ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

19 juillet 2016 ( *1 ) ( 1 )

[Texte rectifié par ordonnance du 30 septembre 2016]

« Renvoi préjudiciel – Validité et interprétation de la communication de la Commission concernant le secteur bancaire – Interprétation des directives 2001/24/CE et 2012/30/UE – Aides d’État aux banques dans le contexte de la crise financière – Répartition des charges – Liquidation des fonds propres des actionnaires, des titres hybrides et des titres de créance subordonnés – Principe de protection de la confiance légitime – Droit de propriété – Protection des intérêts des associés et des tiers – Assainissement et liquidation des établissements de crédit »

Dans l’affaire C‑526/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle, Slovénie), par décision du 6 novembre 2014, parvenue à la Cour le 20 novembre 2014, dans la procédure

Tadej Kotnik e.a.,

Jože Sedonja e.a.,

Fondazione cassa di risparmio di Imola,

Andrej Pipuš e.a.,

Tomaž Štrukelj,

Luka Jukič,

Angel Jaromil,

Franc Marušič e.a.,

Stajka Skrbinšek,

Janez Forte e.a.,

Državni svet Republike Slovenije,

Varuh človekovih pravic Republike Slovenije,

Igor Karlovšek,

Marija Karlovšek,

Janez Gosar

contre

Državni zbor Republike Slovenije,

en présence de :

Vlada Republike Slovenije,

Banka Slovenije,

Okrožno sodišče v Ljubljani,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. A. Tizzano, vice-président, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. T. von Danwitz, J. L. da Cruz Vilaça (rapporteur), A. Arabadjiev, Mme C. Toader et M. D. Šváby, présidents de chambre, M. Safjan, Mme M. Berger, MM. E. Jarašiūnas, C. G. Fernlund et C. Vajda, juges,

avocat général : M. N. Wahl,

greffier : M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er décembre 2015,

considérant les observations présentées :

pour M. Kotnik e.a., par Mes M. Kunič et J. Sladič, odvetniki,

pour M. Sedonja e.a., par Me T. Kek, odvetnica,

pour la Fondazione cassa di risparmio di Imola, par Mes U. Ilić, M. Jan, B. Ilić, A. Arko, odvetniki, P. Trifoni, C. G. Sinatra et G. Altomare, avvocati,

pour M. Pipuš e.a., par lui-même, avocat,

pour M. Jukič, par lui-même,

pour M. Marušič e.a., par M. B. Rejc, odvetnik,

pour Mme Skrbinšek, par M. T. Bromše, odvetnik,

pour M. Forte e.a., par M. Z. Fritz,

pour le Državni svet Republike Slovenije, par M. M. Bervar, assisté de Me H. Butolen, odvetnica, ainsi que par MM. B. Kekec, J. Slivšek et D. Štrus,

pour M. et Mme Karlovšek, par M. I. Karlovšek, odvetnik,

pour M. Gosar, par lui-même,

pour le Državni zbor Republike Slovenije, par M. M. Brglez,

pour la Banka Slovenije, par M. B. Jazbec, assisté de Mes R. Grilc, odvetnik, et T. Lübbig, Rechtsanwalt,

pour le gouvernement slovène, par Mmes V. Klemenc et T. Mihelič Žitko, en qualité d’agents,

[Tel que rectifié par ordonnance du 30 septembre 2016] pour l’Irlande, par Mmes E. Creedon et L. Williams ainsi que par M. A. Joyce, en qualité d’agents, assistés de M. E. McCullough, SC, et de Mme A. O’Neill, BL,

pour le gouvernement espagnol, par M. A. Rubio González, en qualité d’agent,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

pour la Commission européenne, par MM. L. Flynn, P. J. Loewenthal, K.-Ph. Wojcik et M. Žebre, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 18 février 2016,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur la validité et l’interprétation des points 40 à 46 de la communication de la Commission concernant l’application, à partir du 1er août 2013, des règles en matière d’aides d’État aux aides accordées aux banques dans le contexte de la crise financière (« Communication concernant le secteur bancaire ») (JO 2013, C 216, p. 1) ainsi que sur l’interprétation des articles 29, 34, 35 et 40 à 42 de la directive 2012/30/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées dans les États membres des sociétés au sens de l’article 54, deuxième alinéa, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en vue de la protection des intérêts tant des associés que des tiers, en ce qui concerne la constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital (JO 2012, L 315, p. 74), et de l’article 2, septième tiret, de la directive 2001/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 avril 2001, concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit (JO 2001, L 125, p. 15).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure de contrôle de la constitutionnalité de certaines dispositions de la Zakon o bančništvu (loi sur le secteur bancaire), du 23 novembre 2006, dans sa version applicable à la procédure au principal (Uradni list RS, no 99/10) (ci-après la « loi sur le secteur bancaire »), qui prévoient des mesures exceptionnelles destinées au redressement du système bancaire.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2001/24

3

Les considérants 5 et 6 de la directive 2001/24 se lisent comme suit :

« (5)

L’adoption de la directive 94/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 1994 relative aux systèmes de garantie des dépôts [(JO 1994, L 135, p. 5)], qui a introduit le principe de l’adhésion obligatoire des établissements de crédit à un système de garantie de l’État membre d’origine, met encore plus en évidence la nécessité d’une reconnaissance mutuelle des mesures d’assainissement et des procédures de liquidation.

(6)

Il importe de confier aux autorités administratives ou judiciaires de l’État membre d’origine, la compétence exclusive de décider et d’appliquer les mesures d’assainissement prévues dans la législation et les usages en vigueur dans cet État membre. En raison de la difficulté d’harmoniser les législations et usages des États membres, il convient de mettre en place la reconnaissance mutuelle par les États membres des mesures prises par chacun d’entre eux pour restaurer la viabilité des établissements qu’il a agréés. »

4

Conformément à l’article 2, septième tiret, de la directive 2001/24, les mesures d’assainissement sont entendues comme étant « les mesures qui sont destinées à préserver ou rétablir la situation financière d’un établissement de crédit et qui sont susceptibles d’affecter les droits préexistants de tiers, y compris les mesures qui comportent la possibilité d’une suspension des paiements, d’une suspension des mesures d’exécution ou d’une réduction des créances ».

La directive 2012/30

5

Les considérants 3 et 5 de la directive 2012/30 sont libellés comme suit :

« (3)

Pour assurer une équivalence minimale dans la protection tant des actionnaires que des créanciers de ces sociétés, il importe tout particulièrement de coordonner les dispositions nationales concernant leur constitution, ainsi que le maintien, l’augmentation et la réduction de leur capital.

[...]

(5)

Des prescriptions de l’Union sont nécessaires afin de préserver le capital, gage des créanciers, notamment en interdisant d’entamer celui-ci par des distributions indues aux actionnaires et en limitant la possibilité pour une société d’acquérir ses propres actions. »

6

L’article 29, paragraphe 1, de cette directive prévoit :

« Toute augmentation du capital doit être décidée par l’assemblée générale. [...] »

7

L’article 34, premier alinéa, de cette directive énonce :

« Toute réduction du capital souscrit, à l’exception de celle ordonnée par décision judiciaire, doit être au moins subordonnée à une décision de l’assemblée générale [...] »

8

Aux termes de l’article 35 de la directive 2012/30, « [l]orsqu’il existe plusieurs catégories d’actions, la décision de l’assemblée générale concernant la réduction du capital souscrit est subordonnée à un vote séparé au moins pour chaque catégorie d’actionnaires aux droits desquels l’opération porte atteinte ».

9

L’article 40, paragraphe 1, sous b), de cette directive dispose :

« Lorsque la législation d’un État membre autorise les sociétés à réduire leur capital souscrit par retrait forcé d’actions, elle exige au moins le respect des conditions suivantes :

[...]

b)

si le retrait forcé est seulement autorisé par les statuts ou l’acte constitutif, il est décidé par l’assemblée générale, à moins que les actionnaires concernés ne l’aient approuvé unanimement ».

10

L’article 41, paragraphe 1, de ladite directive énonce :

« En cas de réduction du capital souscrit par retrait d’actions acquises par la société elle-même ou par une personne agissant en son propre nom mais pour le compte de cette société, le retrait doit toujours être décidé par l’assemblée générale. »

11

L’article 42 de la même directive prévoit :

« Dans les cas visés [...] à l’article 40, paragraphe 1, point b), [...] lorsqu’il existe plusieurs catégories d’actions, la décision de l’assemblée générale concernant l’amortissement du capital souscrit ou la réduction de celui-ci par retrait d’actions est subordonnée à un vote séparé, au moins pour chaque catégorie d’actionnaires aux droits desquels l’opération porte atteinte. »

La directive 2014/59/UE

12

La directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190), a été adoptée le 15 mai 2014.

13

L’article 117 de la directive 2014/59 a modifié, notamment, la définition des « mesures d’assainissement » qui figurait à l’article 2, septième tiret, de la directive 2001/24. À la suite de cette modification, les mesures d’assainissement sont entendues comme étant « les mesures qui sont destinées à préserver ou rétablir la situation financière d’un établissement de crédit ou d’une entreprise d’investissement telle que définie à l’article 4, paragraphe 1, point 2, du règlement (UE) no 575/2013 et qui est susceptible d’affecter les droits préexistants de tiers, y compris les mesures qui comportent la possibilité d’une suspension des paiements, d’une suspension des mesures d’exécution ou d’une réduction des créances ; ces mesures comprennent l’application des instruments de résolution et l’exercice des pouvoirs de résolution prévus dans la directive 2014/59/UE ».

14

L’article 130, paragraphe 1, de la directive 2014/59 dispose :

« Les États membres adoptent et publient les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 31 décembre 2014. Ils communiquent immédiatement à la Commission le texte de ces mesures.

Les États membres appliquent ces mesures à partir du 1er janvier 2015.

Toutefois, les États membres appliquent les dispositions adoptées pour se conformer au titre IV, chapitre IV, section 5, à partir du 1er janvier 2016 au plus tard. »

La communication concernant le secteur bancaire

15

Les points 2 et 3 de la communication concernant le secteur bancaire énoncent :

« 2.

Les communications liées à la crise établissent un cadre général permettant de soutenir le secteur financier de façon coordonnée, afin de garantir la stabilité financière tout en limitant au minimum les distorsions de concurrence entre les banques et entre les États membres dans le marché unique. Elles exposent les conditions d’accès aux aides d’État et les exigences auxquelles ces aides doivent satisfaire pour être jugées compatibles avec le marché intérieur à la lumière des principes énoncés dans le traité en ce qui concerne les aides d’État. Les règles en matière d’aides d’État régissant le soutien public accordé au secteur financier ont été actualisées régulièrement au moyen des communications liées à la crise lorsque l’évolution de cette dernière le justifiait. Les développements récents nécessitent une nouvelle actualisation des communications liées à la crise.

3.

Les communications liées à la crise, de même que toutes les décisions individuelles portant sur des mesures et des régimes d’aides relevant de leur champ d’application, ont pour base juridique l’article 107, paragraphe 3, point b), du traité, qui autorise à titre exceptionnel les aides visant à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre. »

16

Le point 15 de cette communication se lit comme suit :

« Les communications liées à la crise précisent clairement que même durant celle-ci, les principes généraux du contrôle des aides d’État restent applicables. En particulier, afin de limiter les distorsions de concurrence entre les banques et entre les États membres dans le marché unique, de même que pour remédier au problème de l’aléa moral, il convient de limiter les aides au minimum nécessaire et de veiller à ce que leur bénéficiaire contribue de façon appropriée aux coûts de restructuration. La banque et ses actionnaires doivent contribuer à la restructuration autant que possible au moyen de ressources propres. L’aide publique doit être accordée selon des modalités prévoyant une répartition adéquate des coûts, de sorte que ces derniers soient également supportés par ceux qui ont investi dans la banque. »

17

Le point 17 de ladite communication dispose :

« Au cours des premières phases de la crise, les États membres ne sont, en règle générale, pas allés au-delà des exigences minimales fixées par les règles en matière d’aides d’État en ce qui concerne la répartition des charges ex ante, et les créanciers n’ont pas été invités à contribuer au sauvetage des établissements de crédit pour des raisons de stabilité financière. »

18

La partie 3 de la communication concernant le secteur bancaire est relative aux mesures de recapitalisation et de sauvetage d’actifs dépréciés. Le titre 3.1.2 de celle-ci, intitulé « Répartition des charges associant les actionnaires et les créanciers subordonnés », comporte les points 40 à 46 de cette communication.

19

Les points 40 à 46 de cette communication énoncent :

« 40.

Les aides publiques peuvent engendrer un aléa moral et nuire à la discipline de marché. Pour réduire cet aléa moral, il convient de n’accorder les aides que selon des modalités prévoyant une juste répartition des charges associant les investisseurs existants.

41

La juste répartition des charges engendrera en principe, après absorption des pertes en priorité par les fonds propres, des contributions des détenteurs de titres hybrides et de titres de créance subordonnés. Les détenteurs de titres hybrides et de titres de créance subordonnés doivent contribuer, dans toute la mesure du possible, à la réduction du déficit de fonds propres. Ces contributions peuvent prendre la forme soit d’une conversion en fonds propres de base de catégorie 1 [...], soit d’une réduction de la valeur du principal des instruments. En tout état de cause, les sorties de trésorerie du bénéficiaire vers les détenteurs de tels titres doivent être évitées dans la mesure où cela est juridiquement possible.

42.

La Commission n’exigera pas de contribution de la part des détenteurs de créances privilégiées (notamment à partir de dépôts assurés, de dépôts non assurés, d’obligations et de toute autre créance privilégiée) comme composante obligatoire de la répartition des charges en vertu des règles en matière d’aides d’État, que ce soit par conversion en fonds propres ou par réduction de la valeur des instruments.

43.

Si le ratio de fonds propres de la banque qui souffre d’un déficit de fonds propres avéré reste supérieur au minimum réglementaire fixé par l’[Union], la banque devrait en principe être en mesure de redresser sa position financière par ses propres moyens, notamment grâce aux mesures de mobilisation de capitaux visées au point 35. En l’absence de toute autre possibilité, notamment d’une action prudentielle imposant par exemple des mesures d’intervention précoce ou d’autres mesures correctrices, pour remédier au déficit confirmé par l’autorité de surveillance ou de résolution compétente, les titres de créance subordonnés doivent être convertis en fonds propres, en principe avant l’octroi d’une aide d’État.

44.

Dans les cas où la banque ne respecte plus les exigences réglementaires minimales en matière de fonds propres, les titres de créance subordonnés doivent être convertis ou faire l’objet d’une réduction de valeur, en principe avant l’octroi d’une aide d’État. Les aides d’État ne peuvent être octroyées qu’une fois que les fonds propres, les titres hybrides et les titres de créance subordonnés ont pleinement contribué à compenser les pertes éventuelles.

45.

Une exception aux exigences figurant aux points 43 et 44 peut être accordée lorsque la mise en œuvre de telles mesures risque de mettre en péril la stabilité financière ou de déboucher sur des résultats disproportionnés. Cette exception pourrait couvrir les cas où le montant de l’aide à recevoir est limité par rapport aux actifs de la banque pondérés en fonction des risques et où le déficit de fonds propres a été fortement réduit notamment grâce aux mesures de mobilisation de capitaux visées au point 35. Il est également possible d’éviter les résultats disproportionnés et de ne pas menacer la stabilité financière en planifiant différemment les mesures visant à remédier au déficit de fonds propres.

46.

Dans le cadre de l’application des points 43 et 44, il convient de respecter le principe selon lequel aucun créancier ne peut être plus désavantagé [...]. Les créanciers subordonnés ne devraient donc pas recevoir moins, en termes économiques, que ce que leur instrument aurait valu en l’absence d’aide d’État. »

Le droit slovène

20

L’article 253, paragraphe 3, de la loi sur le secteur bancaire dispose que « les mesures exceptionnelles sont à considérer comme des mesures d’assainissement telles que posées par la directive 2001/24/CE ».

21

L’article 261 bis de cette loi énonce :

« (1)   Par décision relative à une mesure exceptionnelle, la Banque centrale de Slovénie ordonne :

1.

la liquidation totale ou partielle des engagements éligibles ou

2.

la conversion totale ou partielle des engagements éligibles des banques [...] en nouvelles actions ordinaires d’une banque sur la base d’une augmentation du capital social de cette banque par apports non-monétaires sous forme de créances qui constituent des engagements éligibles.

[...]

(5)   La Banque centrale de Slovénie doit, en ce qui concerne la liquidation ou la conversion des engagements éligibles de la banque, assurer que le créancier individuel ne subisse pas, du fait de la liquidation ou de la conversion des engagements éligibles de la banque, une perte plus importante que celle qu’il aurait subie en cas de faillite de la banque.

(6)   Les engagements éligibles de la banque sont :

1.

le capital social de la banque (obligation de premier rang),

2.

les obligations envers les détenteurs de titres hybrides [...] (obligations de second rang),

3.

les obligations envers les détenteurs de titres qui [...] sont pris en compte dans le calcul des fonds propres additionnels de la banque sauf si ces obligations sont déjà couvertes par les points 1 ou 2 du présent paragraphe (obligations de troisième rang),

4.

les obligations qui ne sont pas couvertes par les points 1, 2 ou 3 du présent paragraphe et qui en cas de procédure de faillite à l’égard de la banque seraient versées après le remboursement des créances ordinaires à la banque (obligations de quatrième rang). »

22

Aux termes de l’article 261 quater de la loi sur le secteur bancaire:

« (1)   La Banque centrale de Slovénie, dans sa décision sur la liquidation des engagements éligibles [...], décide de ladite liquidation dans la mesure qui est nécessaire pour couvrir les pertes de la banque en tenant compte de l’évaluation des actifs conformément à l’article précédent. [...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

23

À la suite de la crise financière mondiale, qui a débuté au cours de l’année 2007 et qui s’est aggravée dans les années suivantes, la Banka Slovenije (Banque centrale de Slovénie, Slovénie) a constaté, au mois de septembre 2013, que cinq banques slovènes, à savoir la Nova Ljubljanska banka d.d., la Nova Kreditna banka Maribor d.d., l’Abanka Vipa d.d., la Probanka d.d. et la Factor banka d.d., présentaient un déficit de leurs fonds propres. Compte tenu de l’ampleur de ce déficit, ces banques ne disposaient pas d’avoirs suffisants pour satisfaire leurs créanciers et couvrir la valeur des dépôts.

24

Le 17 décembre 2013, la Banque centrale de Slovénie a adopté des décisions instaurant des mesures exceptionnelles en vue de la recapitalisation des deux premières banques, du sauvetage de la troisième ainsi que de la liquidation des deux dernières (ci-après les « mesures en cause »).

25

Le 18 décembre 2013, la Commission a autorisé les aides d’État destinées aux cinq banques concernées, qui avaient été préalablement notifiées par les autorités slovènes.

26

Les mesures en cause, qui ont été adoptées sur le fondement de la loi sur le secteur bancaire, notamment les articles 261 bis à 261 quater et 261 sexies de celle-ci, comprenaient la liquidation des fonds propres des actionnaires, ainsi que des titres hybrides et des titres de créance subordonnés (ci-après les « titres subordonnés »).

27

Il ressort du dossier soumis à la Cour que les titres subordonnés sont des instruments financiers qui partagent certaines caractéristiques des produits de dette et des titres de participation au capital. En cas d’insolvabilité ou de liquidation de l’entité émettrice, les titulaires de titres subordonnés (ci-après les « créanciers subordonnés ») sont désintéressés après les titulaires d’obligations ordinaires, mais avant les actionnaires. En contrepartie du risque financier ainsi assumé par leurs titulaires, ces instruments financiers ont un rendement plus élevé.

28

L’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle, Slovénie) a été saisi de plusieurs demandes de contrôle de constitutionnalité introduites, d’une part, par des particuliers ainsi que, d’autre part, par le Državni svet Republike Slovenije (Conseil national, Slovénie) et le Varuh človekovih pravic Republike Slovenije (Défendeur des droits de l’homme, Slovénie). Ces demandes portaient sur la conformité des dispositions de la loi sur le secteur bancaire, sur la base desquelles ont été adoptées les mesures en cause, à la Constitution slovène, notamment aux principes de non-rétroactivité, de protection de la confiance légitime et de proportionnalité, ainsi qu’au droit de propriété.

29

Il ressort de la décision de renvoi que les dispositions de la loi sur le secteur bancaire ont pour objet de transposer en droit national la communication concernant le secteur bancaire, afin de permettre aux autorités nationales d’accorder aux entreprises de ce secteur des aides d’État compatibles avec le marché intérieur. Par conséquent, selon la juridiction de renvoi, si les griefs des requérants au principal sont dirigés contre ces dispositions, ils visent en réalité la communication concernant le secteur bancaire. Ces requérants estiment que cette communication méconnaît non seulement la Constitution slovène, mais également l’article 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que les directives 2012/30 et 2001/24. La juridiction de renvoi considère qu’elle est compétente pour apprécier la constitutionnalité de dispositions nationales qui mettent en œuvre une directive. En revanche, elle estime que tel n’est pas le cas lorsqu’il existe un doute sur l’interprétation ou la validité de la norme de droit de l’Union qui sert de base légale à la disposition nationale dont la constitutionnalité est contestée. Dans une telle situation, elle expose que la Cour dispose de la compétence exclusive pour répondre aux questions relatives à la validité et à l’interprétation de cette norme, afin qu’elle puisse ensuite apprécier, dans l’affaire pendante devant elle, la constitutionnalité des dispositions en cause de la législation nationale.

30

Dans ces conditions, l’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

La communication concernant le secteur bancaire peut-elle, compte tenu des effets de droit que celle-ci produit concrètement du fait que l’Union [...] a, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous b), [TFUE], une compétence exclusive dans le domaine des aides d’État et que la Commission a, en vertu de l’article 108 [TFUE], une compétente décisionnelle dans le domaine des aides d’État, être interprétée en ce sens qu’elle a des effets contraignants pour les États membres qui souhaitent remédier à des perturbations graves de l’économie en apportant une aide d’État aux établissements de crédit, cette aide étant de nature durable et ne pouvant pas être aisément révoquée ?

2)

Les points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire, qui subordonnent la possibilité d’accorder une aide d’État dont l’objet est de remédier à des perturbations graves de l’économie d’un État à la mise en œuvre de l’obligation d’annulation des fonds propres, des [titres subordonnés] et/ou de conversion en fonds propres des [titres subordonnés] en vue de limiter l’aide au minimum nécessaire eu égard au traitement de l’aléa moral, sont-ils incompatibles avec les articles 107 à 109 [TFUE] parce qu’ils vont au-delà des compétences de la Commission qui sont définies par les dispositions précitées du traité [FUE] relatives au domaine des aides d’État ?

3)

Si la réponse apportée à la deuxième question est négative, les points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire, qui subordonnent la possibilité d’accorder une aide d’État à l’obligation d’annulation et/ou de conversion en fonds propres dans la mesure où cette obligation concerne des actions (fonds propres), des [titres subordonnés] qui ont été émis avant la publication de la communication concernant le secteur bancaire et qui au moment de leur émission ne pouvaient être entièrement ou partiellement liquidés sans remboursement complet qu’en cas de faillite de la banque, sont-ils conformes au principe de droit de l’Union de protection de la confiance légitime ?

4)

Si la réponse apportée à la deuxième question est négative et la réponse apportée à la troisième question est positive, les points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire, qui subordonnent la possibilité d’accorder une aide d’État à l’obligation d’annulation des fonds propres, des [titres subordonnés] et/ou de conversion en fonds propres des [titres subordonnés] sans que soit engagée et clôturée la procédure de faillite dans le cadre de laquelle les biens du débiteur seraient liquidés dans une procédure juridictionnelle où les détenteurs d’instruments financiers subordonnés auraient une position de partie à la procédure, sont-ils conformes au droit de propriété tel qu’il résulte de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte ?

5)

Si la réponse apportée à la deuxième question est négative et la réponse apportée aux troisième et quatrième questions est positive, les points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire, qui subordonnent la possibilité d’accorder une aide d’État à l’obligation d’annulation des fonds propres et/ou de conversion en fonds propres des [titres subordonnés], sont-ils contraires aux articles 29, 34 et 35 ainsi que 40 à 42 de la directive 2012/30 [...] parce que la mise en œuvre de ces mesures nécessite la réduction et/ou l’augmentation du capital social de la société par action sur la base d’une décision d’un organisme officiel compétent et non de l’assemblée générale de la société ?

6)

La communication concernant le secteur bancaire peut-elle, eu égard à son point 19 et en particulier à l’exigence qui y est contenue de garantir les droits fondamentaux, à son point 20 et l’obligation de principe, contenue aux points 43 et 44 de cette communication, de convertir ou de déprécier les [titres subordonnés] avant l’octroi d’une aide d’État, être interprétée ainsi que cette mesure n’est pas contraignante pour les États membres qui souhaitent remédier à des perturbations graves de l’économie en octroyant une aide d’État aux établissements de crédit en ce sens que l’autorisation de l’aide d’État au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), [TFUE] serait subordonnée à l’obligation précitée de conversion ou de dépréciation ou qu’il suffit, pour autoriser l’aide d’État, que la mesure de conversion ou de dépréciation soit mise en œuvre d’une manière proportionnée ?

7)

L’article 2, septième tiret, de [la directive 2001/24] peut-il être interprété en ce sens que font également partie des mesures d’assainissement les mesures exigées de répartition des charges associant les actionnaires et les créanciers subordonnés au titre des points 40 et 46 de la communication concernant le secteur bancaire (dépréciation du principal des fonds propres, des [titres subordonnés] et conversion des [titres subordonnés] en fonds propres) ? »

Sur les questions préjudicielles

Observation liminaire

31

Le gouvernement slovène et la Commission expriment des doutes quant à la recevabilité des deuxième à cinquième questions préjudicielles relatives à la validité des points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire, dans la mesure où cette communication ne produirait pas d’effets de droit directement à l’égard des tiers.

32

Il y a lieu de relever que la présente affaire a pour toile de fond, en substance, les aides d’État que le gouvernement slovène a octroyées dans le but d’assurer le redressement du système bancaire national.

33

Plus particulièrement, elle porte sur la conformité à plusieurs dispositions du droit de l’Union de la condition de répartition des charges associant les actionnaires et les créanciers subordonnés que la Commission a posée, afin de pouvoir considérer, en application de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, que les aides d’État accordées dans le secteur bancaire sont compatibles avec le marché intérieur. La validité d’une telle condition doit pouvoir être contrôlée par la Cour dans le cadre de la procédure prévue à l’article 267 TFUE, ce qui est précisément l’objet des deuxième à cinquième questions préjudicielles.

34

Par conséquent, ces questions sont recevables.

Sur la première question

35

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la communication concernant le secteur bancaire doit être interprétée en ce sens qu’elle a un effet contraignant à l’égard des États membres.

36

L’article 108, paragraphe 3, TFUE institue un contrôle préventif sur les modifications des aides existantes et sur les projets d’aides nouvelles. La prévention ainsi organisée vise à ce que seules des aides compatibles avec le marché intérieur soient mises à exécution (voir arrêt du 21 novembre 2013, Deutsche Lufthansa, C‑284/12, EU:C:2013:755, points 25 et 26).

37

L’appréciation de la compatibilité de mesures d’aide avec le marché intérieur, au titre de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, relève de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle des juridictions de l’Union (voir arrêt du 21 novembre 2013, Deutsche Lufthansa, C‑284/12, EU:C:2013:755, point 28).

38

À cet égard, la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations complexes d’ordre économique et social (voir, en ce sens, arrêts du 11 septembre 2008, Allemagne e.a./Kronofrance, C‑75/05 P et C‑80/05 P, EU:C:2008:482, point 59, ainsi que du 8 mars 2016, Grèce/Commission, C‑431/14 P, EU:C:2016:145, point 68).

39

Dans l’exercice de ce pouvoir d’appréciation, la Commission peut adopter des lignes directrices afin d’établir les critères sur la base desquels elle entend évaluer la compatibilité, avec le marché intérieur, de mesures d’aide envisagées par les États membres.

40

Selon une jurisprudence bien établie, en adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice dudit pouvoir d’appréciation et ne saurait, en principe, se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (arrêt du 8 mars 2016, Grèce/Commission, C‑431/14 P, EU:C:2016:145, points 69 et 70 ainsi que jurisprudence citée).

41

Cela étant, la Commission ne saurait renoncer, au moyen de l’adoption de règles de conduite, à l’exercice du pouvoir d’appréciation que l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE lui confère (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2016, Grèce/Commission, C‑431/14 P, EU:C:2016:145, point 71). L’adoption d’une communication telle que la communication concernant le secteur bancaire n’affranchit donc pas la Commission de son obligation d’examiner les circonstances spécifiques exceptionnelles qu’un État membre invoque, dans un cas particulier, afin de solliciter l’application directe de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et de motiver son refus de faire droit à une telle demande (arrêt du 8 mars 2016, Grèce/Commission, C‑431/14 P, EU:C:2016:145, point 72).

42

En l’occurrence, il ressort des points 41, 43 et 44 de la communication concernant le secteur bancaire que la juste répartition des charges à laquelle ladite communication subordonne l’octroi d’une aide d’État implique, en priorité, l’absorption des pertes par les fonds propres, puis, en principe, une contribution des créanciers subordonnés. Une exception aux exigences figurant aux points 43 et 44 de cette communication peut être accordée, selon le point 45 de celle-ci, lorsqu’une telle contribution « risque de mettre en péril la stabilité financière ou de déboucher sur des résultats disproportionnés ».

43

Il résulte de ce qui précède, d’une part, que l’effet de l’adoption des règles de conduite contenues dans ladite communication est circonscrit à celui d’une autolimitation de la Commission dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, en ce sens que, si un État membre notifie à la Commission un projet d’aide d’État qui est conforme à ces règles, cette dernière doit, en principe, autoriser ce projet. D’autre part, les États membres conservent la faculté de notifier à la Commission des projets d’aide d’État qui ne satisfont pas aux critères prévus par cette communication et la Commission peut autoriser de tels projets dans des circonstances exceptionnelles.

44

Il s’ensuit que la communication concernant le secteur bancaire n’est pas susceptible de créer des obligations autonomes à la charge des États membres, mais se limite à établir des conditions visant à assurer la compatibilité avec le marché intérieur des aides d’État accordées aux banques dans le contexte de la crise financière, dont la Commission doit tenir compte dans l’exercice de la large marge d’appréciation dont elle dispose en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

45

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que la communication concernant le secteur bancaire doit être interprétée en ce sens qu’elle n’a pas d’effet contraignant à l’égard des États membres.

Sur la deuxième question

46

Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 107 à 109 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent aux points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire en tant que lesdits points prévoient une condition de répartition des charges associant les actionnaires et les créanciers subordonnés en vue de l’autorisation d’une aide d’État.

47

La communication concernant le secteur bancaire a été adoptée sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

48

Il ressort de cette disposition que la Commission peut considérer comme étant compatibles avec le marché intérieur les aides visant à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre.

49

Au titre du pouvoir d’appréciation que lui confère ladite disposition, la Commission est en droit de refuser l’octroi d’une aide dès lors que celle-ci n’incite pas les entreprises bénéficiaires à adopter un comportement de nature à contribuer à la réalisation de l’un des objectifs visés par la même disposition. Une telle aide doit être nécessaire pour atteindre les buts prévus par cette disposition de sorte que, sans elle, le jeu des lois du marché ne permettrait pas d’obtenir, à lui seul, des entreprises bénéficiaires qu’elles adoptent un comportement de nature à contribuer à la réalisation de ces buts. En effet, une aide qui apporte une amélioration de la situation financière de l’entreprise bénéficiaire sans être nécessaire pour atteindre les buts prévus à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE ne saurait être considérée comme compatible avec le marché intérieur (arrêt du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission, C‑630/11 P à C‑633/11 P, EU:C:2013:387, point 104 ainsi que jurisprudence citée).

50

En ce qui concerne l’adoption des points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire sur le fondement de cette disposition, il convient de relever que les services financiers jouent un rôle central dans l’économie de l’Union. Les banques et les établissements de crédit sont une source essentielle de financement pour des entreprises actives sur les différents marchés. De plus, les banques sont souvent interconnectées et nombre d’entre elles exercent leurs activités au niveau international. C’est la raison pour laquelle la défaillance d’une ou de plusieurs banques risque de se propager rapidement aux autres banques soit dans l’État membre concerné, soit dans d’autres États membres. Cela risque à son tour de produire des effets d’entraînement négatifs dans d’autres secteurs de l’économie.

51

Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, au point 56 de ses conclusions, le recours à la base juridique de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE est d’autant plus justifié par la circonstance selon laquelle, dans le cadre de la crise financière mondiale, qui a donné lieu à l’adoption de cette communication, l’économie de nombreux États membres a été affectée par des perturbations graves.

52

En l’occurrence, il résulte du point 2 de la communication concernant le secteur bancaire que la Commission a voulu, par celle-ci, poser les conditions d’accès aux aides d’État permettant de soutenir le secteur financier des États membres et préciser les exigences auxquelles ces aides doivent satisfaire pour être jugées compatibles avec le marché intérieur.

53

Parmi ces exigences, figure, aux points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire, celle qui prévoit la répartition des charges associant les actionnaires et les créanciers subordonnés à la couverture des coûts de restructuration des banques en détresse afin de combler leur déficit de fonds propres. Cela implique que, après absorption des pertes par les fonds propres, les créanciers subordonnés sont appelés également à contribuer à la réalisation de cet objectif soit par la conversion de leurs créances en fonds propres, soit par la réduction de la valeur de ces créances.

54

Lors de son contrôle de la compatibilité des mesures d’aide d’État avec le marché intérieur, la Commission a pu considérer que, ainsi qu’il est exposé au point 15 de la communication concernant le secteur bancaire, des mesures de répartition des charges s’imposaient afin de limiter les aides d’État dans le secteur bancaire au minimum nécessaire et de réduire les distorsions de concurrence dans le marché intérieur.

55

En effet, d’une part, de telles mesures de répartition des charges peuvent être entendues comme visant à empêcher le recours aux aides d’État en tant que simple instrument permettant de remédier aux difficultés financières des banques concernées.

56

D’autre part, les mesures de répartition des charges visent à garantir que, préalablement à l’octroi de toute aide d’État, les banques qui présentent un déficit de fonds propres œuvrent, avec leurs investisseurs, à la diminution de ce déficit, notamment par une mobilisation des capitaux propres ainsi que par une contribution des créanciers subordonnés, de telles mesures étant susceptibles de limiter l’importance de l’aide d’État accordée.

57

Une solution contraire risquerait de provoquer des distorsions de concurrence, dans la mesure où les banques, dont les actionnaires et les créanciers subordonnés n’auraient pas contribué à la diminution du déficit de fonds propres, recevraient une aide d’État plus élevée que celle qui aurait été suffisante pour combler le déficit résiduel de fonds propres. Dans ces conditions, une telle aide ne serait pas, en principe, conforme au droit de l’Union.

58

De plus, afin de remédier au problème de « l’aléa moral », qui est lié au fait que les individus sont enclins à prendre des décisions risquées lorsque les éventuelles conséquences négatives de ces dernières sont supportées par la collectivité, il importe d’éviter que les banques soient encouragées par la possibilité de se voir octroyer des aides d’État à recourir à des instruments financiers plus risqués et susceptibles de causer des pertes importantes, ce qui serait susceptible de provoquer de sérieuses distorsions de concurrence et de compromettre l’intégrité du marché intérieur.

59

Il convient enfin de relever que, en adoptant la communication concernant le secteur bancaire, la Commission n’a pas empiété sur les compétences dévolues au Conseil de l’Union européenne par les articles 108 et 109 TFUE. En effet, dès lors que cette communication se borne à établir des règles de conduite ayant pour effet de limiter la Commission dans l’exercice du pouvoir d’appréciation que lui confère l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, elle n’affecte pas le pouvoir reconnu au Conseil, à l’article 108, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, de déclarer, sur demande d’un État membre, une aide d’État compatible avec le marché intérieur dans des circonstances exceptionnelles, et ne constitue pas un règlement tel que visé à l’article 109 TFUE, lequel est revêtu, au titre de l’article 288, deuxième alinéa, TFUE, d’un effet contraignant erga omnes.

60

Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la deuxième question que les articles 107 à 109 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas aux points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire en tant que lesdits points prévoient une condition de répartition des charges associant les actionnaires et les créanciers subordonnés en vue de l’autorisation d’une aide d’État.

Sur les troisième et quatrième questions

61

Par ses troisième et quatrième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le principe de protection de la confiance légitime et le droit de propriété doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent aux points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire en tant que lesdits points prévoient une condition de répartition des charges associant les actionnaires et les créanciers subordonnés en vue de l’autorisation d’une aide d’État.

62

S’agissant, en premier lieu, du principe de protection de la confiance légitime, il ressort d’une jurisprudence bien établie que le droit de se prévaloir de ce principe suppose que des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, ont été fournies à l’intéressé par les autorités compétentes de l’Union. En effet, ce droit appartient à tout justiciable dans le chef duquel une institution, un organe ou un organisme de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître à son égard des espérances fondées (arrêts du 16 décembre 2010, Kahla Thüringen Porzellan/Commission, C‑537/08 P, EU:C:2010:769, point 63, ainsi que du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission, C‑630/11 P à C‑633/11 P, EU:C:2013:387, point 132).

63

Or, les actionnaires et les créanciers subordonnés des banques qui ont fait l’objet de mesures de répartition des charges, prévues aux points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire, telles que celles en cause au principal, ne peuvent pas se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime afin de s’opposer à la mise en œuvre des mesures en cause.

64

En effet, d’une part, les actionnaires et les créanciers subordonnés des banques concernées ne disposaient d’aucune garantie émanant de la Commission quant au fait qu’elle approuverait une aide d’État afin de remédier au déficit de fonds propres de ces banques. D’autre part, ces investisseurs n’avaient pas l’assurance que, parmi les mesures destinées à faire face au déficit de fonds propres des banques bénéficiaires de l’aide d’État autorisée par la Commission, certaines ne seraient pas susceptibles d’affecter leurs investissements.

65

En outre, la circonstance que, au cours des premières phases de la crise financière internationale, les créanciers subordonnés n’ont pas été invités à contribuer au sauvetage des établissements de crédit, ainsi que l’a rappelé la Commission au point 17 de sa communication concernant le secteur bancaire, ne permet pas aux créanciers en cause au principal de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime.

66

En effet, une telle circonstance ne saurait être considérée comme une assurance précise, inconditionnelle et concordante susceptible de faire naître la confiance légitime des actionnaires et des créanciers subordonnés de ne pas être soumis à des mesures de répartition des charges dans l’avenir. Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, si le principe de protection de la confiance légitime s’inscrit parmi les principes fondamentaux de l’Union, les opérateurs économiques ne sont pas fondés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions de l’Union, et cela spécialement dans un domaine comme celui des aides d’État dans le secteur bancaire, dont l’objet comporte une constante adaptation en fonction des variations de la situation économique (voir, par analogie, arrêt du 26 juin 2012, Pologne/Commission, C‑335/09 P, EU:C:2012:385, point 180).

67

La juridiction de renvoi s’interroge, par ailleurs, sur la nécessité, pour les États membres, de disposer, en tout état de cause, d’une période transitoire afin de s’adapter aux nouvelles exigences de la Commission relatives à la répartition des charges associant les actionnaires et les créanciers subordonnés.

68

À cet égard, la Cour a déjà jugé que, à supposer même que l’Union ait créé au préalable une situation susceptible d’engendrer une confiance légitime, ce qui, en l’occurrence, n’est pas le cas, un intérêt public péremptoire peut s’opposer à l’adoption de mesures transitoires pour des situations nées avant l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, mais non achevées dans leur évolution (voir arrêts du 17 juillet 1997, Affish, C‑183/95, EU:C:1997:373, point 57, et du 17 septembre 2009, Commission/Koninklijke FrieslandCampina, C‑519/07 P, EU:C:2009:556, point 85).

69

Or, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 70 de ses conclusions, l’objectif consistant à garantir la stabilité du système financier tout en évitant des dépenses publiques excessives et en minimisant les distorsions de la concurrence constitue un intérêt public supérieur de cette nature.

70

S’agissant, en second lieu, du droit de propriété qui est consacré à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté au point 44 du présent arrêt, la communication concernant le secteur bancaire n’est pas susceptible de créer une obligation à la charge des États membres de procéder à des mesures de répartition des charges, telles que celles prévues aux points 40 à 46 de cette communication.

71

Il résulte du point 15 de la communication concernant le secteur bancaire que la répartition des charges associant les actionnaires et les créanciers subordonnés ne constitue qu’un critère d’autorisation par la Commission des aides d’État accordées aux banques présentant un déficit important de leurs fonds propres, permettant de limiter ces aides au minimum nécessaire et de veiller à ce que leur bénéficiaire contribue de façon appropriée aux coûts de restructuration.

72

Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 71 de ses conclusions, la communication concernant le secteur bancaire n’exige pas de forme ou de procédure particulière pour l’adoption des mesures de répartition des charges visées aux points 40 à 46 de cette communication. De telles mesures peuvent ainsi être adoptées volontairement par les actionnaires et par voie d’un accord entre l’établissement de crédit concerné et ses créanciers subordonnés, ce qui ne saurait être considéré comme une ingérence dans leur droit de propriété.

73

En outre, s’agissant des actionnaires des banques, il y a lieu de rappeler que, selon le régime général applicable au statut des actionnaires des sociétés anonymes, ceux-ci assument pleinement le risque de leurs investissements. En effet, il découle du considérant 5 de la directive 2012/30 que celle-ci vise à préserver le capital social qui constitue le gage des créanciers.

74

Les actionnaires étant responsables des dettes de la banque à concurrence du capital social de celle-ci, le fait que les points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire exigent que, pour remédier au déficit de fonds propres d’une banque, préalablement à l’octroi d’une aide d’État, ces actionnaires contribuent à absorber les pertes subies par celle-ci dans la même mesure qu’en l’absence d’une telle aide d’État ne saurait être considéré comme affectant leur droit de propriété.

75

Les pertes des actionnaires des banques en difficultés auront, en tout état de cause, la même ampleur, indépendamment de la question de savoir si leur cause repose sur un jugement de déclaration de faillite en raison de l’absence d’octroi d’une aide d’État ou sur une procédure d’octroi d’une telle aide soumise à la condition préalable de répartition des charges.

76

En ce qui concerne les créanciers subordonnés, ainsi que la Cour l’a relevé au point 27 du présent arrêt, les titres subordonnés sont des instruments financiers qui partagent certaines caractéristiques des produits de dette et des titres de participation au capital, ce qui implique que, en cas de cessation de paiement de l’émetteur de tels titres, les détenteurs de ces derniers sont désintéressés après les titulaires d’obligations ordinaires, mais avant les actionnaires.

77

Or, il ressort des points 41, 43 et 44 de la communication concernant le secteur bancaire que ces créanciers ne doivent contribuer à la réduction du déficit de fonds propres, d’une part, qu’après absorption des pertes en priorité par les fonds propres et, d’autre part, qu’« en l’absence de toute autre possibilité » pour remédier à un éventuel déficit des fonds propres de la banque concernée ou que lorsque cette banque ne respecte plus les exigences réglementaires minimales en matière de fonds propres. En outre, le point 46 de cette communication prévoit qu’« il convient de respecter le principe selon lequel aucun créancier ne peut être plus désavantagé. Les créanciers subordonnés ne devraient donc pas recevoir moins, en termes économiques, que ce que leur instrument aurait valu en l’absence d’aide d’État ».

78

Il résulte de ce point que les mesures de répartition des charges auxquelles serait subordonné l’octroi d’une aide d’État en faveur d’une banque déficitaire ne peuvent porter au droit de propriété des créanciers subordonnés une atteinte que ceux-ci n’auraient pas subie dans le cadre d’une procédure de faillite consécutive à l’absence d’octroi d’une telle aide.

79

Dans ces conditions, il ne saurait être valablement soutenu que les mesures de répartition des charges, telles que celles prévues par la communication concernant le secteur bancaire, constituent une ingérence dans le droit de propriété des actionnaires et des créanciers subordonnés.

80

Il y a dès lors lieu de répondre aux troisième et quatrième questions que le principe de protection de la confiance légitime et le droit de propriété doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas aux points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire en tant que lesdits points prévoient une condition de répartition des charges associant les actionnaires et les créanciers subordonnés en vue de l’autorisation d’une aide d’État.

Sur la cinquième question

81

Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 29, 34, 35 et 40 à 42 de la directive 2012/30 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent aux points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire en tant que lesdits points prévoient une condition de répartition des charges associant les actionnaires et les créanciers subordonnés en vue de l’autorisation d’une aide d’État.

82

Les articles 29, 34, 35 et 40 à 42 de la directive 2012/30 prévoient, en substance, que toute augmentation ou réduction du capital des sociétés anonymes doit être subordonnée à une décision de l’assemblée générale de la société.

83

Selon la juridiction de renvoi, dans la mesure où la communication concernant le secteur bancaire prévoit que certaines modifications du capital social des banques n’ont pas à être décidées ou approuvées par l’assemblée générale, cette communication serait incompatible avec cette directive.

84

Toutefois, ainsi qu’il a été relevé au point 72 du présent arrêt, la communication concernant le secteur bancaire ne contient aucune disposition particulière portant sur les procédures juridiques par lesquelles les mesures de répartition des charges figurant aux points 40 à 46 de celle-ci doivent être mises en œuvre.

85

Par conséquent, si les États membres peuvent éventuellement être amenés, dans une situation particulière, à adopter de telles mesures de répartition des charges sans l’accord de l’assemblée générale de la société, cette circonstance ne saurait toutefois remettre en cause la validité de la communication concernant le secteur bancaire au regard des dispositions de la directive 2012/30.

86

Par ailleurs, il y a lieu de relever que, selon son considérant 3, la directive 2012/30 vise à assurer une équivalence minimale dans la protection tant des actionnaires que des créanciers des sociétés anonymes. À cette fin, cette directive harmonise les dispositions nationales relatives à la constitution, ainsi qu’au maintien, à l’augmentation et à la réduction du capital desdites sociétés.

87

La directive 2012/30 s’inscrit dans le cadre de la réalisation de la liberté d’établissement dans le marché intérieur ayant pour finalité principale la protection des intérêts des associés et des tiers. Elle vise à assurer aux investisseurs que leurs droits seront respectés dans l’ensemble du marché intérieur par les organes des sociétés dans lesquelles ils ont investi, notamment lors des opérations de constitution d’une société et d’augmentation et de réduction de son capital social. Par conséquent, les mesures que la directive 2012/30 prévoit afin de garantir cette protection concernent le fonctionnement ordinaire des sociétés anonymes.

88

En revanche, les mesures de répartition des charges associant les actionnaires et les créanciers subordonnés constituent, lorsqu’elles sont imposées par les autorités nationales, des mesures exceptionnelles. Elles ne peuvent être adoptées que dans un contexte de perturbation grave de l’économie d’un État membre ainsi que dans le but d’éviter un risque systémique et d’assurer la stabilité du système financier.

89

Contrairement à ce que font valoir les requérants au principal, la directive 2012/30 ne s’oppose pas à ce que des mesures relatives au capital social soient adoptées, dans certaines circonstances particulières, telles que celles visées par la communication concernant le secteur bancaire, sans l’approbation de l’assemblée générale de la société. Cette interprétation ne saurait, du reste, être remise en cause par l’arrêt du 12 mars 1993, Pafitis e.a. (C‑441/93, EU:C:1996:92).

90

En effet, dans cet arrêt, la Cour a interprété la directive 77/91/CEE du Conseil, du 13 décembre 1976, tendant à coordonner pour les rendre équivalentes les garanties qui sont exigées dans les États membres des sociétés au sens de l’article 58 deuxième alinéa du traité, en vue de la protection des intérêts tant des associés que des tiers, en ce qui concerne la constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital (JO 1977, L 26, p. 1), dans le cadre d’un litige caractérisé par l’insolvabilité d’une seule banque, alors que, dans l’affaire au principal, les mesures de répartition des charges visées aux points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire sont envisagées en tant que condition d’octroi, à des banques confrontées à un déficit de fonds propres, d’aides d’État destinées, dans un contexte exceptionnel de perturbation grave d’une économie nationale, à remédier à une crise financière systémique susceptible d’affecter l’ensemble d’un système financier national et la stabilité financière de l’Union.

91

Il y a lieu de souligner, à cet égard, que, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 105 et 107 de ses conclusions, les mesures nationales contestées dans l’affaire Pafitis e.a. (C‑441/93, EU:C:1996:92) avaient été adoptées durant la période de l’année 1986 à l’année 1990 et la Cour a rendu son arrêt en 1996, c’est-à-dire bien avant le début de la troisième phase de mise en œuvre de l’Union économique et monétaire avec l’introduction de l’euro, l’établissement de l’eurosystème et les amendements aux traités de l’Union qui y sont liés. Bien qu’il y ait un intérêt général clair à garantir à travers l’Union une protection forte et cohérente des investisseurs, cet intérêt ne peut pas être considéré comme primant en toutes circonstances sur l’intérêt général consistant à garantir la stabilité du système financier.

92

La juridiction de renvoi considère cependant que les dispositions de la directive 2014/59 peuvent conduire à la constatation que la communication concernant le secteur bancaire est incompatible avec la directive 2012/30.

93

Toutefois, outre ce qui a été relevé aux points 72 et 84 du présent arrêt, la circonstance que, en vertu de l’article 123 de la directive 2014/59, depuis le 1er janvier 2016, les articles 29, 34 et 35 ainsi que 40 à 42 de la directive 2012/30 ne s’appliquent pas en cas d’utilisation de mécanismes de résolution prévus par la directive 2014/59 ne permet pas de conclure que, avant cette date, des dérogations de cette nature étaient interdites.

94

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la cinquième question que les articles 29, 34, 35 et 40 à 42 de la directive 2012/30 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas aux points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire en tant que lesdits points prévoient une condition de répartition des charges associant les actionnaires et les créanciers subordonnés en vue de l’autorisation d’une aide d’État.

Sur la sixième question

95

Par sa sixième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la communication concernant le secteur bancaire doit être interprétée en ce sens que les mesures de conversion ou de réduction de la valeur des titres subordonnés, telles que prévues au point 44 de cette communication, constituent une condition nécessaire et suffisante pour qu’une aide d’État relevant de cette communication soit déclarée compatible avec le marché intérieur ou s’il suffit, pour autoriser ladite aide, que les titres subordonnés soient convertis ou dépréciés d’une manière proportionnée.

96

Il ressort de la décision de renvoi que, par cette question, l’Ustavno sodišče (Cour constitutionnelle) souhaite savoir si, dans l’hypothèse où une banque ne remplit pas les exigences réglementaires minimales en matière de fonds propres, au sens du point 44 de la communication concernant le secteur bancaire, il convient de procéder aux mesures de dépréciation des titres subordonnés afin qu’elles compensent pleinement l’ensemble des pertes avérées de la banque ou si ces mesures peuvent être réalisées partiellement, de manière proportionnée.

97

Conformément au point 44 de cette communication, dans l’hypothèse où une banque ne respecte pas les exigences minimales en matière de fonds propres, ce qui signifie que ces fonds ne sont pas à même d’absorber, à eux seuls, les pertes de la banque, les titres subordonnés doivent être convertis ou faire l’objet d’une réduction de leur valeur, en principe, préalablement à l’octroi d’une aide d’État à cette banque. En outre, selon le même point 44, les aides d’État ne peuvent être octroyées qu’une fois que les fonds propres et les titres subordonnés ont pleinement contribué à compenser les pertes éventuelles de la banque.

98

Ainsi qu’il a été rappelé aux points 40 et 41 du présent arrêt, d’une part, la Commission, en adoptant des règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait, en principe, se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime. D’autre part, l’adoption de telles règles n’affranchit pas la Commission de son obligation d’examiner les circonstances spécifiques exceptionnelles qu’un État membre invoque.

99

Il s’ensuit que la circonstance qu’une mesure d’aide d’État réunit les critères énoncés au point 44 de la communication concernant le secteur bancaire constitue une condition, en principe, suffisante pour que la Commission la déclare compatible avec le marché intérieur, mais non strictement nécessaire à cette fin.

100

Un État membre n’est donc pas tenu d’imposer aux banques en difficulté, préalablement à l’octroi de toute aide d’État, de convertir les titres subordonnés en fonds propres ou de procéder à une réduction de leur valeur ni de faire contribuer pleinement ces titres à l’absorption des pertes. En pareil cas, l’aide d’État envisagée ne pourra toutefois pas être regardée comme ayant été limitée au strict nécessaire, ainsi que l’exige le point 15 de la communication concernant le secteur bancaire. L’État membre ainsi que les banques bénéficiaires des aides d’État envisagées prennent le risque de se voir opposer une décision de la Commission les déclarant incompatibles avec le marché intérieur.

101

Au demeurant, la communication concernant le secteur bancaire dispose, à son point 45, qu’une exception aux exigences figurant notamment au point 44 de cette communication peut être accordée lorsque la mise en œuvre des mesures de conversion ou de réduction de la valeur des titres « risque de mettre en péril la stabilité financière ou de déboucher sur des résultats disproportionnées ». Ainsi, il ne saurait être imposé à une banque de convertir ou de réduire la valeur de l’ensemble des titres subordonnés avant l’octroi d’une aide d’État si, notamment, la conversion ou la réduction de la valeur d’une partie des titres subordonnés auraient suffi à remédier au déficit des fonds propres de la banque concernée.

102

Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la sixième question que la communication concernant le secteur bancaire doit être interprétée en ce sens que les mesures de conversion ou de réduction de la valeur des titres subordonnés, telles que prévues au point 44 de cette communication, ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour remédier au déficit de fonds propres de la banque concernée.

Sur la septième question

103

Par sa septième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, septième tiret, de la directive 2001/24 doit être interprété en ce sens que relèvent de la notion de « mesures d’assainissement », au sens de cette disposition, les mesures de répartition des charges associant les actionnaires et les créanciers subordonnés, telles que prévues aux points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire.

104

Il convient de relever que la directive 2001/24, ainsi qu’il ressort de son considérant 6, a comme objectif de mettre en place un système de reconnaissance mutuelle des mesures d’assainissement, sans viser à harmoniser la législation nationale en cette matière (voir arrêt du 24 octobre 2013, LBI, C‑85/12, EU:C:2013:697, point 39).

105

Cet objectif exige que les mesures d’assainissement prises par les autorités administratives ou judiciaires de l’État membre d’origine, c’est-à-dire l’État membre dans lequel un établissement de crédit a été agréé, produisent, dans tous les autres États membres, les effets que leur attribue la loi de cet État membre (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2013, LBI, C‑85/12, EU:C:2013:697, point 22).

106

Conformément à l’article 2, septième tiret, de la directive 2001/24, doivent être regardées comme des « mesures d’assainissement » celles « qui sont destinées à préserver ou rétablir la situation financière d’un établissement de crédit et qui sont susceptibles d’affecter les droits préexistants de tiers, y compris les mesures qui comportent la possibilité d’une suspension des paiements, d’une suspension des mesures d’exécution ou d’une réduction des créances ».

107

Ainsi que l’ont fait valoir l’ensemble des parties au principal qui se sont prononcées sur cette question, il résulte du libellé même de cette disposition, et de la définition large de la notion de « mesures d’assainissement » qu’elle prévoit, que les mesures de répartition des charges telles que prévues aux points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire peuvent être incluses dans la notion de « mesures d’assainissement », au sens de la directive 2001/24.

108

En effet, d’une part, étant donné que les mesures de répartition des charges visent à redresser la position financière des établissements de crédit et à remédier au déficit de ceux-ci, ainsi que cela est exposé au point 43 de la communication concernant le secteur bancaire, ces mesures ont pour objet de préserver ou de rétablir la situation financière d’un établissement de crédit.

109

D’autre part, les mesures de répartition des charges, notamment la conversion de la valeur des titres subordonnés en fonds propres ou la réduction de la valeur de ces titres, sont, de par leur nature même, susceptibles d’affecter des droits préexistants des tiers et, de ce fait, de conduire à une réduction des créances.

110

Pour relever de la notion de « mesures d’assainissement », au sens de la directive 2001/24, encore faut-il toutefois, ainsi que cela ressort, notamment, du considérant 6 et de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, que les mesures de répartition des charges aient été adoptées par une autorité administrative ou judiciaire. En revanche, lorsque les mesures de répartition des charges sont décidées et exécutées par les actionnaires ou les créanciers subordonnés, en dehors de toute intervention des autorités administratives ou judiciaires, ces mesures ne sauraient constituer des mesures d’assainissement, au sens de la directive 2001/24.

111

Par ailleurs, la juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir si le fait que l’article 2, septième tiret, de la directive 2001/24 a été modifié par l’article 117 de la directive 2014/59, afin d’inclure expressément dans la notion de « mesures d’assainissement » les instruments de résolution prévus par cette dernière directive – qui sont analogues aux mesures de répartition des charges associant les actionnaires et les créanciers subordonnés –, permet de considérer que, à la date des faits du litige au principal, ces dernières mesures ne relevaient pas de la notion de « mesures d’assainissement », au sens de la directive 2001/24.

112

Une telle interprétation ne saurait être retenue.

113

En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 143 de ses conclusions, cette modification doit être lue à la lumière du fait que la directive 2001/24 visait non pas à harmoniser les lois pertinentes des États membres, mais uniquement à fournir un système de reconnaissance mutuelle. La directive 2014/59 oblige cependant désormais les États membres à introduire certaines mesures destinées à assainir les banques, ce qui nécessite que ces mesures soient expressément identifiées afin de garantir l’application uniforme de cette dernière directive dans l’Union. Cela n’implique cependant pas que des mesures publiques similaires n’étaient pas couvertes auparavant par la définition des mesures d’assainissement.

114

Il y a donc lieu de répondre à la septième question que l’article 2, septième tiret, de la directive 2001/24 doit être interprété en ce sens que relèvent de la notion de « mesures d’assainissement », au sens de cette disposition, les mesures de répartition des charges telles que prévues aux points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire.

Sur les dépens

115

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

 

1)

La communication de la Commission concernant l’application, à partir du 1er août 2013, des règles en matière d’aides d’État aux aides accordées aux banques dans le contexte de la crise financière (« Communication concernant le secteur bancaire ») doit être interprétée en ce sens qu’elle n’a pas d’effet contraignant à l’égard des États membres.

 

2)

Les articles 107 à 109 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas aux points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire en tant que lesdits points prévoient une condition de répartition des charges associant les actionnaires et les titulaires de titres subordonnés en vue de l’autorisation d’une aide d’État.

 

3)

Le principe de la protection de confiance légitime et le droit de propriété doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas aux points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire en tant que lesdits points prévoient une condition de répartition des charges associant les actionnaires et les titulaires de titres subordonnés en vue de l’autorisation d’une aide d’État.

 

4)

Les articles 29, 34, 35 et 40 à 42 de la directive 2012/30/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées dans les États membres des sociétés au sens de l’article 54, deuxième alinéa, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en vue de la protection des intérêts tant des associés que des tiers, en ce qui concerne la constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas aux points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire en tant que lesdits points prévoient une condition de répartition des charges associant les actionnaires et les titulaires de titres subordonnés en vue de l’autorisation d’une aide d’État.

 

5)

La communication concernant le secteur bancaire doit être interprétée en ce sens que les mesures de conversion ou de réduction de la valeur des titres hybrides et des titres de créance subordonnés, telles que prévues au point 44 de cette communication, ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour remédier au déficit de fonds propres de la banque concernée.

 

6)

L’article 2, septième tiret, de la directive 2001/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 avril 2001, concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit, doit être interprété en ce sens que relèvent de la notion de « mesures d’assainissement », au sens de cette disposition, les mesures de répartition des charges telles que prévues aux points 40 à 46 de la communication concernant le secteur bancaire.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le slovène.

( 1 ) Le point 28 du présent texte a fait l’objet d’une modification d’ordre linguistique, postérieurement à sa première mise en ligne.