61999J0071

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 11 septembre 2001. - Commission des Communautés européennes contre République fédérale d'Allemagne. - Manquement d'Etat - Directive 92/43/CEE - Conservation des habitats naturels - Conservation de la faune et de la flore sauvages - Article 4, paragraphe 1 - Liste de sites - Informations relatives aux sites. - Affaire C-71/99.

Recueil de jurisprudence 2001 page I-05811


Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1. Recours en manquement - Examen du bien-fondé par la Cour - Situation à prendre en considération - Situation à l'expiration du délai fixé par l'avis motivé

(Traité CE, art. 169 (devenu art. 226 CE))

2. États membres - Obligations - Exécution des directives - Manquement - Justification tirée du retard pris par la Commission dans l'établissement d'un formulaire prévu pour la transmission de certaines données par les États membres - Inadmissibilité

(Traité CE, art. 169 (devenu art. 226 CE))

Parties


Dans l'affaire C-71/99,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. zur Hausen et P. Stancanelli, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République fédérale d'Allemagne, représentée par MM. W.-D. Plessing et C.-D. Quassowski, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que, en ne transmettant pas à la Commission la liste complète des sites mentionnée à l'article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206, p. 7), et les informations relatives à ces sites, conformément à l'article 4, paragraphe 1, second alinéa, de la même directive, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. C. Gulmann (rapporteur), président de chambre, MM. V. Skouris, R. Schintgen, Mme F. Macken et M. J. N. Cunha Rodrigues, juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 3 mai 2001,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 1er mars 1999, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), un recours visant à faire constater que, en ne transmettant pas à la Commission la liste complète des sites mentionnée à l'article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206, p. 7, ci-après la «directive»), et les informations relatives à ces sites, conformément à l'article 4, paragraphe 1, second alinéa, de la même directive, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive.

Le droit communautaire

2 La directive a, selon son article 2, pour objet de contribuer à assurer la biodiversité par la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages sur le territoire européen des États membres où le traité CE s'applique.

3 L'article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive dispose:

«1. Un réseau écologique européen cohérent de zones spéciales de conservation, dénommé Natura 2000, est constitué. Ce réseau, formé par des sites abritant des types d'habitats naturels figurant à l'annexe I et des habitats des espèces figurant à l'annexe II, doit assurer le maintien ou, le cas échéant, le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des types d'habitats naturels et des habitats d'espèces concernés dans leur aire de répartition naturelle.

Le réseau Natura 2000 comprend également les zones de protection spéciale classées par les États membres en vertu des dispositions de la directive 79/409/CEE.

2. Chaque État membre contribue à la constitution de Natura 2000 en fonction de la représentation, sur son territoire, des types d'habitats naturels et des habitats d'espèces visés au paragraphe 1. Il désigne à cet effet, conformément à l'article 4, des sites en tant que zones spéciales de conservation, et tenant compte des objectifs visés au paragraphe 1.»

4 Aux termes de l'article 1er, sous j), de la directive, on entend par «site» une aire géographiquement définie, dont la surface est clairement délimitée. Selon l'article 1er, sous k), de la directive, on entend par «site d'importance communautaire» un site qui, dans la ou les régions biogéographiques auxquelles il appartient, contribue de manière significative à maintenir ou à rétablir un type d'habitat naturel de l'annexe I ou une espèce de l'annexe II dans un état de conservation favorable et peut aussi contribuer de manière significative à la cohérence de «Natura 2000», et/ou contribue de manière significative au maintien de la diversité biologique dans la ou les régions biogéographiques concernées. Pour les espèces animales qui occupent de vastes territoires, les sites d'importance communautaire correspondent aux lieux, au sein de l'aire de répartition naturelle de ces espèces, qui présentent les éléments physiques ou biologiques essentiels à leur vie et reproduction.

5 La procédure de désignation des zones spéciales de conservation (ci-après les «ZSC»), fixée à l'article 4 de la directive, se déroule en quatre étapes. En premier lieu, chaque État membre propose une liste de sites indiquant les types d'habitats naturels de l'annexe I et les espèces indigènes de l'annexe II de la directive qu'ils abritent (article 4, paragraphe 1). En deuxième lieu, la Commission établit, à partir des listes des États membres et en accord avec chacun d'eux, un projet de liste des sites d'importance communautaire (article 4, paragraphe 2, premier et deuxième alinéas). En troisième lieu, la liste des sites sélectionnés comme sites d'importance communautaire est arrêtée par la Commission selon la procédure visée à l'article 21 de la directive (article 4, paragraphes 2, troisième alinéa, et 3). En quatrième lieu, les États membres désignent les sites d'importance communautaire comme ZSC (article 4, paragraphe 4).

6 En ce qui concerne plus particulièrement la première étape, l'article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive dispose que les États membres proposent la liste de sites y mentionnée sur la base des critères établis à l'annexe III (étape 1) de la directive et des informations scientifiques pertinentes.

7 L'annexe III (étape 1), points A et B, de la directive énumère les critères suivants:

«A. Critères d'évaluation du site pour un type d'habitat naturel donné de l'annexe I

a) Degré de représentativité du type d'habitat naturel sur le site.

b) Superficie du site couverte par le type d'habitat naturel par rapport à la superficie totale couverte par ce type d'habitat naturel sur le territoire national.

c) Degré de conservation de la structure et des fonctions du type d'habitat naturel concerné et possibilité de restauration.

d) Évaluation globale de la valeur du site pour la conservation du type d'habitat naturel concerné.

B. Critères d'évaluation du site pour une espèce donnée de l'annexe II

a) Taille et densité de la population de l'espèce présente sur le site par rapport aux populations présentes sur le territoire national.

b) Degré de conservation des éléments de l'habitat importants pour l'espèce concernée et possibilité de restauration.

c) Degré d'isolement de la population présente sur le site par rapport à l'aire de répartition naturelle de l'espèce.

d) Évaluation globale de la valeur du site pour la conservation de l'espèce concernée.»

8 Conformément à l'annexe III (étape 1), point C, de la directive, les États membres classent, suivant les critères figurant à l'annexe III (étape 1), points A et B, les sites qu'ils proposent sur la liste nationale comme sites susceptibles d'être identifiés en tant que d'importance communautaire selon leur valeur relative pour la conservation de chaque type d'habitat naturel ou de chaque espèce figurant respectivement à l'annexe I ou II de la directive qui les concernent.

9 Aux termes de l'article 4, paragraphe 1, second alinéa, de la directive, la liste des sites proposés doit être transmise à la Commission, dans les trois ans suivant la notification de la directive, en même temps que les informations relatives à chaque site. Ces informations comprennent une carte du site, son appellation, sa localisation, son étendue ainsi que les données résultant de l'application des critères spécifiés à l'annexe III (étape 1) et sont fournies sur la base d'un formulaire établi par la Commission selon la procédure visée à l'article 21 de la directive (ci-après le «formulaire»).

10 La directive ayant été notifiée le 10 juin 1992, les États membres auraient dû transmettre la liste des sites proposés et les informations relatives aux sites à la Commission avant le 11 juin 1995.

11 Le formulaire n'a été établi que par la décision 97/266/CE de la Commission, du 18 décembre 1996, concernant le formulaire d'information d'un site proposé comme site Natura 2000 (JO 1997, L 107, p. 1). Cette décision a été notifiée aux États membres le 19 décembre 1996 et a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes le 24 avril 1997.

La procédure précontentieuse

12 Considérant qu'elle n'avait reçu des autorités allemandes ni la liste complète des sites abritant les types d'habitats naturels de l'annexe I et les espèces indigènes de l'annexe II de la directive ni les informations relatives à ces sites, et en l'absence d'autres éléments d'information lui permettant de conclure que la République fédérale d'Allemagne avait pris les dispositions nécessaires pour se conformer aux obligations lui incombant en vertu de l'article 4 de la directive, la Commission a, le 4 mars 1996, conformément à la procédure prévue à l'article 169 du traité, mis en demeure le gouvernement allemand de présenter ses observations à ce sujet dans un délai de deux mois.

13 Le 8 août 1996, les autorités allemandes ont informé la Commission que, selon le droit allemand, ce sont les Länder qui sont compétents pour sélectionner les sites susceptibles d'être désignés comme ZSC. Ces derniers leur ayant fait connaître qu'ils ne procéderaient à cette sélection qu'une fois la transposition de la directive achevée en droit national, les autorités allemandes ont indiqué ne pas être en mesure d'adresser en l'état la liste complète des sites nationaux susceptibles d'être désignés comme ZSC.

14 Par lettres des 30 septembre 1996, 24 et 28 janvier et 11 juin 1997, les autorités allemandes ont transmis à la Commission plusieurs listes de sites se trouvant dans les Länder de Bavière et de Saxe-Anhalt.

15 Tenant compte du fait que le formulaire n'avait été disponible qu'à partir du 19 décembre 1996, la Commission a, le 3 juillet 1997, adressé au gouvernement allemand une lettre de mise en demeure complémentaire par laquelle elle lui a de nouveau reproché de ne pas avoir transmis la liste complète des sites et les informations relatives à ceux-ci et l'a invité à faire connaître ses observations au sujet de cette infraction à l'article 4, paragraphe 1, de la directive dans un délai de un mois. La Commission soulignait, en particulier, la nécessité d'utiliser le formulaire pour la communication des données pertinentes.

16 Par lettre du 21 octobre 1997, les autorités allemandes ont transmis une liste de sites se trouvant dans le Land du Schleswig-Holstein. Par lettre du 27 octobre 1997, elles ont rappelé la spécificité de leur droit national, qui donne compétence aux Länder en la matière. Elles ont précisé, à cet égard, que, la loi de transposition n'étant toujours pas adoptée, les Länder n'entendaient pas communiquer la liste complète des sites qu'ils envisageaient de sélectionner.

17 Estimant que sa correspondance avec les autorités allemandes ne lui permettait pas de conclure que la République fédérale d'Allemagne avait transmis une liste complète des sites abritant les types d'habitats naturels de l'annexe I et les espèces indigènes de l'annexe II de la directive ainsi que les informations relatives à ces sites, la Commission, conformément à l'article 169 du traité, a, le 19 décembre 1997, adressé à cet État membre un avis motivé, l'invitant à se conformer audit avis dans un délai de deux mois à compter de la notification de celui-ci.

18 Par lettres des 28 janvier, 13 et 19 mars, 10 et 22 septembre, 14, 20 et 27 octobre 1998, les autorités allemandes ont transmis d'autres listes de sites se trouvant dans les Länder de Hesse, de Thuringe, de Bavière, de Saxe-Anhalt, de Sarre, de Hambourg, de Rhénanie-Palatinat, de Brême, de Basse-Saxe et de Berlin. En outre, par lettres des 25 mars, 7 avril, 11 mai et 23 juin 1998, elles ont transmis des fiches sur les sites antérieurement notifiés à la Commission. Enfin, par lettres des 14 et 15 avril 1998, elles ont envoyé à la Commission un tableau proposant un calendrier des mesures envisagées par chaque Land pour se conformer aux obligations découlant de l'article 4, paragraphe 1, de la directive.

19 Considérant que ces communications ne lui permettaient pas de conclure que la République fédérale d'Allemagne avait mis fin à la violation en cause, la Commission a décidé de saisir la Cour du présent recours.

Appréciation de la Cour

Sur le premier moyen

20 S'agissant de l'obligation de transmettre la liste de sites mentionnée à l'article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive, la Commission rappelle que chaque État membre contribue à la constitution d'un réseau écologique européen cohérent en fonction de l'existence, sur son territoire, des types d'habitats naturels et des habitats des espèces figurant respectivement aux annexes I et II de la directive. Les dispositions combinées de l'article 4, paragraphe 1, et de l'annexe III de la directive montreraient que les États membres disposent d'une certaine marge d'appréciation pour sélectionner les sites à inclure dans la liste. Cependant, la Commission souligne que la marge d'appréciation des États membres est soumise au respect des trois conditions suivantes:

- seuls des critères à caractère scientifique doivent présider à la sélection des sites à proposer;

- les sites proposés doivent assurer une couverture géographique homogène et représentative de la totalité de territoire de chaque État membre afin de garantir la cohérence et l'équilibre du réseau qui en résulte. La liste que propose l'État membre doit donc refléter la diversité écologique (et, dans le cas des espèces, génétique) des habitats naturels et des espèces présents sur son territoire;

- la liste doit être complète, c'est-à-dire que chaque État membre doit proposer un nombre de sites permettant d'inclure de manière suffisamment représentative tous les types d'habitats naturels de l'annexe I ainsi que tous les habitats des espèces de l'annexe II de la directive qui se trouvent sur son territoire.

21 La Commission expose qu'elle a engagé la présente procédure dans le but de faire constater l'insuffisance manifeste de la liste nationale allemande, qui excéderait largement la marge d'appréciation laissée aux États membres. En effet, une telle insuffisance serait évidente au regard de la situation qui existait à l'expiration du délai imparti dans l'avis motivé et, même si les autorités allemandes ont, depuis cette date, transmis plusieurs autres listes de sites, les infractions qui leur sont reprochées se poursuivraient encore. La Commission fait valoir, à cet égard, que la comparaison des propositions des autorités allemandes avec les données scientifiques fournies par ces dernières, notamment le manuel intitulé «Das europäische Schutzgebietssystem Natura 2000», édité par le Bundesamt für Naturschutz (office fédéral de protection de la nature), démontre amplement la réalité desdites infractions. La liste nationale allemande ne serait donc pas conforme aux critères mentionnés à l'article 4, paragraphe 1, lu en combinaison avec l'annexe III de la directive.

22 Le gouvernement allemand reconnaît que, à l'expiration du délai fixé dans l'avis motivé, il n'avait pas communiqué l'ensemble des sites qu'il entendait faire figurer sur la liste de sites mentionnée à l'article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive, mais il fait valoir, premièrement, que le respect de l'obligation de transmettre une telle liste prévue par l'article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive était subordonné à la réception par les États membres du formulaire, qui est le premier document à avoir défini les informations permettant la sélection des sites pertinents. En conséquence, le délai prévu pour l'exécution de cette obligation n'aurait pu commencer à courir, au plus tôt, qu'à compter de la notification du formulaire et n'aurait pas encore expiré à la date de l'introduction du recours.

23 Deuxièmement, le gouvernement allemand soutient que les États membres se voient conférer par la directive un large pouvoir d'appréciation quant à la sélection des sites qui doivent figurer sur la liste transmise à la Commission. Il leur reviendrait ainsi de ne communiquer que les sites qu'ils jugent appropriés et nécessaires à la constitution d'un réseau européen cohérent de ZSC, sur la base de critères techniques et compte tenu des objectifs de la directive. Le niveau national serait le plus approprié pour opérer une sélection adéquate parmi les sites abritant les habitats naturels de l'annexe I et les habitats des espèces de l'annexe II de la directive. En effet, les États membres auraient une meilleure connaissance des sites présents sur leur territoire.

24 Troisièmement, le gouvernement allemand conteste les sources scientifiques auxquelles la Commission s'est référée pour démontrer qu'il aurait transmis une liste incomplète. Selon ce gouvernement, le manuel mentionné au point 21 du présent arrêt ne constitue aucunement la liste de référence allemande ni même une base d'appréciation scientifiquement certaine.

25 Il y Il y a lieu, d'abord, de constater que l'obligation de transmettre la liste de sites mentionnée à l'article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive n'était pas subordonnée à l'adoption du formulaire. En effet, celui-ci n'est pas le premier texte à avoir défini les informations permettant aux États membres de sélectionner les sites pertinents. Dès la notification de la directive, les États membres connaissaient tous les critères de sélection à prendre en considération. En effet, l'article 4, paragraphe 1, de la directive dispose que chaque État membre propose, sur la base des critères établis à l'annexe III (étape 1) et des informations scientifiques pertinentes, une liste de sites indiquant les types d'habitats naturels de l'annexe I et les espèces indigènes de l'annexe II de la directive qu'ils abritent. Il ressort de l'annexe III (étape 1) de la directive que les critères pertinents sont le degré de représentativité du type d'habitat naturel sur le site, la superficie du site couverte par le type d'habitat naturel ainsi que son degré de conservation, la taille et la densité des populations de l'espèce présente sur le site, leur degré d'isolement, le degré de conservation de leurs habitats et enfin la valeur comparative des sites.

26 Ensuite, il convient de relever que, s'il ressort des règles relatives à la procédure d'identification des sites susceptibles d'être désignés comme ZSC, prévues à l'article 4, paragraphe 1, de la directive, que les États membres jouissent d'une certaine marge d'appréciation pour effectuer leurs propositions de sites, il n'en demeure pas moins qu'ils doivent, ainsi que l'a relevé la Commission, effectuer cette opération dans le respect des critères fixés par la directive.

27 À cet égard, il convient de rappeler que, pour établir un projet de liste des sites d'importance communautaire, de nature à aboutir à la constitution d'un réseau écologique européen cohérent de ZSC, la Commission doit disposer d'un inventaire exhaustif des sites revêtant, au niveau national, un intérêt écologique pertinent au regard de l'objectif de conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages visé par la directive. À cette fin, ledit inventaire est établi sur la base des critères fixés à l'annexe III (étape 1) de la directive (arrêt du 7 novembre 2000, First Corporate Shipping, C-371/98, Rec. p. I-9235, point 22).

28 Au demeurant, ce n'est que de cette manière qu'il est possible de réaliser l'objectif, visé à l'article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive, du maintien ou du rétablissement, dans un état de conservation favorable, des types d'habitats naturels et des habitats d'espèces concernés dans leur aire de répartition naturelle, laquelle peut être située de part et d'autre d'une ou de plusieurs frontières intérieures de la Communauté. En effet, il ressort de l'article 1er, sous e) et i), de la directive, lu en combinaison avec l'article 2, paragraphe 1, de la même directive, que l'état de conservation favorable d'un habitat naturel ou d'une espèce doit être apprécié par rapport à l'ensemble du territoire européen des États membres où le traité s'applique (arrêt First Corporate Shipping, précité, point 23).

29 Enfin, il convient de rappeler que l'existence d'un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l'État membre telle qu'elle se présentait au terme du délai fixé dans l'avis motivé. Les changements intervenus par la suite ne sauraient donc être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêt du 8 mars 2001, Commission/France, C-266/99, non encore publié au Recueil, point 38).

30 Or, il y a lieu de constater que, à l'expiration du délai fixé dans l'avis motivé, soit le 19 février 1998, le contenu de la liste nationale allemande transmise à la Commission était manifestement insuffisant, excédant largement la marge d'appréciation dont disposent les États membres aux fins d'établir la liste de sites mentionnée à l'article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive. Conformément à la jurisprudence citée au point précédent du présent arrêt, les listes de sites communiquées à la Commission après l'expiration de ce délai ne sont pas pertinentes dans le cadre du présent recours.

31 Il convient donc de conclure que, en ne transmettant pas à la Commission, dans le délai prescrit, la liste de sites mentionnée à l'article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

Sur le second moyen

32 S'agissant de l'obligation de transmettre des informations relatives aux sites susceptibles d'être désignés comme ZSC, le gouvernement allemand ne conteste pas ne pas avoir transmis ces informations à l'expiration du délai fixé dans l'avis motivé, mais soutient que les travaux préparatoires nécessaires au rassemblement des informations relatives aux sites devant être proposés, pour l'exécution desquels les États membres disposaient d'un délai de trois ans, n'auraient pu en pratique débuter qu'à la fin de l'année 1996, une fois le formulaire notifié aux États membres.

33 La Commission soutient que l'obligation de transmission des informations relatives aux sites devait être exécutée avant le 11 juin 1995. À supposer que certains États membres disposant de la liste des sites proposés ainsi que des informations pertinentes avant le 11 juin 1995 aient voulu attendre l'adoption du formulaire, ils auraient pu, après la notification du formulaire le 19 décembre 1996, faire rapidement figurer ces informations dans celui-ci et les notifier à la Commission.

34 La Commission ajoute que, pour tenir compte de l'adoption tardive du formulaire, elle a rallongé la procédure précontentieuse en adressant une lettre de mise en demeure complémentaire à la République fédérale d'Allemagne, le 3 juillet 1997, soit bien après la date de la notification du formulaire. Dès lors, les autorités allemandes auraient été pleinement en mesure de remplir leur obligation de transmission des informations relatives à chaque site. Or, à l'expiration du délai fixé dans l'avis motivé, soit le 19 février 1998, la République fédérale d'Allemagne n'aurait pas envoyé à la Commission les informations afférentes aux sites devant être proposés.

35 Il convient d'abord de préciser que, même si la Commission a dans un premier temps envoyé au gouvernement allemand une lettre de mise en demeure, le 4 mars 1996, c'est-à-dire avant la notification du formulaire, elle lui a, après la notification de celui-ci, adressé une nouvelle lettre de mise en demeure lui donnant un nouveau délai pour se conformer à l'article 4, paragraphe 1, second alinéa, de la directive.

En36 Ensuite, il y a lieu de relever que, dès la notification de la directive, le 10 juin 1992, les États membres savaient quels types d'informations il leur faudrait réunir en vue d'une transmission dans le délai de trois ans à compter de ladite notification, soit avant le 11 juin 1995. Ils savaient, en outre, que ces informations devraient être fournies sur la base du formulaire, une fois celui-ci établi par la Commission. En effet, l'article 4, paragraphe 1, second alinéa, de la directive précise expressément que les informations à transmettre, sur la base d'un formulaire établi par la Commission, comprennent une carte du site, son appellation, sa localisation, son étendue ainsi que les données résultant de l'application des critères spécifiés à l'annexe III (étape 1).

37 Dès lors, le délai accordé au gouvernement allemand par la Commission pour s'acquitter de l'obligation de reporter sur le formulaire les informations relatives aux sites, qu'il devait détenir dès avant le 11 juin 1995, doit être considéré comme raisonnable. En effet, ce gouvernement a, du 19 décembre 1996, date de la notification du formulaire, au 19 février 1998, date d'expiration du délai fixé dans l'avis motivé, bénéficié de plus de un an pour exécuter cette opération spécifique.

38 Le gouvernement allemand reconnaissant que, à l'expiration du délai fixé dans l'avis motivé, il n'avait pas transmis à la Commission, sur la base du formulaire, les informations relatives aux sites devant être proposés, il y a lieu de constater que, en ne transmettant pas à la Commission, dans le délai prescrit, les informations relatives aux sites figurant dans la liste mentionnée à l'article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive, conformément au second alinéa de la même disposition, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

39 En vertu de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République fédérale d'Allemagne et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre)

déclare et arrête:

1) En ne transmettant pas à la Commission, dans le délai prescrit, la liste de sites mentionnée à l'article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, et les informations relatives à ces sites conformément à l'article 4, paragraphe 1, second alinéa, de la même directive, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive.

2) La République fédérale d'Allemagne est condamnée aux dépens.