15.2.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/207


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la réduction de l’incidence sur l’environnement de certains produits en plastique»

[COM(2018) 340 final — 2018/0172 (COD)]

(2019/C 62/34)

Rapporteure:

Maria NIKOLOPOULOU

Saisine

Conseil, le 15.6.2018

Parlement européen, le 11.6.2018

Base juridique

Article 192, paragraphe 1, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Décision de l’assemblée plénière

17.4.2018

 

 

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

5.10.2018

Adoption en session plénière

17.10.2018

Session plénière no

538

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

210/3/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) souscrit à la proposition de directive sur les articles en plastique à usage unique; il estime qu’elle est un élément essentiel dans le cadre de la stratégie en faveur de l’économie circulaire et pour atteindre les objectifs de développement durable.

1.2.

Le Comité fait notamment valoir que la transition vers la durabilité nécessite en premier lieu le concours de l’ensemble des acteurs politiques, économiques, sociaux et culturels, ce qui suppose d’impliquer également chaque citoyen dans un nouveau paradigme de production, de consommation et de recyclage des produits. C’est pourquoi l’éducation, la formation et les campagnes de sensibilisation représentent des exigences fondamentales à tous les niveaux, en particulier en ce qui concerne les jeunes d’âge scolaire.

1.3.

Le Comité estime que la proposition de la Commission est un important projet pilote, qui met spécifiquement l’accent sur les produits plastiques les plus répandus dans les mers et les océans. Toutefois, la proposition pourrait être encore plus ambitieuse et devrait aller de pair avec une feuille de route et d’autres initiatives afin d’assurer une mise en œuvre efficace.

1.4.

Le Comité formule notamment les recommandations suivantes:

1.4.1.

envisager d’étendre la liste des dix articles en plastique à usage unique et d’y inclure d’autres produits pour lesquels des substituts durables sont déjà disponibles sur le marché dans des quantités et à un prix appropriés;

1.4.2.

clarifier le principe selon lequel tous les produits biodégradables doivent également être compostables et définir des délais spécifiques de photodégradation sur terre et en mer;

1.4.3.

les pêcheurs peuvent être un facteur déterminant pour le nettoyage des mers et des océans. Les incitations au retour à terre des engins de pêche doivent être étendues dès que possible à tous les déchets collectés au cours de la pêche. La mise en œuvre d’un nouveau système de nettoyage des mers et des océans nécessite de mobiliser l’ensemble des parties prenantes et des autorités locales. En outre, tous les ports, y compris les plus petits, doivent disposer d’un système avancé de collecte et de gestion transparente des déchets;

1.4.4.

bien que 90 % des produits en plastique à usage unique présents sur le marché européen soient produits dans des pays tiers, il est essentiel d’accompagner toutes les entreprises du secteur dans la transition vers une production plus durable. Il y a lieu notamment d’encourager, à l’aide d’instruments financiers et fiscaux, l’innovation et le développement de secteurs tels que l’écoconception, le bioplastique et les matières premières secondaires. L’Union européenne pourra ainsi bénéficier d’une croissance significative de sa balance commerciale, favoriser le développement d’entreprises plus durables et accroître le nombre d’emplois de qualité.

1.4.5.

Le principe «pollueur-payeur», établi par la directive 2004/35/CE, est un pilier essentiel de la proposition de la Commission et est à la base d’une répartition plus équitable et plus équilibrée des coûts de la gestion et du recyclage des déchets. La bonne application de la directive permettra de réduire ces coûts pour les entreprises qui disposent de processus certifiés de prévention de la pollution ou de récupération directe des produits polluants fabriqués;

1.4.6.

Un renforcement de la coordination avec les autres législations existantes en matière de gestion et de recyclage des déchets s’impose; à cet égard, il y a lieu de mettre l’accent sur le tri des déchets. En outre, il serait important que les États membres prévoient un système harmonisé d’autorisations et de sanctions;

1.4.7.

la stratégie sur les articles en plastique à usage unique n’aura qu’un effet limité si la Commission n’intervient pas au moyen d’une stratégie ad hoc en faveur d’une gestion et d’un contrôle plus durables des eaux intérieures (lacs et rivières), d’où proviennent 80 % des déchets présents dans les mers. Le Comité recommande de favoriser la diffusion de systèmes de gouvernance associant les pouvoirs publics, le secteur privé et la société civile organisée, tels que les «contrats rivière», qui devraient être considérés comme une condition fondamentale de l’accès à certains fonds pour la protection de l’environnement (par exemple Interreg);

1.4.8.

La mise en place de systèmes d’étiquetage et de traçabilité pour les articles en matière plastique pourrait représenter une valeur ajoutée dans les processus de gestion et de recyclage des déchets. La création d’un logo spécifique pourrait renforcer la confiance des consommateurs, notamment pour les produits fabriqués à partir de matières premières secondaires;

1.4.9.

la directive devrait faire l’objet d’une révision tous les trois ans au lieu de tous les six ans. Cette proposition est motivée par le fait que les mécanismes de surveillance sont déjà actifs et validés (méthode de comptage). Cette mesure permettrait en outre de résoudre d’éventuelles difficultés au cours de la phase de mise en œuvre et, au besoin, de modifier ou d’étendre la liste des dix articles en fonction de l’état de mise en œuvre de la directive et de l’évolution de la situation dans le domaine de l’éco-conception;

1.4.10.

Il y a lieu de diffuser davantage les nombreuses bonnes pratiques existantes dans l’économie circulaire en renforçant la plateforme du CESE intitulée «Plateforme européenne des parties prenantes de l’économie circulaire», qui est un outil efficace pour l’échange d’expériences entre toutes les parties intéressées.

2.   Introduction

2.1.

Dans l’Union européenne, les déchets plastiques représentent entre 80 % et 85 % des déchets marins, lesquels sont constitués à 50 % d’articles en plastique à usage unique, tandis que 27 % sont des engins de pêche qui contiennent des matières plastiques provenant de la pêche traditionnelle et de l’aquaculture, abandonnés ou perdus en mer.

2.2.

Les dix articles en plastique à usage unique que l’on trouve le plus souvent sur les plages européennes représentent 86 % de tous les articles trouvés et 43 % du total des déchets marins. Il s’agit de produits d’usage courant dont la composition n’est pas toujours associée au plastique (1): récipients alimentaires, gobelets pour boissons, bâtonnets de coton-tige, assiettes, pailles, tiges pour ballons, récipients pour boissons et leurs bouchons et couvercles, filtres de produits du tabac, lingettes humides et sacs plastique. Ces dix articles, ainsi que les engins de pêche contenant des matières plastiques, représentent environ 70 % de l’ensemble des déchets marins retrouvés (2).

2.3.

Les produits en plastique à usage unique, généralement réalisés en polyéthylène et polypropylène, mettent en moyenne 300 ans pour se dégrader dans l’environnement; dans certains cas, leur photodégradation peut prendre jusqu’à 1 000 ans. En outre, la dégradation ne signifie pas l’absorption du plastique dans le cycle de vie de la nature; il se transforme en microplastiques et devient invisible à l’œil humain.

2.4.

Le plastique est l’une des grandes inventions du XXe siècle et l’une de celles qui ont le plus influencé nos vies. Ses caractéristiques physiques (souplesse, légèreté et résistance) en font un matériau aux innombrables applications; c’est le cas des produits en plastique à usage unique, idéaux pour l’usage externe (par exemple pour les pique-niques). Cela signifie que les articles en plastique à usage unique sont des produits dont le risque de dispersion dans la nature est élevé, quelles que soient la volonté de nombreux consommateurs et l’efficacité des systèmes de gestion et de recyclage des déchets. Il s’agit d’un risque et d’un impact sur l’environnement disproportionnés, surtout si l’on considère que la durée d’utilisation prévue de ces produits peut ne pas excéder les cinq minutes.

2.5.

Les produits en plastique à usage unique, s’ils n’entrent pas dans la chaîne de gestion des déchets, s’accumulent dans les mers et les océans et ont des effets nuisibles pour l’environnement et pour la santé humaine étant donné qu’ils pénètrent dans la chaîne alimentaire. En outre, ce phénomène touche plusieurs secteurs de l’économie tels que le tourisme, la pêche et le transport maritime.

2.6.

Le problème des déchets marins revêt un caractère transfrontalier qu’illustrent les îles de plastique (3). L’Union européenne s’est engagée à agir contre ce phénomène, conformément aux objectifs de développement durable des Nations unies (4) et de l’accord de Paris (COP 21). La stratégie sur les matières plastiques (5) a représenté un premier pas dans cette direction, dans le cadre du plan d’action en faveur de l’économie circulaire (6).

3.   Synthèse de la proposition de la Commission

3.1.

La proposition de directive a pour objectif de prévenir et de réduire les déchets plastiques (macroplastiques) en mer provenant des produits en plastique à usage unique et des engins de pêche contenant des matières plastiques en complétant les mesures déjà prévues dans le cadre de la stratégie sur les matières plastiques et en corrigeant les lacunes détectées dans les actions et la législation en vigueur.

3.2.

La directive est également liée à l’initiative visant à éliminer les sacs en plastique à usage unique (en faveur d’autres, fabriqués à partir de bioplastique ou de matériaux compostables), qui a changé radicalement et en peu de temps les habitudes des consommateurs et donné des résultats très positifs pour l’environnement (7).

3.3.   Produits en plastique à usage unique (2P2U)

3.3.1.

Au terme du comptage effectué sur différentes plages européennes, la proposition s’articule autour des dix produits en plastique à usage unique que l’on retrouve le plus souvent sur les plages. La Commission a prévu une série de mesures sur la base de la disponibilité de produits de substitution durables et à des prix abordables. Si ces articles existent déjà sur le marché, l’on prévoit d’éliminer leurs équivalents les plus polluants (par exemple les pailles, les assiettes et les bâtonnets de coton-tiges). Dans le cas contraire, la Commission propose un ensemble de mesures visant à réduire la consommation par le biais de campagnes de sensibilisation et de promotion de l’écoconception afin de produire le plus rapidement possible des matériaux de substitution biocompatibles et recyclables (par exemple les récipients pour aliments, les gobelets pour boissons, les ballons, les emballages et les sachets, les récipients pour boissons, les filtres de produits du tabac, les lingettes humides et les sacs en plastique légers).

3.3.2.

La directive prévoit l’application du régime de la responsabilité élargie des producteurs pour tous les produits ne relevant pas de la mesure de restriction d’accès au marché afin de contribuer aux coûts de prévention et de gestion des déchets.

3.3.3.

La Commission propose également un système d’étiquetage destiné à informer les consommateurs sur la gestion des déchets afin d’encourager le tri sélectif et le recyclage. Cette mesure prévoit également de signaler les comportements à éviter (par exemple l’utilisation de lingettes humides).

3.3.4.

La proposition prévoit des mesures concrètes concernant la conception des produits (par exemple, les bouchons attachés aux bouteilles), ainsi que des objectifs ambitieux en matière de recyclage (90 % de recyclage séparé pour les bouteilles en plastique à usage unique).

3.4.   Engins de pêche contenant des matières plastiques

3.4.1.

La directive propose un système intégré et plus moderne de collecte des engins de pêche contenant des matières plastiques, reposant sur trois éléments clefs: mettre en place un mécanisme spécifique et des appareils de tri sélectif dans les ports, inciter les pêcheurs à rapporter à terre les engins de pêche contenant des matières plastiques ou les déchets abandonnés en mer, et instaurer un régime de responsabilité élargie du producteur pour les fabricants d’engins de pêche contenant des matières plastiques, y compris les PME. Les fonds collectés grâce au régime de la responsabilité élargie du producteur seront utilisés pour financer la prévention de la production de déchets (campagnes de sensibilisation) et la gestion des déchets, y compris le nettoyage des déchets de produits en plastique à usage unique.

3.5.

Une grande partie des articles en plastique à usage unique est fabriquée en dehors de l’Union européenne. Par conséquent, la proposition pourrait favoriser un développement productif européen, qui serait soutenu par une forte demande intérieure. Il est à souhaiter, dès lors, que cette réglementation contribue également à accélérer la croissance d’une économie concurrentielle, durable et décarbonisée, ce qui constituerait un avantage évident pour la balance commerciale avec les pays tiers et aurait des effets positifs sur la création d’emplois de qualité.

4.   Observations générales

4.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) a été l’un des pionniers du développement durable reposant sur la sensibilisation à la fois des citoyens et de l’ensemble des acteurs politiques, économiques, sociaux, environnementaux et culturels. C’est la raison pour laquelle l’éducation à tous les niveaux joue un rôle essentiel dans l’édification des bases d’un nouveau mode de production, de consommation et de vie fondé sur le respect de l’environnement. Les entreprises, dans le cadre de la responsabilité sociale des entreprises, sont une pièce maîtresse de cet effort de sensibilisation et d’éducation. La société civile organisée a déjà réalisé de nombreuses actions volontaires qui pourraient représenter une importante valeur ajoutée à l’initiative de la Commission.

4.2.

Le CESE rappelle que la pollution est un problème mondial. Toute initiative européenne, quelles qu’en soient la vision et la portée, sera insuffisante si elle ne s’accompagne pas d’un projet plus vaste de développement durable, qui associe à la fois les grands concurrents de l’Union et les pays en voie de développement. Le CESE recommande notamment de créer des synergies avec des pays tiers limitrophes dans la gestion durable des mers fermées telles que la mer Noire et la mer Méditerranée. En conséquence, le Comité attend de l’Union européenne qu’elle joue un rôle croissant dans les processus de développement durable.

4.3.

Le CESE soutient la proposition visant à prévenir et à réduire le nombre des déchets plastiques dans la mer issus des articles en matière plastique à usage unique et des engins de pêche contenant des matières plastiques. Il approuve l’idée consistant à se concentrer sur un nombre limité de produits à forte incidence sur l’environnement, conformément à la logique du «projet pilote», et considère cette initiative comme un pas important vers la création d’une économie réellement durable dans le cadre du plan d’action pour l’économie circulaire (8) et un complément à la stratégie sur les matières plastiques (9). Cependant, le Comité estime que l’initiative de la Commission pourrait être plus ambitieuse: elle pourrait étendre la liste à tous les produits durables déjà disponibles dans des quantités et à des prix adéquats (par exemple les capsules de café) et en garantir la salubrité, en associant à sa démarche l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).

4.4.

Le CESE juge opportune la proposition consistant à ne restreindre la commercialisation que lorsqu’il existe déjà des produits de substitution durables, respectueux de l’environnement et des personnes, et à des prix abordables pour les consommateurs.

4.5.

Pour résoudre le problème de l’accumulation de déchets plastiques, il y a lieu de souligner l’importance, outre la gestion des déchets, des habitudes de consommation et du modèle de production. Il est essentiel à cet égard que les gouvernements des États membres mettent en place tous les instruments nécessaires afin d’encourager l’usage de produits plastiques durables, en promouvant et en soutenant les processus de production et de consommation les plus rationalisés. Dans le même temps, il importe de sensibiliser les citoyens dès l’âge scolaire afin qu’ils adoptent un comportement responsable et participent à la collecte sélective des déchets.

4.6.

Les articles en plastique à usage unique sont des produits qui présentent un risque élevé de dispersion dans l’environnement, quelles que soient la volonté de nombreux consommateurs et l’efficacité des systèmes de gestion et de recyclage des déchets. L’impossibilité de créer un mécanisme de collecte et de recyclage des déchets efficace à 100 % rend nécessaire de mettre en place dans les meilleurs délais des solutions de rechange durables, et de prendre des mesures pour réduire le niveau de pollution (10).

4.7.

L’écoconception constitue un facteur clef dans la création de produits de substitution biocompatibles en remplacement des articles les plus polluants. Le Comité recommande que le nouveau cadre financier de l’Union européenne prévoie d’investir des ressources suffisantes dans ce secteur, notamment par le biais du nouveau programme Horizon. Le CESE estime que l’innovation «verte» dans le domaine des bioplastiques et des matières premières secondaires, de même que l’utilisation d’enzymes du type «PETase», capable de «manger» le plastique, peuvent représenter une valeur ajoutée pour l’ensemble de l’Union du point de vue économique, social et environnemental.

4.8.

Le Comité préconise l’adoption d’une approche ciblée pour les articles en matière plastique destinés à être transformés en matières premières secondaires. Il est important, notamment, que le plastique ne contienne aucun additif chimique toxique susceptible d’entraver le recyclage et de causer des dommages aux personnes, aux entreprises et à l’environnement. Il est en outre important de prévoir une «fin de vie» pour ces articles, le plastique ne pouvant être soumis à des recyclages indéfiniment.

4.9.

De l’avis du CESE, l’une des limites les plus évidentes de l’initiative est l’absence d’une réglementation qui complète le concept de «biodégradabilité». En effet, le fait qu’un produit en plastique soit biodégradable n’est pas synonyme d’éco-durabilité. Les produits en matière plastique, et les produits en plastique à usage unique en particulier, peuvent se transformer en microplastiques et polluer l’environnement en pénétrant dans la chaîne alimentaire. C’est la raison pour laquelle le Comité recommande d’intervenir le plus rapidement possible afin de clarifier le principe selon lequel tous les produits plastiques «biodégradables» doivent en outre être «compostables», c’est-à-dire ni toxiques ni dangereux pour l’environnement. À cet égard, il s’impose également de prévoir des délais spécifiques en matière de biodégradabilité, sur terre comme en mer, conformément à la norme harmonisée EN 13432 (11). Enfin, il est essentiel de créer un étiquetage européen soumis à des mécanismes de contrôle appropriés afin d’éviter les fraudes.

4.10.

Le CESE soutient la proposition prévoyant de favoriser le retour des engins de pêche contenant des matières plastiques au moyen d’incitations pour les pêcheurs. Il fait observer que l’activité de tri des déchets n’est ni facile ni rapide; il espère dès lors que les incitations seront proportionnelles au temps passé par les pêcheurs à trier les déchets.

4.10.1.

Cette mesure devrait être étendue au retour à terre de tous les déchets collectés au cours de l’activité de pêche, opération pour laquelle, selon les lois en vigueur, les pêcheurs sont tenus de payer pour décharger les déchets dans les ports. Cela signifie qu’à l’heure actuelle les pêcheurs paient pour nettoyer la mer et décharger à terre des déchets qu’ils n’ont pas produits, mais ramassés. Le Comité recommande par conséquent que les mesures actuellement en vigueur en matière de gestion des déchets soient réexaminées dans le cadre du nouveau Fonds européen pour la pêche 2021-2026, afin d’encourager les comportements proactifs et responsables.

4.10.2.

Compte tenu de l’importance des volumes de déchets, qu’ils soient flottants ou immergés, les pêcheurs peuvent représenter une valeur ajoutée de premier plan pour leur collecte. L’instauration récente de limites pour plusieurs stocks de pêche permet de considérer ces incitations comme un élément de compensation économique (12). De cette manière, l’activité de nettoyage, après une formation adéquate et une participation directe des associations de pêcheurs, pourrait devenir une nouvelle activité économique aussi attrayante que la pêche touristique (économie bleue), très pratiquée pendant les périodes d’interruption naturelle de la pêche. Cette mesure devrait être incluse dans le nouveau Fonds européen pour la pêche et sa mise en œuvre faire l’objet d’une initiative législative européenne spécifique.

4.11.

Le Comité est favorable à l’introduction du régime de responsabilité élargie du producteur, conforme au principe «pollueur-payeur». Jusqu’ici, ce sont d’autres secteurs productifs (tourisme (13), transport maritime, pêche) et les citoyens (par le biais de taxes supplémentaires sur la collecte, la gestion et le recyclage des déchets) qui ont payé les coûts de la pollution en mer. Il importera, au moment de la mise en œuvre dudit régime, de vérifier que ce principe s’appliquera bien aux entreprises qui fabriquent réellement des produits polluants, et qu’il ne sera pas répercuté sur le prix final payé par les consommateurs (14).

4.12.

Le Comité, conformément aux critères de la directive 2004/35/CE (15), invite la Commission et les États membres à envisager la possibilité de réduire la charge financière pour les entreprises qui mènent des actions certifiées de récupération directe de la pollution engendrée par leurs produits (par exemple au moyen d’un système privilégiant les emballages consignés). L’examen de ces bonnes pratiques, bien qu’il relève de la compétence des autorités nationales, devrait également être soumis à un contrôle européen de deuxième niveau.

4.13.

Le CESE est conscient du fait que la transition vers une économie circulaire implique une série de coûts élevés pour de nombreuses entreprises. C’est la raison pour laquelle il souhaite que ce processus, si indispensable du point de vue de l’environnement, s’accompagne d’incitations financières et fiscales permettant aux entreprises d’entreprendre la transition vers une production durable. Il est important que ce processus soit géré et surveillé au niveau européen afin d’éviter toute situation de concurrence déloyale au sein du marché unique.

4.14.

La transition vers l’économie circulaire peut représenter une chance pour l’ensemble de l’Union européenne en termes de compétitivité et d’emploi. Pour saisir cette opportunité, il convient d’élaborer un système performant d’éducation et de formation. Cela suppose également un système adéquat de mesures actives en faveur de l’emploi afin de mettre à niveau les compétences des travailleurs.

4.15.

Le CESE souscrit à l’idée d’élaborer une directive afin que chaque État membre mette en œuvre la réglementation en tenant compte de ses spécificités nationales; il serait toutefois important de limiter dès que possible les disparités en termes d’autorisations et de sanctions (16). À cet égard, il est primordial que les gouvernements nationaux associent la société civile organisée à tous les stades du processus, depuis l’élaboration de la législation jusqu’à sa mise en œuvre, son suivi et son évaluation. Lors de l’entrée en vigueur de la directive, même s’il existe dans certains cas des limites de temps pour la réalisation des objectifs fixés, de nombreux autres (comme par exemple le recyclage du PET) ne sont soumis à aucun calendrier prédéfini. Le CESE estime que l’absence de dates précises et identiques pour tous est susceptible d’aggraver les situations de déséquilibre au stade de la transposition de la législation.

4.16.

Le Comité note que les mécanismes de surveillance sont déjà actifs et validés (méthode de comptage). Pour cette raison, il préconise une révision de la directive tous les trois ans au lieu de tous les six ans comme dans la proposition initiale. Une telle mesure permettrait de résoudre les éventuelles difficultés au cours de la phase de mise en œuvre et, au besoin, de modifier ou d’étendre la liste des dix articles en plastique à usage unique en fonction de l’état de mise en œuvre de la directive et de l’évolution de la situation dans le domaine de l’écoconception.

5.   Observations particulières

5.1.

Selon le PNUE (17), 80 % des déchets accumulés dans les mers et les océans ont été produits à terre et se déversent dans la mer après avoir suivi le cours des rivières. D’où la nécessité de prendre des mesures de plus en plus coordonnées afin d’éviter que les déchets parviennent à la mer. Les actions relatives aux produits en plastique à usage unique amélioreront la situation des lacs et des rivières; cependant, rien n’est prévu pour les engins de pêche. C’est la raison pour laquelle le CESE recommande d’étendre cette législation aux lacs et aux rivières, par le biais d’une stratégie à l’échelon européen en faveur d’une gestion plus durable des eaux intérieures.

5.2.

Les contrats de rivière (18) sont une bonne pratique qui connaît un grand succès en Europe et qui peut se révéler très efficace pour gérer les eaux intérieures, s’agissant du risque hydrogéologique et environnemental. Cet instrument tire sa force de la gouvernance ouverte qui permet d’associer au niveau local et régional tous les acteurs publics et privés ainsi que la société civile organisée. Ces expériences devraient être recueillies au moyen de la création d’une base de données européenne afin de faciliter un développement organique et structuré dans l’ensemble de l’Union européenne. En accord avec le nouveau programme Horizon Europe, qui prévoit que 35 % du budget devraient être consacrés à des actions en faveur du climat et de l’environnement, le Comité recommande de faire de ces contrats une condition essentielle d’accès à certains fonds européens en matière de recherche et d’innovation pour la durabilité environnementale, ainsi qu’aux fonds destinés à la protection territoriale en ce qui concerne le risque hydrogéologique et environnemental (par exemple Interreg).

5.3.

Le Comité juge indispensable que l’application de la directive soit cohérente et s’effectue en coordination avec la législation existante de l’Union européenne dans le domaine des déchets et de l’eau, la directive-cadre sur les déchets (19), la directive sur les emballages et les déchets d’emballage (20), la directive-cadre «stratégie pour le milieu marin» (21) et la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (22). Il estime de même qu’il y a lieu d’accorder une attention particulière à la réglementation européenne en matière de gestion des déchets (23).

5.3.1.

Il est important de disposer de structures de gestion des déchets (par exemple la collecte séparée des déchets compostables en vue d’un retraitement efficace et approprié dans les usines de recyclage) et de dispenser des informations claires aux consommateurs. Une séparation adéquate favorisera également l’utilisation de la technique d’impression en 3-D, les matières plastiques pouvant être utilisées facilement en tant que matière première pour créer de nouveaux objets.

5.3.2.

Bien qu’ils ne fassent pas partie des produits en plastique à usage unique, le Comité invite la Commission à tenir compte du phénomène des biofiltres que l’on retrouve de plus en plus fréquemment sur de nombreuses plages européennes du fait des dysfonctionnements dans la gestion des eaux usées.

5.4.

La numérisation peut se révéler un allié de taille dans la lutte contre la pollution et en faveur d’une économie durable. La mise en place de systèmes d’étiquetage et de traçabilité pour les articles en matière plastique pourrait représenter une valeur ajoutée dans les processus de gestion et de recyclage des déchets. La création d’un logo spécifique pourrait renforcer la confiance des consommateurs, surtout s’agissant des produits fabriqués à partir de matières premières secondaires (24).

5.5.

Le Comité préconise la mise en place d’un cadre commun de haute qualité de certifications environnementales. Une telle initiative est indispensable pour permettre aux entreprises d’atteindre les normes les plus élevées en matière de durabilité, en évitant tout chevauchement avec les exigences et les charges financières supplémentaires.

5.6.

Le CESE tient une nouvelle fois à soulever la question des différents systèmes portuaires existants dans l’Union européenne (25). L’Europe compte des centaines de petits ports qui constituent un élément clef pour le développement des petites communautés locales qui vivent de la mer et de la pêche. La proposition de la Commission prévoit un processus de modernisation (de méthode, de technologie et d’infrastructure) qui serait difficilement réalisable au niveau local sans le soutien financier de l’Union européenne. Ce processus est essentiel pour lutter contre le dépeuplement et préserver tout à la fois les spécificités des productions locales et les communautés elles-mêmes.

5.6.1.

Le Comité recommande que les fonds collectés par l’intermédiaire du régime de la responsabilité élargie des producteurs sur la base de la directive (UE) 2018/851 soient aussi destinés à rénover les infrastructures portuaires, dans le respect des normes les plus strictes en matière de collecte et de gestion des déchets. Dans le même temps, le CESE juge essentiel d’associer les institutions et la société civile au niveau local dans le cadre d’une approche ciblée axée sur les petites municipalités côtières (de moins de 5 000 habitants) afin qu’elles trouvent ensemble des solutions communes et moins onéreuses à long terme.

5.7.

Le CESE, conjointement avec la Commission, dispose d’une plateforme sur l’économie circulaire (26) qui a déjà obtenu des résultats non négligeables en promouvant la collecte et l’échange de nombreuses expériences et bonnes pratiques entre les différents acteurs concernés et en favorisant la diffusion et la reproduction de ces dernières. Cette plateforme est un outil essentiel, qui mériterait de faire l’objet d’une diffusion plus large.

Bruxelles, le 17 octobre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  95 % des filtres de cigarettes sont fabriqués à partir de plastique. https://www.noordzee.nl/hele-noordzeekust-schoon-2764-vrijwilligers-ruimen-11163-kilo-afval-op/

(2)  Le comptage des déchets sur les plages est une méthode reconnue au plan international pour mesurer la composition des déchets marins. La communauté scientifique le considère comme un indicateur très fiable pour l’élaboration de politiques. La méthode de comptage repose sur des rapports établis par les États membres et compilés par le CCR dans le cadre de la mise en œuvre de la directive-cadre «Stratégie pour le milieu marin» 2008/56/CE. Source: Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), 2017.

(3)  Les îles de plastique se trouvent dans les eaux internationales; un accord à l’échelle mondiale est nécessaire afin de les éliminer. Ces îles se sont formées au fil des ans à la suite des courants marins par l’accumulation d’une grande partie du plastique en provenance de pays en voie de développement — principalement d’Asie du Sud-Est.

(4)  ODD no 3, 9, 12 et 14 (Santé et bien-être; Industrie, innovation et infrastructure; Consommation et production responsable; Vie aquatique).

(5)  COM(2018) 28 final.

(6)  COM(2015) 614 final.

(7)  Directive (UE) 2015/720 (JO C 214 du 8.7.2014, p. 40).

(8)  JO C 264 du 20.7.2016, p. 98, JO C 367 du 10.10.2018, p. 97.

(9)  JO C 283 du 10.8.2018, p. 61.

(10)  JO C 230 du 14.7.2015, p. 33.

(11)  UNI EN 13432: 2002 est une norme harmonisée du Comité européen de normalisation sur les caractéristiques qu’un matériau doit posséder pour être qualifié de biodégradable ou de compostable.

(12)  JO C 283 du 10.8.2018, p. 61.

(13)  JO C 209 du 30.6.2017, p. 1.

(14)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 22.

(15)  La directive 2004/35/CE met en œuvre le principe «pollueur-payeur». Cela signifie qu’une entreprise qui provoque des dommages environnementaux, étant responsable de ceux-ci, doit prendre les mesures de prévention ou de réparation nécessaires et en supporter tous les coûts.

(16)  JO C 283 du 10.8.2018, p. 61.

(17)  PNUE, Marine plastic debris and microplastics (Débris plastiques marins et microplastiques), 2016.

(18)  Les contrats de rivière constituent une bonne pratique diffusée pour la première fois en France dans les années quatre-vingt-dix. Leur importance et leur utilité ont été établies en 2000 à l’occasion du Forum mondial de l’eau. Dans une première phase, les contrats de rivière ont eu pour objet la prévention du risque hydrogéologique. Puis, dans de nombreux pays de l’Union européenne, ils sont devenus un outil essentiel de la gestion responsable et durable des eaux intérieures grâce à leur approche ascendante.

(19)  Directive 2008/98/CE.

(20)  Directive 1994/62/CE.

(21)  Directive 2008/56/CE.

(22)  Directive 91/271/CEE.

(23)  Directive 2008/98/CE.

(24)  JO C 283 du 10.8.2018, p. 61.

(25)  JO C 288 du 31.8.2017, p. 68.

(26)  https://circulareconomy.europa.eu/platform/fr