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Journal officiel
de l'Union européenne

FR

Série C


C/2024/2489

23.4.2024

Avis du Comité économique et social européen sur la communication conjointe au Parlement européen et au Conseil relative à la «Stratégie européenne en matière de sécurité économique»

[JOIN(2023) 20 final]

(C/2024/2489)

Rapporteure:

Milena ANGELOVA

Consultation

Commission européenne, 20.9.2023

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Décision de l’assemblée plénière

11.7.2023

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Relations extérieures»

Adoption en section

21.12.2023

Adoption en session plénière

14.2.2024

Session plénière no

585

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

143/2/9

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) apprécie l’approche de la communication consistant à aborder les mesures de sécurité économique sous plusieurs angles. Tout en approuvant l’approche fondée sur l’évaluation des menaces, risques et vulnérabilités, le Comité demande également d’analyser et d’exploiter les possibilités offertes par les problématiques mondiales, en s’appuyant sur l’évaluation exhaustive des atouts de l’Union européenne (UE).

1.2.

Le CESE estime que la priorité que constitue la promotion de la compétitivité de l’Union est essentielle. Il souligne que les investissements dans l’innovation, le développement des compétences et les capacités industrielles, ainsi que le bon fonctionnement du marché intérieur, sont des moyens indispensables, à la fois pour doper la productivité et la compétitivité et pour réduire les dépendances critiques, tout en préservant l’économie sociale de marché de l’Union.

1.3.

Le CESE souligne que la sécurité de l’énergie et des matières premières est indispensable pour toutes les industries, et partant, pour la sécurité économique globale de l’Union. Des systèmes numériques sûrs et des capacités numériques solides jouent aussi un rôle de plus en plus important, dans la mesure où la numérisation touche l’ensemble de l’économie et de la société.

1.4.

Afin de garantir un accès stable au financement et d’éviter les dépendances étrangères excessives, il est important d’achever d’urgence l’union des marchés des capitaux et l’union bancaire. Le CESE souligne que, dans ce domaine, l’Union accuse un retard par rapport à ses principaux concurrents, et elle doit lever les obstacles existants et s’abstenir de toute nouvelle mesure compromettant l’accès au financement privé. L’Union doit aussi garantir un financement public adéquat, en accordant la priorité aux investissements dans les infrastructures, la recherche et l’innovation, ainsi que dans l’éducation et la formation.

1.5.

Afin d’améliorer les possibilités de diversification des chaînes d’approvisionnement et d’expansion des marchés de produits, le CESE appelle à tirer pleinement parti des accords de commerce et d’investissement, à conclure rapidement les négociations commerciales en cours, ainsi qu’à entamer de nouvelles négociations avec de nouveaux partenaires potentiels. Le CESE considère que la nouvelle approche du commerce et du développement durable (CDD) fait partie intégrante du processus (1), y compris son application aux partenariats dans le domaine des matières premières critiques. Le renforcement des systèmes commerciaux multilatéraux fondés sur des règles et des accords mondiaux, des partenariats thématiques bilatéraux et plurilatéraux, ainsi que des partenariats avec les pays en développement devrait aussi être une priorité pour l’Union. Le Comité estime que, grâce à la coopération internationale, l’Union peut non seulement réduire les confrontations et ses propres dépendances critiques, mais aussi accroître les avantages mutuels et les engagements des autres économies à nouer des partenariats avec l’Union.

1.6.

Si le partenariat proactif doit être considéré comme le principal moyen de renforcer la sécurité économique de l’UE dans les relations internationales, il est nécessaire de prendre des mesures décisives de riposte et de protection lorsque des pays tiers font peser un risque sur la sécurité économique de l’Union en recourant à des mesures liées au commerce, aux investissements ou à la coopération technologique.

1.7.

Le CESE invite les responsables politiques de l’UE à renforcer, au moyen de politiques nationales et d’une diplomatie active, les conditions qui font émerger, encouragent et soutiennent les entreprises européennes, y compris les micro, petites et moyennes entreprises (MPME), à gérer les risques géoéconomiques liés à leurs activités, et à veiller à ce que les mesures politiques n’entraînent pas de coûts ou d’obstacles disproportionnés pour elles. Le Comité juge donc essentiel d’associer étroitement les entreprises de l’Union à l’identification et à l’évaluation des risques, des possibilités et des mesures en matière de sécurité économique.

1.8.

Le CESE préconise aussi d’associer d’autres acteurs concernés de la société civile à la poursuite de l’élaboration et de la mise en œuvre de la stratégie de sécurité économique. De plus, le Comité souligne la nécessité de renforcer les synergies entre les États membres et de créer des avantages sur l’ensemble de son territoire, contribuant ainsi à l’unité, à la force mondiale et à la sécurité économique globale de l’Union.

2.   Observations générales

2.1.

Le CESE accueille favorablement la communication sur la «Stratégie européenne en matière de sécurité économique» (2), lancée par la Commission européenne et le haut représentant en tant qu’initiative d’actualité qui doit répondre au nouveau contexte géopolitique et géoéconomique en mutation permanente. Le présent avis examine l’approche globale et le contenu de la stratégie proposée, tandis qu’un avis complémentaire (3) met l’accent sur le rôle des technologies et des secteurs stratégiques.

2.2.   Priorités et principes

2.2.1.

Le CESE apprécie l’approche adoptée dans la communication pour aborder la question de la sécurité économique sous plusieurs angles, et approuve les priorités énoncées dans la stratégie: promouvoir la compétitivité européenne, protéger l’Union des risques en matière de sécurité économique, et bâtir des partenariats avec des pays fiables, qui partagent les préoccupations de l’Union et ont avec elle des intérêts communs. Ces priorités sont étroitement liées. Par exemple, le fait de renforcer la compétitivité contribue à réduire les dépendances et le besoin de protection, et rend l’Union plus attrayante en tant que partenaire en matière de coopération commerciale et économique. Une coopération bénéfique contribue à son tour à améliorer la compétitivité et à réduire les dépendances préjudiciables.

2.2.2.

L’interconnexion des priorités nécessite une approche transversale des relations extérieures et des politiques internes de l’Union. Une politique étrangère et de sécurité commune forte et des politiques en matière de commerce, d’investissement, de technologie et d’industrie tournées vers l’avenir jouent un rôle central dans l’ensemble. Toutefois, les incidences de différentes mesures politiques apparaissent à divers moments, ce qui doit aussi être pris en compte lors de la planification des étapes de la mise en œuvre.

2.2.3.

Le CESE attire aussi l’attention sur les liens entre sécurité économique, sociale et géopolitique. Si la sécurité économique est un élément nécessaire du modèle social de l’UE, les droits fondamentaux et l’état de droit sont la base même de cette sécurité économique. Au niveau mondial, l’Union devrait s’affirmer comme un acteur puissant, à la fois grâce à une position économique forte et à des capacités diplomatiques et de défense, pour contribuer ce faisant à la résolution des conflits géopolitiques et à la promotion de la paix, de la démocratie, des droits de l’homme et des objectifs de développement durable (ODD), dans le cadre de la coopération multilatérale au sein du système des Nations unies. Dans ce contexte, la réforme des Nations unies est essentielle.

2.2.4.

Le CESE marque également son accord quant à l’application des principes de proportionnalité et de précision à toute mesure visant à garantir la sécurité économique. En outre, le CESE suggère de suivre, lors de la mise en œuvre, les principes de proactivité, de faisabilité et de participation.

2.2.5.

Le principe de proactivité invite l’UE à prendre des mesures et à orienter les évolutions en s’appuyant sur ses propres atouts et possibilités, au lieu d’adopter une attitude défensive et de se contenter de répondre aux mesures prises par d’autres acteurs mondiaux. Dans la pratique, l’Union doit veiller à ce que les mesures prises soient concrètement réalisables et correspondent aux réalités des entreprises et des autres acteurs. Le principe de participation fait référence à la nécessité de coopérer et d’associer toutes les parties prenantes concernées à l’élaboration et à la mise en œuvre de la stratégie.

2.3.   Évaluation des risques et des possibilités, des forces et des faiblesses

2.3.1.

Le CESE confirme les types de risques mentionnés dans la stratégie, à savoir ceux qui sont liés à la résilience des chaînes d’approvisionnement, à la sécurité physique et à la cybersécurité des infrastructures critiques, à la sécurité technologique et aux fuites, ainsi qu’à l’instrumentalisation des dépendances économiques ou à la coercition économique. Il convient dès lors d’évaluer les facteurs essentiels de la dépendance économique et de leur accorder toute l’attention voulue: la part des importations dans l’utilisation de matières premières, de produits et de technologies critiques ou stratégiques; la concentration des importations et des exportations en fonction des pays et de leur fiabilité; la capacité à remplacer les importations critiques par une production propre ou de nouvelles innovations; et la possibilité de diversifier les chaînes d’approvisionnement et les marchés de produits (4).

2.3.2.

En outre, le CESE attire l’attention sur les risques économiques liés à l’utilisation des ressources naturelles et de l’environnement comme une arme. À titre d’exemple, on peut citer les tensions croissantes causées par la rareté de l’eau et les nombreux effets du changement climatique qui peuvent affecter, du moins indirectement, la sécurité économique de l’UE. Les risques et conflits liés à l’environnement, ainsi que d’autres conflits et guerres, appellent l’Union à une préparation adéquate dans le cadre de sa stratégie de sécurité économique.

2.3.3.

Le CESE souligne qu’outre les risques et menaces externes, il existe des dangers liés aux évolutions internes de l’UE. Le marché unique étant le fondement de la coopération extérieure, les distorsions qu’il subit constituent également un risque fatal pour le rôle de l’Union à l’échelle mondiale. En outre, les politiques nationales qui affaiblissent les conditions d’investissement font peser un risque sur la sécurité économique de l’UE. Cela souligne la nécessité d’inclure un véritable contrôle de la compétitivité dans le processus d’élaboration des politiques de l’Union.

2.3.4.

Le CESE approuve la proposition relative à l’évaluation régulière des risques et de leur développement. Étant donné que bon nombre des risques sont supportés et gérés par le secteur privé, le Comité estime qu’il est essentiel d’associer étroitement les entreprises de l’UE à leur identification et à leur évaluation. Les points de vue et les contributions d’autres parties prenantes concernées, notamment les partenaires sociaux, la communauté de la recherche et de l’éducation, les consommateurs et d’autres acteurs de la société civile, devraient aussi être dûment pris en considération.

2.3.5.

Outre la reconnaissance et l’évaluation de la grande variété des risques, il convient également d’analyser les opportunités qu’offrent à l’UE les évolutions géoéconomiques, technologiques et environnementales. Les possibilités concernent principalement la fourniture de solutions à des défis mondiaux en ce qui concerne l’eau potable et l’assainissement, l’alimentation et l’énergie, la numérisation et les transports, la santé et l’éducation, ainsi que le changement climatique et la dégradation de l’environnement. La gestion des migrations liées au climat et aux conflits est aussi un domaine dans lequel la création de solutions transfrontières et le renforcement de la sécurité économique de l’Union requièrent une stratégie et des outils proactifs.

2.3.6.

La capacité de l’UE à gérer sa sécurité économique dépend de ses forces et de ses faiblesses, qui devraient être constamment mis en regard des risques et possibilités actuels et anticipés. Pour renforcer sa sécurité économique, l’Union doit donc s’appliquer à poursuivre à la fois le développement de ses forces et à éliminer ses faiblesses.

2.3.7.

S’agissant des possibilités qui s’offrent à elle, l’UE doit identifier des aspects spécifiques susceptibles de fournir un avantage concurrentiel aux acteurs européens. Le CESE invite dès lors la Commission à s’employer, en étroite collaboration avec les entreprises et autres acteurs européens concernés, au recensement des mesures qui contribuent à saisir ces opportunités, afin de répondre aux besoins mondiaux et à renforcer simultanément la sécurité économique européenne.

2.4.   Promouvoir la compétitivité et les capacités

2.4.1.

La compétitivité européenne est mise à mal pour de nombreuses raisons, notamment le manque d’investissements publics et privés, le renforcement insuffisant des facteurs de productivité tels que la recherche, développement et innovation (RDI) et la formation, ou encore les crises multiples récentes et les augmentations des coûts qui en découlent. Le CESE estime par conséquent que la priorité de la promotion de la compétitivité de l’Union est de la plus haute importance. Le Comité approuve l’approche de la stratégie visant à consolider son marché unique, ainsi que ses capacités en matière d’innovation, de technologie et d’industrie, tout en préservant l’économie sociale de marché de l’UE. Le renforcement de la production intérieure, ainsi que la diversification des chaînes d’approvisionnement, et le bon fonctionnement du marché intérieur sont également des instruments indispensables pour réduire les dépendances critiques.

2.4.2.

Le Comité invite la Commission et les États membres à rendre la concurrence plus loyale et les conditions de concurrence plus équitables au sein du marché intérieur et à faire respecter efficacement les règles existantes. Il convient de veiller à ce que tous les acteurs du marché, y compris étrangers, respectent les règles et les normes européennes sur le marché unique de l’Union.

2.4.3.

Un accès sûr et abordable à l’énergie et aux matières premières est essentiel pour toutes les industries et reflète clairement l’importance d’un approvisionnement intérieur adéquat, d’un marché intérieur performant et de chaînes d’approvisionnement étrangères fiables. Des systèmes numériques sûrs et une forte capacité numérique sont également de plus en plus importants pour la sécurité économique de l’UE, sachant que la numérisation touche l’ensemble de l’économie et de la société, et que les données sont intrinsèquement liées au marché unique des biens, des services, des capitaux, et aussi aux personnes. La capacité et l’influence de l’Union dans le développement et l’utilisation de l’IA et d’autres technologies numériques avancées devraient être tout particulièrement assurées.

2.4.4.

Le parachèvement de l’union financière, c’est-à-dire de l’union des marchés des capitaux et de l’union bancaire, est aussi essentiel. Un marché des capitaux européen performant et stable et un secteur bancaire européen indépendant sont indispensables pour garantir un accès stable au financement, tout en évitant les dépendances excessives à l’égard de l’étranger. Le CESE invite instamment les pouvoirs publics nationaux et les institutions compétentes de l’Union à redoubler d’efforts pour achever à la fois l’union des marchés des capitaux et l’union bancaire. Par ailleurs, l’Union doit lever les obstacles existants et s’abstenir de toute nouvelle mesure susceptible de compromettre l’accès au financement, en particulier pour les petites et moyennes entreprises (PME).

2.4.5.

Outre le bon fonctionnement des marchés de capitaux, il est par ailleurs nécessaire d’allouer de manière efficace des fonds publics adéquats, afin de pouvoir atteindre les objectifs souhaités en matière de sécurité économique. Le Comité insiste sur la nécessité de donner la priorité aux investissements adéquats dans des infrastructures sûres, en particulier les infrastructures critiques, ainsi que dans la recherche et l’innovation, et enfin dans l’éducation et la formation. Dans ce contexte, le CESE regrette que la Commission n’ait pas proposé de Fonds européen de souveraineté dans sa dernière révision du cadre financier pluriannuel (CFP) (5).

2.4.6.

Le CESE souligne par ailleurs que la sécurité économique devrait couvrir tous les segments de l’économie, y compris la viabilité macroéconomique, la stabilité macrofinancière, ainsi que la durabilité, l’inclusivité et la résilience de l’économie réelle. Pour renforcer ces objectifs, il est essentiel d’encourager l’émergence de conditions propices à des investissements durables sur les plans économique, social et environnemental.

2.4.7.

Au lieu de s’engager dans une course aux subventions pour promouvoir ses industries, l’UE doit privilégier l’excellence en matière d’innovation, d’entrepreneuriat, d’aptitudes et de compétences, et s’appuyer sur ces atouts. L’augmentation de la capacité d’innovation nécessite des investissements en faveur des infrastructures de RDI, des talents de haut niveau et de la diversité des écosystèmes d’innovation. L’éducation et la formation doivent répondre aux besoins actuels et futurs en matière de compétences et couvrir l’ensemble des compétences professionnelles, des compétences de pointe aux compétences de base, notamment grâce à des reconversions complètes et des apprentissages de qualité. Pour exploiter et développer les talents des jeunes, il faut leur donner des perspectives d’avenir encourageantes, en renforçant à la fois les possibilités et les capacités nécessaires pour orienter leur propre avenir.

2.4.8.

Outre le développement des compétences, la promotion de conditions favorables à la création d’emplois et la facilitation de la circulation des travailleurs sur le marché du travail sont des mesures nécessaires pour renforcer l’emploi dans les circonstances de plusieurs transitions parallèles.

2.4.9.

L’évolution démographique entraînant des pénuries de main-d’œuvre dans tous les secteurs et dans divers emplois et tâches, il appartient également à l’UE d’encourager et de faciliter la mobilité transfrontière des personnes qualifiées, tant sur son territoire qu’en coopération avec des pays tiers. Des efforts spécifiques doivent porter sur l’objectif consistant à attirer et à retenir les talents nécessaires dans le domaine des technologies et activités stratégiques (6). Le CESE souligne l’importance d’une approche globale pour renforcer les capacités industrielles. Au lieu de «miser uniquement sur les meilleurs», ce qui fait courir le risque d’opter pour des investissements politiquement erronés et de restreindre la prise de risque par les entreprises, l’UE devrait offrir des conditions favorables à la poursuite des progrès et à la mise au point de nouvelles solutions à grande échelle. Par exemple, il n’est guère optimal de renforcer la transition écologique en promouvant uniquement des secteurs ou des technologies spécifiques, étiquetés «verts» ou «propres», car tous les types d’entreprises participent à la transition écologique; de nombreuses entreprises «traditionnelles» fournissent les matières premières et composants nécessaires ou une plateforme d’innovation pour de nouveaux produits et solutions.

2.4.10.

De même, lors de la définition et de la promotion des technologies «stratégiques» ou «critiques», toutes les technologies et tous les secteurs concernés doivent être pris en considération. Comme il l’a souligné dans son avis complémentaire, le CESE appelle de ses vœux une définition cohérente, étayée et transparente des technologies et des secteurs «stratégiques» et «critiques», dans le but de garantir la sécurité juridique et opérationnelle nécessaire. Compte tenu des divers aspects afférents à la nature et à l’utilisation des technologies, le Comité souligne le rôle de ces technologies au service des fonctions critiques de la société. Il s’agit, par exemple, des technologies de l’énergie, du numérique et des transports, des technologies de l’eau et de la santé, ainsi que de celles qui sont liées à la sécurité.

2.4.11.

Au lieu de décider des structures de production, des assortiments de produits ou des chaînes d’approvisionnement des entreprises, le rôle essentiel des décideurs politiques consiste à mettre en place des cadres propices et à encourager et aider les entreprises à gérer les nouveaux risques géoéconomiques, y compris la fragmentation mondiale, dans leurs activités, tout en veillant à la durabilité économique, sociale et environnementale des entreprises. Il s’agit, par exemple, de faciliter l’accès aux matières premières critiques ou de contribuer à éliminer les goulets d’étranglement. Une politique étrangère et de sécurité forte, en coordination avec d’autres politiques telles que les politiques commerciale, industrielle et énergétique, est essentielle à cet effort commun.

2.4.12.

Étant donné que les risques pour la sécurité économique affectent un large éventail d’opérations commerciales telles que la gestion de la chaîne d’approvisionnement, les importations, les exportations, les investissements et la coopération technologique, le CESE estime qu’il importe de veiller à ce que les mesures politiques visant à faire face aux risques n’entraînent pas de coûts ou d’entraves disproportionnés pour les entreprises de l’UE. Conformément au principe de faisabilité, le Comité invite la Commission et les États membres à contribuer à accroître la sensibilisation, les connaissances et les capacités permettant d’affronter les risques en matière de sécurité économique, en particulier pour les MPME, qui luttent pour faire face simultanément aux transitions écologique et numérique.

2.4.13.

Le CESE souligne en outre la nécessité pour l’UE d’exploiter et de renforcer les synergies entre les États membres et de s’efforcer de créer des avantages sur l’ensemble de son territoire, contribuant ainsi à l’unité, à la force mondiale et à la sécurité économique globale de l’Union.

2.5.   D’une coopération préjudiciable à une coopération bénéfique

2.5.1.

Le CESE convient pleinement qu’il est urgent pour l’UE de réduire les dépendances économiques qui font peser des risques sur sa sécurité économique et sa résilience ainsi que sur celles de ses États membres. Dans le même temps, le Comité souscrit à l’affirmation selon laquelle l’Union ne peut pas assurer seule sa sécurité économique, et approuve la coopération avec le plus large éventail possible de partenaires, à condition que celle-ci soit durable sur les plans économique, social et environnemental, et aussi qu’elle reste raisonnable. Le CESE soutient la «réduction des risques» en tant qu’approche générale de la sécurité économique de l’UE, tandis que la «distanciation» devrait s’appliquer à des situations extrêmement graves, telles que l’agression russe.

2.5.2.

Le CESE estime qu’outre la réduction de ses dépendances critiques, l’Union devrait voir plus loin et s’efforcer de nouer des liens et des partenariats qui s’appuient sur ses atouts, sont porteurs d’avantages mutuels et renforcent son engagement en faveur de la coopération. Pour ce faire, il est nécessaire de doter l’Union d’une position économique forte sur la scène mondiale. Outre la protection contre les importations déloyales, l’UE devrait élargir de manière décisive les possibilités d’exportation et l’internationalisation de ses entreprises. Cela servirait également d’autres intérêts de l’Union, tels que le renforcement des objectifs environnementaux et sociaux.

2.5.3.

L’augmentation et la diversification des partenaires améliorent les possibilités de diversifier les chaînes d’approvisionnement et favorisent l’accès aux ressources de production, qu’elles soient critiques ou ordinaires. De même, elles contribuent à l’expansion des marchés d’exportation, réduisant ainsi la dépendance à l’égard d’un nombre de clients limité. À cette fin, il importe de tirer pleinement parti des accords pertinents en matière de commerce et d’investissement qui sont en vigueur, de conclure rapidement les négociations commerciales en cours, ainsi que d’entamer des négociations avec de nouveaux partenaires potentiels. Pour garantir une approche globale ainsi que la nécessaire légitimité publique, il importe que les partenariats dans le domaine des matières premières critiques soient soumis au même niveau d’exigences de durabilité que les accords commerciaux. Il convient dès lors de prévoir un chapitre solide consacré au développement durable, un suivi et une mise en œuvre ciblés, un contrôle par la société civile et des sanctions en dernier recours (7).

2.5.4.

Le CESE juge utile que l’UE renforce les partenariats thématiques dans des domaines tels que la numérisation, les matières premières et l’énergie. Le Comité souligne également l’importance croissante de la diplomatie bleue et de la coopération dans le secteur de l’eau, y compris la gestion durable des ressources en eau et le renforcement des technologies bleues.

2.5.5.

La recherche et l’innovation constituent un domaine essentiel de la coopération thématique. Si les partenariats technologiques imposent à l’UE de se protéger contre les abus, ils augmentent ses chances d’être associée au développement de technologies stratégiques et critiques. Des projets de recherche communs et de haut niveau, en coopération avec les industries, contribuent également à développer, attirer et retenir des profils d’excellence.

2.5.6.

Un rôle actif dans l’élaboration et la mise en œuvre de règles et de normes internationales offre à l’UE la possibilité de s’imposer comme un acteur mondial de référence. Tout en promouvant les intérêts économiques de l’Union, la coopération avec des pays partageant les mêmes valeurs permet en outre de promouvoir des technologies et des produits durables et fiables dans le monde entier.

2.5.7.

Le CESE estime, conformément à la stratégie, qu’il est dans l’intérêt de l’Union de renforcer la coopération multilatérale — et le cas échéant, plurilatérale — par l’intermédiaire d’organisations et d’enceintes internationales. Il convient d’accorder davantage d’attention et d’efforts à la coopération au sein de l’OMC et à la réforme de l’organisation. Il s’agirait ce faisant de compenser la tendance actuelle à la fragmentation de l’économie et des marchés mondiaux. Il est primordial de soutenir la coopération internationale, compte tenu de l’incidence qu’ont la fragmentation et la confrontation sur l’économie européenne, principalement sur le commerce, la technologie et les investissements, y compris le système de paiement et la stabilité de l’euro. La coopération multilatérale est elle aussi indispensable, par exemple, pour résoudre les problèmes communs en matière d’environnement et de santé.

2.5.8.

Le CESE convient que les partenariats avec les pays en développement contribuent à la sécurité économique de l’UE, en améliorant l’accès aux ressources et en ouvrant de nouveaux marchés. Outre la coopération économique fondée sur le marché, l’Union devrait faciliter une participation accrue de ses entreprises et d’autres acteurs de la société civile, y compris les ONG et les entreprises de l’économie sociale, aux projets de coopération au développement. Le renforcement des capacités, y compris l’éducation et le développement des compétences, devrait constituer un élément essentiel de ces partenariats.

2.5.9.

La coopération dans le cadre de la stratégie «Global Gateway» est un exemple de partenariats financiers et techniques visant à créer des avantages mutuels pour les partenaires. Par ailleurs, ce type de partenariats apporte de multiples avantages en termes de développement durable, en répondant simultanément aux besoins et aux objectifs économiques, sociaux et environnementaux. Pour offrir une meilleure valeur ajoutée, cette coopération devrait être complétée par des partenariats écosystémiques qui utilisent les infrastructures.

2.6.   Protection contre les menaces et les risques

2.6.1.

Si le partenariat proactif doit être considéré comme le principal moyen de renforcer la sécurité économique de l’UE dans les relations internationales, il est nécessaire de prendre des contre-mesures décisives dans les cas où des pays tiers menacent la sécurité économique de l’Union en raison de conditions et de pratiques commerciales déloyales ou illégales, d’abus liés aux investissements entrants ou sortants, ou de risques liés à la coopération technologique. Le CESE soutient la proposition d’évaluer et d’utiliser les très nombreux instruments existants et les éventuels nouveaux outils pour prévenir et combattre les risques et les distorsions liés au commerce et à l’investissement.

2.6.2.

Dans le même temps, il importe d’éviter d’exacerber le protectionnisme et, dans l’ensemble, de maintenir le partenariat en tant que premier choix. Le Comité souligne par ailleurs l’importance de la coordination et de l’unité entre les États membres ainsi que de la coopération avec les pays partenaires de l’Union lors de l’utilisation de ces instruments. Des analyses coûts-avantages appropriées sont de plus nécessaires pour planifier et décider de leur utilisation.

2.6.3.

Le CESE soutient l’élaboration et la mise en œuvre de mesures efficaces pour faire face aux risques liés aux technologies à double usage. Le CESE estime de surcroit qu’il est essentiel de protéger les droits de propriété intellectuelle et de prévenir l’espionnage technologique et les fuites d’information, comme le souligne la stratégie.

2.6.4.

Compte tenu de la croissance de l’économie fondée sur les données, une attention et des investissements toujours plus importants doivent aussi être consacrés à la cybersécurité et la sécurité des infrastructures numériques. Le CESE souligne également la nécessité de protéger la sécurité d’autres types d’infrastructures critiques, notamment les infrastructures d’énergie, de transport, de santé, et de distribution d’eau. La sécurité physique comme la cybersécurité doivent être renforcées, en tenant compte de la grande diversité des attaques potentielles et des incidents.

2.6.5.

Afin de mieux préparer l’UE aux crises et aux situations d’urgence, il convient d’examiner de manière intégrée divers types de risques et d’opter pour une approche globale en matière de gestion des risques. La coopération en matière d’activités de prospective et de planification de mesures d’urgence devrait de la même façon être intensifiée, en tirant pleinement parti de la collaboration entre les secteurs public et privé qui associe le cadre fourni par la gouvernance publique avec l’expérience et l’action pratiques des entreprises, des travailleurs et des citoyens dans leur ensemble.

3.   Observations particulières

3.1.

Sur la base des observations et arguments généraux susmentionnés, et compte tenu du fait que le renforcement de la compétitivité et le développement des partenariats bénéfiques sont essentiels pour améliorer la sécurité économique de l’Union, le CESE suggère à la Commission d’envisager d’ajouter les aspects et mesures suivants à la liste des prochaines étapes.

3.2.

Suivre en permanence les stratégies et les mesures adoptées par les pays tiers en matière de sécurité économique.

3.3.

Évaluer les points forts de l’UE dans le contexte des évolutions géopolitiques et géoéconomiques et des mesures prises par d’autres acteurs mondiaux.

3.4.

Recenser, en collaboration avec les entreprises et autres parties prenantes concernées, les mesures politiques nécessaires pour saisir et exploiter les possibilités en matière de commerce et de partenariat qu’offrent les évolutions mondiales.

3.5.

Définir les technologies et secteurs «stratégiques» et «critiques» de manière cohérente et transparente afin d’assurer la sécurité juridique et opérationnelle nécessaire.

3.6.

Appliquer un contrôle adéquat de la compétitivité aux effets économiques et sociaux des initiatives politiques de l’UE, contribuant ainsi à la sécurité économique de cette dernière.

3.7.

Renforcer les capacités de la Commission en matière d’intelligence économique et de prospective.

3.8.

Faciliter la coopération en matière de recherche, d’innovation et de développement des compétences avec des partenaires partageant les mêmes valeurs dans des domaines toujours plus critiques tels que la gestion des ressources en eau et les technologies «bleues».

3.9.

Améliorer la préparation aux flux migratoires provoqués par des phénomènes liés au climat et à l’environnement, en sus des situations de conflit et de guerre.

3.10.

Accroître la coopération public-privé afin de favoriser une meilleure préparation aux situations d’urgence liées à la sécurité économique.

3.11.

Associer la totalité des acteurs concernés de la société civile à la poursuite de l’élaboration et de la mise en œuvre de la stratégie de sécurité économique.

Bruxelles, le 14 février 2024.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)  Avis du Comité économique et social européen sur «La force des partenariats commerciaux: ensemble pour une croissance économique verte et juste» (JO C 140 du 21.4.2023, p. 69).

(2)  JOIN(2023) 20 final du 20.6.2023, Bruxelles.

(3)  https://www.eesc.europa.eu/fr/our-work/opinions-information-reports/opinions/les-technologies-strategiques-en-tant-que-moteur-de-la-souverainete-et-de-la-resilience-europeennes-avis-complementaire.

(4)  Avec les États-Unis, la Chine joue un rôle clé dans l’ordre géopolitique et géoéconomique mondial, et elle occupe une position cruciale dans le commerce mondial, les chaînes d’approvisionnement et les partenariats d’investissement. L’Union est aussi fortement dépendante de la Chine, notamment en ce qui concerne certaines matières premières et technologies critiques essentielles pour la transition écologique et numérique.

(5)  Avis du CESE intitulé «Considérations supplémentaires sur l’examen annuel 2023 de la croissance durable» (JO C, C/2024/871, 6.2.2024, ELI: http://data.europa.eu/eli/C/2024/871/oj).

(6)  Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée [COM(2022) 650 final], sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant une procédure de demande unique en vue de la délivrance d’un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à résider et à travailler sur le territoire d’un État membre et établissant un socle commun de droits pour les travailleurs issus de pays tiers qui résident légalement dans un État membre [COM(2022) 655 final] et sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Attirer des compétences et des talents dans l’UE» [COM(2022) 657 final] (JO C 75 du 28.2.2023, p. 136).

(7)  Avis du Comité économique et social européen sur «La force des partenariats commerciaux: ensemble pour une croissance économique verte et juste» (JO C 140 du 21.4.2023, p. 69).


ELI: http://data.europa.eu/eli/C/2024/2489/oj

ISSN 1977-0936 (electronic edition)