18.7.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 275/11


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «L’impact de la COVID-19 sur les droits fondamentaux et l’état de droit dans l’UE et l’avenir de la démocratie»

(avis d’initiative)

(2022/C 275/02)

Rapporteur:

José Antonio MORENO DÍAZ

Rapporteur:

M. Cristian PÎRVULESCU

Décision de l’assemblée plénière

25.3.2021

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

10.2.2022

Adoption en session plénière

23.2.2022

Session plénière no

567

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

205/7/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE exprime sa profonde inquiétude quant à l’incidence de la COVID-19 sur la vie, la sécurité, le bien-être et la dignité de toutes les personnes vivant dans l’Union. Il est également très préoccupé par son impact sur les individus et les communautés dans le monde entier, en particulier dans les pays qui ne disposent pas des infrastructures sanitaires, sociales et éducatives adéquates pour faire face à la pandémie.

1.2.

La réponse de l’Union et des États membres doit remédier aux vulnérabilités systémiques des infrastructures sanitaires européennes face à un renforcement de la mobilité et à une probabilité accrue de maladies zoonotiques dangereuses. En outre, la lutte contre la pandémie devrait aller de pair avec la mise en place d’un véritable système de soutien social et économique pour atténuer ses effets perturbateurs.

1.3.

Comme l’a déjà affirmé le CESE par le passé, l’Union européenne se fonde sur des valeurs européennes communes qui ne sont en aucun cas négociables, à savoir le respect de la dignité humaine et des droits de l’homme, la liberté, la démocratie, l’égalité et l’état de droit (1). Ces valeurs ne sauraient être oubliées lorsque l’Union et ses États membres sont confrontés à une situation d’urgence et aux problèmes économiques, sociaux et éducatifs qu’elle peut engendrer. S’il convient d’apporter à la crise actuelle une réponse rapide, qui justifie certaines mesures exceptionnelles et limitées dans le temps, celles-ci ne sauraient aller à l’encontre de l’état de droit, ni mettre en péril la démocratie, la séparation des pouvoirs et les droits fondamentaux des habitants de l’Union (2).

1.4.

L’Union devrait aligner ses politiques, stratégies et programmes afin de parvenir à une sortie de crise équitable et globale, en vue d’instaurer une convergence vers le haut en matière de normes médicales, sociales, économiques et démocratiques. Dans le contexte des efforts déployés au moyen de l’instrument NextGenerationEU pour remédier aux dommages économiques et sociaux immédiats causés par la pandémie de coronavirus, le CESE réaffirme son soutien à la proposition de règlement de la Commission visant à créer un nouvel instrument qui permettrait de prendre des mesures correctives d’ordre économique à l’égard des États membres qui commettent des violations graves et persistantes des valeurs énumérées à l’article 2 (3). En outre, nous avons besoin d’une notion plus large de l’état de droit, qui comprenne la protection des droits fondamentaux et assure la pérennité du modèle de démocratie pluraliste. L’état de droit s’inscrit dans une relation triangulaire d’interdépendance et d’indissociabilité avec les droits fondamentaux et la démocratie.

1.5.

Les institutions de l’Union et les gouvernements des États membres devraient utiliser les institutions de dialogue social et civique existantes pour associer pleinement les organisations de la société civile et les partenaires sociaux à la création d’un espace démocratique pluraliste dans lequel les différences de points de vue et les critiques seraient accueillies favorablement, assorti de garanties pour limiter la prolifération des fausses informations et des discours injustifiés et injustifiables contraires aux droits de l’homme, conspirationnistes et extrémistes.

1.6.

Les gouvernements devraient clairement définir la base juridique de leurs mesures. Toute réforme des lois existantes en matière d’urgence sanitaire et des règles connexes et toute adoption de nouvelles lois, y compris pour se préparer à de futures pandémies, devraient fixer des limites et des conditions explicites et prévoir officiellement le contrôle parlementaire et le contrôle juridictionnel de la proportionnalité des mesures et de leur conformité avec les normes nationales et internationales en matière de droits de l’homme.

1.7.

Les règles et les politiques liées à la COVID-19 devraient être aussi claires et cohérentes que possible; il convient que les informations les concernant soient fournies en temps utile, que la société civile, y compris les partenaires sociaux, soit associée et consultée aux fins de leur élaboration, et qu’elles reposent sur des données probantes. Cet impératif de clarté devrait également guider la mise en place de mécanismes prévisibles, comportant toutes les garanties démocratiques substantielles et procédurales nécessaires, afin d’être prêts à réagir de manière ordonnée aux futures pandémies, crises sanitaires ou catastrophes naturelles potentielles. Les règles, les politiques et toute information pertinente s’y rapportant devraient être accessibles à toutes les catégories de la société, y compris aux groupes linguistiques minoritaires. Lorsque la politique doit faire l’objet de changements, ceux-ci devraient être annoncés suffisamment à l’avance par divers canaux officiels et publics, afin de donner aux personnes le temps de se préparer et d’adapter leur comportement en conséquence.

1.8.

Il convient d’exiger que les ministres du gouvernement chargés d’introduire des mesures de lutte contre la pandémie fassent régulièrement rapport au parlement. Les parlements des États membres devraient créer des comités, des commissions ou des groupes chargés d’examiner les mesures liées à la COVID-19 et de présenter des rapports réguliers aux parlements et aux assemblées représentatives locales et régionales. Il y a lieu également d’imposer un débat parlementaire sur ces rapports et une réponse de la part du gouvernement, afin d’assurer un contrôle des actions de ce dernier. Les États devraient garantir l’accès à la justice en protégeant l’indépendance du pouvoir judiciaire et en permettant aux tribunaux de travailler en ligne et à distance, en plus d’apporter un soutien aux justiciables vulnérables, aux témoins ou aux personnes faisant l’objet de procédures pénales ou civiles.

1.9.

Les droits fondamentaux, l’état de droit et le respect de la démocratie sont inscrits dans le traité UE, dans la charte européenne des droits fondamentaux et dans les engagements de droit international souscrits souverainement par tous les États membres de l’Union. En vertu du droit international, chaque État a l’obligation de respecter, de protéger et de défendre les droits de l’homme. Ces valeurs sont fondamentales, interdépendantes et se renforcent mutuellement. Il s’agit là de questions d’obligations internationales, et non d’idéologie. Par conséquent, si les débats ayant trait aux procédures à appliquer pour assurer la meilleure mise en œuvre des droits de l’homme constituent un exercice rationnel, le principe de leur respect ne devrait pas faire l’objet d’un débat politique. De même, les autorités ont l’obligation de répondre aux crises de santé publique. Elles doivent veiller à ce que les réponses qu’elles proposent fassent l’objet d’un débat démocratique, d’une consultation publique et d’un contrôle parlementaire dignes de ce nom, ce qui inclut également la nécessité de s’attaquer aux fausses informations, y compris lorsqu’elles découlent de l’intention d’affaiblir un adversaire politique, ce qui peut contribuer à compromettre une réponse efficace à une situation d’urgence pandémique.

1.10.

Le CESE souligne qu’en dépit des meilleures intentions qui sous-tendent l’instrument NextGenerationEU et les plans nationaux pour la reprise et la résilience, et bien que la Commission européenne soit favorable à la participation des organisations de la société civile (OSC), des partenaires sociaux et des parties prenantes, le niveau de participation effective reste largement insuffisant et les processus n’ont pas permis aux OSC d’avoir un impact suffisant (4). Le risque est que, même s’il est mis en œuvre avec succès, le plan fasse progresser la transition écologique et numérique, stimulant la croissance à moyen et à long terme, mais sans améliorer la situation difficile dans laquelle se trouvent aujourd’hui les personnes confrontées au chômage, à la perte de revenus, à la détérioration de leur état de santé et de leurs conditions de vie et de travail et à l’aggravation des inégalités. Les plans pour la reprise et la résilience devraient être immédiatement soumis à des évaluations de leurs effets distributifs, et les résultats devraient être examinés avec les OSC, les partenaires sociaux et les parties prenantes au niveau national et de l’Union.

1.11.

Le CESE souligne le lien entre la protection de la démocratie, de l’état de droit et des droits fondamentaux et le développement et la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux. Comme indiqué précédemment, le bien-être et les droits fondamentaux des citoyens devraient reposer sur un modèle social commun et cohérent, suffisamment souple pour tenir compte des différentes traditions et expériences nationales, et conforme aux valeurs, aux principes et aux objectifs du traité et du socle, ainsi qu’au consensus renouvelé et tourné vers l’avenir dont il fait l’objet (5). Le suivi de la mise en œuvre du plan d’action sur le socle européen des droits sociaux devrait tenir compte des vastes effets perturbateurs de la pandémie.

1.12.

La pandémie a été une crise mondiale qui aura certainement des conséquences durables mais inégales sur les différentes catégories de la population. Le soutien aux populations vulnérables devrait être une priorité, conformément au principe appelant à «ne laisser personne de côté», et une attention particulière devrait être accordée aux travailleurs vulnérables et au respect du principe no 14 du socle européen des droits sociaux relatif au revenu minimum. Le soutien aux entreprises touchées par la pandémie devrait également être renforcé, en particulier pour celles qui ont été touchées de manière disproportionnée et celles qui ont des difficultés à rester opérationnelles, telles que les PME. Il convient également de s’attaquer aux effets sur les entreprises de l’économie sociale, durement touchées par la crise (6).

1.13.

Le CESE estime que le plan d’action pour la démocratie européenne devrait comporter une initiative à grande échelle visant à promouvoir l’éducation à la démocratie et aux droits fondamentaux, qui est nécessaire à la sauvegarde des valeurs démocratiques et de la citoyenneté active. L’initiative devrait être inclusive et s’adresser à tous les citoyens, en accordant une attention particulière aux jeunes.

2.   L’état de droit

2.1.

Il existe des critères clairs pour évaluer la conformité de toute action de l’État avec les principes de l’état de droit, et il est essentiel que ces principes soient respectés en temps normal, et encore plus dans les contextes d’urgence. Ces critères sont la légalité, la sécurité juridique, l’interdiction de l’utilisation arbitraire des pouvoirs exécutifs et la responsabilité des gouvernements vis-à-vis de la loi, garantie par le contrôle judiciaire et parlementaire (7). Le recours aux pouvoirs d’urgence doit être nécessaire, proportionné et temporaire, et doit toujours obéir non seulement aux limites du droit constitutionnel du pays, mais aussi aux normes fixées par le droit européen et le droit international.

2.2.

La pandémie de COVID-19 a posé des défis complexes aux systèmes juridiques, politiques, sociaux, de santé et éducatifs de tous les États membres. Dans un contexte aussi difficile, le maintien d’un degré élevé de respect de l’état de droit peut sembler impossible à garantir. Pourtant, en Europe et au-delà, un nombre croissant d’éléments laissent à penser que les États qui ont conservé une politique et un processus législatif respectueux de l’état de droit sont ceux qui ont bénéficié d’une gestion plus positive de l’urgence sanitaire, avec des taux de mortalité et d’infection plus faibles, mais aussi avec un niveau élevé de confiance du public dans le gouvernement, ce qui est essentiel pour répondre le plus efficacement possible à la crise (8). Les principes de l’état de droit devraient guider tout gouvernement démocratique dans sa réponse légitime et efficace à la crise sanitaire actuelle et, éventuellement, à des crises similaires à l’avenir.

2.3.

Pour ce qui est des réactions des États membres à la pandémie, des inquiétudes ont vu le jour quant au respect de trois principes clés qui sont au cœur de la notion d’état de droit, à savoir (1) le principe de légalité, (2) le principe de sécurité juridique, et (3) le principe de responsabilité au regard de la loi (9).

2.4.

En termes de légalité, divers problèmes ont été recensés concernant les réponses apportées par certains gouvernements nationaux ou infranationaux, parmi lesquels: des actions mises en œuvre sans base juridique ou autorisation législative; l’instauration ou la prorogation d’un «état d’urgence» qui violait manifestement les cadres constitutionnels nationaux; le recours du pouvoir exécutif à certaines bases juridiques d’une manière contraire à l’esprit qui avait présidé à leur adoption; et des restrictions aux droits fondamentaux adoptées selon des modalités manifestement contraires aux dispositions constitutionnelles ou aux normes internationales en matière de droits de l’homme.

2.5.

En termes de sécurité juridique, les mesures nationales qui posent problème à cet égard comprennent l’introduction de mesures restrictives avec une interprétation peu claire; des contradictions entre la politique gouvernementale et les mesures juridiques sous-jacentes; et des modifications si fréquentes de la législation qu’il devient exceptionnellement difficile pour les citoyens ordinaires de comprendre ce qu’ils peuvent faire ou pas. Dans un contexte d’urgence, les risques et l’insécurité augmentent et les citoyens attendent du gouvernement — et des autorités publiques de manière plus générale — qu’ils leur indiquent clairement ce qui leur est légalement autorisé de faire et ce qui ne l’est pas.

2.6.

En ce qui concerne la responsabilité au regard de la loi, des problèmes concernant le contrôle parlementaire et judiciaire de l’action gouvernementale liée à la COVID-19 ont pu être observés sous la forme d’une marginalisation des parlements. Avant février 2021, moins de la moitié des États membres de l’Union avaient mis en place des commissions parlementaires spécialisées, publié des rapports ou programmé des débats réguliers sur les mesures liées à la pandémie de COVID-19, et les mesures gouvernementales avaient été examinées (par exemple au moyen d’un débat ou d’un vote au parlement) ou modifiées par les parlements dans moins d’un tiers des cas (10). Le contrôle juridictionnel, qui correspond au processus par lequel les tribunaux veillent à ce que les gouvernements agissent dans le respect de la loi, revêt une importance particulière en période de crise, lorsque les droits fondamentaux peuvent être fortement restreints. Un certain nombre de préoccupations ont été exprimées dans l’ensemble de l’Union concernant l’efficacité du contrôle juridictionnel et l’accès à la justice dans le contexte des mesures liées à la COVID-19 (11). La fermeture des tribunaux, ou la limitation de l’accès à ces derniers à certains types de procédures, ont eu une incidence négative sur la capacité des citoyens à régler leurs litiges et ont porté atteinte à l’accès à la justice, en particulier lorsque les membres les plus vulnérables de la société ont été touchés de manière disproportionnée par les mesures prises en réaction à la pandémie. Dans la plupart des États membres, les systèmes judiciaires étaient mal préparés à la crise en raison de leur faible niveau de numérisation et parce que certaines catégories de la société, notamment les groupes vulnérables, ne disposaient pas d’informations suffisantes sur le fonctionnement du système judiciaire et n’y avaient donc pas accès.

2.7.

En définitive, on peut conclure que l’état de droit peut sous-tendre les actions les plus efficaces visant à répondre aux urgences de santé publique (12), et qu’il s’agit d’une valeur essentielle non seulement en temps normal, mais aussi, et peut-être plus encore, en période de crise. Dans le contexte des efforts déployés au moyen de l’instrument NextGenerationEU pour remédier aux dommages économiques et sociaux immédiats causés par la pandémie de coronavirus, le CESE réaffirme son soutien à la proposition de règlement de la Commission visant à créer un nouvel instrument qui permettrait de prendre des mesures correctives d’ordre économique à l’égard des États membres qui commettent des violations graves et persistantes des valeurs énumérées à l’article 2 (13).

3.   Les droits fondamentaux

3.1.

La pandémie de COVID-19 a exercé une pression considérable sur toutes les institutions et infrastructures qui soutiennent et protègent les droits fondamentaux dans l’Union. La rapide dégradation des services médicaux et la crise socio-économique à grande échelle ont menacé la vie, la santé et le bien-être de la majorité des personnes sur le continent, et ont aggravé les risques de pauvreté. Certains groupes spécifiques, victimes des perturbations concrètes et continues des services sociaux dues à leur sous-financement chronique et au manque de préparation du système pour faire face aux crises, ont été particulièrement touchés. À cet égard, le CESE réitère son appel en faveur d’un cadre européen contraignant pour un revenu minimum décent en Europe (14).

3.2.

L’Union et ses États membres devraient engager une réflexion sociétale approfondie sur les origines de la crise et les raisons pour lesquelles la plupart des systèmes de santé européens ont été précipités au bord de l’effondrement en raison de la pandémie. Des années de politiques d’austérité ont conduit à une tendance générale au désinvestissement dans le secteur de la santé et dans d’autres services sociaux essentiels (aide aux personnes dépendantes et vulnérables, maisons de soins, etc.), créant une bombe à retardement qui a explosé face à un défi sanitaire majeur. Au fur et à mesure que progresse la conférence sur l’avenir de l’Europe, tous les acteurs concernés devraient être encouragés à tirer des enseignements de cette crise afin de jeter les bases de la reconstruction de l’État-providence. La résilience est un vain mot si tous les efforts ne sont pas déployés pour construire un modèle de société européen régénéré, au cœur duquel sont placés les gens. L’Union doit se préparer à affronter de futures crises en termes de prise de décision, de transparence des procédures, de politiques et de ressources financières.

3.3.

La protection des droits consacrés par la charte des droits fondamentaux a été remise en cause par l’évolution de la crise et les réponses politiques, en particulier celles qui avaient trait à la fourniture de soins de santé, à la non-discrimination, à l’égalité entre les hommes et les femmes, aux droits de l’enfant, des personnes âgées et des personnes handicapées, ainsi qu’à des conditions de travail équitables, à la sécurité sociale et à l’assistance sociale. Malheureusement, dans le domaine de l’égalité entre les hommes et les femmes, les femmes ont été sous-représentées dans les structures ad hoc de prise de décision mises en place pour lutter contre la COVID-19, et de nombreuses analyses d’impact n’ont pas mis l’accent sur cette dimension. Il est également nécessaire de reconnaître explicitement l’impact disproportionné de la pandémie et des mesures connexes sur les questions d’égalité entre les hommes et les femmes.

3.4.

Les droits de l’enfant, notamment en ce qui concerne l’accès à l’éducation et à l’aide sociale, constituent une préoccupation majeure pour le Comité. Comme l’a déjà suggéré le CESE, une attention particulière doit être accordée à l’incidence de la COVID-19 sur les droits, le bien-être et le développement intellectuel et émotionnel des enfants (15).

3.5.

Le CESE réitère la recommandation qu’il a formulée dans son avis sur la «Nouvelle stratégie visant à renforcer l’application de la charte des droits fondamentaux», selon laquelle la Commission devrait axer le rapport de 2022 sur les effets produits par la COVID-19 sur les droits fondamentaux, en particulier ceux liés au bien-être socio-économique (16).

3.6.

Il incombe à l’Union de promouvoir et de protéger les droits de l’homme dans le monde entier. Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, le CESE estime également que l’Union pourrait faire davantage pour aider le monde à lutter contre la pandémie. Il salue et soutient les efforts déployés par l’Union pour répondre d’urgence aux besoins humanitaires, renforcer les systèmes de santé, d’eau et d’assainissement et atténuer les conséquences sociales et économiques de la pandémie.

3.7.

À court terme, davantage de ressources devraient être consacrées à garantir un accès large et équitable aux vaccins. Les 100 millions de doses de vaccins promises par l’Union sont loin de répondre aux besoins urgents de la majeure partie de la planète (17). En tant que principale exportatrice de vaccins dans le monde, l’Union doit être prête à changer d’approche. Les vaccins doivent être produits à plus grande échelle et en plus grand nombre afin de permettre aux pays tiers d’atteindre des niveaux de vaccination sûrs. Dans le cadre de la nécessité susmentionnée de construire un nouveau modèle économique et social européen, tous les acteurs européens devraient mener une réflexion approfondie sur les objectifs ultimes du marché unique et des politiques connexes. Cette réflexion devrait être centrée sur l’humain et prendre en considération les notions de biens publics, de santé collective, ainsi que des méthodes alternatives pour mesurer la richesse, y compris sur la base des propositions formulées par les partenaires sociaux (18).

3.8.

Il convient de redoubler d’efforts pour promouvoir et protéger les droits sociaux fondamentaux, en tant que moyen direct et efficace de lutter contre les effets néfastes de la pandémie sur les plans sanitaire, social, économique et éducatif. Le socle européen des droits sociaux devrait être considéré comme un développement naturel de la politique de protection des droits sociaux fondamentaux.

3.9.

Le mandat de l’Agence des droits fondamentaux et le champ d’application des rapports de la Commission européenne sur l’état de droit devraient être étendus pour couvrir pleinement le respect de ces droits sociaux fondamentaux et en permettre un suivi adéquat.

3.10.

Le CESE souligne le lien entre la protection de la démocratie, de l’état de droit et des droits fondamentaux et le développement et la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux. Comme indiqué précédemment, le bien-être et les droits fondamentaux des citoyens devraient reposer sur un modèle social commun et cohérent, suffisamment souple pour tenir compte des différentes traditions et expériences nationales, et conforme aux valeurs, aux principes et aux objectifs du traité et du socle, ainsi qu’au consensus renouvelé et tourné vers l’avenir dont il fait l’objet (19). Le suivi de la mise en œuvre du plan d’action sur le socle européen des droits sociaux devrait tenir compte des vastes effets perturbateurs de la pandémie.

4.   L’avenir de la démocratie

4.1.

La pandémie est un phénomène mondial, tout comme ses conséquences politiques et démocratiques. Selon une étude récente, ses conséquences sur l’état de la démocratie sont très graves et comprennent divers phénomènes, tels que la dérive vers des tendances autoritaires d’un certain nombre de pays, plus nombreux que ceux qui s’engagent sur une voie démocratique; le recul de la démocratie dans certains grands pays; la remise en cause de l’intégrité des élections dans plusieurs pays; le soutien populaire qui entoure souvent l’affaiblissement de la démocratie; l’aggravation de l’autoritarisme dans les régimes non démocratiques, et la longue durée de la crise sanitaire qui a tendance à normaliser les restrictions aux libertés fondamentales (20). L’Union devrait tenir compte de ces tendances mondiales qui ont une incidence sur ses propres politiques internationales et régionales et se poser en exemple démocratique à l’échelle mondiale.

4.2.

L’avenir de la démocratie et celui de l’Union sont étroitement liés. À chacune de ses étapes, l’Union s’est construite comme un instrument de paix et de coopération et, surtout, comme un instrument de démocratie. Nous devons veiller à ce qu’aucun des défis et des tensions découlant de la pandémie n’affecte la qualité et les performances de nos systèmes démocratiques et, ce qui est tout aussi important, l’engagement à bâtir une Union intégrée, démocratique, sociale et prospère. Cela passe, entre autres, par la primauté de la législation européenne sur la législation nationale, conformément aux traités.

4.3.

Depuis le début de l’année 2020, lorsque la COVID-19 a frappé l’Europe avec des conséquences dévastatrices, une série d’instruments stratégiques ont été utilisés pour lutter contre la pandémie. Dans la plupart des cas, les mesures médicales, d’urgence et administratives ont été mises en œuvre dans le cadre de différents régimes d’urgence, d’une teneur et d’une durée variables.

4.4.

Dans plusieurs pays de l’Union, les motivations et les effets de ces régimes d’urgence ont suscité de vives inquiétudes. Ils se sont traduits par une mise à l’écart des assemblées parlementaires et locales/régionales, un manque de contrôle de l’action exécutive, des limites à l’information du public, un manque de transparence, de dialogue social et de participation, des dépenses non contrôlées et un soutien inadéquat aux personnes les plus touchées, y compris le personnel médical. Dans les pays qui présentaient déjà des vulnérabilités démocratiques importantes, les régimes d’urgence ont servi d’accélérateur des tendances antérieures (21). Dans les pays dotés de systèmes démocratiques stables, ils ont soulevé des questions d’adaptabilité au nouveau contexte et d’efficacité des mesures adoptées.

4.5.

Les réponses politiques ont également suscité un niveau sans précédent de désinformation et d’opposition aux mesures sanitaires, qu’il s’agisse du confinement, des traitements ou des vaccins. Si, d’une manière générale, l’Union a réussi à soutenir la recherche, l’achat et la distribution de vaccins, son incapacité à le communiquer clairement à l’ensemble de la population européenne a contribué à alimenter la diffusion de fausses informations, en particulier par des groupes antivaccins. Ces discours sont devenus si puissants sur les médias sociaux qu’ils ont pesé sur la confiance du public dans le système de santé et ses professionnels et alimenté le mécontentement à l’encontre des chercheurs, des responsables politiques, des universitaires et des dirigeants de la société civile qui ont défendu la stratégie de réponse sanctionnée par l’OMS. Il s’agissait généralement d’une combinaison de croyances complotistes et d’une forte méfiance à l’égard de la science et de la technologie médicales, en particulier des vaccins. Dans l’ensemble, l’OCDE a constaté que la crise de la COVID-19 avait accéléré une tendance générale à la baisse de la confiance du public dans les institutions, entraînant une hausse de la désinformation, de la polarisation et de la réticence à respecter les politiques publiques.

4.6.

Dans plusieurs pays, ces attitudes ont aidé les partis et organisations radicales d’extrême-droite et eurosceptiques à gagner de nouveaux sympathisants. À mesure que les crises médicale et socio-économique se poursuivront, leur mobilisation et leur influence continueront de croître (22).

4.7.

Dans tous les pays, les tensions liées aux crises sanitaire et économique sont susceptibles de provoquer des divisions entre divers groupes et catégories sociales. Selon une étude récente, la pandémie et ses conséquences n’ont pas touché de la même manière les jeunes et les personnes âgées, ceux qui affirment avoir été touchés économiquement et ceux qui voient la COVID-19 principalement comme une crise de santé publique et, enfin, ceux qui considèrent l’État comme un protecteur et ceux qui le voient comme un oppresseur (23).

4.8.

L’Union et les États membres devraient prendre conscience des risques qu’engendrera une crise prolongée. Le principal défi auquel sont confrontés les institutions de l’Union et les gouvernements des États membres est de pouvoir renforcer la démocratie, l’état de droit et les droits fondamentaux pendant la pandémie face aux interrogations et aux critiques. L’objectif d’une stratégie démocratique ne serait pas la légitimation des élites politiques et gouvernementales, mais le maintien de l’efficacité des réponses tout en promouvant le pluralisme démocratique, un juste équilibre des pouvoirs, et des critiques rationnelles, constructives et citoyennes.

4.9.

À cet égard, les institutions de l’Union et les gouvernements des États membres devraient utiliser les institutions de dialogue social et civique existantes pour associer pleinement et en toute transparence les organisations de la société civile, les partenaires sociaux et les parties prenantes à la création d’un espace démocratique pluraliste au sein duquel les différences de points de vue et les critiques seraient accueillies favorablement. Le CESE souligne qu’en dépit des meilleures intentions qui sous-tendent l’instrument NextGenerationEU et les plans nationaux pour la reprise et la résilience, et bien que la Commission européenne soit favorable à la participation des organisations de la société civile, des partenaires sociaux et des parties prenantes, le niveau de participation effective reste largement insuffisant et les processus en vigueur ne leur ont pas permis d’avoir un impact suffisant.

4.10.

Comme recommandé dans l’avis sur le plan d’action pour la démocratie européenne (PADE), la promotion de la démocratie européenne devrait inclure, outre les domaines déjà concernés, la promotion de la participation démocratique aux niveaux européen, national, régional et local, la participation de la société civile et la démocratie sous toutes ses facettes et dans tous ses aspects, y compris, entre autres, la démocratie relative au travail. En outre, le CESE considère qu’il y a lieu d’insister davantage sur le dialogue civil, qui constitue, pour toute démocratie, une condition préalable essentielle pour que le processus décisionnel et son appropriation soient de la plus haute qualité, conformément aux dispositions de l’article 11 du traité sur l’Union européenne (24).

4.11.

Le CESE estime que le plan d’action pour la démocratie européenne devrait comporter une initiative à grande échelle visant à promouvoir l’éducation à la démocratie et aux droits fondamentaux, qui est nécessaire à la sauvegarde des valeurs démocratiques et de la citoyenneté active. L’initiative devrait être inclusive et s’adresser à tous les citoyens, en accordant une attention particulière aux jeunes.

Fait à Bruxelles, le 23 février 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Article 2 du traité sur l’Union européenne; déclaration de Luca Jahier, président du Comité économique et social européen, et José Antonio Moreno Díaz, président du groupe ad hoc sur les droits fondamentaux et l’état de droit (DFED), 15 avril 2020.

(2)  Déclaration du Comité économique et social européen intitulée «La réponse de l’Union européenne à l’épidémie de COVID-19 et la nécessité d’une solidarité sans précédent entre les États membres», 6 avril 2020.

(3)  JO C 62 du 15.2.2019, p. 173.

(4)  Résolution du CESE du 25 février 2021 sur la «Participation de la société civile organisée aux plans nationaux pour la reprise et la résilience — Ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas» (JO C 155 du 30.4.2021, p. 1).

(5)  JO C 374 du 16.9.2021, p. 38.

(6)  Social Economy Europe, «The Impact of COVID-19 on Social Economy Enterprises» (L’impact de la COVID-19 sur les entreprises de l’économie sociale), juin 2020.

(7)  Conseil de l’Europe, Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), «Respect de la démocratie, des droits de l’homme et de l’état de droit en situation d’état d’urgence: réflexions», Strasbourg, 19 juin 2020, CDL-AD(2020)014.

(8)  Voir, par exemple, les études comparatives et les bases de données à l’échelle mondiale: CompCoRe, résumé dans Jasanoff, Sheila, Hilgartner, Stephen, «A Stress Test for Politics: Insights from the Comparative Covid Response Project (CompCoRe) 2020» (Un test de résistance pour les politiques: les éclairages fournis par le projet d’étude comparative des réponses apportées à la COVID-19) (Verfassungsblog, 11 mai 2021), et «Power and the COVID-19 Pandemic» (Le pouvoir et la pandémie de COVID-19), symposium du Verfassungsblog, résumé dans J. Grogan, «Power, Law and the COVID-19 Pandemic: Part I» (Le pouvoir, la loi et la pandémie de COVID-19: partie I) et «Part II» (partie II), concluant le symposium du Verfassungsblog «Power and the COVID-19 Pandemic» (Le pouvoir et la pandémie de COVID-19) (2021).

(9)  J. Grogan, «Extraordinary or extralegal responses? The rule of law and the COVID-19 crisis» (Democracy Reporting International, May 2021) (Des réponses extraordinaires ou extralégales? L’état de droit et la crise de la COVID-19 — Democracy Reporting International, mai 2021).

(10)  J. Grogan, «Extraordinary or extralegal responses? The rule of law and the COVID-19 crisis» (Democracy Reporting International, May 2021) (Des réponses extraordinaires ou extralégales? L’état de droit et la crise de la COVID-19 — Democracy Reporting International, mai 2021).

(11)  J. Grogan, «Extraordinary or extralegal responses? The rule of law and the COVID-19 crisis» (Democracy Reporting International, May 2021) (Des réponses extraordinaires ou extralégales? L’état de droit et la crise de la COVID-19 — Democracy Reporting International, mai 2021).

(12)  J.Grogan et N. Weinberg, «Principles to Uphold the Rule of Law and Good Governance in Public Health Emergencies» (Principes pour le respect de l’état de droit et de la bonne gouvernance dans les situations d’urgence en matière de santé publique) (RECONNECT, note d’orientation, août 2020): https://reconnect-europe.eu/wp-content/uploads/2020/08/RECONNECTPB_082020B.pdf

(13)  JO C 62 du 15.2.2019, p. 173.

(14)  JO C 190 du 5.6.2019, p. 1. Cet avis du CESE a fait l’objet d’un contravis qui a été rejeté, mais qui a recueilli au moins un quart des suffrages exprimés.

(15)  JO C 341 du 24.8.2021, p. 50.

(16)  JO C 341 du 24.8.2021, p. 50.

(17)  Conclusions du Conseil européen sur la COVID-19, 25 mai 2021.

(18)  «Supplementing GDP as a welfare measure: proposed joint list by the European social partners» (Compléter le PIB en tant que mesure du bien-être: proposition de liste commune élaborée par les partenaires sociaux européens), 3 mars 2021.

(19)  JO C 374 du 16.9.2021, p. 38.

(20)  Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale (International IDEA), «The Global State of Democracy Report 2021» (Rapport de 2021 sur l’état de la démocratie dans le monde).

(21)  Voir Petra Guasti, «The Impact of the COVID-19 Pandemic in Central and Eastern Europe. The Rise of Autocracy and Democratic Resilience» (L’impact de la pandémie de COVID-19 en Europe centrale et orientale. La montée de l’autocratie et la résilience démocratique), Democratic Theory, volume 7, numéro 2, hiver 2020: p. 47.

(22)  Voir, à titre d’exemple: José Javier Olivas Osuna et José Rama, «COVID-19: A Political Virus? Vox’s Populist Discourse in Times of Crisis» (La COVID-19: un virus politique? Le discours populiste de VOX en temps de crise), Frontiers in Political Science, 18 juin 2021.

(23)  Ivan Krastev et Mark Leonard, «Europe’s Invisible Divides: How COVID-19 is Polarizing European Politics», (Les divisions invisibles de l’Europe: comment la COVID-19 polarise la politique européenne), note d’orientation de l’ECFR, septembre 2021.

(24)  JO C 341 du 24.8.2021, p. 56.