ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

21 juillet 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Environnement — Directive 92/43/CEE — Conservation des habitats naturels — Zones spéciales de conservation — Site Natura 2000 “Estuaire de l’Escaut et de la Durme de la frontière néerlandaise jusqu’à Gand” — Développement d’une zone portuaire — Évaluation des incidences d’un plan ou d’un projet sur un site protégé — Réalisation d’incidences négatives — Développement préalable mais non encore achevé d’une aire de type équivalent à la partie détruite — Achèvement postérieur à l’évaluation — Article 6, paragraphes 3 et 4»

Dans les affaires jointes C‑387/15 et C‑388/15,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Raad van State (Conseil d’État, Belgique), par décisions du 13 juillet 2015, parvenues à la Cour le 17 juillet 2015, dans les procédures

Hilde Orleans,

Rudi Van Buel,

Marina Apers (C‑387/15),

et

Denis Malcorps,

Myriam Rijssens,

Guido Van De Walle (C‑388/15)

contre

Vlaams Gewest,

en présence de :

Gemeentelijk Havenbedrijf Antwerpen,

LA COUR (septième chambre),

composée de Mme C. Toader (rapporteur), président de chambre, Mme A. Prechal et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général : Mme E. Sharpston,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour Mme Orleans, M. Van Buel, Mme Apers, M. Malcorps, Mme Rijssens et M. Van De Walle, par Me I. Rogiers, advocaat,

pour la Gemeentelijk Havenbedrijf Antwerpen, par Mes S. Vernaillen et J. Geens, advocaten,

pour le gouvernement belge, par Mme L. Van den Broeck et M. S. Vanrie, en qualité d’agents, assistés de Me V. Tollenaere, advocaat,

pour la Commission européenne, par MM. E. Manhaeve et C. Hermes, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger les affaires sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7, ci-après la « directive “habitats” »).

2

Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges opposant, d’une part, Mme Hilde Orleans, M. Rudi Van Buel et Mme Marina Apers ainsi que, d’autre part, M. Denis Malcorps, Mme Myriam Rijssens et M. Guido Van De Walle à la Vlaams Gewest (région flamande, Belgique) au sujet de la contestation de la validité d’arrêtés établissant le plan régional d’exécution spatial de « Démarcation de la zone portuaire maritime d’Anvers – Développement portuaire sur la rive gauche » (ci-après le « PRES »).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les premier et troisième considérants de la directive « habitats » prévoient :

« […] la préservation, la protection et l’amélioration de la qualité de l’environnement, y compris la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, constituent un objectif essentiel, d’intérêt général poursuivi par la Communauté comme prévu à l’article [191 TFUE].

[…]

[…] le but principal de la présente directive étant de favoriser le maintien de la biodiversité, tout en tenant compte des exigences économiques, sociales, culturelles et régionales, elle contribue à l’objectif général, d’un développement durable ; […] le maintien de cette biodiversité peut, dans certains cas, requérir le maintien, voire l’encouragement, d’activités humaines ».

4

L’article 1er de cette directive dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[…]

e)

état de conservation d’un habitat naturel : l’effet de l’ensemble des influences agissant sur un habitat naturel ainsi que sur les espèces typiques qu’il abrite, qui peuvent affecter à long terme sa répartition naturelle, sa structure et ses fonctions ainsi que la survie à long terme de ses espèces typiques sur le territoire visé à l’article 2.

“L’état de conservation” d’un habitat naturel sera considéré comme “favorable” lorsque :

son aire de répartition naturelle ainsi que les superficies qu’il couvre au sein de cette aire sont stables ou en extension

et

la structure et les fonctions spécifiques nécessaires à son maintien à long terme existent et sont susceptibles de perdurer dans un avenir prévisible

[…]

k)

site d’importance communautaire : un site qui, dans la ou les régions biogéographiques auxquelles il appartient, contribue de manière significative à maintenir ou à rétablir un type d’habitat naturel de l’annexe I ou une espèce de l’annexe II dans un état de conservation favorable et peut aussi contribuer de manière significative à la cohérence de “Natura 2000” visé à l’article 3, et/ou contribue de manière significative au maintien de la diversité biologique dans la ou les régions biogéographiques concernées.

[…]

l)

zone spéciale de conservation : un site d’importance communautaire désigné par les États membres par un acte réglementaire, administratif et/ou contractuel où sont appliquées les mesures de conservation nécessaires au maintien ou au rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et/ou des populations des espèces pour lesquels le site est désigné ;

[…] »

5

Aux termes de l’article 2 de ladite directive :

« 1.   La présente directive a pour objet de contribuer à assurer la biodiversité par la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages sur le territoire européen des États membres où le traité s’applique.

2.   Les mesures prises en vertu de la présente directive visent à assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages d’intérêt communautaire.

3.   Les mesures prises en vertu de la présente directive tiennent compte des exigences économiques, sociales et culturelles, ainsi que des particularités régionales et locales. »

6

L’article 3, paragraphe 1, de la même directive est libellé comme suit :

« Un réseau écologique européen cohérent de zones spéciales de conservation, dénommé “Natura 2000”, est constitué. Ce réseau, formé par des sites abritant des types d’habitats naturels figurant à l’annexe I et des habitats des espèces figurant à l’annexe II, doit assurer le maintien ou, le cas échéant, le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des types d’habitats naturels et des habitats d’espèces concernés dans leur aire de répartition naturelle.

[…] »

7

L’article 6 de la directive « habitats » énonce :

« 1.   Pour les zones spéciales de conservation, les États membres établissent les mesures de conservation nécessaires impliquant, le cas échéant, des plans de gestion appropriés spécifiques aux sites ou intégrés dans d’autres plans d’aménagement et les mesures réglementaires, administratives ou contractuelles appropriées, qui répondent aux exigences écologiques des types d’habitats naturels de l’annexe I et des espèces de l’annexe II présents sur les sites.

2.   Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones spéciales de conservation, la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées, pour autant que ces perturbations soient susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive.

3.   Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Compte tenu des conclusions de l’évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public.

4.   Si, en dépit de conclusions négatives de l’évaluation des incidences sur le site et en l’absence de solutions alternatives, un plan ou projet doit néanmoins être réalisé pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, l’État membre prend toute mesure compensatoire nécessaire pour assurer que la cohérence globale de Natura 2000 est protégée. L’État membre informe la Commission des mesures compensatoires adoptées.

Lorsque le site concerné est un site abritant un type d’habitat naturel et/ou une espèce prioritaires, seules peuvent être évoquées des considérations liées à la santé de l’homme et à la sécurité publique ou à des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ou, après avis de la Commission, à d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur. »

Le droit belge

8

L’article 2, point 30, du decreet betreffende het natuurbehoud en het natuurlijk milieu (décret concernant la conservation de la nature et le milieu naturel), du 21 octobre 1997 (Belgisch Staatsblad,10 janvier 1998, p. 599), définit l’« atteinte significative à l’intégrité d’une zone spéciale de conservation » de la manière suivante :

« une atteinte qui entraîne des conséquences mesurables et démontrables pour l’intégrité d’une zone spéciale de conservation, dans la mesure où il existe des conséquences mesurables et démontrables pour l’état de conservation de l’espèce (ou des espèces) ou de l’habitat (des habitats) pour lesquels la zone spéciale de conservation est désignée ou pour l’état de conservation de(s) espèce(s) citée(s) à l’annexe III du présent décret, pour autant que cette atteinte se produise dans la zone spéciale de conservation concernée ».

9

L’article 2, point 38, de ce décret décrit l’« intégrité d’une zone spéciale de conservation » comme :

« l’ensemble des éléments biotiques et abiotiques, ainsi que leurs caractéristiques et processus spatiaux et écologiques requis pour la conservation :

a)

des habitats naturels et des habitats des espèces pour lesquelles la zone spéciale de conservation concernée est désignée et

b)

les espèces citées à l’annexe III ».

10

L’article 36ter, dudit décret dispose :

« § 1.   Dans les zones spéciales de conservation, quelle que soit l’affectation du site concerné, l’autorité administrative prend, dans les limites de ses compétences, les mesures de conservation nécessaires qui doivent toujours répondre aux exigences écologiques des types d’habitats énoncés à l’annexe I du présent décret et des espèces citées aux annexes II, III et IV du présent décret ainsi que les oiseaux migrateurs qui ne sont pas mentionnés à l’annexe IV du présent décret, mais qui se trouvent régulièrement sur le territoire de la région flamande. Le gouvernement flamand peut arrêter les modalités concernant les mesures de conservation nécessaires et les exigences écologiques, ainsi que la procédure de fixation des objectifs de conservation.

[…]

§ 3.   Une activité soumise à autorisation ou un plan ou programme qui, individuellement ou en combinaison avec une ou plusieurs activités, plans ou programmes existants ou proposés, peut causer une atteinte significative à l’intégrité d’une zone spéciale de conservation doit être soumise à une évaluation appropriée en ce qui concerne les incidences significatives sur la zone spéciale de conservation.

[…]

L’initiateur est chargé d’établir ladite évaluation appropriée.

[…]

§ 4.   L’autorité chargée de statuer sur une demande d’autorisation, un plan ou un programme ne peut accorder l’autorisation ou approuver le plan ou programme que si le plan ou programme ou l’exécution de l’activité ne cause aucune atteinte significative à l’intégrité de la zone spéciale de conservation concernée. L’autorité compétente veille toujours, en imposant des conditions, à ce qu’il ne puisse se produire aucune atteinte significative à l’intégrité d’une zone spéciale de conservation.

§ 5.   Par dérogation aux dispositions du § 4, une activité soumise à autorisation ou un plan ou programme qui, individuellement ou en combinaison avec une ou plusieurs activités, plans ou programmes existants ou proposés, peut causer une atteinte significative à l’intégrité d’une zone spéciale de conservation, ne peut être autorisé ou approuvé que :

a)

après qu’il est apparu qu’il n’y a pas d’autre solution alternative moins nuisible pour l’intégrité de la zone spéciale de conservation et

b)

pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris d’ordre social et économique. Lorsque la zone spéciale de conservation concernée ou un site qui en fait partie est un site abritant un type d’habitat naturel ou une espèce prioritaires, seules peuvent être évoquées des considérations liées à la santé de l’homme et à la sécurité publique ou à des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ou, après avis de la Commission, à d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur.

La dérogation visée à l’alinéa précédent ne peut en outre être autorisée qu’après qu’il a été satisfait aux conditions suivantes :

les mesures compensatoires nécessaires ont été prises et les mesures actives nécessaires à la conservation ont été prises ou sont en cours en vue de garantir la cohérence globale de la (ou des) zone(s) spéciale(s) de conservation ;

les mesures compensatoires sont de nature à développer activement, en principe, un habitat de même valeur ou l’environnement naturel de ce dernier, d’une surface au moins équivalente.

Le gouvernement flamand peut arrêter les modalités selon lesquelles doit être établie une évaluation appropriée des incidences de l’activité sur les habitats, les habitats d’une espèce et l’espèce ou les espèces pour lesquelles une zone spéciale de conservation est désignée, pour l’examen d’alternatives moins nuisibles et en matière de mesures compensatoires.

Le gouvernement flamand évalue l’existence de raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique.

Toute décision en application de la procédure de dérogation du présent paragraphe est motivée. »

Les litiges au principal et la question préjudicielle

11

Les litiges au principal concernent le PRES, qui prévoit de développer une grande partie du port d’Anvers (Belgique) sur la rive gauche de l’Escaut.

12

Ce projet affecte le site Natura 2000 dénommé « Estuaire de l’Escaut et de la Durme de la frontière néerlandaise jusqu’à Gand » (ci-après le « site Natura 2000 concerné »), désigné comme étant une zone spéciale de conservation notamment pour le type d’habitat « estuaire ».

13

Par arrêté du 27 avril 2012, le gouvernement flamand a adopté provisoirement le projet de PRES, lequel a été fixé définitivement par arrêté du 30 avril 2013. Ce dernier a fait l’objet d’un recours en suspension et en annulation devant le Raad van State (Conseil d’État, Belgique). Par un arrêt du 3 décembre 2013, cette juridiction a ordonné la suspension partielle de l’exécution dudit arrêté, notamment en ce qu’elle concerne la commune de Beveren (Belgique).

14

À la suite de cette suspension partielle, le gouvernement flamand a adopté, le 24 octobre 2014, un arrêté correctif modifiant le contenu de celui du 30 avril 2013 en retirant et en remplaçant les dispositions suspendues de ce dernier. L’arrêté du 24 octobre 2014 a été publié au Belgisch Staatsblad le 28 novembre 2014.

15

Il ressort des décisions de renvoi que le PRES faisant l’objet des arrêtés des 27 avril 2012 et 24 octobre 2014 est susceptible d’affecter de manière significative le site Natura 2000 concerné, dans la mesure où les travaux prévus emporteront la destruction de terrains relevant de certains types d’habitat présents sur ce site.

16

En particulier, la section de Doel de la commune de Beveren, dans laquelle résident les requérants au principal, et les polders environnants doivent laisser place à la « zone Saefthinge », qui comprend la darse Saefthinge ainsi qu’un bassin de marée.

17

Des recours en suspension et en annulation ont été formés devant le Raad van State (Conseil d’État), qui a rejeté dans les décisions de renvoi le premier d’entre eux et est à présent appelé à se pencher sur la validité des arrêtés des 30 avril 2013 et 24 octobre 2014.

18

La juridiction de renvoi précise que, dans son avis sur le projet d’arrêté du 24 octobre 2014, la section de la législation du Raad van State (Conseil d’État) a exprimé des doutes sur la compatibilité du PRES avec les mesures nationales de transposition de l’article 6 de la directive « habitats », tel qu’interprété par la Cour, notamment, dans son arrêt du 15 mai 2014, Briels e.a. (C‑521/12, EU:C:2014:330).

19

Toutefois, le gouvernement flamand a considéré ces doutes non fondés. En effet, dans les circonstances ayant présidé au prononcé de l’arrêt du 15 mai 2014, Briels e.a. (C‑521/12, EU:C:2014:330), la nouvelle aire d’habitat naturel ne devait être développée qu’après l’atteinte à l’aire existante. C’est la raison pour laquelle il n’était pas certain, au moment où la décision concernant le projet était arrêtée, que ledit projet ne porterait pas atteinte à l’intégrité de la zone spéciale de conservation.

20

En l’occurrence, selon ce gouvernement, le présent PRES établit, d’une part, que le développement des zones affectées ne deviendra possible qu’après l’établissement durable d’habitats et d’habitats d’espèces dans les zones à dominante naturelle. D’autre part, une décision dudit gouvernement devra constater l’aménagement durable et effectif des habitats dans les zones naturelles, après avis préalable de l’agence de la nature et des forêts, et la demande de permis d’urbanisme relative à la réalisation de la destination de la zone concernée devra également inclure cette décision.

21

Ainsi, selon ce même gouvernement, au moment où il deviendra possible de porter atteinte à une aire existante, les zones à dominante naturelle participeront déjà à l’intégrité du site Natura 2000 concerné. L’affectation des zones à dominante naturelle dans le PRES constituerait donc non pas une mesure compensatoire, mais bien une mesure de conservation, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats ».

22

Les requérants au principal exposent, au soutien de leur recours en annulation, qu’un plan ou un projet ne peut être approuvé que pour autant que l’évaluation appropriée montre que ce plan ou ce projet ne porte pas atteinte à l’intégrité du site en cause. À cet égard, l’examen aurait été effectué par rapport non pas à la situation existante de la nature, mais à celle qui résultera des premières mesures. Or, il ressort, selon eux, notamment de l’arrêt du 15 mai 2014, Briels e.a. (C‑521/12, EU:C:2014:330), que la création d’une zone à dominante naturelle dite de « nature résistante » doit être vue, au moins en partie, comme une mesure compensatoire qui ne peut pas être prise en considération dans le cadre de l’évaluation appropriée.

23

À titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le développement d’une zone à dominante naturelle de « nature résistante » constituerait non pas une mesure compensatoire, mais un développement de la nature dit autonome, ces mêmes requérants estiment, en se fondant toujours sur les motifs de l’arrêt du 15 mai 2014, Briels e.a. (C‑521/12, EU:C:2014:330), que cette zone ne doit pas non plus être prise en considération.

24

En outre, selon eux, la technique utilisée consistant à développer, après approbation du PRES, de nouvelles zones naturelles qui devront correspondre aux caractéristiques du site Natura 2000 concerné contrevient à la jurisprudence de la Cour relative à l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats », qui intègre le principe de précaution. Les autorités nationales compétentes devraient donc refuser d’approuver le plan ou le projet envisagé lorsqu’elles n’ont pas encore acquis la certitude que celui-ci ne portera pas atteinte à l’intégrité du site en cause.

25

En réponse aux arguments des requérants au principal, la région flamande considère que c’est à tort que ceux-ci partent du principe que le PRES porte atteinte à l’intégrité dudit site. En effet, seules les atteintes significatives seraient visées à l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats ».

26

Par ailleurs, la région flamande fait valoir que l’état des zones concernées est défavorable, de telle sorte que sa conservation ne serait pas une option et que la restauration serait une nécessité. En l’espèce, une zone à dominante naturelle de nature résistante serait d’abord réalisée avant que le développement du port ne soit poursuivi. Dès lors, la situation en cause au principal ne serait pas comparable à celle ayant présidé au prononcé de l’arrêt du 15 mai 2014, Briels e.a. (C‑521/12, EU:C:2014:330), puisque, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, l’atteinte à l’aire existante d’habitat protégé se réalisait sans qu’une aire de même type n’ait été développée au préalable.

27

La Gemeentelijk Havenbedrijf Antwerpen (régie portuaire d’Anvers, Belgique), partie intervenante au principal, insiste également sur la circonstance que le PRES ne fait application d’aucune technique d’atténuation ou de compensation, mais comporte des mesures de conservation. Elle précise que celui-ci prévoit le développement de zones naturelles qui doivent impérativement être aménagées avant toute atteinte éventuelle à l’habitat existant. En effet, comme indiqué, il serait certain que les nouvelles zones d’habitats seront déjà pleinement développées avant qu’une quelconque atteinte puisse survenir en dehors de celles-ci. L’échelonnement intégré dans les prescriptions du PRES ainsi que les moments de surveillance et d’adaptation permettront de déterminer à tout moment l’impact réel de ce plan et d’assurer que la période intermédiaire n’entraînera aucune régression écologique.

28

Estimant que la résolution des deux affaires dont il est saisi dépend de l’interprétation des dispositions de la directive « habitats », le Raad van State (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante, qui est formulée dans des termes identiques dans chacune de ces affaires :

« Le PRES comporte des prescriptions urbanistiques de nature réglementaire qui prévoient que le développement de zones (affectées plus précisément aux entreprises portuaires et liées aux voies d’eau, à un parc logistique, aux infrastructures des voies navigables et aux infrastructures routières et de transport) dans lesquelles se situent des ressources naturelles (aire d’un type d’habitat naturel ou habitat d’une espèce pour lesquels la zone spéciale de conservation concernée a été désignée) qui contribuent aux objectifs de conservation des zones spéciales de conservation concernées, n’est possible qu’après l’aménagement d’un habitat durable dans des zones à dominante naturelle (désignées dans la zone Natura 2000) et après une décision du gouvernement flamand, adoptée après avis préalable de l’administration flamande compétente en matière de conservation de la nature, constatant la réussite de l’aménagement durable des zones à dominante naturelle, laquelle décision doit figurer dans la demande de permis d’urbanisme relative à la mise en œuvre des affectations susmentionnées.

Ces prescriptions urbanistiques et le développement positif des zones à dominante naturelle qu’elles prévoient peuvent-elles être prises en considération lors de la détermination des éventuelles conséquences significatives et/ou lors de l’évaluation appropriée, conformément à l’article 6, paragraphe 3, de la directive “habitats”, ou bien faut-il considérer qu’elles ne peuvent constituer que des “mesures compensatoires” au sens de l’article 6, paragraphe 4, de la directive “habitats”, pour autant que les conditions fixées par cette disposition ont été remplies? »

29

Par décision du président de la Cour du 18 septembre 2015, les affaires C‑387/15 et C‑388/15 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt.

Sur la question préjudicielle

30

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions de l’article 6 de la directive « habitats » doivent être interprétées en ce sens que des mesures, comprises dans un plan ou un projet non directement lié ou nécessaire à la gestion d’un site d’importance communautaire, envisageant, préalablement à la réalisation d’incidences négatives sur un type d’habitat naturel présent sur celui-ci, le développement futur d’une aire de ce type, mais dont l’achèvement interviendra postérieurement à l’évaluation du caractère significatif de l’atteinte éventuellement portée à l’intégrité dudit site, sont susceptibles d’être prises en considération lors de cette évaluation, conformément au paragraphe 3 de cet article, ou si ces mesures doivent être qualifiées de « mesures compensatoires », au sens du paragraphe 4 dudit article.

31

À titre liminaire, il importe de rappeler que l’article 6 de la directive « habitats » impose aux États membres une série d’obligations et de procédures spécifiques visant à assurer, ainsi qu’il ressort de l’article 2, paragraphe 2, de cette directive, le maintien ou, le cas échéant, le rétablissement, dans un état de conservation favorable des habitats naturels et, en particulier, des zones spéciales de conservation (voir, en ce sens, arrêt du 11 avril 2013, Sweetman e.a., C‑258/11, EU:C:2013:220, point 36 ainsi que jurisprudence citée).

32

Les dispositions de l’article 6 de la directive « habitats » doivent être interprétées comme un ensemble cohérent au regard des objectifs de conservation visés par cette directive. En effet, les paragraphes 2 et 3 de cet article visent à assurer un même niveau de protection des habitats naturels et des habitats des espèces, tandis que le paragraphe 4 dudit article ne constitue qu’une disposition dérogatoire à la seconde phrase dudit paragraphe 3 (voir, en ce sens, arrêt du 14 janvier 2016, Grüne Liga Sachsen e.a., C‑399/14, EU:C:2016:10, point 52 ainsi que jurisprudence citée).

33

Ainsi, l’article 6 de ladite directive répartit les mesures en trois catégories, à savoir les mesures de conservation, les mesures de prévention et les mesures de compensation, respectivement prévues aux paragraphes 1, 2 et 4 de cet article.

34

Dans les affaires au principal, la régie portuaire d’Anvers et le gouvernement belge considèrent que les prescriptions urbanistiques contenues dans le PRES constituent des mesures de conservation au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats ». Ce gouvernement envisage que de telles mesures puissent éventuellement relever du paragraphe 2 de cet article.

35

À cet égard, il convient de relever que, selon l’article 1er, sous e), de la directive « habitats », l’état de conservation d’un habitat naturel est considéré comme « favorable » lorsque, notamment, son aire de répartition naturelle ainsi que les superficies qu’il couvre au sein de cette aire sont stables ou en extension et que la structure et les fonctions spécifiques nécessaires à son maintien à long terme existent et sont susceptibles de perdurer dans un avenir prévisible.

36

Dans ce contexte, la Cour a déjà jugé que les dispositions de cette directive visent à ce que les États membres prennent des mesures de protection appropriées afin de maintenir les caractéristiques écologiques des sites qui abritent des types d’habitats naturels (arrêt du 11 avril 2013, Sweetman e.a., C‑258/11, EU:C:2013:220, point 38 ainsi que jurisprudence citée).

37

En l’occurrence, la juridiction de renvoi a constaté que le PRES ferait notamment disparaître un ensemble de 20 hectares de vasières de marée et de terres intertidales du site Natura 2000 concerné.

38

Il convient dès lors d’observer que, d’une part, les constatations factuelles effectuées par cette juridiction démontrent que les mesures en cause au principal prévoient notamment la disparition d’une partie de ce site. Il s’ensuit que de telles mesures ne sauraient constituer des mesures assurant la conservation dudit site.

39

D’autre part, s’agissant de mesures de prévention, la Cour a déjà jugé que les dispositions de l’article 6, paragraphe 2, de la directive « habitats » permettent de répondre à l’objectif essentiel de la préservation et de la protection de la qualité de l’environnement, y compris de la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, et fixent une obligation de protection générale, consistant à éviter des détériorations ainsi que des perturbations qui pourraient avoir des effets significatifs au regard des objectifs de cette directive (arrêt du 14 janvier 2010Stadt Papenburg, C‑226/08, EU:C:2010:10, point 49 et jurisprudence citée).

40

Ainsi, une mesure de prévention n’est conforme à l’article 6, paragraphe 2, de ladite directive que s’il est garanti qu’elle n’engendre aucune perturbation susceptible d’affecter de manière significative les objectifs de la même directive, en particulier les objectifs de conservation poursuivis par celle-ci (arrêt du 14 janvier 2016, Grüne Liga Sachsen e.a., C‑399/14, EU:C:2016:10, point 41 ainsi que jurisprudence citée).

41

Il en découle que l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive « habitats » n’est pas applicable dans des circonstances telles que celles en cause au principal.

42

Il s’ensuit qu’il convient de circonscrire les éléments de droit permettant de répondre à la question posée à l’article 6, paragraphes 3 et 4, de cette directive.

43

L’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » prévoit une procédure d’évaluation visant à garantir, à l’aide d’un contrôle préalable, qu’un plan ou un projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site concerné, mais susceptible d’affecter ce dernier de manière significative ne soit autorisé que pour autant qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité de ce site (arrêt du 11 avril 2013, Sweetman e.a., C‑258/11, EU:C:2013:220, point 28 ainsi que jurisprudence citée).

44

Ladite disposition organise ainsi deux phases. La première, visée à la première phrase de cette même disposition, exige des États membres d’effectuer une évaluation appropriée des incidences d’un plan ou d’un projet sur un site protégé lorsqu’il existe une probabilité que ce plan ou projet affecte de manière significative ce site (arrêt du 11 avril 2013, Sweetman e.a., C‑258/11, EU:C:2013:220, point 29 ainsi que jurisprudence citée).

45

En particulier, lorsqu’un plan ou un projet non directement lié ou nécessaire à la gestion d’un site risque de compromettre les objectifs de conservation de celui-ci, il doit être considéré comme susceptible d’affecter ce site de manière significative. L’appréciation dudit risque doit être effectuée notamment à la lumière des caractéristiques et des conditions environnementales spécifiques du site concerné par un tel plan ou projet (arrêt du 15 mai 2014, Briels e.a., C‑521/12, EU:C:2014:330, point 20 ainsi que jurisprudence citée).

46

La seconde phase, visée à l’article 6, paragraphe 3, seconde phrase, de la directive « habitats », qui intervient à la suite de ladite évaluation appropriée, limite l’autorisation d’un tel plan ou projet à la condition que celui-ci ne porte pas atteinte à l’intégrité du site concerné, sous réserve des dispositions du paragraphe 4 de cet article.

47

La Cour a ainsi jugé que le fait de ne pas porter atteinte à l’intégrité d’un site en tant qu’habitat naturel, au sens de l’article 6, paragraphe 3, seconde phrase, de la directive « habitats » suppose de le préserver dans un état de conservation favorable, ce qui implique le maintien durable des caractéristiques constitutives du site concerné, liées à la présence d’un type d’habitat naturel dont l’objectif de préservation a justifié la désignation de ce site dans la liste des sites d’importance communautaire, au sens de cette directive (arrêt du 15 mai 2014, Briels e.a., C‑521/12, EU:C:2014:330, point 21 ainsi que jurisprudence citée).

48

S’agissant plus particulièrement de la réponse à apporter à la question posée, il importe, en premier lieu, de rappeler que, au point 29 de l’arrêt du 15 mai 2014, Briels e.a. (C‑521/12, EU:C:2014:330, point 29), la Cour a considéré que des mesures de protection prévues par un projet qui visent à compenser les effets négatifs de celui-ci sur un site Natura 2000 ne sauraient être prises en compte dans le cadre de l’évaluation des incidences dudit projet, prévue audit article 6, paragraphe 3.

49

Certes, dans les affaires au principal, les circonstances ne sont pas identiques à celles en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 mai 2014, Briels e.a. (C‑521/12, EU:C:2014:330), puisque les mesures envisagées dans celles-ci doivent être accomplies antérieurement aux atteintes, alors que, dans celle-là, les mesures devaient être accomplies postérieurement auxdites atteintes.

50

Toutefois, la jurisprudence de la Cour insiste sur la circonstance que l’évaluation effectuée au titre de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » ne saurait comporter des lacunes et doit contenir des constatations et des conclusions complètes, précises et définitives, de nature à dissiper tout doute scientifique raisonnable quant aux effets des travaux qui sont envisagés sur le site protégé concerné (arrêt du 14 janvier 2016, Grüne Liga Sachsen e.a., C‑399/14, EU:C:2016:10, point 50 ainsi que jurisprudence citée).

51

À cet égard, l’évaluation appropriée des incidences d’un plan ou d’un projet sur le site concerné devant être effectuée en vertu dudit article 6, paragraphe 3, implique que doivent être identifiés, compte tenu des meilleures connaissances scientifiques en la matière, tous les aspects du plan ou du projet en cause pouvant, par eux-mêmes ou en combinaison avec d’autres plans ou projets, affecter les objectifs de conservation de ce site (arrêt du 14 janvier 2016, Grüne Liga Sachsen e.a., C‑399/14, EU:C:2016:10, point 49 ainsi que jurisprudence citée).

52

Par ailleurs, il y a lieu de relever que, en règle générale, les éventuels effets positifs du développement futur d’un nouvel habitat, qui vise à compenser la perte de surface et de qualité de ce même type d’habitat sur un site protégé, ne sont que difficilement prévisibles et, en tout état de cause, ne seront visibles que dans quelques années (voir, en ce sens, arrêt du 15 mai 2014, Briels e.a., C‑521/12, EU:C:2014:330, point 32).

53

En deuxième lieu, l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » intègre également le principe de précaution et permet de prévenir de manière efficace les atteintes à l’intégrité des sites protégés dues aux plans ou aux projets envisagés. Un critère d’autorisation moins strict que celui énoncé dans cette disposition ne saurait garantir de manière aussi efficace la réalisation de l’objectif de protection des sites à laquelle tend ladite disposition (voir, en ce sens, arrêt du 14 janvier 2016, Grüne Liga Sachsen e.a., C‑399/14, EU:C:2016:10, point 48 ainsi que jurisprudence citée).

54

L’application de ce principe dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 6, paragraphe 3, de cette directive exige de l’autorité nationale compétente qu’elle évalue les incidences du projet sur le site concerné, eu égard aux objectifs de conservation de ce site et en tenant compte des mesures de protection intégrées dans ledit projet, visant à éviter ou à réduire les éventuels effets préjudiciables directement causés sur ce dernier, afin de s’assurer qu’il ne porte pas atteinte à l’intégrité dudit site (arrêt du 15 mai 2014, Briels e.a., C‑521/12, EU:C:2014:330, point 28).

55

En l’occurrence, d’une part, les atteintes au site Natura 2000 concerné sont certaines, puisque la juridiction de renvoi a pu les quantifier. D’autre part, les bénéfices résultant du développement de zones à dominante naturelle sont déjà pris en compte dans l’évaluation et dans la démonstration d’absence d’atteinte significative audit site alors que le résultat du développement de ces zones est incertain, puisqu’il n’est pas achevé.

56

Par conséquent, les circonstances dans les affaires au principal et celles ayant présidé au prononcé de l’arrêt du 15 mai 2014, Briels e.a. (C‑521/12, EU:C:2014:330), sont semblables en ce qu’elles reposent, au moment de l’évaluation des incidences du plan ou du projet sur le site concerné, sur une prémisse identique de bénéfices futurs qui viendraient atténuer les atteintes significatives portées à ce site, alors que lesdites mesures de développement n’ont pas été accomplies.

57

En troisième lieu, il convient de souligner, comme rappelé au point 32 du présent arrêt, que le libellé de l’article 6 de la directive « habitats » ne contient aucune référence à une quelconque notion de « mesure d’atténuation ».

58

À cet égard, comme l’a Cour l’a déjà relevé, l’effet utile des mesures de protection prévues à l’article 6 de la directive « habitats » vise à éviter que, par des mesures dites « d’atténuation », mais qui correspondent en réalité à des mesures compensatoires, l’autorité nationale compétente contourne les procédures spécifiques énoncées à cet article en autorisant, au titre du paragraphe 3 de celui-ci, des projets qui portent atteinte à l’intégrité du site concerné (arrêt du 15 mai 2014, Briels e.a., C‑521/12, EU:C:2014:330, point 33).

59

Il s’ensuit que les incidences négatives d’un plan ou d’un projet non directement lié ou nécessaire à la gestion d’une zone spéciale de conservation et affectant son intégrité ne relèvent pas de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats ».

60

S’agissant de l’article 6, paragraphe 4, de la directive « habitats », il y a lieu de rappeler que, en tant que disposition dérogatoire au critère d’autorisation énoncé à l’article 6, paragraphe 3, seconde phrase, de la directive « habitats », cette disposition doit faire l’objet d’une interprétation stricte (arrêt du 14 janvier 2016, Grüne Liga Sachsen e.a., C‑399/14, EU:C:2016:10, point 73 ainsi que jurisprudence citée) et ne saurait s’appliquer qu’après que les incidences d’un plan ou d’un projet ont été analysées conformément aux dispositions dudit paragraphe 3 (voir, en ce sens, arrêt du 15 mai 2014, Briels e.a., C‑521/12, EU:C:2014:330, point 35 ainsi que jurisprudence citée).

61

Afin de déterminer la nature d’éventuelles mesures compensatoires, les atteintes au site concerné doivent être identifiées avec précision. La connaissance desdites incidences, au regard des objectifs de conservation relatifs au site en question, constitue un préalable indispensable à l’application de l’article 6, paragraphe 4, de ladite directive, car, en l’absence de ces éléments, aucune condition d’application de cette disposition dérogatoire ne saurait être appréciée. L’examen d’éventuelles raisons impératives d’intérêt public majeur et celui de l’existence d’alternatives moins préjudiciables requièrent en effet une mise en balance par rapport aux atteintes portées audit site par le plan ou le projet considéré (voir, en ce sens, arrêt du 14 janvier 2016, Grüne Liga Sachsen e.a., C‑399/14, EU:C:2016:10, point 57 ainsi que jurisprudence citée).

62

Conformément à l’article 6, paragraphe 4, de la directive « habitats », dans l’hypothèse où, en dépit de conclusions négatives de l’évaluation effectuée conformément à l’article 6, paragraphe 3, première phrase, de cette directive, un plan ou un projet doit néanmoins être réalisé pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et lorsqu’il n’existe pas de solutions alternatives, l’État membre concerné prend toute mesure compensatoire nécessaire pour assurer que la cohérence globale de Natura 2000 soit protégée.

63

Dès lors, les autorités nationales compétentes ne peuvent, dans ce contexte, octroyer une autorisation au titre de l’article 6, paragraphe 4, de ladite directive que pour autant que sont remplies les conditions qui y sont fixées (voir, en ce sens, arrêt du 15 mai 2014, Briels e.a., C‑521/12, EU:C:2014:330, point 37 ainsi que jurisprudence citée).

64

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question que l’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » doit être interprété en ce sens que des mesures, comprises dans un plan ou un projet non directement lié ou nécessaire à la gestion d’un site d’importance communautaire, envisageant, préalablement à la réalisation d’incidences négatives sur un type d’habitat naturel présent sur celui-ci, le développement futur d’une aire de ce type, mais dont l’achèvement interviendra postérieurement à l’évaluation du caractère significatif de l’atteinte éventuellement portée à l’intégrité dudit site, ne sont pas susceptibles d’être prises en considération lors de cette évaluation. De telles mesures ne pourraient, le cas échéant, être qualifiées de « mesures compensatoires », au sens du paragraphe 4 de cet article, que pour autant que sont remplies les conditions qui y sont énoncées.

Sur les dépens

65

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

 

L’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, doit être interprété en ce sens que des mesures, comprises dans un plan ou un projet non directement lié ou nécessaire à la gestion d’un site d’importance communautaire, envisageant, préalablement à la réalisation d’incidences négatives sur un type d’habitat naturel présent sur celui-ci, le développement futur d’une aire de ce type, mais dont l’achèvement interviendra postérieurement à l’évaluation du caractère significatif de l’atteinte éventuellement portée à l’intégrité dudit site, ne sont pas susceptibles d’être prises en considération lors de cette évaluation. De telles mesures ne pourraient, le cas échéant, être qualifiées de « mesures compensatoires », au sens du paragraphe 4 de cet article, que pour autant que sont remplies les conditions qui y sont énoncées.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.