitière dans son ensemble devrait privilégier la production de produits de haute qualité et de forte valeur ajoutée, pour lesquels le marché intérieur est en croissance et les possibilités d'exportation favorables.

5.4

Le CESE considère que les États membres concernés peuvent établir des réglementations destinées à améliorer et stabiliser le fonctionnement de leur marché des produits laitiers qui sont commercialisés dans le cadre d'une appellation d'origine ou d'une désignation géographique qui sont protégées au titre du règlement (CE) no 510/2006.

5.5

Le secteur laitier présente davantage de disparités entre États membres que les autres secteurs de l'agriculture européenne; aussi les politiques de l'UE doivent-elles être mises en œuvre avec davantage de flexibilité pour ce secteur. Le CESE prévoit qu'il sera nécessaire de mettre en œuvre, au bénéfice des producteurs et transformateurs laitiers, des mesures spécifiques destinées à restructurer et moderniser le secteur du lait dans les États membres.

5.6

Le CESE invite la Commission à réagir aux crises plus rapidement et avec davantage de souplesse. En raison des problèmes climatiques, le marché laitier connaît une extrême volatilité en 2011 et le cycle de crises de la période 2007-2009 pourrait dès lors se réitérer. Le CESE propose donc que la Commission continue à suivre les évolutions du secteur du lait, afin de déployer tous les efforts possibles pour éviter qu'il ne subisse à l'avenir une crise dévastatrice.

Bruxelles, le 4 mai 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


23.7.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 218/114


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles»

COM(2010) 733 final — 2010/0353 (COD)

2011/C 218/22

Rapporteur: José María ESPUNY MOYANO

Les 18 et 27 janvier 2011, le Parlement européen et le Conseil ont respectivement décidé, conformément à l'article 43, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles»

COM(2010) 733 final — 2010/0353 (COD).

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 6 avril 2011.

Lors de sa 471e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 5 mai 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 82 voix pour et 3 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le CESE soutient l'initiative de la Commission européenne d'englober dans le paquet «qualité» toute la réglementation européenne relative à la qualité des produits agricoles. Cela aboutit à une politique plus cohérente en la matière, et contribue, dans un premier temps, à l'établissement d'un secteur agroalimentaire européen plus solide et dynamique. Le Comité soutient l'importance d'accroître la qualité des produits européens et leur valeur ajoutée, ainsi que l'information des consommateurs, en améliorant les instruments et les dispositions de l'Union en la matière.

1.2   Le Comité approuve les systèmes de qualité applicables aux produits agricoles existant au niveau de l'UE (appellations d'origine protégées, indications géographiques protégées et spécialités traditionnelles garanties) et reconnaît qu'il s'agit là d'excellentes initiatives pour promouvoir les produits européens. Le fait que certains produits bénéficient de ces certifications confère, de l'avis du CESE, une réelle valeur à une zone, à ses agriculteurs et à ses producteurs, ce qui est également profitable au consommateur final. Par ailleurs, le CESE partage l'avis de la Commission selon lequel ces systèmes apportent une contribution à la politique de développement rural. Toutefois, le Comité souligne qu'il est important que la qualité des produits européens et de leur mode de production soit reconnue non seulement sur le marché intérieur, mais aussi, et surtout, sur le marché extérieur, et que cette qualité soit encouragée. Le CESE appelle à la rigueur dans la reconnaissance et le contrôle de la commercialisation des produits agroalimentaires à tous les niveaux (1).

1.3   Le CESE exprime sa satisfaction quant au maintien de la différenciation entre les systèmes de qualité de l'appellation d'origine protégée (AOP) et de l'indication géographique protégée (IGP), bien qu'il considère que les définitions proposées soient moins claires que celles contenues dans le règlement 510/2006. Par ailleurs, il déplore que le nouveau texte ne fasse pas la distinction entre les trois étapes de production (production agricole ou élevage, transformation et conditionnement), et qu'il se réfère uniquement à l'étape de production.

1.4   Concernant les conditions requises pour la certification d'un produit en tant que spécialité traditionnelle garantie, le CESE considère que le caractère traditionnel d'un produit donné doit être fonction non seulement de ses antécédents historiques, conformément à la proposition, mais aussi d'autres paramètres tels que les caractéristiques de la matière première, du mode de production ou de transformation, la culture locale, ainsi que d'autres qualités et critères. Les spécialités traditionnelles garanties étant en outre en constante évolution, le CESE n'approuve pas l'idée selon laquelle le nombre d'années devrait être le paramètre déterminant pour l'inclusion d'un produit dans cette catégorie.

1.5   Le CESE estime que le fait de limiter le régime des spécialités traditionnelles garanties aux enregistrements avec réservation de la dénomination risque non seulement de réduire de manière significative le nombre d'enregistrements mais aussi d'éliminer un instrument qui favorise la diversité et celui qui choisit de produire un aliment donné dans le respect de la tradition. Le CESE propose à cet égard qu'à l'issue de la période transitoire, la Commission présente un système permettant le maintien des spécialités traditionnelles garanties enregistrées sans dénomination réservée avant l'entrée en vigueur du règlement à l'examen.

1.6   Quant aux mentions de qualité facultatives, le CESE demande que l'on puisse reconsidérer l'option d'inclure et de reconnaître les produits de montagne (2).

1.7   La notion de qualité devrait encore être élargie à l'avenir: il devrait être possible au consommateur, comme c'est déjà le cas pour les œufs, de mieux faire la distinction entre les différentes formes d'élevage des animaux. En outre, les publicités suggestives sur les emballages (images de vaches en train de paître, indications du type «Lait des Alpes») devraient correspondre au contenu du produit. Le CESE attend à cet égard des propositions concrètes de la Commission.

1.8   Le CESE encourage la Commission à proposer des mesures de suivi opportunes en vue de faciliter le respect des exigences techniques découlant de la participation aux systèmes de qualité de l'Union.

1.9   Concernant la possibilité que prévoit la Commission d'établir des règles supplémentaires concernant le contenu du cahier des charges pour l'adoption d'une AOP ou d'une IGP, ainsi qu'en ce qui concerne les mentions de qualité facultatives, le CESE est d'accord avec le fait qu'il conviendrait d'établir ces règles au moyen d'actes délégués.

1.10   Quant à l'indication du lieu de production et/ou d'origine des produits agricoles et d'élevage prévue dans les normes de commercialisation, le CESE demande que l'analyse des coûts et bénéfices soit spécifiée dans les évaluations d'impact prévues pour chaque cas. D'autre part, l'obligation d'indiquer l'origine de certains produits agroalimentaires est également étudiée dans le cadre de la proposition de règlement relative à l'information des consommateurs. Les derniers documents à ce sujet reconnaissent la nécessité d'une étude d'impact au cas par cas. Le CESE demande de poursuivre les efforts en vue de définir et garantir la cohérence entre ces deux paquets législatifs, en évitant les chevauchements possibles entre ceux-ci.

1.11   S'agissant des lignes directrices sur l'étiquetage des denrées alimentaires utilisant des appellations d'origine protégée (AOP) et des indications géographiques protégées (IGP) comme ingrédients et des meilleures pratiques applicables aux systèmes volontaires de certification, le CESE souligne l'importance de ces initiatives et invite à promouvoir leur mise en œuvre.

2.   Synthèse de la communication

2.1   Le paquet «qualité» vise à améliorer la législation de l'Union européenne dans le domaine de la qualité des produits agricoles, ainsi que le fonctionnement des systèmes de certification nationaux et privés en vue de les rendre plus simples, plus transparents, plus compréhensibles, plus adaptables à l'innovation et moins contraignants pour les producteurs et les autorités administratives.

2.2   En 2009, la Commission a publié la communication COM(2009) 234 sur la politique de qualité des produits agricoles, dont les orientations stratégiques étaient les suivantes:

améliorer la communication entre les agriculteurs, les acheteurs et les consommateurs sur la qualité des produits agricoles;

renforcer la cohérence des instruments de l'UE existants en matière de politique de qualité des produits agricoles et

réduire la complexité pour faire en sorte qu'il soit plus facile pour les agriculteurs, les producteurs et les consommateurs d'utiliser et de comprendre les divers systèmes et les différentes mentions d'étiquetage.

2.3   Le paquet «qualité» comprend:

2.3.1

une proposition de règlement qui simplifie la gestion des systèmes de qualité en les fusionnant en un instrument réglementaire unique. Ce règlement garantit la cohérence entre les différents instruments et rend les systèmes plus compréhensibles pour les parties concernées;

2.3.2

une proposition de règlement relatif aux normes de commercialisation, qui accroît la transparence et simplifie les procédures applicables;

2.3.3

des orientations relatives aux meilleures pratiques applicables aux systèmes volontaires de certification des produits agricoles et des denrées alimentaires;

2.3.4

des lignes directrices sur l'étiquetage des denrées alimentaires utilisant des appellations d'origine protégée (AOP) et des indications géographiques protégées (IGP) comme ingrédients;

2.4   Appellations d'origine et indications géographiques:

La proposition maintient et renforce le système de qualité applicable aux produits agricoles et aux denrées alimentaires sans préjudice des systèmes relatifs aux indications géographiques des vins, des vins aromatisés et des spiritueux. En outre, la procédure actuelle d'enregistrement raccourcit les délais impartis, une série de règles minimales communes applicables aux contrôles officiels sont établies et le champ d'application du règlement (produits de consommation humaine et autres) est maintenu.

2.5   Spécialités traditionnelles garanties:

Le système de réservation des dénominations est maintenu mais la possibilité d'enregistrer des dénominations sans réservation est supprimée. Le système d'enregistrement est simplifié, le critère de la tradition est étendu à cinquante ans et le système est limité aux plats cuisinés et aux produits transformés.

2.6   Mentions de qualité facultatives:

Il est proposé d'inclure ces termes dans le règlement pour mettre en avant les propriétés conférant une valeur ajoutée au produit et appuyer des normes de commercialisation spécifiques (poulet fermier élevé en liberté, miel d'origine florale, huile d'olive de première pression à froid), en s'adaptant au cadre législatif du traité sur le fonctionnement de l'UE.

2.7   Normes de commercialisation:

La proposition prévoit comme règle générale que la Commission adopte les normes de commercialisation au moyen d'actes délégués. Une base juridique pour l'obligation de mention sur l'étiquetage du lieu de production est introduite pour tous les secteurs, conformément aux spécificités de chaque secteur. Une analyse au cas par cas sera effectuée, en commençant par le secteur laitier.

2.8   Principe de subsidiarité:

Ce principe est établi afin de garantir que les dénominations et les mentions à valeur ajoutée des systèmes jouissent du même niveau de protection dans tous les États membres de l'UE, pour éviter d'induire les consommateurs en erreur ou d'entraver le commerce au sein de l'Union. La détermination effective et efficace de ces droits interviendra au niveau de l'UE. Par contre, le traitement et l'analyse des demandes seront effectués au niveau national car c'est à ce niveau qu'ils peuvent intervenir avec un maximum d'efficacité et d'effectivité.

2.9   Principe de proportionnalité:

Afin d'asseoir la fiabilité des systèmes de qualité et le respect effectif de leurs conditions, les producteurs doivent assumer les charges et l'engagement de qualité des systèmes tout en ayant le droit d'accéder au système de leur choix. Les conditions de participation et de contrôle sont proportionnées à la garantie de qualité correspondante.

3.   Observations générales

3.1   Le paquet «qualité» établit, pour la première fois, une politique globale concernant les systèmes communautaires et les termes de qualité générateurs de valeur ajoutée des produits agricoles, ainsi que les normes de commercialisation. Il inclut également des orientations relatives aux systèmes volontaires de certification et des lignes directrices concernant l'utilisation d'AOP/IGP comme ingrédients. Le CESE salue les efforts consentis par la Commission ces trois dernières années pour créer cet ambitieux système unique à partir des nombreux textes législatifs en vigueur, qui ont été élaborés d'une manière fragmentaire, secteur par secteur.

3.2   La Commission défend l'idée que la force de la production agroalimentaire européenne réside dans sa diversité, le savoir-faire des producteurs ainsi que la terre et les territoires de production. Le CESE accueille avec satisfaction cet argument. Il soutient également l'idée que les systèmes de qualité communautaires promeuvent la diversification de la production, protègent contre l'usage abusif ou l'imitation des produits et aident le consommateur à prendre connaissance des propriétés et des attributs des produits. Le CESE soutient l'approche selon laquelle les divers systèmes de qualité sont d'excellentes initiatives pour promouvoir les produits européens. Toutefois, il rappelle l'importance d'une reconnaissance internationale des qualités de ces produits. La prise de conscience de la qualité européenne au sein du marché intérieur ne suffit pas pour que l'agriculture et l'industrie de la transformation alimentaire de l'UE puissent se maintenir et se développer. Il est essentiel de l'encourager aussi dans les marchés tiers. Dans cet esprit, le CESE souligne l'importance de défendre le modèle de production européen et la nécessité d'appliquer les mêmes conditions à la commercialisation des produits de l'UE et de ceux en provenance de pays tiers en termes de qualité, de santé, d'environnement et de bien-être animal, comme l'a reconnu la présidence du Conseil dans ses conclusions concernant la communication de la Commission européenne sur la PAC à l'horizon 2020.

3.3   Les systèmes de qualité des produits agricoles offrent une valeur ajoutée à la région de production, contribuant au défi de maintenir la diversité et de renforcer la compétitivité des activités agricoles et de transformation. Ils encouragent dès lors la réalisation des objectifs des politiques de développement rural, contenus dans la communication de la Commission intitulée «La PAC à l'horizon 2020» (COM(2010) 672). Le CESE se félicite de la cohérence entre ces deux politiques et appelle également à la cohérence de ce règlement sur les systèmes de qualité des produits agricoles avec les priorités d'autres politiques telles que la stratégie Europe 2020 (création de valeur, promotion de l'innovation, amélioration de la compétitivité de la production, respect de l'environnement, utilisation efficace des ressources, etc.). Par ailleurs, il demande que le règlement soit sensible aux défis du marché unique (croissance forte, durable et équitable des entreprises et meilleur fonctionnement du marché intérieur), et cohérent avec les objectifs des politiques concernant la protection et l'information des consommateurs, la concurrence et le marché extérieur.

3.4   S'agissant des lignes directrices sur l'étiquetage des denrées alimentaires utilisant des AOP et des IGP comme ingrédients (JO 2010/C 341/03), le CESE met en avant l'importance de cette initiative et appelle à promouvoir son application.

3.5   Le Comité accueille également avec satisfaction la proposition de la Commission concernant les orientations relatives aux meilleures pratiques applicables aux systèmes volontaires de certification (JO 2010/C 341/04). Ces dernières années, l'on a assisté à une augmentation de la vente de produits agricoles sous étiquetages non réglementaires, ce qui a amené à introduire des exigences éthiques, sociales et environnementales. De même, et comme l'indique la Commission, plus de fiabilité, de transparence et de clarté est également de mise en ce qui concerne les accords relatifs à la chaîne d'approvisionnement. Le Comité a demandé à la Commission d'élaborer ces orientations (3) et appelle en conséquence toutes les organisations appliquant actuellement des systèmes de certification des produits agricoles à revoir leurs procédures afin d'atteindre un haut degré de conformité avec les orientations relatives aux meilleures pratiques.

4.   Observations particulières

4.1   Appellations d'origine protégées (AOP) et indications géographiques protégées (IGP)

4.1.1   Le CESE constate avec satisfaction le maintien des deux systèmes de qualité, mais déplore que la nouvelle définition proposée ne conserve pas la référence aux trois phases de production (production agricole/élevage, transformation, conditionnement).

4.1.2   Le CESE reconnaît la contribution de ces produits agricoles à la préservation des méthodes traditionnelles de production, ainsi qu'à la protection de l'environnement, au bénéfice non seulement des producteurs et des transformateurs, mais également des consommateurs. La reconnaissance de ces systèmes de qualité concourt également au développement rural de la région concernée en enracinant la population dans le territoire, en améliorant ses conditions et sa qualité de vie, en développant et en promouvant les possibilités d'emploi et l'entrepreneuriat, tout en favorisant une utilisation profitable des ressources naturelles.

4.1.3   Pour pouvoir adopter une AOP ou une IGP, les producteurs doivent respecter un cahier des charges. Selon la proposition et pour garantir que ce cahier des charges fournisse des informations succinctes et appropriées, la Commission peut, au moyen d'actes délégués, établir des règles supplémentaires. S'agissant des indications géographiques protégées, le CESE est d'avis que lorsque le lieu de production du produit agricole utilisé est différent du lieu d'origine de la denrée alimentaire transformée, cela doit être indiqué sur l'étiquette.

4.1.4   Le CESE soutient et approuve le fait que ce soient les États membres qui prennent les dispositions administratives ou judiciaires appropriées pour prévenir ou éviter l'utilisation illégale d'AOP ou d'IGP, ce également à la demande d'un groupement de producteurs.

4.2   Spécialités traditionnelles garanties

4.2.1   Le CESE accueille favorablement le maintien des spécialités traditionnelles garanties comme un des systèmes de qualité pour certains produits, car elles constituent l'unique forme de reconnaissance de produits originaires d'un État membre et relevant de sa tradition.

4.2.2   Concernant les conditions requises pour la certification d'un produit en tant que spécialité traditionnelle garantie, le CESE considère que la limitation du régime des spécialités traditionnelles garanties aux enregistrements avec réservation de la dénomination pourrait non seulement réduire de manière significative le nombre des enregistrements mais aussi éliminer un instrument qui favorise la diversité et celui qui choisit de produire un aliment donné dans le respect de la tradition. À cet égard, le CESE suggère qu'à l'expiration de la période transitoire, la Commission propose un système qui permette le maintien des spécialités traditionnelles garanties enregistrées sans réservation de la dénomination avant l'entrée en vigueur du règlement à l'examen. Par ailleurs, le caractère traditionnel d'un produit donné doit être fonction non seulement de ses antécédents historiques, conformément à la proposition, mais aussi d'autres paramètres tels que les caractéristiques de la matière première, du mode de production ou de transformation, la culture locale, ainsi que d'autres qualités et critères. Le CESE propose en conséquence qu'un nombre d'années donné ne soit pas le seul paramètre retenu pour l'identification d'un produit comme spécialité traditionnelle garantie.

4.3   Mentions et symboles du système de qualité et rôle des producteurs

4.3.1   La proposition de règlement prévoit que les groupements de producteurs soient habilités à contribuer à garantir la qualité de leurs produits sur le marché, à mettre en place des activités d'information et de promotion, à garantir la conformité d'un produit à son cahier des charges et à prendre des mesures pour améliorer la performance du système. Le CESE accueille avec satisfaction et soutient cette amélioration du système qui vient renforcer et clarifier le rôle de ces groupements. Il prône une participation accrue desdits groupements tant à la gestion de l'offre sur le marché qu'à l'utilisation des DOP et des IGP comme ingrédients. Toutefois, il demande que cette habilitation ne se fasse pas au détriment des dispositions spécifiques établies dans le règlement (CE) no 1234/2007 pour les organisations de producteurs et les organisations interprofessionnelles. D'autre part, le CESE est satisfait de ce que les opérateurs qui préparent, stockent et commercialisent une appellation d'origine protégée, une indication géographique protégée ou une spécialité traditionnelle, soient également soumis au système de contrôle officiel.

4.4   Autres indications concernant une politique de qualité plus large

4.4.1   Le CESE est d'avis qu'en matière de «qualité», il conviendrait à l'avenir de donner également des informations plus concrètes, par exemple, sur les conditions d'élevage des animaux (élevage en plein air, élevage au foin, etc.). Cette différenciation semble appropriée pour permettre au consommateur de mieux faire la distinction entre différentes formes de production; elle apparaît aussi nécessaire pour discerner les formes de production industrielles de la production fermière. Citons à titre d'exemple positif la récente adoption de mesures d'étiquetage des œufs; la Commission est invitée à élaborer des propositions pour d'autres domaines de l'élevage des animaux.

4.4.2   En outre, il est toujours possible actuellement de faire figurer sur l'emballage des indications suggérant au consommateur une certaine forme de qualité, qui n'est pas nécessairement présente dans le produit. Ainsi, l'on peut voir sur un emballage de lait des images de vaches en train de paître, sans garantie que le lait provient d'animaux élevés en plein air, ou un lait peut être commercialisé sous l'appellation «Lait des Alpes», alors qu'il n'a pas nécessairement été produit dans les Alpes, mais en Hongrie, par exemple. Cela s'applique également au «Jambon de la Forêt-Noire», pour lequel seul le processus de fumage a encore lieu dans la région, la viande étant produite ailleurs. Le CESE considère qu'il s'agit d'une tromperie, d'une allégation mensongère concernant une qualité qui n'existe pas, dupant le consommateur. Les propositions de la Commission devraient contenir des indications claires sur la manière dont il doit être mis fin à de telles pratiques.

4.5   Procédure de demande et d'enregistrement

4.5.1   La Commission présente des propositions pour raccourcir la procédure d'enregistrement, qui sont susceptibles, de l'avis du CESE, d'apporter des améliorations. S'agissant toutefois de la suppression de la publication mensuelle des demandes, le CESE demande que l'on considère la possibilité de maintenir cette publication mensuelle de manière à faciliter le suivi des demandes, compte tenu en outre du fait qu'il est proposé de ramener à deux mois seulement le délai d'opposition prévu.

4.5.2   D'autre part, en ce qui concerne la garantie que les dénominations génériques ne puissent pas être enregistrées en tant qu'AOP ou IGP, le CESE considère qu'il conviendrait d'étayer la proposition par une évaluation menée au niveau national et à celui de l'UE.

Bruxelles, le 5 mai 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 18 du 19.01.2011, pp. 1-4«Renforcer le modèle agroalimentaire européen» et JO C 18 du 19.01.2011, pp. 5-10«Le modèle agricole communautaire: qualité de la production et communication aux consommateurs en tant qu'éléments de compétitivité».

(2)  JO C 120 du 16.05.2008, pp. 47-48, avis sur les «Perspectives d'avenir de l'agriculture dans les zones à handicaps naturels spécifiques (régions de montagne, insulaires et ultrapériphériques».

(3)  JO C 28 du 03.02.2006, pp. 72-81«Commerce éthique et dispositifs visant à apporter une garantie aux consommateurs».


23.7.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 218/118


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les normes de commercialisation»

COM(2010) 738 final — 2010/0354 (COD)

2011/C 218/23

Rapporteur: Antonio POLICA

Le 27 janvier et le 18 janvier 2011, respectivement, le Parlement européen et le Conseil ont décidé, conformément à l'article 43, paragraphe 2 et pour le titre II, également l'article 118, 1er alinéa du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les normes de commercialisation»

COM(2010) 738 final — 2010/0354 (COD).

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 6 avril 2011.

Lors de sa 471e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 4 mai 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 152 voix pour, 5 voix contre et 10 abstentions.

1.   Résumé des observations et recommandations du CESE

1.1   Le CESE salue l'initiative de la Commission européenne consistant à mettre sur pied une politique de qualité des produits agricoles cohérente, qui permette aux agriculteurs de mieux faire connaître les qualités, les caractéristiques et les propriétés de leurs produits et qui garantisse une information adéquate aux consommateurs. En outre, le Comité est convaincu que le paquet «qualité» peut contribuer à augmenter la création d'emplois et les possibilités économiques dans les zones rurales, de manière à enrayer leur dépeuplement, à maintenir les spécificités culturelles, à améliorer le rapport entre l'homme et son environnement et à garantir une gestion plus correcte des ressources naturelles.

1.2   Le Comité est favorable à l'amélioration des systèmes concernant les spécialités agroalimentaires (appellations d'origine, indications géographiques protégées, spécialités traditionnelles garanties) de manière à simplifier et rationaliser leur niveau d'exigence technique et à renforcer le modèle qu'ils représentent. Le Comité espère aussi voir renforcer la protection contre les pratiques commerciales déloyales et estime que l'application généralisée de normes de commercialisation peut contribuer à cette amélioration.

1.3   Le CESE, comme il l'a déjà indiqué dans de précédents avis (1), estime que la traçabilité – c'est-à-dire la possibilité de suivre un produit tout au long de la filière, de la production à la vente – est un instrument important permettant une mise en œuvre efficace de toutes les obligations relatives aux informations requises une fois que des normes de commercialisation spécifiques seront introduites. Il n'estime pas suffisantes les seules mentions figurant sur l'étiquette, mais la possibilité d'un contrôle objectif efficace de celles-ci doit être garantie.

1.4   En plus de veiller à la justesse des informations grâce à des instruments de traçabilité efficaces, il convient également d'améliorer et de garantir l'utilité de ces indications en faisant figurer sur l'étiquette des mentions claires et compréhensibles et en trouvant le juste équilibre entre le droit du consommateur à l'information et la lisibilité matérielle, liée à la taille des caractères imprimés, ce qui permet d'éviter une complexité, une technicité ou une longueur excessives, qui pourraient désorienter le consommateur ou le dissuader de lire l'étiquette.

1.5   Afin de garantir la pertinence et l'efficacité des contrôles, il est recommandé que les factures et, de manière générale, toute la documentation accompagnant les produits, comportent les informations essentielles prévues par les normes de commercialisation du secteur ou produit spécifique. Il y a lieu de prêter une attention particulière aux produits des pays tiers importés dans l'Union, afin de contrecarrer et décourager les pratiques commerciales déloyales (2).

1.6   Les réseaux de points de contrôle, nécessaires pour vérifier la conformité des produits avec les dispositions actuelles et futures et pour appliquer les sanctions administratives appropriées en cas de non-respect des normes de commercialisation, devraient s'accompagner d'efforts et d'initiatives visant à responsabiliser davantage les acteurs du secteur et à consolider la généralisation croissante d'une culture du respect des règles.

1.7   Le Comité comprend que le recours aux actes délégués pour réglementer la matière des normes de commercialisation est conforme à l'approche de simplification réglementaire introduite par le traité de Lisbonne, aux dispositions de l'article 290 du TFUE et à l'approche adoptée jusqu'à présent par la Commission, qui, dans des situations comparables, a été approuvée par le Comité (3). Il est toutefois conseillé d'être particulièrement attentif, lors de l'utilisation de cet instrument, au fait qu'en l'absence de la sélectivité et de la spécificité requises, il pourrait perturber des secteurs faisant déjà l'objet de normes de commercialisation précises, en particulier celui des fruits et légumes frais (4).

1.8   S'agissant des informations à faire figurer obligatoirement sur l'étiquette, il convient certainement d'approuver l'introduction d'une base juridique prévoyant l'obligation, dans tous les secteurs, de mentionner le «lieu de production» (5), car elle répond aux attentes de transparence et d'information des consommateurs et permet d'éviter d'autres références potentiellement trompeuses. Par contre, il semble peu cohérent de prévoir un «niveau géographique pertinent» à déterminer au cas par cas. Il serait préférable, comme l'a déjà souhaité le Comité dans le passé (6), de mentionner sur l'étiquette le «lieu de production», désignant le lieu de culture ou d'élevage, ou bien le pays d'origine du produit agricole non transformé et entrant dans la préparation d'un aliment.

1.9   Le Parlement et le Conseil ont clairement exprimé la volonté de prévoir une réglementation et une protection législative pour les produits essentiels à l'alimentation des citoyens européens: à cet égard, l'Union a déjà pris beaucoup de mesures dans le passé et possède de très vastes compétences techniques et juridiques pour pouvoir le faire encore. En particulier, le Comité s'oppose à l'alignement automatique sur des normes de commercialisation pertinentes adoptées par des organisations internationales (7) en l'absence d'une analyse et d'une évaluation préventives visant à en déterminer l'efficacité et la cohérence avec le nouveau cadre réglementaire.

1.10   Le Comité approuve le principe de proportionnalité évoqué dans le cadre des éléments juridiques de la proposition mais redoute que son application aux mentions de qualité facultatives puisse entraîner des contrôles moins contraignants et faire baisser le niveau de respect des normes. L'objectif à poursuivre devrait être celui de simplification et de réduction de la bureaucratie, tout en maintenant un système approprié de contrôle visant à protéger les consommateurs.

1.11   Les mesures contenues dans la proposition seraient plus efficaces si elles étaient amplement diffusées, adressées aux consommateurs directement et par l'intermédiaire de leurs associations professionnelles. En effet, les médias sont largement utilisés pour stimuler les ventes, mais ne suffisent pas à mieux informer les citoyens de l'Union sur les normes qui les protègent et faire en sorte qu'ils puissent faire des choix plus éclairés au moment de l'achat.

2.   Introduction - le document de la Commission

2.1   Le paquet «qualité» a pour objectif d'améliorer à la fois les dispositions de l'Union européenne dans le domaine de la qualité des produits agricoles et le fonctionnement des systèmes de certification nationaux et privés en vue de les simplifier, d'accroître leur transparence, de faciliter leur compréhension, de les adapter à l'innovation et de les rendre moins contraignants pour les producteurs et les autorités administratives.

2.1.1   Le paquet «qualité» est en harmonie avec les autres politiques de l'Union. La récente communication de la Commission sur la PAC après 2013 a en effet mis en lumière la nécessité de maintenir la diversité des activités agricoles dans les zones rurales et de renforcer la compétitivité. La communication intitulée «Europe 2020: Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive», lorsqu'elle fixe les priorités de l'Union, définit elle aussi comme objectif stratégique l'amélioration de la compétitivité de l'économie, sachant que la qualité est l'un des points forts de la compétitivité de l'agriculture européenne.

2.2   En 2009, la Commission a publié une communication sur la politique de qualité des produits agricoles (COM(2009) 234 final), qui définissait les orientations stratégiques suivantes:

améliorer la communication entre les agriculteurs, les acheteurs et les consommateurs sur les qualités des produits agricoles;

renforcer la cohérence des instruments de l'UE existants en matière de politique de qualité des produits agricoles;

rendre la politique moins complexe en faisant en sorte qu’il soit plus facile pour les agriculteurs, les producteurs et les consommateurs d’utiliser et de comprendre les divers systèmes et les différentes mentions d’étiquetage.

2.3   Le paquet «qualité» comprend:

2.3.1

une proposition de règlement visant à simplifier la gestion des systèmes de qualité en les réunissant en un seul acte législatif. Le règlement garantit la cohérence entre les différents actes et rend les systèmes plus compréhensibles pour les parties concernées;

2.3.2

une proposition de règlement sur les normes de commercialisation visant à accroître la transparence et à simplifier les procédures;

2.3.3

des orientations relatives aux meilleures pratiques pour la mise en place et le fonctionnement des systèmes de certification concernant les produits agricoles et les denrées alimentaires;

2.3.4

des lignes directrices sur l'étiquetage de denrées alimentaires utilisant des ingrédients faisant l'objet d'une appellation d'origine protégée (AOP) et d'une indication géographique protégée (IGP).

2.4   Appellations d’origine et indications géographiques

La proposition maintient et renforce le système de qualité applicable aux produits agricoles et aux denrées alimentaires mais sans y intégrer les systèmes relatifs aux indications géographiques des vins, des boissons aromatisées et des boissons alcoolisées. En outre, elle raccourcit les délais prévus pour la procédure d'enregistrement actuelle, introduit une série de normes minimales communes pour les contrôles officiels et maintient le champ d'application du règlement (produits destinés à la consommation humaine et autres produits).

2.5   Spécialités traditionnelles garanties

La proposition maintient le système de réservation des dénominations, mais supprime la possibilité d'enregistrer des dénominations sans réservation de leur usage. Le système d'enregistrement est simplifié, le critère de la tradition est étendu à 50 ans et le système est limité aux plats cuisinés et aux produits transformés.

2.6   Mentions de qualité facultatives

La proposition vise à inclure dans le règlement les mentions de qualité facultatives, dans la mesure où elles confèrent une valeur ajoutée au produit, et à soutenir certaines normes de commercialisation spécifiques (viande de volaille élevée en liberté, miel d'origine florale, huile d'olive de première pression à froid) par une adaptation au cadre législatif du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

2.7   Normes de commercialisation

La proposition prévoit, comme règle générale, que la Commission adoptera les normes de commercialisation au moyen d'actes délégués. Elle définit, pour tous les secteurs, une base juridique pour l'obligation d'étiquetage du lieu de production, au niveau géographique pertinent, conformément à la spécificité de chaque secteur. Une étude sera menée au cas par cas, à commencer par le secteur du lait.

2.8   La proposition prévoit de confier la supervision de tous les systèmes aux autorités nationales compétentes: la supervision des activités de contrôle des États membres doit en outre être exercée au niveau le plus élevé possible, ou à celui de l'Union, pour assurer la crédibilité de la réglementation relative aux systèmes applicables aux denrées alimentaires dans l'ensemble de l'Union européenne, conformément aux principes fixés dans ledit règlement.

3.   Observations générales

3.1   La proposition de la Commission européenne, qui vise à fournir aux producteurs des instruments appropriés de communication à l'intention des acheteurs et des consommateurs sur les caractéristiques de production et les propriétés des produits tout en les protégeant contre les pratiques commerciales déloyales, constitue une étape importante d'une série de décisions en matière de qualité.

3.2   La traçabilité est un instrument important pour suivre un produit tout au long de la filière, et contribue, parallèlement aux informations figurant sur l'étiquette, à fournir au consommateur des informations claires, complètes et compréhensibles sur le produit commercialisé. L'instrument de traçabilité reposera donc sur l'ensemble des certifications, des enregistrements et de la documentation commerciale attestant des processus et transferts, qui seront conservés par toutes les personnes intervenant dans la filière et présentés sur demande éventuelle des organismes de contrôle.

3.3   La proposition à l'examen prévoit que les États membres procèdent à des contrôles, à partir d'une analyse de risque, pour vérifier la conformité des produits avec les règles actuelles et futures, et qu'ils appliquent les sanctions administratives appropriées. Le Comité recommande de favoriser le maintien d'un réseau de points de contrôle efficace, en augmentant et en faisant appliquer les compétences des autorités nationales respectives chargées du contrôle, qui veillent actuellement au respect des règles de commercialisation dans les secteurs qui les prévoient déjà.

3.4   Parallèlement à cette activité de surveillance au moyen d'un système de contrôles, utilisant également des analyses, des efforts et des initiatives sont recommandés pour responsabiliser davantage les acteurs du secteur et consolider la généralisation croissante d'une culture du respect des règles.

3.5   En ce qui concerne les références au «lieu de production » devant obligatoirement figurer sur l'étiquette, la proposition est beaucoup trop floue, puisqu'elle prévoit la possibilité de déterminer au cas par cas un «niveau géographique approprié». En effet, le maintien de ce paramètre laisserait la porte ouverte aux cas limites des aliments dont l'étiquette mentionnerait uniquement un vague «produit dans l'UE»: cette mention exclurait une provenance de pays tiers, mais ne refléterait certainement pas l'effort louable d'information et de transparence à l'intention des consommateurs dont font preuve les nouvelles normes de commercialisation.

3.6   Le recours généralisé à des actes délégués, tel qu'il est envisagé par la proposition de modification et d'intégration des normes de commercialisation existantes et futures, ne permet pas, pour le moment, une évaluation suffisamment approfondie de la réglementation dans son ensemble. Il est certes positif que l'on ait défini avec précision les contenus généraux des futures normes de commercialisation, établissant jusqu'à présent un cadre de dates, d'informations et d'indications exhaustives de l'ensemble des processus, manipulations et opérations de transport subis par un produit destiné à la vente. Toutefois, en dépit d'une évaluation assurément positive de leur applicabilité, confirmée par les évaluations d'impact effectuées, l'on ne peut encore la confronter à l'évaluation de leur réelle application, ni surtout de leur efficacité, par catégorie comme par produit. Une telle évaluation ne pourra avoir lieu que lorsque les normes seront appliquées concrètement.

3.7   Les propositions contenues dans le paquet «qualité» s'inscrivent dans le cadre d'un projet unique de qualité intégrale, ce qui signifie que les divers instruments doivent être considérés comme complémentaires et devraient opérer en totale synergie. Il sera pourtant nécessaire de veiller à ce que toute modification apportée à l'un de ces instruments n'entraîne pas de répercussion négative ou indésirable sur les autres.

4.   Observations spécifiques

4.1   En ce qui concerne la réalisation de l'objectif de la politique de qualité, les dispositions de l'article 112 ter, paragraphe 3 ne semblent pas cohérentes: elle prévoient en effet qu'un produit est considéré comme conforme à la norme générale de commercialisation s'il est destiné à être commercialisé conformément à une norme applicable, le cas échéant, adoptée par l'une des organisations internationales incluses dans la liste figurant à l'annexe XII ter. Le Comité s'oppose par conséquent à une telle disposition, qui ne permet aucun examen effectif de la conformité substantielle à l'égard des normes de commercialisation, générales et spécifiques, jugées essentielles pour la protection des citoyens européens et de la concurrence.

4.2   Les dérogations prévues par l'article 112 duodecies ne semblent pas s'accompagner d'explications suffisantes au sujet des motifs justifiant que les autorités nationales pourraient bénéficier d'une dérogation ou laisser en vigueur des dispositions nationales, avec une référence particulière aux matières grasses tartinables et aux pratiques œnologiques. Cependant, dans le cas où la raison invoquée serait celle de légitimer une pratique existante, dans le but d'empêcher la prolifération de régimes ultérieurs dérogeant aux nouvelles normes de commercialisation, le Comité est en accord avec ce choix, mais il demande qu'une explication figure dans le texte de la proposition afin de clarifier les choses, et pour confirmer cette interprétation.

4.3   La proposition du Parlement et du Conseil visant à modifier le règlement (CE) no 1234/2007 prévoit des règles qui permettent à la Commission d'adopter, en utilisant l'instrument de loi que sont les actes délégués, des normes de commercialisation spécifiques pour tous les produits cités à l'Annexe I de la proposition à l'examen, à l'exception de l'alcool éthylique d'origine agricole. Il est conseillé d'être particulièrement attentif, lors de l'utilisation de ces actes délégués, au fait qu'en l'absence de la spécificité requise, ils pourraient perturber des secteurs faisant déjà l'objet de normes de commercialisation précises, en particulier celui des fruits et légumes frais.

4.4   Il apparaît enfin que, étant donné la complexité des suppressions et des remplacements apportés au règlement (CE) no 1234/2007 original, il en est rendu compte avec une précision particulière, facilitant ainsi sa lecture et sa compréhension par les utilisateurs finaux, en premier lieu les producteurs et les consommateurs, et contribuant de cette façon à son application correcte et uniforme.

Bruxelles, le 4 mai 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 18 du 19.1.2011, pp. 5-10, «Le modèle agricole communautaire: qualité de la production et communication aux consommateurs en tant qu'éléments de compétitivité».

(2)  JO C 100 du 30.4.2009, pp. 60-64, «La sécurité sanitaire des importations agricoles et alimentaires».

(3)  NAT/489 – «Soutien au développement rural par le FEADER - Régimes de soutien direct dans le cadre de la PAC».

(4)  Règlement (CE) no 1580/2007 tel que modifié par le règlement (CE) no 1221/2008 de la Commission.

(5)  COM(2010) 738 final – Art. 112 sexies par. 3 c).

(6)  Cf. CESE 1519/2008 par. 1.3 et NAT/449 par. 5.5.18, JO C 354 du 28.12.2010, pp. 35.

(7)  COM(2010) 738 final – Art. 112 ter par. 3 et annexe XII ter.


23.7.2011   

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C 218/122


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques»

COM(2010) 759 final — 2010/0364 (COD)

2011/C 218/24

Rapporteur: M. Richard ADAMS

Le Conseil, le 27 janvier 2011, et le Parlement européen, le 18 janvier 2011, ont décidé, conformément à l'article 43 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), de consulter le Comité économique et social européen sur la

Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques

COM(2010) 759 final — 2010/0364 (COD).

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 6 avril 2011.

Lors de sa 471e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 4 mai 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 156 voix pour, 6 voix contre et 10 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE se réjouit que la Commission tire parti de la révision des règlements affectés par le traité de Lisbonne pour y introduire des mesures de simplification. Néanmoins, celles-ci concernent principalement l'administration alors qu'il demeure nécessaire de procéder à une simplification générale des règlements pour les agriculteurs et les producteurs biologiques;

1.2

Le Comité souligne qu'il a formulé des observations détaillées sur les conséquences d'un alignement des compétences déléguées et d'exécution de la Commission dans son avis récemment publié sur «le soutien au développement rural par le FEADER», CESE 357/2011, dans lequel il approuve l'approche adoptée par la Commission vis-à-vis de ces compétences;

1.3

Le Comité estime qu'il convient de maintenir le rôle des groupes qui conseillent la Commission pour les actes d'exécution, notamment la contribution des ONG et des parties prenantes;

1.4

Le Comité propose que le nouveau logo biologique de l'UE se distingue par une autre couleur lorsqu'il s'applique à des produits biologiques originaires de pays tiers;

2.   Contexte de l'avis

2.1

Le présent avis examine le document COM(2010) 759 dans lequel la Commission soumet une proposition de règlement modifiant le règlement (CE) no 834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques. Cette proposition a pour objet d'appliquer aux compétences d’exécution de la Commission prévues par le règlement (CE) no 834/2007 du Conseil sur le même sujet la distinction introduite par les articles 290 et 291 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) entre les compétences déléguées et les compétences d’exécution de la Commission;

2.2

Les articles 290 et 291 du TFUE modifient les procédures de décision entre la Commission européenne, le Conseil et le Parlement européen en ce qui concerne les conditions d'exécution des actes législatifs de l'UE;

2.3

La majeure partie du règlement concerne des modifications mineures du règlement précédent sur l'étiquetage biologique et introduit notamment sept nouveaux articles (38 bis à 38 octies). Ces derniers établissent des «» dans le cadre des compétences déléguées;

2.4

Les éléments spécifiques concernés sont les règles de production, telles les exigences à respecter par les opérateurs et l'autorisation des produits et des substances; le logo biologique de l'UE; les questions relatives au système de contrôle, par exemple l'audit des organismes et autorités de contrôle;

3.   Observations spécifiques

3.1

Bien que le règlement à l'examen soit de portée limitée et de nature largement technique, une brève explication s'impose pour comprendre la situation actuelle de la production biologique en tant qu'élément de la PAC. Le concept d'agriculture «biologique» n'a été défini que lorsque les systèmes agricoles traditionnels ont été largement remplacés par des méthodes d'exploitation modernes. L'on considère à présent qu'il s'agit d'une forme d'agriculture reposant principalement sur la rotation des cultures, l'engrais vert, le compostage, la lutte antiparasitaire biologique pour maintenir la productivité des sols et lutter contre les parasites. Elle exclut ou limite strictement l'utilisation d'engrais chimiques, de pesticides (qui comprennent les herbicides, les insecticides et les fongicides), de régulateurs de croissance des végétaux (comme les hormones), d'antibiotiques pour le bétail, d'additifs alimentaires et d'organismes génétiquement modifiés;

3.2

Les modèles de production biologique sont ancrés dans des principes écologiques, des traditions locales, régionales et nationales et, dans une certaine mesure, des valeurs philosophiques. Des approches très différentes se sont dès lors développées dans toute l'Europe. Au début des années soixante-dix, en réponse à l'européanisation ainsi qu'à une demande et un intérêt croissants, les nombreuses organisations nationales volontaires de contrôle des produits biologiques ont commencé à rechercher une base commune. Dans les années quatre-vingt, pour prendre en compte les exigences des consommateurs, des cultivateurs, des transformateurs et des détaillants, la Commission a commencé à harmoniser les règles de production biologique dans le cadre de la PAC, ce qui a mené à l'élaboration des règlements sur les productions agricoles (1991) (1) et les productions animales (1999) (2);

3.3

Toutefois, compte tenu des variations continues de la philosophie et de l'approche en matière d'agriculture biologique, et de l'apparition des producteurs mondiaux, les règlements de l'UE ont dû être constamment adaptés, modifiés et développés (3). L'adoption, en 2010, d'un nouveau règlement relatif au logo de production biologique de l'UE (4) en constitue l'exemple le plus récent;

3.4

À l'heure actuelle, les règlements de production biologique fournissent des normes de base unifiées pour l'ensemble des opérateurs. Si l'on considère que presque 5 % des terres agricoles de l'UE sont exploitées pour la production biologique et que les ventes de produits certifiés biologiques s'élèvent à 18 milliards d'euros (5), l'agriculture biologique représente une importante part de marché. Des labels privés officiels d'organismes de contrôle nationaux reconnus peuvent figurer à côté du label UE, informant les consommateurs que les produits satisfont à des critères supplémentaires. Le Comité constate que les modifications proposées par le règlement à l'étude et visant à simplifier la législation sont de portée limitée et de nature technique;

3.5

Le Comité a déjà exprimé son point de vue détaillé sur les incidences plus profondes des articles 290 et 291 dans son avis récemment publié sur «le soutien au développement rural par le FEADER», CESE 357/2011;

3.6

Dans le cas présent, et dans le cadre d'un processus continu de consolidation de la réglementation sur les produits biologiques, le Comité approuve l'approche adoptée par la Commission dans sa proposition de règlement vis-à-vis des compétences déléguées et d'exécution. Le Comité souhaite néanmoins formuler les observations suivantes;

3.7

Le Comité estime qu'il convient de maintenir le rôle des groupes qui conseillent la Commission pour les actes d'exécution, notamment la contribution des ONG et des parties prenantes. La production et la commercialisation de produits biologique restent des secteurs complexes qui ont tout à gagner d'une vaste représentation des intérêts exprimés;

3.8

Le nouveau logo biologique de l'UE deviendra obligatoire l'année prochaine. Il y a lieu de réexaminer la proposition visant à étendre son utilisation aux produits des pays tiers dans des conditions contrôlées et d'envisager la possibilité de créer un logo légèrement différent, se distinguant peut-être par la couleur, pour indiquer qu'un produit est originaire d'un pays tiers.

Bruxelles, le 4 mai 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Règlement (CEE) no 2092/91.

(2)  Règlement (CEE) no 1804/99.

(3)  La Fédération internationale des mouvements d'agriculture biologique (IFOAM) compte plus de 750 membres dans 115 pays.

(4)  Règlement (UE) 271/2010 de la Commission.

(5)  Chiffres de 2009.


23.7.2011   

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C 218/124


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement (UE) no …/… du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil relatif au financement de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CE) no 165/94 et (CE) no 78/2008 du Conseil»

COM(2010) 745 final — 2010/0365 COD

2011/C 218/25

Rapporteur: Seppo KALLIO

Le 18 janvier 2011, le Conseil de l'Union européenne et le Parlement européen ont décidé, conformément aux articles 42, 43, paragraphe 2, et 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Proposition de règlement (UE) no …/… du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil relatif au financement de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CE) no 165/94 et (CE) no 78/2008 du Conseil»

COM(2010) 745 final — 2010/0365 COD.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 6 avril 2011.

Lors de sa 471e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 4 mai 2011), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 150 voix pour, 6 voix contre et 9 abstentions

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité économique et social européen (CESE) souligne que la politique agricole commune européenne et sa bonne gestion sont importantes pour l'ensemble de la chaîne alimentaire et pour les exploitants agricoles. Les agriculteurs sont très souvent soumis par la PAC à des procédures administratives lourdes et complexes. La proposition de réforme et de simplification de la PAC se justifie pour autant qu'elle accroisse l'efficacité administrative et améliore les possibilités d'action des autorités.

1.2

Le CESE attire tout particulièrement l'attention sur le fait que certaines des nouvelles compétences pourraient mettre à charge des États membres des dépenses administratives plus élevées liées aux activités des organismes payeurs et de certification. Il convient de prévenir ce problème lors de la mise en œuvre de la proposition.

1.3

Le CESE estime que des explications complémentaires devraient être fournies sur l'étendue des compétences à octroyer pour l'adoption des actes délégués. Les propositions correspondantes doivent être formulées de manière plus claire et plus précise que ce n'est le cas dans la proposition de la Commission.

1.4

Le CESE juge important qu'une réglementation de base définisse toutes les règles essentielles qui permettent de donner une forme concrète aux principes fondamentaux de la politique agricole. Des compétences relatives à d'autres aspects peuvent être transférées à la Commission. La portée des pouvoirs d'exécution en matière de politique agricole doit être largement étendue de manière à permettre une gestion efficace.

1.5

Le CESE considère qu'il est essentiel que la Commission prévoie une vaste consultation des experts des États membres lorsqu'elle adopte des actes délégués. Un processus de consultation large et ouvert est de nature à réduire l'incertitude et la confusion qui sont apparues durant la préparation de la réforme. Les États membres doivent disposer de possibilités suffisantes de faire entendre leurs voix au moment de l'élaboration des dispositions concrètes.

1.6

Le CESE attend des amendements proposés qu'ils améliorent le financement et la gestion de la politique agricole de l'UE, tout en conduisant à une simplification, ainsi qu'à une réduction de la bureaucratie. Il est regrettable que, sans l'aide d'un expert, il soit réellement difficile de comprendre et d'interpréter la réglementation financière en cause. C'est pourquoi il importe de poursuivre et d'accélérer le processus de simplification.

2.   Observations générales

2.1

L'article 290 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) dispose qu'un acte législatif peut déléguer à la Commission le pouvoir d'adopter des actes non législatifs de portée générale qui complètent ou modifient certains éléments non essentiels de l'acte législatif.

2.2

En vertu de l'article 291 du TFUE, lorsque des conditions uniformes d'exécution des actes juridiquement contraignants de l'Union sont nécessaires, un acte législatif confère des compétences d'exécution à la Commission afin d'adopter des actes d'exécution.

2.3

La proposition de la Commission vise à donner à la Commission, sur la base d'un acte législatif, le pouvoir d'adopter des actes délégués (article 290 du TFUE) ou des actes d'exécution (article 291 du TFUE) dans certains domaines. S'agissant des pouvoirs délégués, la compétence de la Commission dans chaque matière spécifique est déterminée dans la réglementation législative de base. La Commission consulte des experts des États membres lorsqu'elle adopte des actes délégués, mais sans recourir à la «procédure de comitologie» dans ces matières. Par contre, la Commission applique la procédure de comitologie pour l'adoption des actes d'exécution, ce qui offre l'occasion aux experts des États membres de formuler des commentaires et de se prononcer formellement sur la législation proposée.

2.4

La proposition vise également à simplifier les procédures en abrogeant deux règlements du Conseil. Les dispositions réglementaires en question seraient transférées dans le règlement proposé. En outre, la proposition vise à réduire la charge administrative supportée par les États au moyen d'une simplification des procédures de recouvrement.

3.   Observations particulières

3.1

Traditionnellement, la Commission dispose de pouvoirs étendus dans le domaine de la politique agricole. La Commission propose aujourd'hui que certaines règles de surveillance et de gestion, ainsi que certaines obligations spécifiques soient adoptées sous la forme d'actes délégués. Des difficultés occasionnelles se sont déjà présentées en ce qui concerne l'interprétation et l'application à l'échelon national des systèmes de paiement, de comptabilité et de surveillance des aides agricoles existantes. Il y a lieu de se demander si les actes délégués créent des conditions plus appropriées pour la gestion financière. Il existe également un risque que l'introduction d'actes délégués mette à charge des États membres des coûts plus élevés de gestion et de contrôle des aides.

3.2

La proposition de la Commission contient plus d'une dizaine de dispositions habilitant la Commission à adopter des actes délégués. Ces compétences concernent notamment les obligations des organismes payeurs et les procédures d'adoption, la désignation des organismes de certification, la bonne gestion des crédits, ainsi que la publication d'informations sur les aides. La nature exacte des pouvoirs délégués et la portée du mandat donné à la Commission soulèvent plusieurs questions. Les compétences proposées apparaissent trop vastes et trop générales.

3.3

Il est nécessaire en particulier de formuler de manière plus précise les obligations des organismes de certification, car la proposition ne peut pas entraîner un élargissement de leur mandat.

3.4

La proposition contient également de nouveaux points relatifs à des compétences en matière d'adoption d'actes d'exécution. Celles-ci concernent la discipline budgétaire, les règles de présentation des documents à la Commission et l'apurement des comptes. La finalité de ces compétences apparaît mieux définie que dans le cas des actes délégués.

Bruxelles, le 4 mai 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


23.7.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 218/126


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n 485/2008 du Conseil relatif aux contrôles, par les États membres, des opérations faisant partie du système de financement par le Fonds européen agricole de garantie»

COM(2010) 761 final — 2010/0366 (COD)

2011/C 218/26

Rapporteur unique: M. Nikolaos LIOLIOS

Le 1er février et le 18 janvier 2011, le Conseil et le Parlement européen ont respectivement, décidé, conformément aux articles 42, 43, paragraphe 2, et 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 485/2008 du Conseil relative aux contrôles, par les États membres, des opérations faisant partie du système de financement par le Fonds européen agricole de garantie»

COM(2010) 761 final — 2010/0366 (COD).

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 6 avril 2011.

Lors de sa 471 e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 4 mai 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 149 voix pour, 3 voix contre et 13 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Dans le but d'harmoniser avec le traité de Lisbonne le règlement (CE) no 485/2008 du Conseil sur les contrôles, par les États membres, des actes qui constituent une part du système de financement par le Fonds européen agricole de garantie, il est proposé d'adapter les compétences d'exécution de la Commission prévues par le règlement 485/2008 à la distinction que les articles 290 et 291 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) introduisent entre compétences déléguées et compétences d’exécution de la Commission.

1.2

Le Comité prend position pour que lors de l'établissement des actes de l'Union européenne, il soit fait recours aux procédures de consultation des parties intéressées et que l'on s'emploie à obtenir une expertise et à l'utiliser.

1.3

S'agissant de l'harmonisation du règlement 485/2008 avec l'article 290 du TFUE, le CESE estime que la proposition de la Commission reste dans les limites fondamentales de la délégation de pouvoirs, telles que formulées par le législateur à l'article 290, paragraphe 1, second alinéa, du TFUE. La proposition de la Commission relative au nouveau contenu de l'article 1, paragraphe 2, deuxième phrase du règlement proposé délimite clairement les objectifs, le contenu et l'étendue de la délégation de pouvoir.

1.4

En revanche, le CESE n'estime pas que la Commission respecte les critères temporels de la délégation de pouvoir tels que définis par le législateur à l'article 290, paragraphe 1, second alinéa du TFUE. Telle que formulée à l'article 13 bis du nouveau règlement proposé, la proposition de la Commission selon laquelle le pouvoir d'adopter les actes délégués lui est conféré pour une période indéterminée dépasse la prescription du législateur concernant la délimitation explicite de la durée qu'aura la délégation de pouvoirs, est en contradiction avec le principe de proportionnalité et suscite des interrogations concernant le principe de légitimité. Le CESE estime que la durée de délégation de pouvoirs à la Commission doit être clairement déterminée, pour un laps de temps précis.

1.5

Le CESE accepte que le délai le dans lequel le Parlement européen et le Conseil peuvent formuler des objections à l’égard de l’acte délégué, délai qui était de trois mois dans le système précédent, soit ramené à deux mois à condition que sa prolongation éventuelle soit portée à deux mois.

1.6

Le CESE émet des réserves quant à l'appréciation portée sur les dispositions touchant aux pouvoirs d'exécution de la Commission, telle qu'elle figure à l'article 13 quinquies qui est proposé. Cet article renvoie au règlement 1290/2005, (1) lequel est en phase de modification (2). Le règlement modifié 1290/2005 revêt certes une portée exceptionnelle pour le règlement 485/2008 mais nous n'en connaissons pas la teneur (3). Étant donné que l'article afférent du règlement modifié 1290/2005 renvoie à son tour à la nouvelle procédure de comitologie telle que prévue dans le nouveau règlement (UE) 182/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission (4) et dans la mesure où cette nouvelle procédure simplifie le régime en vigueur jusqu'alors, le CESE estime cependant que le nouvel article 13 quinquies qui est proposé ne pose pas de problème de mise en œuvre.

2.   Cadre général de l'avis

2.1

Dans la proposition de modification du règlement concerné, la Commission soutient que les pouvoirs d'exécution dont elle jouit aux termes du règlement 485/2008 du Conseil doivent être adaptés à la distinction que les articles 290 et 291 du TFUE établissent entre les compétences déléguées de la Commission et ses compétences d’exécution.

2.2

Le nouvel article 291 du TFUE se fonde sur les anciens articles 202, troisième tiret, et 211, quatrième tiret du traité instituant la communauté européenne et qui confèrent à la Commission ou, dans certaines conditions, au Conseil, des compétences d'exécution. En revanche, l’article 290 du TFUE établit pour la Commission un nouveau pouvoir d'adopter des actes non législatifs de portée générale qui complètent ou modifient certains éléments non essentiels d’un acte législatif. L'article 291 du TFUE réglemente l'exercice de compétences d'exécution par la Commission ou, dans des cas particuliers, par le Conseil.

2.3

Dans la proposition de la Commission, l'harmonisation du règlement (CE) no 485/2008 avec l'article 290 du TFUE réside tout particulièrement dans le nouvel article 1, paragraphe 2 ainsi que dans les nouveaux articles 13 bis, 13 ter et 13 quater du règlement proposé. L'harmonisation avec l'article 291 du TFUE, quant à elle, se situe plus particulièrement dans le nouvel article 13 quinquies du règlement proposé.

3.   Observations générales

3.1

Le Comité prend position pour que lors de l'établissement des actes de l'Union européenne, il soit fait recours aux procédures de consultation des parties intéressées et que l'on s'emploie à obtenir une expertise et à l'utiliser. Aux yeux du CESE, ces démarches sont particulièrement importantes pour la proposition actuelle d'harmonisation du règlement 485/2008 avec le traité de Lisbonne, car il estime que les changements visant la simplification n'ont pas un champ d'application limité, ni ne revêtent de caractère purement technique. Ils concernent le domaine de l'agriculture qui, dans la mesure où il fait l'objet d'une compétence partagée aux termes de l'article 4, paragraphe 2, lettre d, du TFUE et est soumis aux prescriptions de l'article 43 de ce même traité, constitue un domaine sensible.

3.2

S'agissant d'adapter les compétences d'exécution de la Commission prévues par le règlement 485/2008 à la distinction établie entre lesdites compétences d'exécution et ses compétences déléguées, il convient de distinguer clairement les mesures «quasi législatives», relevant de l'article 290 du TFUE et les actes d'exécution, qui ressortissent à son article 291. Dans sa communication sur la mise en œuvre de l'article 290 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (5) la Commission mentionne que dans un souci d'efficacité, le législateur confère à la Commission le pouvoir d'adopter des actes délégués.Elle peut ainsi compléter ou modifier le travail du législateur. Une telle délégation est toujours optionnelle et doit remplir respecter les conditions posées dans le traité. À l'inverse, l'article 291 du TFUE permet à la Commission d'adopter des actes dont la nature est exécutive et non législative. En vertu de l'article 291, paragraphe 1, du TFUE, combiné avec l'article 4, paragraphe 3, du traité sur l'Union européenne, ce sont les États membres qui sont chargés de l'exécution et de la mise en œuvre des actes juridiquement contraignants de l'Union, assumant ainsi une compétence propre et non une compétence de l'Union. Ce pouvoir des États membres ne peut être limité que lorsque l'exécution des actes juridiquement contraignants de l'Union exige des conditions uniformes. C'est dans ce seul cas que la Commission doit, au titre de l'article 291 du TFUE, exercer sa compétence d'exécution, qui est alors obligatoire (6).

3.3

Lorsque le législateur confère à la Commission la compétence d'adopter des actes délégués, il doit en déterminer le champ d'application dans chaque acte. L’article 290, paragraphe 1, second alinéa, du TFUE lui impose de délimiter explicitement les objectifs, le contenu, la portée et la durée de la délégation de pouvoir. Il définit ainsi deux types de limites à la délégation de pouvoir, à savoir des limites de fond et de temps (7).

3.4

Dans le cas présent, il convient d'examiner si le législateur respecte, dans le règlement proposé à l'examen, les limites qui sont prévues quant au fond et au temps.

3.5

Les limites de fond de la délégation de pouvoir sont formulées à l'article 1, paragraphe 2, du règlement proposé et concernent l'élaboration, par la Commission, d'une liste de mesures qui, de par leur nature, ne se prêtent pas à un contrôle a posteriori sous forme de vérification des documents commerciaux et auxquelles ledit règlement ne s’appliquera pas.

3.6

La délégation de pouvoir est, en l'occurrence, véritablement claire et bien délimitée. Elle ne contrevient pas à l'article 290 du TFUE, dès lors qu'elle concerne effectivement des éléments non essentiels de l'acte législatif et que les objectifs, le contenu et la portée de la délégation de pouvoirs sont suffisamment circonscrits.

3.7

En ce qui concerne les limites temporelles de la délégation de pouvoir, la Commission propose, à l'article 13 bis du règlement proposé, que les compétences d'adoption d'actes de délégation auxquelles il est fait référence dans le règlement à l'examen soient conférées à la Commission pour une période indéterminée. Cette proposition de la Commission se heurte d'emblée à l'article 290, paragraphe 1, second alinéa, du TFUE qui dispose que les actes législatifs délimitent explicitement, entre autres éléments, la durée de la délégation.

3.8

Comme il ressort de la communication de la Commission sur l'application de l'article 290 du TFUE (8), la proposition à l'examen trouve sa justification dans l'argument que l'exigence selon laquelle le législateur doit délimiter clairement la durée de la délégation de pouvoir «ne consacre pas la pratique dite des “clauses d’extinction” (“sunset clauses”) qui, insérées dans un acte législatif, mettent automatiquement un terme aux pouvoirs conférés à la Commission, obligeant celle-ci, en pratique, à présenter une nouvelle proposition législative une fois échu le terme imposé par le législateur. L'article 290 exige avant tout que les pouvoirs délégués soient encadrés de façon claire et prévisible; il n'impose pas, en revanche, que la Commission soit soumise à des “délais couperets”.» Aussi convient-il, de l'avis de la Commission, que les délégations de pouvoir soient en principe à durée indéterminée. Pour justifier davantage encore ce point de vue, elle rappelle qu'en application de l'article 290, paragraphe 2, lettre a, du TFUE, le Conseil européen et le Parlement peuvent décider de révoquer la délégation de pouvoir: «Juridiquement, une révocation emporte des effets identiques à ceux d'une clause d'extinction; toutes deux mettent un terme aux pouvoirs conférés à la Commission, à charge pour elle, si cela s'avère utile et nécessaire, de soumettre ultérieurement une proposition législative. En d'autres termes, si dans certains domaines le législateur estime nécessaire d'éviter que la délégation de pouvoir ne se transforme en mandat perpétuel, il peut se doter du droit de révocation, qui d'ailleurs peut se révéler d'un usage plus souple qu'une clause d'extinction automatique».

3.9

Dans l'annexe à sa communication, la Commission prévoit des modèles d'application du nouvel article du traité. Pour ce qui concerne les limites de temps imparties à la délégation de pouvoir, elle propose que l'on opte soit pour une durée indéterminée, soit pour la fixation d'une période de validité qui, si elle n'est pas révoquée par le Parlement européen ou le Conseil, est renouvelée automatiquement pour des périodes d'une durée identique (9).

3.10

Accorder à la Commission le pouvoir d'adopter des actes délégués pour un laps de temps indéterminé ne constitue en aucun cas une délimitation claire de la durée de la délégation. Le traité exige expressément que cette durée soit explicitement délimitée, afin que le législateur puisse soumettre la Commission à un contrôle régulier et efficace. Le droit de révoquer la délégation que l'article 290, paragraphe 2, lettre a, du TFUE reconnaît au Conseil et au Parlement européen ne peut se substituer à la détermination explicite de la durée de la délégation, qui doit être fixée par le législateur. Ce droit de révocation qui lui est accordé constitue un garde-fou supplémentaire pour éviter un empiètement sur ses droits. Dans l'hypothèse où ces pouvoirs sont délégués à la Commission pour une période indéterminée, il y a violation de l'obligation que cette délégation soit limitée dans le temps, telle que prévue par l'article 290 du TFUE, et l'institution outrepasse en outre ses compétences.

3.11

Par ailleurs, aux termes de l'article 4, paragraphe 2, lettre d, du TFUE, le secteur de l'agriculture constitue une compétence partagée de l'Union. Il en résulte que toute initiative législative que l'Union prendra en la matière devra respecter le principe de subsidiarité (article 5, paragraphe 3, du TUE). Le règlement modifié à l'examen concerne les contrôles par la Commission et les États membres, ainsi que l'assistance qu'ils se prêtent mutuellement et la coopération qu'ils mènent pour ce qui touche aux opérations qui font partie du système de financement par le Fonds européen agricole de garantie. La nécessité de disposer d'une approche unique, uniformisée à l'échelon européen, justifie que l'Union arrête un règlement en la matière. En vertu du principe de proportionnalité (article 5, paragraphe 4, du TUE), le contenu et la forme de l'action de l'Union ne peuvent excéder ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités. Confier pour une durée indéterminée à la Commission le pouvoir d'adopter des actes délégués contrevient à l'exigence de déterminer la durée de cette délégation, qui vise à permettre d'exercer un contrôle régulier et efficace sur la manière dont elle s'acquitte de l'adoption de mesures «quasi législatives». Une telle démarche équivaut dès lors à contourner le principe de proportionnalité et, par extension, celui de subsidiarité et pourrait motiver le dépôt d'un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne pour violation du principe de subsidiarité, au titre de l'article 8 du protocole no 2 sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité (10).

3.12

La délégation de pouvoir consentie à la Commission pour l'adoption d'actes délégués constitue par ailleurs une question qui touche à la séparation des pouvoirs. Dans la mesure où les organes législatifs de l'Union européenne sont le Parlement européen et le Conseil, c'est par dérogation que l'adoption de mesures «quasi législatives» est déléguée à la Commission, laquelle constitue pour sa part un organe ressortissant au pouvoir exécutif. Eu égard aux problématiques de légitimité démocratique fondamentale qui sont ici en jeu, il s'impose de respecter les prescriptions du législateur concernant la délimitation explicite des objectifs, du contenu, de la portée et de la durée de cette délégation. Par ailleurs, comme l'article 290 du TFUE ne prévoit pas, pour contrôler les actes délégués adoptés par la Commission, de dispositif analogue à celui qu'établit l'article 291, paragraphe 3, de ce même traité, il importe de ne pas entamer le droit de contrôle du Conseil et du Parlement européen.

3.13

En comparaison du pouvoir délégué pour une durée indéterminée, l'autre option proposée par la Commission, en l'occurrence le renouvellement automatique de la délégation de pouvoir qui lui est accordée, constituerait une atteinte non moins grave au droit primaire de l'Union européenne.

3.14

Enfin, octroyer le pouvoir d'adopter des actes délégués pour une durée indéterminée à la Commission ne constitue pas une harmonisation cohérente avec l'article 290 du TFUE. Le droit dont disposent le Conseil européen et le Parlement de révoquer cette délégation de pouvoir ne peut évacuer le motif qui justifie l'existence d'une durée explicitement délimitée, à savoir le contrôle régulier et efficace que le législateur doit effectuer sur les mesures «quasi législatives» de la Commission. Lorsqu'elle adopte des actes délégués, la Commission exerce une compétence qui ne lui appartient pas mais qui ressortit au pouvoir législatif. Il ne peut être question de limiter le droit que possède l'organe compétent, le législateur dans le cas présent, d'exercer un contrôle régulier et efficace à ce propos. Étant donné que l'agriculture est un domaine qui constitue une compétence partagée pour l'Union et que, par voie de conséquence, toute initiative législative de l'UE doit se conformer aux principes de subsidiarité et de proportionnalité, il convient de repousser la proposition de la Commission visant à ce qu'une délégation de pouvoir à durée indéterminée lui soit octroyée pour adopter des actes délégués.

3.15

Le délai de deux mois à compter de la date de la notification qui est fixé par le nouvel article 13 quater de la proposition de règlement pour que le Parlement européen et le Conseil formulent leurs objections constitue quant à lui un recul par rapport à celui de trois mois qui a eu cours jusqu'à présent. Dans l'optique d'accélérer la procédure et de la rendre plus efficace, le CESE ne s'oppose pas à ce que ce laps de temps soit raccourci, mais à la condition que sa prolongation éventuelle soit portée à deux mois.

3.16

L'article 13 quinquies de la proposition de règlement concerne la mise en œuvre de l'article 291 du TFUE et il s'accorde avec son contenu. Un autre texte applicable sera le règlement no 182/2011 du Parlement Européen et du Conseil du 16 février 2011 établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission (11), qui simplifie la procédure antérieure de la comitologie, en ne prévoyant plus que deux procédures, celle de type consultatif et celle de l'examen.

4.   Observations particulières

4.1

Le CESE fait observer qu'il est invité à donner son avis sur des questions qui ne sont pas encore bien précisées. Le quatrième considérant de la proposition de la Commission, par exemple, renvoie à l'article 41 quinquies, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1290/2005 du 21 juin 2005 relatif au financement de la politique agricole commune, tandis que l'article 13 quinquies de la proposition de règlement fait référence à l'article 42 quinquies, paragraphe 2, de ce même texte (12), lequel ne contient pourtant pas d'article 41 quinquies ou 42 quinquies.

4.2

La Commission a bien présenté une proposition de modification de ce règlement (13) mais sa procédure d'adoption n'a pas encore été menée à terme. Ni le Conseil de l'Union européenne, ni le Parlement européen ne l'ont adoptée pour l'heure. Quand bien même elle le serait ultérieurement, les articles 41 quinquies et 42 quinquies se rapporteront au nouveau texte de ce règlement 1290/2005, dont la numérotation sera différente. Le point 26 de l'article 1 de cette proposition de la Commission précise que l'article 41 sera supprimé et il n'y est pas question d'article 41 quinquies. Il est donc permis de s'étonner que la Commission aille de l'avant dans la procédure de modification du règlement 485/2008, alors que l'on ignore pour l'essentiel la teneur du règlement 1290/2005, qui fournit le contenu fondamental de sa proposition concernant le premier cité.

Bruxelles, le 4 mai 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil du 21 juin 2005 relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 209 du 11 août 2005, p. 1).

(2)  Proposition modifiant le règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil relatif au financement de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CE) no 165/94 et (CE) no 78/2008 du Conseil.

(3)  Voir paragraphe 4.2.

(4)  JO L 55 du 28 février 2011, p. 13. Ce règlement abroge la décision du Conseil du 28 juin 1999 fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission (JO L 184 du 17 juillet 1999, p.23).

(5)  COM(2009) 673 final.

(6)  COM(2009) 673 final, page 4 et suivantes.

(7)  La Commission fait le même constat: COM(2009) 673 final, p.6 et suivantes.

(8)  COM(2009) 673 final, p. 5 et suivantes.

(9)  Article A, COM (2009) 673 final, p. 12.

(10)  JO C 83, du 30 mars 2010, p. 206.

(11)  JO L 55, du 28 février 2011, p. 13. Ce règlement abroge la décision du Conseil du 28 juin 1999 fixant les modalités des compétences d'exécution conférées à la Commission (JO L 184, du 17 juillet 1999, p. 23).

(12)  JO L 209, du 11 août 2005, p. 1.

(13)  Proposition modifiant le règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil relatif au financement de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CE) no 165/94 et (CE) no 78/2008 du Conseil, COM(2010) 745 final.


23.7.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 218/130


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux attaques visant les systèmes d’information et abrogeant la décision-cadre 2005/222/JAI du Conseil»

COM(2010) 517 final — 2010/0273 (COD)

2011/C 218/27

Rapporteur général: M. MORGAN

Le Conseil, en date du 20 janvier 2011 a décidé, conformément à l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux attaques visant les systèmes d'information et abrogeant la décision-cadre 2005/222/JAI du Conseil»

COM(2010) 517 final — 2010/0273 (COD).

Le 15 février 2011, le Bureau du Comité économique et social européen a chargé la section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information» de préparer les travaux du Comité en la matière.

Compte tenu de l'urgence des travaux (article 59 du règlement intérieur), le Comité économique et social européen a décidé au cours de sa 471e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 4 mai 2011) de nommer M. Peter MORGAN rapporteur général, et a adopté le présent avis par 173 voix pour, 1 voix contre et 7 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité accueille favorablement la communication de la Commission concernant la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux attaques visant les systèmes d'information. Le Comité partage la vive préoccupation de la Commission concernant l'ampleur de la cybercriminalité en Europe et les dommages réels et potentiels que cette menace qui s'amplifie fait ou peut faire subir à l'économie et au bien-être des citoyens.

1.2

Le Comité déplore tout comme la Commission que seuls 17 des 27 États membres aient jusqu'à ce jour ratifié la convention du Conseil de l'Europe sur la cybercriminalité («convention sur la cybercriminalité») (1). Le Comité appelle les autres États membres (2), à savoir la Belgique, la République tchèque, l'Irlande, la Grèce, le Luxembourg, Malte, l'Autriche, la Pologne, la Suède et le Royaume-Uni, à ratifier cette convention sur la cybercriminalité dès que possible.

1.3

Le Comité estime tout comme la Commission qu'une directive est nécessaire d'urgence pour actualiser les définitions des infractions liées aux attaques contre des systèmes d'information et pour accroître la coopération et la coordination en matière de justice pénale au niveau de l'UE afin d'apporter une réponse efficace à ce problème critique.

1.4

Vu la nécessité urgente d'une action législative qui traite spécifiquement les attaques contre les systèmes d'information, le Comité approuve la décision de la Commission de recourir à une directive, étayée par des mesures non législatives, afin de cibler cet aspect particulier de la cybercriminalité.

1.5

Toutefois, comme l'a demandé le CESE dans un précédent avis (3), il souhaiterait que la Commission poursuive, en parallèle, ses travaux visant à élaborer un corpus complet de législation européenne contre la cybercriminalité. Le Comité estime qu'un cadre global est essentiel pour la réussite de l'agenda numérique et de la stratégie Europe 2020 (4). Il convient que ce cadre traite des questions de prévention, de détection et d'éducation en sus de la répression et de la sanction.

1.6

Le CESE souhaite examiner en temps voulu les propositions de la Commission relatives à un cadre global d'action en vue d'aborder la question générale de la sécurité de l'internet. Si nous nous projetons dans dix ans, lorsque la plupart des citoyens utiliseront l'internet, lorsque la plupart des activités économiques et sociales dépendront de l'internet, il n'est pas concevable que nous continuions encore de nous en remettre à l'approche actuelle de l'utilisation de l'internet, qui se caractérise par la négligence et l'absence de méthode, tout particulièrement lorsque que cette activité a une valeur économique incalculable. De nombreux problèmes se présenteront, qui soulèveront d'autres défis tels que la sécurité des données à caractère personnel et relevant de la vie privée ou encore la cybercriminalité. En matière de sécurité aérienne, une autorité centrale veille et établit des normes pour les avions, les aéroports et les activités des compagnies aériennes. Il est temps de créer une autorité semblable qui établit des normes pour des équipements terminaux sans failles (ordinateurs personnels, tablettes, téléphones), la sécurité des réseaux, la sécurité des sites internet et celle des données. La configuration physique de l'internet est un élément crucial dans la défense contre la cybercriminalité. L'UE va avoir besoin d'une instance de régulation avec des pouvoirs sur l'internet.

1.7

La directive à l'examen vise essentiellement à définir le crime et établir les peines afférentes. Le CESE demande qu'elle vise en parallèle à la prévention grâce à de meilleures mesures de sécurité. Il y a lieu que les fabricants d'équipement satisfassent à des normes pour la fourniture de produits sans failles de sécurité. Il n'est pas acceptable que la sécurité de ces produits et, par conséquent, celle des réseaux dépendent de la bonne volonté de leur propriétaire. Il y a lieu d'envisager la mise en place d'un dispositif d'identification électronique dans toute l'Europe, qu'il convient cependant de concevoir avec soin afin d'éviter d'enfreindre la vie privée; il y a lieu de commencer à exploiter pleinement les possibilités de la version six du protocole internet (IPv6) en matière de sécurité; il y a lieu que l'apprentissage des citoyens de leur propre cybersécurité, y compris celle de leurs données, soit une composante essentielle de tout programme d'études dans le domaine des compétences numériques. À cet égard, il serait utile que la Commission se réfère aux avis antérieurs du Comité qui traitent de ces questions (5).

1.8

Le Comité estime que la directive proposée couvre comme il se doit les attaques contre les systèmes d'information au moyen de botnets (6), y compris les attaques par déni de service (7). Le Comité estime également que la directive aidera les autorités à poursuivre les actes de cybercriminalité qui tentent d'exploiter l'interconnectivité internationale des réseaux, de même que les personnes qui essaient de se cacher derrière l'anonymat susceptible d'être offert par les outils sophistiqués inhérents à ce type de criminalité.

1.9

Le Comité se félicite également de la liste des infractions pénales couvertes par la directive, en particulier de l'inclusion de l'«interception illégale», et de la précision apportée aux «Outils utilisés pour commettre les infractions».

1.10

Toutefois, eu égard à l'importance de la confiance et de la sécurité dans l'économie numérique, et au coût annuel énorme de la cybercriminalité (8), le Comité estime que la sévérité des sanctions prévues dans la directive devrait refléter la gravité du crime et aussi revêtir un effet dissuasif réel pour les criminels. La directive proposée prévoit des peines minimales de deux à cinq ans d'emprisonnement (cinq en cas de circonstances aggravantes). Le CESE prévoit une gradation des peines liée à la gravité du crime.

1.11

Le CESE est d'avis qu'il convient aujourd'hui de saisir l'occasion d'envoyer un message fort aux criminels et aux citoyens qui souhaitent être rassurés en prévoyant des peines plus sévères. Par exemple, les attaques à grande échelle contre les systèmes d'information sont passibles de sanctions allant jusqu'à dix années d'emprisonnement au Royaume-Uni (9), tandis que l'Estonie a renforcé les sanctions contre l'utilisation d'attaques à grande échelle à des fins terroristes, lesquelles sont punissables d'une peine maximale de 25 ans d'emprisonnement (10).

1.12

Le Comité se félicite de la proposition de la Commission d'appuyer la directive par des mesures non législatives visant à promouvoir la poursuite des actions coordonnées au niveau de l'UE et une application plus efficace du droit. Le CESE entend également souligner la nécessité d'élargir cette coordination de sorte qu'elle comprenne une étroite coopération avec tous les pays de l'AELE et l'OTAN.

1.13

Le Comité est très favorable aux programmes de formation et aux recommandations concernant les meilleures pratiques proposées pour accroître l'efficacité des points de contact 24/7 existants pour les services chargés de l’application de la loi.

1.14

En sus des mesures non législatives mentionnées dans la proposition, le Comité plaide auprès de la Commission notamment pour qu'elle oriente des ressources de recherche et développement vers le développement de systèmes de détection et de réaction précoces pour les attaques visant les systèmes d'information. Les technologies les plus avancées d'informatique en nuage («cloud computing») (11) et de grilles informatiques («grid computing») (12) recèlent la capacité de protéger davantage l'Europe contre de nombreuses menaces.

1.15

Le Comité suggère que l'ENISA mette sur pied un programme ciblé de développement des compétences qui viserait à renforcer l'industrie européenne de la sécurité des TIC en allant au-delà des seuls aspects répressifs (13).

1.16

En vue de renforcer les défenses européennes contre les cyberattaques, le Comité entend réitérer l'importance que revêtent le développement d'un partenariat public privé européen pour la résilience (EP3R) et son intégration avec les travaux de l'Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l'information (ENISA) et du groupe des CERT gouvernementaux européens (EGC).

1.17

Il convient de stimuler en Europe une industrie forte de la sécurité de l'information pour faire jeu égal avec les compétences d'une industrie nord-américaine qui dispose de très grands moyens financiers (14). Les investissements dans la R&D et l'éducation en matière de cybersécurité doivent être accrus de manière considérable.

1.18

Le Comité prend note qu'au titre des protocoles au traité, le Royaume-Uni, l'Irlande et le Danemark ne sont pas tenus d'appliquer la directive proposée. Sans préjudice de ces exemptions, le Comité appelle ces États membres à coopérer dans toute la mesure du possible avec les dispositions de la directive en vue d'empêcher que des criminels n'exploitent les lacunes des politiques à l'échelle de l'Union.

2.   Introduction

2.1

Aujourd'hui, l'Europe dépend fortement des systèmes d'information pour la création de richesse et pour sa qualité de vie. Il est important que notre dépendance croissante aille de pair avec une sophistication de plus en plus poussée des mesures de sécurité et une réglementation stricte afin de protéger les systèmes d'information des attaques.

2.2

Internet est la plateforme de base de la société numérique. La lutte contre les menaces à la sécurité des systèmes d'information revêt une importance cruciale pour le développement de la société numérique et l'économie numérique. Internet soutient la plupart des infrastructures d'information critiques d'Europe, qui constituent les plateformes d'information et de communication sous-jacentes à l'offre de biens et services essentiels. Les attaques contre les systèmes d'information, qu'il s'agisse des systèmes officiels, des systèmes financiers, des services sociaux et des infrastructures vitales telles que la fourniture d'énergie, d'eau, de transports, de services de santé et de première urgence, constituent désormais un problème majeur.

2.3

L'architecture d'Internet se fonde sur l'interconnexion de millions d'ordinateurs dont les fonctions de traitement, de communication et de contrôle se répartissent à travers le monde. Cette architecture décentralisée est la clé de la stabilité et de la résilience d'Internet: elle permet une récupération rapide des flux de trafic lorsqu'un problème se produit. Cependant, des cyberattaques de grande envergure peuvent être lancées de ses nœuds de bordure, comme dans le cas des réseaux de machines zombies, par n'importe quel voyou, à qui il suffit d'être mal intentionné et de disposer de quelques connaissances de base.

2.4

L'évolution des technologies de l'information aggrave encore le problème en facilitant la production et la distribution des outils («maliciels» (15) et «botnets»), tout en offrant l'anonymat aux délinquants et en éparpillant la responsabilité entre divers pays. La difficulté d'engager des poursuites qui en résulte permet ainsi à la criminalité organisée de réaliser des profits considérables à peu de risques.

2.5

Selon une étude réalisée en 2009 (16) et présentée au Forum économique international, le coût global de la cybercriminalité est d'un milliard de dollars et il augmente rapidement. Et un rapport (17) récemment mené par les autorités britanniques l'estime à 27 millions de livres rien que pour le Royaume-Uni. Le coût élevé de la cybercriminalité justifie l'adoption de mesures sévères, leur application stricte et des sanctions lourdes pour les délinquants.

2.6

Comme l'explique le document de travail des services de la Commission qui accompagne la proposition de directive (18), la criminalité organisée et les régimes hostiles exploitent le potentiel destructeur des attaques contre les systèmes d'information dans l'Union européenne. Les attaques menées par ces «réseaux zombies» peuvent s'avérer très dangereuses pour l'ensemble du pays touché et peuvent également être exploitées, par des terroristes notamment, afin de faire peser une pression politique sur un État.

2.7

L'attaque menée en Estonie en avril-mai 2007 a mis ce problème en exergue. À cette occasion, d'importantes parties des infrastructures d'information critiques officielles et du secteur privé se sont retrouvées inopérantes pendant plusieurs jours suite à des attaques à grande échelle menées contre elles. Au total, ces attaques ont coûté de 19 à 28 millions EUR et ont eu des retombées politiques majeures. Des attaques destructives similaires ont également été lancées contre la Lituanie et la Géorgie.

2.8

Les réseaux mondiaux de communication requièrent un degré d'interconnexion transfrontalière élevé. Il est vital que les 27 États membres mènent une action collective et uniforme afin de lutter contre la cybercriminalité, et en particulier les attaques contre les systèmes d'information. Du fait de cette interdépendance internationale, il incombe à l'UE de définir une politique intégrée visant à protéger les systèmes d'information des attaques et à sanctionner les auteurs de ces dernières.

2.9

Dans son avis de 2007 sur «Une stratégie pour une société de l'information sûre» (19), le Comité souhaitait l'adoption d'une législation européenne complète sur la lutte contre la cybercriminalité. Outre les attaques contre les systèmes d'information, ce cadre global concernerait la cyberdélinquance financière, les contenus illégaux sur Internet, les collectes/stockages/transferts de preuves électroniques, et il détaillerait davantage les règles de compétence.

2.10

Le Comité reconnaît que l'élaboration d'un cadre global est une mission très complexe, rendue encore plus difficile par l'absence de consensus politique (20) et par les problèmes nés de la divergence significative entre les différents États membres en ce qui concerne l'admissibilité des preuves électroniques devant les tribunaux. Cependant, ce cadre global permettrait d'exploiter au maximum les avantages des instruments législatifs et autres qui visent à lutter contre le large spectre de problèmes liés à la cybercriminalité. Il traiterait également des mesures pénales et dans le même temps améliorerait la coopération en matière de répression au sein de l'Union européenne. Le Comité invite la Commission à poursuivre ses travaux en vue de définir un cadre juridique global en matière de lutte contre la cybercriminalité.

2.11

La lutte contre la cybercriminalité requiert des compétences spécifiques. L'avis du Comité sur la proposition de règlement concernant l'Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l'information (ENISA) (21) souligne l'importance de la formation pour les autorités chargées de l'application de la loi. Le Comité se réjouit de constater que la Commission progresse dans la création de la plate-forme de formation en matière de cybercriminalité incluant les services répressifs et le secteur privé telle que proposée dans le document COM(2007) 267 (22).

2.12

Est partie prenante de la cybersécurité de l'UE tout citoyen dont la vie peut dépendre de ces services vitaux. Ces mêmes citoyens sont responsables de la protection, au mieux de leurs possibilités, de leur connexion à internet contre des attaques. Une plus grande responsabilité encore incombe aux fournisseurs de services et de technologies de TIC qui pourvoient les systèmes d'information.

2.13

Une information suffisante et adéquate de toutes les parties intéressées constitue un élément crucial de la cybersécurité. Il est donc fondamental pour l'Europe de disposer d'un grand nombre d'experts qualifiés dans le domaine de la cybersécurité.

2.14

Il convient de stimuler en Europe une industrie forte de la sécurité de l'information pour faire jeu égal avec les compétences d'une industrie nord-américaine qui dispose de très grands moyens financiers (23). Il convient d'augmenter sensiblement les investissements dans la recherche et le développement et l'éducation en matière de cybersécurité.

3.   Contenu essentiel de la proposition de directive

3.1

La présente proposition a pour objet de remplacer la décision-cadre 2005/222/JAI du Conseil du 24 février 2005 relative aux attaques visant les systèmes d’information (24). Ainsi qu'il ressort de ses considérants, la décision-cadre visait à renforcer la coopération entre les autorités judiciaires et les autres autorités compétentes, notamment la police et les autres services spécialisés chargés de l’application de la loi dans les États membres, grâce à un rapprochement de leurs règles pénales réprimant les attaques contre les systèmes d’information. Elle créait ainsi une législation européenne permettant de poursuivre des infractions telles que l'accès illicite à un système d’information, l'atteinte à l’intégrité d’un système et l'atteinte à l’intégrité des données, ainsi que des dispositions spécifiques relatives à la responsabilité des personnes morales, la compétence juridictionnelle et les échanges d'informations. Les États membres étaient tenus de prendre les mesures nécessaires à sa transposition le 16 mars 2007 au plus tard.

3.2

Le 14 juillet 2008, la Commission a publié un rapport sur la transposition de la décision-cadre (25). Le rapport concluait que «les récentes attaques perpétrées en Europe depuis l'adoption de la décision-cadre ont souligné l'émergence de [plusieurs] menaces, que constituent notamment les attaques massives commises simultanément contre plusieurs systèmes d'information et l'utilisation accrue des “botnets” à des fins criminelles.» Ce type d'attaques n'était pas au centre des attentions lors de l'adoption de la décision-cadre.

3.3

La présente proposition tient compte des nouvelles méthodes adoptées pour commettre des infractions informatiques, notamment le recours aux «botnets» ou «réseaux zombies» (26). Il est difficile de repérer les coupables car les ordinateurs qui composent le réseau zombie et lancent l'attaque peuvent se trouver ailleurs.

3.4

Les attaques par réseaux zombies sont souvent réalisées à grande échelle, c'est-à-dire avec des outils qui atteignent un grand nombre de systèmes d'information (ordinateurs) ou en causant un préjudice considérable, eu égard aux services de réseau perturbés, au coût financier, aux pertes de données à caractère personnel, etc. Les dommages causés par de telles attaques à grande échelle ont des incidences majeures sur le fonctionnement de la cible en tant que telle et/ou elles affectent son environnement de travail. Par conséquent, un «grand réseau zombie» aurait la capacité de causer un grave préjudice. Il n'est pas aisé de définir la taille des réseaux zombies mais les plus grands qui ont été observés auraient, d'après les estimations, entre 40 000 et 100 000 connexions (c'est-à-dire ordinateurs contaminés) par période de 24 heures (27).

3.5

La décision-cadre comporte plusieurs failles, imputables à l'évolution de la taille et du nombre d'infractions (cyberattaques). En effet, elle ne rapproche les législations que sur un nombre limité d'infractions et ne permet pas de faire face à la menace potentielle que les attaques à grande échelle représentent pour la société. Elle ne tient pas non plus suffisamment compte de la gravité des infractions et ne prévoit pas de sanctions à leur mesure.

3.6

La directive a pour objet de rapprocher les règles pénales appliquées par les États membres pour réprimer les attaques contre les systèmes d’information et de renforcer la coopération entre les autorités judiciaires et les autres autorités compétentes, notamment la police et les autres services spécialisés chargés de l'application de la loi dans les États membres.

3.7

Les attaques contre les systèmes d'information, en particulier celles qui pourraient émaner du milieu de la criminalité organisée, constituent une menace croissance, et l'éventualité d'attaques terroristes ou politiques contre les systèmes d'information des infrastructures critiques des États membres et de l'Union suscite de plus en plus l'inquiétude. Cette situation risque de compromettre la réalisation d’une société de l’information plus sûre et d’un espace de liberté, de sécurité et de justice, et appelle donc une réaction au niveau de l’Union européenne.

3.8

On constate une tendance à la perpétration d'attaques à grande échelle de plus en plus dangereuses et régulières contre des systèmes d'information critiques pour les États ou certaines fonctions du secteur public ou privé. Parallèlement, des outils de plus en plus sophistiqués sont mis au point, lesquels peuvent être utilisés par des criminels pour lancer des cyberattaques de divers types.

3.9

Il importe d'arrêter des définitions communes dans ce domaine, notamment pour les systèmes d'information et les données informatiques, de manière à garantir l'application cohérente de la présente directive dans tous les États membres.

3.10

Il convient d'adopter une position commune sur les éléments constitutifs des infractions pénales en créant les infractions communes d'accès illicite à un système d’information, d'atteinte à l’intégrité d’un système, d'atteinte à l’intégrité des données et d'interception illégale de données.

3.11

Il conviendrait que les États membres prévoient des sanctions pour réprimer les attaques contre les systèmes d'information. Les sanctions ainsi fixées devraient être effectives, proportionnées et dissuasives.

3.12

Tout en abrogeant la décision-cadre 2005/222/JAI, la directive reprendra ses dispositions actuelles et inclura les nouveaux éléments décrits ci-après.

(a)

elle incrimine la production, la vente, l'acquisition en vue de l'utilisation, l'importation, la distribution ou la mise à disposition par d'autres moyens de dispositifs/outils utilisés pour commettre les infractions;

(b)

elle prévoit des circonstances aggravantes:

la grande ampleur des attaques – les réseaux zombies ou dispositifs similaires seraient incriminés en créant de nouvelles circonstances aggravantes, en ce sens que la mise en place d'un réseau zombie ou d'un dispositif similaire constituerait un facteur aggravant lors de la commission des infractions énumérées dans la décision-cadre existante;

lorsque les attaques sont commises en dissimulant l'identité réelle de l'auteur et en causant un préjudice au titulaire légitime de l'identité;

(c)

elle crée l'infraction d'«interception illégale»;

(d)

elle introduit des mesures pour améliorer la coopération européenne en matière de justice pénale en consolidant la structure existante des points de contact 24/7 (28);

(e)

elle répond au besoin d'établir des statistiques sur les infractions informatiques, notamment les infractions énumérées dans la décision-cadre existante et la nouvelle infraction d'«interception illégale»;

(f)

Dans les définitions des infractions pénales énumérées aux articles 3, 4, 5 (accès illégal à des systèmes d'information, atteinte à l'intégrité d'un système et atteinte à l'intégrité des données), la directive contient une disposition qui permet de n'incriminer que les «cas qui ne sont pas sans gravité» lors de la transposition de la directive en droit national.

Bruxelles, le 4 mai 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Convention du Conseil de l'Europe sur la cybercriminalité, Budapest 23.11.2001, CETS no 185.

(2)  Voir: http://conventions.coe.int/Treaty/Commun/ChercheSig.asp?NT=185&CM=1&DF=15/04/2011&CL=FRE

(3)  Avis du CESE sur «Une stratégie pour une société de l'information sûre», JO C 97, 28.4.2007, p. 21 (TEN/254).

(4)  COM(2010)245, COM(2010) 2020.

(5)  Avis du CESE sur «Une stratégie pour une société de l'information sûre», JO C 97, 28.4.2007, p. 21 (TEN/254); Avis du CESE sur le thème «Faire progresser l'internet», JO C 175, 28.7.2009, p. 92 (TEN/351); Avis du CESE sur la «Protection des infrastructures d'information critiques», JO C 255, 22.9.2010, p. 98 (TEN/395); Avis du CESE sur «Une stratégie numérique pour l'Europe», JO C 54, 19.2.2011, p. 58 (TEN/426); Avis du CESE sur le «Nouveau règlement ENISA», non encore publié au JO (TEN/436). Avis du CESE sur «La révolution de l'informatique en nuage (“cloud computing”)», actuellement en cours d'élaboration (TEN/452); Avis CESE sur «Renforcer la culture numérique, les compétences numériques et l'insertion numérique», non encore publié au JO (TEN/453).

(6)  Ce terme désigne un groupe d'ordinateurs qui ont été contaminés par des logiciels malveillants (virus informatiques). Un tel réseau d'ordinateurs compromis («zombies») peut être activé pour exécuter certaines actions, comme attaquer des systèmes d'information (cyberattaques). Ces «zombies» peuvent être contrôlés, souvent à l'insu des utilisateurs de ces ordinateurs, par un autre ordinateur. Il est difficile de repérer les coupables car les ordinateurs qui composent le réseau zombie et lancent l'attaque peuvent se trouver ailleurs.

(7)  Une attaque par déni de service est une attaque ayant pour but d'empêcher ses utilisateurs légitimes d'accéder à une ressource informatique (par exemple un site web ou un service internet). Le serveur ou la page web contactée sera indisponible pour ses utilisateurs. Une attaque de ce type pourrait par exemple rendre un système de paiement en ligne non opérationnel, causant ainsi des pertes pour ses utilisateurs.

(8)  Selon une étude réalisée en 2009 et présentée au Forum économique international, le coût global de la cybercriminalité est d'un milliard de dollars et il augmente rapidement. Voir à cet égard les paragraphes 2.5 et 2.7 ci-après.

(9)  http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2006/48/contents.

(10)  SEC(2010) 1122 final - Document de travail des services de la Commission et évaluation d'impact, documents annexes à la proposition de directive sur les attaques visant les systèmes d'information.

(11)  L'informatique en nuage désigne la fourniture de capacités de calcul sur demande, ou automatique, grâce à l'internet. Ces services «en nuages» sont présentés à leurs utilisateurs de manière aisée à comprendre sans qu'ils soient dans l'obligation de connaître la manière dont ces services sont fournis. Les logiciels antivirus et de sécurité pour l'internet les plus avancés destinés aux utilisateurs finaux pourraient être fournis grâce à une plateforme en nuage à chaque utilisateur connecté en Europe, ce qui réduirait la nécessité pour les utilisateurs de se protéger eux-mêmes.

(12)  Les grilles sont une forme de calcul distribué où un «superordinateur virtuel» est composé de nombreux ordinateurs reliés en réseaux lâches qui traitent ensemble des données pour exécuter des tâches de grande ampleur. Ces technologies de grilles informatiques pourraient fournir une plateforme afin d'analyser en temps réel une cyberattaque et élaborer des systèmes de réaction.

(13)  Avis CESE sur le «Nouveau règlement ENISA», non encore publié au JO (TEN/436).

(14)  Les chiffres officiels de la Maison blanche indiquent que le gouvernement américain a consacré 407 millions de dollars à la recherche/développement et à l'éducation en matière de cybersécurité en 2010 et qu'il entend y affecter 548 millions de dollars pendant l'exercice financier 2012. http://www.whitehouse.gov/sites/default/files/microsites/ostp/FY12-slides.pdf.

(15)  «Maliciel», mot-valise formé à partir de logiciel malveillant, est un logiciel conçu pour entrer clandestinement dans un système informatique sans le consentement informé de son propriétaire.

(16)  «Unsecured Economies: Protecting Vital Information»: étude réalisée par des chercheurs du CERIAS (Centre for Education and Research in Information Assurance and Security) de l'Université Purdue pour McAfee (2009), http://www.cerias.purdue.edu/assets/pdf/mfe_unsec_econ_pr_rpt_fnl_online_012109.pdf.

(17)  http://www.cabinetoffice.gov.uk/resource-library/cost-of-cyber-crime.

(18)  SEC(2010) 1122.

(19)  Avis du CESE sur «Une stratégie pour une société de l'information sûre», JO C 97, 28.4.2007, p. 21 (TEN/254).

(20)  SEC(2010) 1122, analyse d'impact de COM(2010) 517.

(21)  Avis CESE sur le «Nouveau règlement ENISA», non encore publié au JO (TEN/436).

(22)  COM(2007) 267 «Vers une politique générale en matière de lutte contre la cybercriminalité».

(23)  Les chiffres officiels de la Maison blanche indiquent que le gouvernement américain a consacré 407 millions de dollars à la recherche/développement et à l'éducation en matière de cybersécurité en 2010 et qu'il entend y affecter 548 millions de dollars pendant l'exercice financier 2012. http://www.whitehouse.gov/sites/default/files/microsites/ostp/FY12-slides.pdf.

(24)  JO L 69 du 16.3.2005, p. 68.

(25)  Rapport de la Commission au Conseil fondé sur l’article 12 de la décision-cadre du Conseil du 24 février 2005 relative aux attaques visant les systèmes d’information - COM(2008) 448.

(26)  Voir la note de bas de page no 6 ci-avant.

(27)  Le nombre de connexions par 24 heures est l'unité de mesure couramment utilisée pour estimer la taille des réseaux zombies.

(28)  Créés par la convention et visés par la décision-cadre 2005/222/JAI relative aux attaques visant les systèmes d'information.


23.7.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 218/135


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Conseil relative à la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs»

COM(2010) 618 final

2011/C 218/28

Rapporteur: M. ADAMS

Le 1er février 2011, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de directive du Conseil sur la gestion du combustible nucléaire usé et des déchets radioactifs»

COM(2010) 618 final.

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 29 mars 2011

Lors de sa 417e session plénière des 4 et 5 mai 2011 (séance du 4 mai 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 146 voix pour, 7 voix contre et 8 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Conclusions

1.2   Cette directive est en préparation depuis plus de dix ans et est saluée par le Comité comme un progrès manifeste en vue d'imposer une gestion planifiée du volume important de déchets radioactifs existant dans l'UE selon des normes minimales.

1.3   La proposition de directive insiste de manière encourageante sur la transparence et l'engagement des pouvoirs publics. L'obligation de prévoir à la fois les coûts et le financement des propositions permettra de disposer d'un outil d'analyse essentiel. Pour la première fois, des normes de sécurité internationalement reconnues deviendront juridiquement contraignantes et applicables dans l'Union européenne. L'UE devrait coopérer avec les pays voisins et les encourager à adopter des normes de sécurité similaires aux siennes.

1.4   Toutefois, le chemin conduisant à l'adoption de cette directive n'a pas été facile. Les limites à la certitude scientifique continuent de faire l'objet de débats, et la difficulté à anticiper, à très longue échéance, des scénarios politiques et sociaux apparaît à tous de manière évidente.

1.4.1   Bien qu'il existe un large consensus scientifique sur la faisabilité technique du stockage définitif en couches géologiques profondes, le niveau de certitude ou d'adéquation des connaissances scientifiques dans plusieurs domaines fait l'objet d'un débat permanent. Il est peu probable qu'il puisse déboucher sur une solution qui satisfasse tous les acteurs concernés, en raison de la nature particulière des déchets hautement radioactifs, de leur interaction avec leur environnement immédiat et des périodes géologiques en cause. Les dispositions actuelles en matière de «stockage» ne sont pas viables à moyen terme, ce qui renforce encore la nécessité d'agir.

1.4.2   Des débats animés se poursuivent et ne sont pas résolus sur la définition d'un niveau approprié de sécurité et de risque. Qu’entend-on en réalité par le fait de donner la priorité absolue à la sécurité des hommes et de l'environnement? Dans la pratique, la démonstration de la sécurité sera faite en articulant des arguments qualitatifs et quantitatifs visant à minimiser les incertitudes dans le cadre de la prise des décisions à l'échelon national.

1.4.3   Il est logique que la confiance dans les prévisions relatives à la cohérence des institutions politiques et institutionnelles et à la pertinence de tout système de gestion diminue à mesure que l'échelle de temps augmente. En conséquence, la sécurité «passive» devient un élément fort, et il y a lieu qu'elle soit effective même lorsque, au fil du temps, on a cessé de surveiller un centre de dépôt des déchets, où lorsque la mémoire en a été perdue.

1.4.4   La poursuite et l'augmentation du recours à l'énergie fondée sur la fission nucléaire pour l'approvisionnement des États membres sont dans une certaine mesure tributaires de son degré d'acceptation par le public et de sa viabilité financière. Le débat sur l'utilisation ou sur le développement de l'énergie nucléaire distrait fortement de la nécessité immédiate et urgente de traiter le problème de l'accumulation des déchets radioactifs, étant donné surtout que les programmes actuels et continus de déclassement de centrales nucléaires contribueront à ce que ce problème prenne de l'ampleur. Les attitudes du public varient de manière considérable à travers l'UE, mais il est avéré que les Européens estiment, en grande majorité, qu'il serait utile de disposer d'un instrument communautaire sur la gestion des déchets radioactifs (Attitudes à l’égard des déchets radioactifs. Enquête Eurobaromètre de juin 2008).

1.5   Le Comité essaie donc de faire preuve d'une approche constructive face à l'ambivalence des opinions publiques et présente un certain nombre de recommandations pertinentes dans le but de renforcer la détermination de la Commission à trouver une solution.

1.6   Recommandations

1.6.1   Le Comité formule une série d'observations particulières, de suggestions et de recommandations dans les parties 4 et 5 du présent avis, et il demande à la Commission, au Parlement et au Conseil d'en tenir pleinement compte. En outre, il recommande plus généralement que:

les États membres reconnaissent le caractère prioritaire de la sécurité dans les dispositions de la directive, et qu'ils transposent de manière urgente et cohérente la directive en droit national en réaction au problème pressant de l'accumulation des déchets radioactifs;

les pouvoirs publics, l'industrie nucléaire et les membres concernés de la communauté scientifique fournissent de plus grands efforts pour apporter davantage d'informations détaillées, transparentes et ayant fait l'objet d'une évaluation des risques au grand public dans son ensemble concernant les options existantes en matière de gestion des déchets radioactifs.

2.   Introduction

2.1   La question de la sûreté nucléaire polarise en ce moment une attention et une inquiétude considérables au vu de l'impact du tremblement de terre et du tsunami sur les quatre réacteurs de la centrale de Fukushima, située au nord du Japon. La sûreté des conditions d'exploitation et les mesures de précaution pour les centrales nucléaires européennes sont au centre de la directive sur la sûreté nucléaire (voir paragraphe 5.6) et sont soumises aux autorités nationales des États membres. Le 21 mars dernier, les États membres se sont mis d'accord pour améliorer la coopération entre leurs autorités de sûreté nucléaire respectives et demander au groupe des régulateurs européens dans le domaine de la sûreté nucléaire (ENSREG) de définir les modalités des tests de résistance envisagés (évaluations globales des risques et de la sûreté) pour toutes les centrales nucléaires de l'UE. Compte tenu des vives préoccupations exprimées par l'opinion publique à la suite de l'incident de Fukushima, le Comité, pour des raisons d'urgence et de transparence, cherchera à être pleinement associé au dialogue avec la société civile concernant ce sujet et les questions connexes, notamment grâce à une réorientation active du groupe de travail sur la transparence du FEEN (Forum européen de l'énergie nucléaire), que le CESE préside actuellement.

2.2   Du point de vue technique, l'incident de Fukushima n'a aucune influence directe sur l'analyse de la directive sur les déchets radioactifs menée dans le présent avis. Cependant, il a naturellement amplifié les craintes et la sensibilité de l'opinion publique en matière de sûreté nucléaire et peut, selon le Comité, jouer un rôle constructif dans le débat en cours.

2.3   En novembre 2010, l'UE comptait 143 centrales nucléaires (réacteurs) en fonctionnement. En outre, un certain nombre de centrales qui ont fermé, ainsi que d'autres installations nucléaires, comme les usines de retraitement de combustible usé, génèrent également des déchets radioactifs. Chaque année, l'UE produit en moyenne 280 mètres cubes de déchets de haute activité, 3 600 tonnes de métaux lourds de combustible usé et 5 100 mètres cubes de déchets radioactifs à vie longue pour lesquels il n'existe aucun circuit de stockage (Sixième rapport sur la gestion des déchets radioactifs et des combustibles irradiés dans l'Union européenne. SEC(2008) 2416); d'autres déchets d'activité moindre sont aussi produits, dont beaucoup sont couramment stockés. Les déchets de haute activité sont hautement radioactifs. Ils contiennent des radionucléides à vie longue et génèrent une quantité considérable de chaleur. Ils représentent 10 % du volume des déchets radioactifs générés et contiennent 99 % de la radioactivité totale. Ils contiennent des produits de fission et du combustible irradié.

2.4   Ces déchets proviennent du retraitement des combustibles nucléaires irradiés, des combustibles usés destinés à un stockage direct, et du fonctionnement et du déclassement courants de centrales nucléaires. De nombreuses centrales nucléaires supplémentaires sont planifiées, notamment dans des États membres sans expérience antérieure en matière de production d'électricité d'origine nucléaire. Si les déchets qui en résultent et qui, dans certains cas, restent dangereux pendant des dizaines de milliers d'années ne sont pas gérés et surveillés, il existe des risques très graves pour la santé et la sécurité. Par nature, les déchets radioactifs contiennent des isotopes d'éléments qui subissent la désintégration radioactive, émettant des rayonnements ionisants pouvant être nuisibles à l'homme et à l'environnement.

2.5   Les décisions prises au cours de ce siècle auront des répercussions pendant une dizaine de millénaires à venir. La directive porte principalement sur le traitement des déchets issus du cycle du combustible nucléaire. Toutefois, elle couvre également les déchets produits par la recherche, la médecine et l'industrie. En raison de l'augmentation de la production d'électricité des centrales nucléaires, la quantité de déchets de haute activité a augmenté de 1,5 % par an entre 2000 et 2005 et augmente actuellement encore en raison du déclassement d'anciennes centrales. Fin 2004, l'on estimait à 220 000 m3 le volume des déchets de moyenne ou de faible activité à longue vie et à 7 000 m3 les déchets radioactifs à haute activité. À cette date, 38 000 m3 de métaux lourds de combustibles usés étaient également stockés en Europe (Ces chiffres ne sont pas sûrs parce que, dans les pays où se pratique le retraitement, comme le Royaume-Uni et la France, le combustible nucléaire usé, ainsi que l'uranium et le plutonium retraités, ne sont pas classés à l'heure actuelle comme déchets nucléaires, sur la base de l'argument selon lequel le combustible usé est un matériau recyclable et que l'uranium et le plutonium retraités pourraient être utilisés pour produire un nouveau combustible).

2.6   La première centrale nucléaire commerciale est entrée en service il y a 54 ans. Depuis, la gestion des déchets n'a cessé de faire débat. Il existe un consensus pour considérer que, quelle que soit la solution envisagée, le stockage temporaire à long terme constitue une première phase appropriée. Actuellement, l'UE ne compte encore aucun dépôt définitif pour déchets nucléaires de haute activité dans l'UE, même si la Suède, la Finlande et la France envisagent de mettre en service de tels dépôts d'ici 2025. L'objectif est de concevoir et de construire des installations qui garantissent la sécurité à long terme grâce à des systèmes de protection à sécurité passive fournis par des obstacles géologiques aménagés et stables, sans se fonder en aucune manière sur la surveillance, l'intervention humaine ou les contrôles institutionnels une fois l'installation fermée. Dans la majorité des États, il n'y a pas, en matière de combustibles irradiés, de politique définie autre que des dispositions visant à assurer un stockage en toute sécurité sur une période prolongée (de 50 à 100 ans) (Sixième rapport sur la gestion des déchets radioactifs et des combustibles irradiés dans l'Union européenne. SEC(2008) 2416).

2.7   93 % des citoyens européens jugent qu'il est urgent de trouver une solution au problème de la gestion des déchets radioactifs plutôt que de le laisser aux générations futures. La grande majorité des citoyens de l'UE dans tous les pays conviennent que l'Union européenne devrait harmoniser les normes en la matière et être en mesure de contrôler les pratiques nationales (Attitudes à l’égard des déchets radioactifs. Enquête Eurobaromètre de juin 2008).

2.8   La réglementation actuelle au niveau de l'UE est jugée inadéquate. La directive 2009/71/Euratom a déjà établi un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires, avec le soutien des 27 États membres. La directive sur la gestion des déchets nucléaires (COM(2010) 618 final) est l'étape logique suivante.

2.9   La composition de l'éventail des sources d'énergie de chaque État et le choix du recours à l'énergie nucléaire sont des compétences nationales et ne relèvent pas du champ de cette directive. Toutefois, les déchets nucléaires sont inséparables de la production d'électricité d'origine nucléaire. Leur volume est considérable et ils sont susceptibles de constituer une menace grave, transnationale et sur une longue durée. Même si les centrales nucléaires étaient mises à l'arrêt aujourd'hui, nous devrions nous occuper des déchets qui existent déjà. Il est dans l'intérêt de tous les citoyens de l'UE que les déchets radioactifs soient stockés de manière aussi sûre que possible. Tel est le contexte dans lequel la Commission propose la présente directive établissant un cadre communautaire visant à garantir la gestion responsable du combustible usé et des déchets radioactifs.

2.10   Le Comité a évoqué cette question pour la dernière fois en 2003 (1). Il insistait alors sur l'urgence de ce problème au regard de l'élargissement et de l'importance du principe du pollueur-payeur. La directive proposée, sur laquelle portait déjà l'avis de 2003, n'a pas été adoptée, car les États membres ont considéré que certains de ses aspects étaient trop normatifs et ont demandé un délai supplémentaire pour l'examiner.

3.   Résumé de la proposition de directive

3.1   Les États membres sont tenus dans un délai de quatre ans suivant l'adoption de la directive d'établir et de présenter des programmes nationaux indiquant l'emplacement actuel des déchets, ainsi que les plans relatifs à leur gestion et à leur stockage.

3.2   Un cadre juridiquement contraignant sera établi afin de s'assurer tous les États membres respectent les normes communes élaborées dans le contexte de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), à tous les stades de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs jusqu'à leur stockage définitif.

3.3   Les programmes nationaux contiendront notamment: des inventaires des déchets radioactifs, des plans de gestion de la production jusqu'au stockage définitif, des plans pour la période postérieure à la fermeture d'installations de stockage, la présentation des activités de recherche et développement, des calendriers et des échéances pour la mise en œuvre, ainsi que la description de toutes les activités nécessaires pour mettre en œuvre les solutions en matière de stockage, les évaluations des coûts et les systèmes de financement retenus. La directive ne formule aucune préférence pour une forme particulière de stockage.

3.4   La proposition de directive contient un article relatif à la transparence visant à garantir l'accès du public à l'information, ainsi que sa participation effective au processus de prise de décision pour certains aspects de la gestion des déchets nucléaires.

3.5   Les États membres feront rapport à la Commission concernant le respect de ces obligations et la Commission soumettra ensuite au Conseil et au Parlement européen un rapport sur les progrès accomplis. Les États membres inviteront également des pairs à l'échelle internationale à effectuer une évaluation de leurs programmes nationaux respectifs. Cette évaluation fera également l'objet d'un rapport aux États membres et à la Commission.

4.   Observations générales

4.1   Dans son avis, le Comité aborde en premier lieu la question concrète et urgente de l'existence des déchets radioactifs et de la poursuite de leur production. La plus grande part de ces déchets (plus de 90 %) résulte d'activités associées à la production d'énergie nucléaire. Le choix de produire de l'électricité nucléaire ou d'étendre la part de celle-ci dans l'éventail des sources d'énergie est laissé à la discrétion de chaque État membre. Toutefois, les implications à long terme de la gestion des déchets qui en résultent peuvent avoir une dimension transfrontière (et intergénérationnelle).

4.2   L'opinion publique concernant l'énergie nucléaire évoluerait fortement (en faveur du nucléaire) dans les pays dotés de centrales nucléaires, si l'on avait l'assurance qu'il existe une solution sûre et permanente pour la gestion des déchets radioactifs (Attitudes à l’égard des déchets radioactifs. Enquête Eurobaromètre de juin 2008). Les principaux obstacles à ce que le public puisse ainsi être rassuré résident dans les dangers à long terme des déchets de haute activité, les doutes sur la sécurité du stockage géologique en profondeur et les incertitudes, la question de savoir si le risque que présentent de tels sites survivra dans la mémoire collective des générations futures sur le caractère réaliste d'autres méthodes de stockage définitif.

4.3   Étant donné la lenteur des progrès concernant les propositions en vue de la gestion à long terme des déchets radioactifs dans certains États membres, la directive proposée, qui est elle-même en cours d'élaboration depuis quelques années, devrait contribuer à stimuler l'élaboration de programmes nationaux de gestion jusque. Il existe maintenant des exemples de méthodologies appropriées, qui peuvent servir de référence. La proposition de directive a pour objectif que des aspects clés des normes définies sous les auspices de l'Agence internationale de l'énergie atomique soient rendues juridiquement contraignantes par la réglementation de l'UE. Le Comité se félicite de cette approche.

4.4   L'UE possède déjà un corpus législatif important en matière de déchets, notamment de déchets dangereux (2). Bien que la directive précise qu'elle n'est pas fondée sur cette législation mais qu'elle possède une autre base juridique, à savoir le chapitre 3 du traité Euratom, il y aurait lieu de saisir l'occasion, dans les considérants de la proposition de directive, pour approuver les principes inscrits dans le corpus juridique existant relatif aux déchets dangereux.

4.5   Le principe du pollueur-payeur a été nuancé par l'obligation de veiller à ce que les propositions relatives à la gestion des déchets soient assorties de moyens financiers suffisants et garantis, «en tenant dûment compte de la responsabilité des producteurs de déchets radioactifs». Dès lors, des questions concernant des subventions publiques croisées pourraient se poser, et par conséquent, concernant la concurrence sur le marché de l'énergie. En conséquence, le Comité recommande que la directive affirme sans équivoque que le financement de la gestion des déchets devrait se faire suivant le principe du pollueur-payeur (en l'espèce, l'entreprise qui, par l'exploitation de réacteurs nucléaires, produit des déchets radioactifs)hormis dans des situations de force majeure, où l'État pourrait être amené à intervenir.

4.6   Le Comité relève que seuls les déchets radioactifs civils sont concernés par la directive à l'examen. Dans certains pays, des ressources considérables ont été mises à la disposition de la gestion des déchets radioactifs militaires. Il est clair que les programmes conjoints militaires et civils ont des implications supplémentaires sous l'angle de la sécurité. Toutefois, dans la mesure où la gestion des déchets radioactifs non-civils est susceptible d'absorber des ressources technologiques et financières substantielles, ainsi que les capacités de stockage dans certains États membres, il conviendrait d'établir des connexions plus précises avec cette directive.

5.   Observations particulières

5.1   Les déchets radioactifs ont été expressément exclus du champ des directives de l'UE (3) sur les déchets. Celles-ci contiennent cependant de nombreux principes très utiles, dont il devrait être tenu compte. Le Comité suggère donc que les considérants de la directive à l'examen fassent explicitement référence à la directive sur les déchets dangereux (91/689/CEE) et précise qu'elle lui est complémentaire.

5.2   Le Comité estime, que la clause de l'article 2 qui exclut les «rejets autorisés» devrait en fait régir de tels rejets. En effet, il n'y a aujourd'hui aucune cohérence à l'échelle de l'UE sur la réglementation de ces rejets et, à cause de divergences d'interprétation, ils continuent de faire l'objet de litiges entre États membres (par exemple, entre le Royaume-Uni et l'Irlande concernant les rejets dans la mer d'Irlande).

5.3   Le Comité a toujours soutenu la prévention des déchets, promue par l'UE et désignée comme une priorité par la directive sur les déchets (2006/12/CE). Comme un certain nombre d'industries, la production d'électricité nucléaire entraîne la fabrication d'une grande quantité de déchets dangereux. À l'heure actuelle, les États membres sont divisés sur la question de savoir s'il existera des solutions durables sur le plan économique, social et environnemental pour remplacer l'énergie nucléaire, et donc sur la question de savoir s'il est inévitable de devoir continuer à produire des déchets radioactifs. Afin de résoudre ce dilemme et comme la majorité du Comité partage l'opinion selon laquelle le nucléaire devra continuer à jouer un rôle dans la transition de l'Europe vers une économie pauvre en carbone, nous suggérons que la directive exprime une préférence pour la recherche d'une solution consistant à éliminer l'essentiel des déchets radioactifs à la source à mesure que des solutions de remplacement améliorées et durables sont élaborées.

5.4   L'article 3, paragraphe 3, définit le «stockage définitif» comme le placement de combustible usé ou de déchets radioactifs dans une installation autorisée, sans intention de retrait ultérieur. Le Comité reconnaît que différents points de vue existent sur la question de la réversibilité et de la reprise des déchets. Le Comité estime que la réversibilité et la reprise ne devraient pas être exclus lors de l'élaboration de concepts de stockage, dans le respect des dispositions du dossier de sécurité afférent.

5.5   L'article 4, paragraphe 3, prévoit que les déchets radioactifs sont stockés dans l'État membre où ils ont été produits sauf si ce dernier a conclu avec d'autres États membres des accords concernant l'utilisation conjointe de leurs installations de stockage. Le Comité recommande de faire largement usage de cette option afin d'exploiter au mieux les sites de stockage particulièrement adaptés. Le Comité salue cette approche dépourvue d'ambiguïté prévoyant à la fois de gérer exclusivement à l'intérieur de l'UE les déchets radioactifs générés par des États membres et d'étudier la possibilité de développer le partage d'installations. Note est prise que cela n'exclut pas le rapatriement de déchets retraités découlant du retraitement de combustible irradié vers des pays d'origine en dehors de l’UE. Toutefois, pour lever tout doute, il est proposé d'expliciter ce point, soit dans l'exposé des motifs, soit dans les considérants.

5.6   Le Comité se demande si une autoévaluation tous les dix ans par les États membres de leurs propres programmes respectifs, accompagnée par un examen international par des pairs (article 16), constitue l'occasion de consolider pleinement les connaissances et les bonnes pratiques. On peut aussi se demander si un degré suffisant d'objectivité, de rigueur et d'indépendance de l'analyse sera appliqué de manière cohérente. Des coûts des rapports et des frais connexes considérables seront à charge des États membres, et le Comité considère qu'il conviendrait de créer en temps opportun une commission de contrôle chargée de superviser la gestion des déchets radioactifs dans l'UE. Cela permettrait non seulement d'améliorer les normes en matière de rapport et les bonnes pratiques, mais constituerait également un mécanisme efficace de partage des coûts et contribuerait à étayer la directive sur la sûreté nucléaire (4).

5.7   Le Comité salue de manière explicite l'intention de la Commission de continuer à soutenir les recherches sur le stockage géologique des déchets radioactifs et la coordination de la recherche dans l'UE. Le Comité souligne qu'il y a lieu de promouvoir ces programmes de manière adéquate et large, et appelle les États membres à traiter cette question dans leurs programmes nationaux de recherche, et par des travaux de recherche en collaboration au titre des programmes-cadres de R&D de la Commission.

Bruxelles, le 4 mai 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 133 du 6.6.2003, p. 70.

(2)  JO L 377 du 31.12.1991, p. 20.

(3)  JO L 312 du 22.11.2008, p. 3.

(4)  JO L 172 du 2.7.2009, p. 18.


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

Le texte suivant de l'avis section a été modifié au profit de l'amendement adopté en session plénière mais a obtenu au moins un quart des votes exprimés:

Paragraphe 5.5

«5.5

L'article 4, paragraphe 3, prévoit que les déchets radioactifs sont stockés dans l'État membre où ils ont été produits sauf si ce dernier a conclu avec d'autres États membres des accords concernant l'utilisation de leurs installations de stockage. Le Comité salue cette approche dépourvue d'ambiguïté prévoyant à la fois de gérer exclusivement à l'intérieur de l'UE les déchets radioactifs générés par des États membres et d'étudier la possibilité de développer le partage d'installations. Note est prise que cela n'exclut pas le rapatriement de déchets retraités découlant du retraitement de combustible irradié vers des pays d'origine en dehors de l’UE. Toutefois, pour lever tout doute, il est proposé d'expliciter ce point, soit dans l'exposé des motifs, soit dans les considérants.»

Résultat du vote

67 voix pour, 57 voix contre et 26 abstentions.